Pourquoi l’homme fabrique-t-il tant de spermatozoïdes ?

Spermatozoide

Ami lecteur (et pas lectrice, désolé…), toi qui suis régulièrement ce blog en installant ton ordinateur portable sur ton giron, repose tout de suite cet engin sur une table, un bureau, un plan de travail, n’importe quoi qui fera écran entre tes bijoux de famille et lui. Car, comme vient de le répéter la directrice de la Division d’endocrinologie reproductrice à la Loyola University (Chicago), “la chaleur générée par les ordinateurs portables peut endommager la production et le développement des spermatozoïdes”. Une cause supplémentaire à la baisse de la spermatogénèse constatée depuis quelques décennies.

On pourrait néanmoins se dire que, au vu des 100 millions de spermatozoïdes qu’un homme “normal” fabrique environ chaque jour dans ses deux usines à gamètes, une perte de quelques millions n’est qu’anecdotique. Pas si sûr. Tout d’abord, si la tendance actuelle se poursuit, certains pays comme le Danemark, riquent d’avoir, d’ici à la fin du siècle, les pendeloques en capilotade et quelques soucis concernant le renouvellement de leur population. Surtout, si la quantité compte tellement, c’est parce que l’adage “beaucoup d’appelés, peu d’élus” est particulièrement vrai concernant les spermatozoïdes, une fois qu’ils ont été lâchés dans le corps féminin.

Pour paraphraser Corneille, on dira qu’ils partirent 250 millions, en espérant qu’un seul arrive à bon port. 250 millions de gamètes sur la ligne de départ, un seul à l’arrivée, ce n’est plus un parcours du combattant, c’est un génocide. A côté de ça, le débarquement des troupes alliées en Normandie décrit avec un réalisme sanglant par Spielberg dans Il faut sauver le soldat Ryan ressemble à une distrayante chasse aux papillons. Comme le montre cet amusant documentaire (ici découpé en trois parties) où les spermatozoïdes ont été grossis 34 000 fois pour être joués par des figurants, les cellules masculines de la reproduction doivent affronter le milieu acide du vagin, le labyrinthe mortel du col de l’utérus, les globules blancs de madame, ne pas se perdre en route ni dépenser trop d’énergie, arriver dans la bonne trompe de Fallope avec le bon timing et, surtout, avoir de la chance.

Une manière ludique de voir à quel point chaque étape est meurtrière, où une proportion considérable de survivants disparaît, consiste à vous adonner à “The Great Sperm Race”. Dans ce jeu en ligne qui s’apparente à une sorte de Pacman gynécologique, tout commence là où les hommes croient que c’est fini, c’est-à-dire après l’éjaculation : vous incarnez un spermatozoïde parmi tant d’autres et devez franchir tous les obstacles jusqu’au Walhalla. Et vous vous apercevez, chiffres à l’appui, que si un ou deux pour cent millions arrive tout près du but (l’ovule), c’est le bout du monde. Alors, oui, avec des pertes aussi monstrueuses, produire beaucoup compte. Raison de plus pour ne pas nous les casser, comme le chantait Brassens.

Pierre Barthélémy

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