Comment fabriquer un dinosaure

Voilà, les vacances sont là. Les enfants aussi, qu’il faut bien occuper et qui ont toujours des tonnes d’idées comme, par exemple, “Dis, Papa, toi qui parles toujours de science, tu ne veux pas nous dessiner un dinosaure ?” A priori, Papa veut plutôt bouquiner dans un coin tranquille et, en plus, il ne sait pas dessiner. Mais lui vient une idée machiavélique : “Les enfants, si, au lieu de dessiner un dinosaure, nous en fabriquions un, un vrai, un vivant ?” Succès assuré. Evidemment, Papa ne se prend pas pour Michael Crichton ni pour Steven Spielberg. Il sait qu’il ne va pas rejouer Jurassic Park, qu’il ne va pas retrouver un moustique fossilisé dans de l’ambre, récupérer de l’ADN de dinosaure ingéré par le paléo-insecte ni recréer un vélociraptor ou un tyrannosaure. D’abord, ça lui prendrait au moins toutes les vacances et, en plus, il existe un moyen beaucoup plus simple d’assister à la naissance d’un dinosaure. Il suffit d’aller chaque jour… dans la ferme voisine observer la couvaison des poussins dans un poulailler.

Je sais. Cela sent un peu l’arnaque comme astuce, bien que les oiseaux soient, de l’avis quasi unanime des paléontologues et des ornithologues, des dinosaures. Les enfants risquent d’avoir du mal à gober l’histoire, même si on peut en profiter pour leur conter les origines de la gent aviaire. Comme l’explique, avec un humour certain, le célèbre paléontologue américain Jack Horner, dans la vidéo ci-dessous, les gamins vont regarder le poussin d’un air dubitatif, en se disant que c’est loin de ressembler aux dinosaures de leurs rêves ou plutôt de leurs cauchemars. Puis, c’est Papa qu’ils vont regarder froidement, en lui disant : “Arrange le poulet.” Sous-entendu : “Débrouille-toi pour transformer ce poulailler en parc jurassique.” La vidéo est en anglais mais j’ai activé les sous-titres français.


Pour transformer notre poulet en poulétosaure, c’est-à-dire pour donner à notre volaille de basse-cour quelques traits physiques plus conformes à l’imagerie hollywoodienne du dinosaure (des dents, des membres antérieurs capables de saisir des proies et non de stupides ailes, une longue queue), Jack Horner et ses collègues ont eu l’idée de faire ressortir des caractères archaïques qui apparaissent puis disparaissent pendant l’embryogénèse. Cela revient d’une certaine manière à faire faire marche arrière à l’évolution. Il reste à ces chercheurs deux choses à réaliser : inactiver les gènes qui gomment les dents, les “mains” et la queue pendant que le poussin est dans son œuf, et trouver de bonnes raisons de le faire. En effet, si les enfants ont des chances de trouver ça “cool” (pensez, des poules qui ont des dents…), il y a un risque pour que cela plaise moins aux défenseurs des animaux.

Pierre Barthélémy

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