Peut-on contrer un tsunami ?

Depuis le séisme japonais du 11 mars dernier, j’ai beaucoup écrit sur le tsunami (ici, et ), en tâchant d’évoquer différents aspects du phénomène. Malgré cela, j’ai omis de mentionner la première remarque que je me suis faite en regardant les images de la catastrophe, quasiment en direct, ce vendredi 11 mars : c’était la première fois que je voyais un tsunami en action, dans ce qui semblait une inexorable marche dans ces champs de la campagne nippone. C’était, vue d’hélicoptère, une vague noire infatigable, déjà jonchée de débris, comme une longue cape de mort qui glissait silencieusement sur les serres et les routes, emportant comme fétus de paille autos, camions, voiliers, cargos, maisons et, malheureusement, les hommes. Lors du grand tsunami du 26 décembre 2004 dans l’océan Indien, qui avait avant tout frappé l’Indonésie, les vidéos qui nous étaient parvenues étaient rares, prises du sol et d’assez mauvaise qualité. Le 11 mars, la télévision nippone avait, elle, les moyens de filmer cet événement exceptionnel. Pour l’histoire et, je suis prêt à le parier, pour la science car chercheurs et ingénieurs se serviront de ces images pour mieux comprendre la mécanique du phénomène sur les côtes et à l’intérieur des terres.

Au début de cette deuxième vidéo, l’hélicoptère survole l’océan et on distingue parfaitement le train d’ondes qui s’avance vers la côte :

Les vidéastes amateurs ont aussi, avec des moyens plus rudimentaires, contribué à la couverture de l’événement. Ici, le tsunami vécu en direct par un automobiliste dans son véhicule. On peut imaginer que si la vidéo est sur Youtube, le (ou les) occupant(s) de la voiture a (ont) pu s’en sortir :

Là, on touche du doigt la petitesse de l’homme et la fragilité de sa technologie. On a en effet tendance à l’oublier mais un seul mètre cube d’eau pèse exactement une tonne, soit plus qu’une voiture moyenne… Quand on sait que ce tsunami s’est répandu sur plus de 400 kilomètres carrés, ce sont probablement des centaines de millions de tonnes d’eau, voire des milliards, qui ont participé à l’inondation. Les petites digues de cette ville sont submergées en un rien de temps :

On n’a sûrement pas fini de compter les morts ni d’évaluer les dégâts et, de la même manière, il faudra encore du temps pour connaître la hauteur exacte des vagues. D’après le quotidien japonais Yomiuri Shimbun, cité par 20minutes.fr, une première étude parle d’une hauteur d’au moins 23 mètres, soit la taille d’un immeuble moderne de 8 étages (rez-de-chaussée compris), ce qui est plus élevé que les immeubles haussmanniens à Paris, dont les plus grandes façades ne devaient pas dépasser les 20 mètres. On comprend que, le 11 mars, des vagues pareilles aient eu raison des digues les plus imposantes, comme celle de Taro, une localité appartenant à la ville de Miyako et qui, déjà frappée par deux tsunamis en 1896 (et pas en 1895 comme indiqué par erreur dans la vidéo qui suit) et 1933, avait cru être protégée en élevant une digue en forme de X de 10 mètres de haut. Cela n’a pas servi à grand chose, comme on peut le voir dans ce reportage :

Dans un article publié le 13 mars, le New York Times rappelait que 40% des côtes nippones étaient protégées par des digues ou des môles, censées les prémunir des grosses vagues, des typhons et, dans le pire des cas, des tsunamis. L’événement du 11 mars montre que, dans le cas d’un tsunami exceptionnel, il s’agit d’une protection illusoire. Autant les constructions ont plutôt bien résisté à un des séismes les plus importants qu’ait connus la planète, grâce aux normes parasismiques en vigueur au pays du Soleil levant, autant rien n’était vraiment dimensionné pour faire face à l’arrivée d’un train de vagues colossales, comme on a pu le voir avec la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Nul doute que le débat sur l’utilité des digues se tiendra lorsque les Japonais auront pansé leurs plaies.

L’alternative est assez simple : construire des digues encore plus hautes, sans avoir l’assurance que le prochain tsunami ne s’en jouera pas, ou bien faire preuve de modestie, constater son impuissance face à ces cataclysmes naturels extrêmes et consacrer cet argent à des systèmes d’alerte et d’évacuation des populations plus performants. Car avec moins de 15% de plaines sur son territoire, le Japon a concentré plus de 100 millions de ses habitants sur les littoraux et ne les fera pas déménager dans les montagnes. Et l’on peut être sûr que, dans cet archipel à la forte sismicité, il y aura d’autres tsunamis.

Pierre Barthélémy

10 commentaires pour “Peut-on contrer un tsunami ?”

  1. Bon! Moi aussi ,j’avais pense qu’un mur a la chinoise serait une solution.
    En meme temps c’est evident que la terre plus eloignee de litoral avait ete sauvee.
    Bravo !
    J’avais essaye de vous contacter . Pas de succes.
    Mais beaucoup de succes a vous..

  2. ……que dire???? bonne chance a nos amis japonais…bonne chance

  3. Ce qui m’etonnera toujours chez les gens, c’est qu’ils s’obstinent a contruire et reconstruire au meme endroit.

    Au japon, on sait qu’il y a des tsunamis et qu’ils remontent les vallées. Pourquoi s’obstiner a reconstruire des villes rasés dans les fonds des vallées alors qu’a quelques centaines de metre les escarpements des collines ne sont pas submergé ?

  4. @domi 973 : peut être parce qu’ils sont nombreux. peut être aussi que construire sur des pentes ce n’est pas forcement la meilleur des idées en cas de trempblement de terre. peut être aussi que dans ses colines il y a des champs. il faut bien manger tout de même. et encore peut être aussi que des ports au dessus des collines ce n’est pas très pratique

  5. @ Etonner

    Pour une bonne raison (parmi tant d’autres) : les seules terres cultivables sont dans les vallées et près des littoraux, et pas dans les montagnes. On pourrait aussi ajouter que toutes les infrastructures d’habitat, de transports (individuels ou collectifs), industrielles, …. sont considérablement plus faciles à construire (et considérablement moins chères) près le littoral, là où c’est à peu près plat, que dans les collines et les montagnes bien plus escarpées.

    L’argent, l’argent, encore l’argent, me direz-vous ? Ben oui : il faut abandonner l’idée selon laquelle les capacités d’investissement d’une société, même aussi développée et technologique que celle du Japon, seraient infinies : elles ne le sont pas, elles sont seulement très grandes. Donc si on démultiplie le coût de mise en place des infrastructures de base de l’économie (habitat et structures économiques de base), alors on ne peut plus développer d’autres choses qui reposent sur ces infrastructures de base (réseaux télécom pour tous, réseaux de transports efficaces, …) : les Japonais ne peuvent pas dépenser leurs yens plusieurs fois ! (et nous, c’est pareil avec nos euros, d’ailleurs.)

    Si c’est pour se protéger d’un risque fréquent (disons, plusieurs fois par décennie, par exemple), alors les hommes sont généralement prêts à payer quand même, pour se protéger (quoique… voyez le discours que tiennent certains habitants de l’Aude, en France, qui subissent des inondations récurrentes), mais quand c’est un risque dont la probabilité d’apparition est d’une fois tous les quelques siècles, croyez-vous vraiment qu’il s’agisse d’un risque que tout le monde est prêt à prendre en compte, si ça coûte beaucoup plus cher de le faire ? Et même si une génération donnée est prête à prendre en compte ce risque et à payer pour cela, croyez-vous vraiment que la génération suivante ou la génération encore d’après sera prête à suivre son exemple ? L’histoire enseigne que dans l’immense majorité des cas, la réponse est non…

  6. Un mur plus haut ?
    Il risque juste d’etre abattu et de generer quelques milliers de tonnes de debris devastateurs…

    Vous le dites vous meme dans l’article : il s’agit d’un phenomene exceptionnel. Se premunir contre l’exception est a peu pres impossible il me semble.

    Quand bien meme on peut techniquement le faire, comment justifier des investissements colossaux pour se proteger d’un evenement qui a une probabilite d’arriver de 1/ 100 000 ou quelque chose dans ce gout la..

    Deja que dans la vie de tous les jours un evenement avec moins d’une chance sur 10 de se produire, les gens sont persuades que ca n’arrive pas….

    C’est a la fois dramatique et facile a dire, mais je crois qu’il faut accepter que l’Homme n’a pas la solution a tout et que l’ineluctable existe.

  7. 1er article pertinent (et avec un brin d’esprit critique) que je lis sur le sujet….
    …les médias (et ceux qui les accréditent) sont à désespérer de bêtise, de collusion et de cupidité !

  8. juste une remarque :

    On voit dans toutes les videos, des maison en bois détruites. Mais aussi des immeubles en béton qui restent debout !

    une piste ?

  9. Il manque toujours quelque chose dans ces videos, et il s’agit de la fin de l’évènement: le moment , le lieu où la vague disparaît. Il y a une fin à ce phénomène mais il faut “imaginer” lorsque le tsunamis’épuise, que des gens, des lieux sont épargnés , que l’horreur cesse enfin.

  10. un énorme ventilateur.

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