11/11/11, jour de fin du monde ?

Que faire de ce jour férié qu’est le 11 novembre ? Selon certains, il serait temps de profiter une dernière fois de la vie car la date est maudite : 11/11/11. Cet alignement de 1 aurait sans doute plu à Pierre Desproges qui, dans son sketch intitulé “Je ne suis pas à proprement parler ce qu’on appelle un maniaque”, confessait aimer “que tout brille et que tout soit bien rangé. Quand je rentre à la maison, la première chose que je fais, c’est de me servir du thé. Je me verse moi-même le thé, bien au milieu du bol. Le sucre doit être vertical. Sinon, c’est le bordel. Ensuite je range le bureau, le chien, les gosses et j’astique le zèbre. J’ai toujours eu des zèbres. J’aime beaucoup  les zèbres, les rayures sont bien parallèles. J’aime que les choses soient parallèles. Je n’apprécie rien tant que cet instant, trop éphémère, hélas, où ma montre à quartz indique 11h11. Parfois j’ai un orgasme jusqu’à 11h12.” On n’ose imaginer la vague de plaisir qui aurait déferlé sur lui ce fameux 11 novembre 2011 à 11h11, si Pierre Desproges n’avait eu la lamentable idée de se laisser bouffer par un cancer en 1988 (d’un autre côté, 88, c’est quand même 8 fois 11).

Donc, si l’on en croit certains pessimistes qu’a relayés l’émission Télématin, l’apocalypse est pour aujourd’hui. Les grands scientifiques que sont les numérologues et astrologues se montrent catégoriques : le 11 est un nombre particulièrement agressif. Il suffit pour cela de se rappeler les attentats meurtriers du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ou ceux du 11 mars 2004 à Madrid, dont on se souvient moins. Plus près dans le temps, le tsunami du 11 mars de cette année et son corollaire catastrophique à la centrale nucléaire de Fukushima enfoncent le clou. Et n’oublions pas que c’est aussi un 11 mars (1978) qu’est mort Claude François. Si ce n’est pas une preuve scientifique, je ne sais pas ce que c’est…

D’un autre côté, il faut savoir rester prudent dans le maniement de l’Armaggedon. Tout d’abord, il y a bien eu un 11 novembre 1111, auquel la planète et l’humanité semblent avoir survécu. Et surtout, les prophètes de la fin du monde ne sont pas trop en veine ces derniers temps. Aucun de leurs calculs ne s’est avéré, au point que, cette année, plusieurs d’entre eux ont reçu conjointement l’IgNobel de mathématiques. L’IgNobel est une parodie de prix Nobel qui récompense des chercheurs mais aussi des personnes non savantes qui ont réalisé des travaux, des œuvres, des actions, improbables, ou dont on aurait carrément pu se passer. Jacques Chirac a ainsi reçu un IgNobel de la paix pour avoir décidé en 1995 la reprise des essais nucléaires français, l’année où le Japon commémorait le cinquantième anniversaire des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki (dont on s’étonne qu’ils ne se soient pas produits un 11).

Les Nostradamus modernes récompensés (pour certains à titre posthume) par cet IgNobel s’appellent :

  • Dorothy Martin, une Américaine qui, assurée d’être en contact avec des extraterrestres de la planète Clarion, avait annoncé que, pour faire le ménage dans la maison Terre, l’Etre suprême allait couler les continents existants et en faire jaillir de nouveaux du fond des océans en 1955 ;
  • Pat Robertson, un télévangéliste américain et ancien candidat à la primaire républicaine, qui avait pensé que 1982 ferait une bonne date pour le Jugement dernier (le même affirma plus tard que l’ouragan Katrina était une punition divine contre les avortements aux Etats-Unis ou que le séisme de 2010 à Haïti était une conséquence du pacte avec le diable passé par la population de ce pays pour se défaire des colonialistes français : il est plus facile de faire, a posteriori, une interprétation divine d’une catastrophe que de prédire cette dernière) ;
  • Elizabeth Clare Prophet (la plus ou moins bien nommée), qui avait prédit une guerre nucléaire entre les Etats-Unis et l’URSS dans les années 1980, guerre qui n’a apparemment pas eu lieu (plus de 2 000 de ses fidèles s’étaient néanmoins préparés à cette éventualité et rassemblés pendant des jours dans des abris anti-atomiques) ;
  • Lee Jang-rim, un pasteur sud-coréen qui annonça le retour de Jésus (et donc la fin des temps) pour le 28 octobre 1992, une prédiction qui poussa des centaines voire des milliers de personnes à quitter leurs emplois, vendre tous leurs biens… pour en faire don au pasteur qui termina son parcours sur la case prison ;
  • Credonia Mwerinde, une ancienne prostituée ougandaise devenue grande prêtresse du Mouvement pour la restauration des dix commandements de Dieu, qui expliqua aux membres de sa secte que ce monde s’arrêterait, tout comme les ordinateurs, avec le passage à l’an 2000 et disparut de la circulation avec l’argent des gogos dont plusieurs centaines  furent assassinés dans cette histoire ;
  • Harold Camping, un Américain spécialisé dans la relecture numérologique de la Bible, qui a donné plusieurs dates pour le rappel massif à Dieu de tous les bons chrétiens, mais s’est jusqu’ici toujours trompé dans ses comptes.

La liste retenue pour ces IgNobel n’est sans doute pas exhaustive. Si jamais nous survivons à ce 11/11/11, il y aura, l’année prochaine un 12/12/12 et aussi, quelques jours après, la fin supposée d’un cycle dans le calendrier maya, elle aussi associée à l’apocalypse. Dommage que, à l’exception de ce qui se pratique dans certaines entreprises, il n’existe pas de treizième mois. Avec toutes les superstitions qui entourent le nombre 13, la date du 13/13/13 aurait sans doute battu des records de bêtise.

Pierre Barthélémy

lire le billet