Lorsque Luke Skywalker se fait trancher un bras par le sabre-laser de son gentil papa dans L’Empire contre-attaque, le membre perdu est aussitôt remplacé par une prothèse bionique et c’est bien dommage : cela ne laisse pas le temps au héros de George Lucas d’expérimenter le phénomène du membre fantôme. Ainsi nommé en 1871 par l’Américain Silas Weir Mitchell, qui avait soigné plusieurs soldats amputés de la Guerre de Sécession, il consiste, pour la personne à laquelle manque un bras, une main, un pied, une jambe, à percevoir des sensations “venant” du membre absent. Les femmes auxquelles on a retiré un sein peuvent également y être sujettes… tout comme les hommes ayant perdu l’organe de leur virilité.
Cette dernière catégorie suscite de plus en plus d’intérêt dans le milieu médical depuis que sont pratiquées des opérations de changement de sexe. La littérature à ce sujet est cependant assez pauvre et il est fréquent de lire que les premiers cas rapportés datent du milieu du XXe siècle. Ainsi, en 1950, un chirurgien de Boston, A. Price Heusner, publie-t-il un article contenant deux études de cas. La première évoque un vieil homme dont le pénis a été “accidentellement blessé et amputé” et qui ressent de temps en temps des érections fantômes. Le monsieur en question est obligé de regarder sous ses vêtements pour s’assurer que son sexe (turgescent ou non) manque bel et bien à l’appel. La seconde étude de cas contenue dans cet article parle d’un homme d’âge moyen, souffrant d’un cancer dans la région périnéale qui s’est étendu et lui cause d’affreuses souffrances dans l’aine, au point qu’il a choisi de se faire amputer du pénis ! Après l’opération chirurgicale, il continue de ressentir des douleurs dans le sexe qu’il n’a plus…
En réalité, les mystères du pénis fantôme intéressent les médecins depuis des siècles, comme le révèlent Nicholas Wade (université de Dundee, Grande-Bretagne) et Stanley Finger (université Washington de Saint-Louis, Missouri) dans une étude publiée en octobre par le Journal of the History of the Neurosciences. Ces deux chercheurs ont retrouvé plusieurs références dans les écrits de médecins écossais vivant aux XVIIIe et XIXe siècles. Ainsi, John Hunter (1718-1783) , célèbre chirurgien et anatomiste exerçant à Londres, décrit-il ainsi un cas de pénis fantôme : “Un sergent des troupes de marine qui avait perdu le gland et la plus grande partie de son pénis, et à qui l’on demandait s’il ressentait jamais ces sensations qui sont particulières au gland, déclarait que quand il frottait l’extrémité de son moignon, cela lui procurait exactement la sensation qu’il avait en se frictionnant le gland et que cela était suivi d’une émission de semence.” Une masturbation fantôme en quelque sorte…
Un autre praticien écossais, Andrew Marshal (1742-1813), qui s’intéressait au transport des signaux sensoriels, rapporte le cas de W. Scott, “dont le pénis a été emporté par un coup de feu et dont le moignon, qui était au même niveau que la peau du pubis, retrouvait la sensibilité particulière du gland”. Troisième et dernier exemple, celui d’un homme dont le sexe avait été détruit par une maladie, exemple donné par Charles Bell (1774-1842), grand spécialiste du système nerveux, qui jugea plus pudique de le présenter… en latin pour ne pas choquer certains de ses lecteurs : “Quando penis glandem exedat ulcus, et nihil nisi granulatio maneat, ad extremam tamen nervi pudicæ partem ubi terminatur sensus supersunt, et exquisitissima sensus gratificatio.” Ce qui signifie à peu près, pour autant que mes souvenirs de latin me permettent une traduction : “Quand un ulcère dévore le gland et que rien d’autre ne subsiste qu’une granulation, le plaisir sensoriel le plus exquis demeure dans la région terminale du nerf honteux où les sensations s’arrêtent.”
C’est ici que l’on trouve l’intérêt de cette étude. Dans les cas classiques de membres fantômes, le phénomène est souvent douloureux, ou, dans le meilleur des cas, gênant. Les exemples cités par Nicholas Wade et Stanley Finger montrent que, lorsque le membre absent est le membre viril, les sensations fantômes sont plutôt agréables. Contrairement à ce que pouvait imaginer Georges Brassens dans sa chanson Les Patriotes, chez les “amputés de leurs bijoux de famille”, l’absence d’organe ne signifie pas forcément absence de jouissance…
Pierre Barthélémy
lire le billet– Cela fait dix ans que des hommes vivent dans la Station spatiale internationale. C’est parfait pour maintenir à flot le spatial russe et américain mais côté scientifique, les résultats sont maigres ou inexistants.
– Pendant ce temps, en toute discrétion, la Chine battait son record de lancements spatiaux dans une même année, avec 12 tirs pour 2010. Quand je vous disais que Pékin, doucement mais sûrement, maîtrisait de mieux en mieux les subtilités de l’espace…
– Le LHC va passer aux choses sérieuses avec les premiers pas d’Alice (A Large Ion Collider Experiment), une expérimentation où ce ne sont plus des protons qu’on enverra se percuter à une vitesse proche de celle de la lumière, mais des noyaux d’atomes de plomb, bien plus lourds. Ce qui permettra d’analyser une matière très dense et très chaude, comme l’était la matière juste après le big bang.
– On a identifié les petites variations génétiques qui permettent à de très rares séropositifs de ne pas développer de sida et de rester perpétuellement des porteurs sains. L’idée de copier ces “contrôleurs du sida” est déjà étudiée.
– Nigel Leck, développeur de logiciels de son état, en avait assez que Twitter devienne le champ d’action incontrôlé des climato-sceptiques. Il a donc créé un robot informatique qui scanne ce qui se dit sur le réseau et balance automatiquement les arguments scientifiques répondant aux sceptiques…
– Comment être sûr, au restaurant, que le poisson que l’on vous sert n’est pas une espèce protégée, ou que la fricassée du patron n’est pas préparée avec de la viande de rat ? Testez l’ADN de la bête…
– Cela n’arrive pas si souvent sur le Web francophone : je tiens à signaler la naissance d’OwniSciences, un nouveau site consacré aux découvertes et à la culture scientifiques. Longue vie à lui !
– Pour terminer, une étude qui raconte qu’une stimulation électrique (et bien dosée) du cerveau permet d’améliorer ses capacités en mathématiques. Qui est volontaire ?
Pierre Barthélémy
lire le billetLes faiseurs d’apocalypse vous prédisent la fin du monde pour 2012 ? Mais 2012, c’est loin ! Pourquoi attendre quand on peut programmer soi-même la destruction de la planète ? Le mieux est encore de balancer un bon astéroïde sur notre vieille Terre et tous les Bruce Willis version Armageddon n’y pourront rien. Mais une question cruciale se pose : quelle taille d’astéroïde choisir, quelle doit être sa composition, sa vitesse, son angle d’attaque, etc ? Compliqué… Si vous souhaitez une réponse à toutes ces interrogations, le simulateur “Impact : Earth !” est pour vous.
Développé par l’université Purdue (Indiana) et l’Imperial College, il s’agit avant tout d’un outil destiné aux chercheurs et aux étudiants, élaboré pour comprendre les dommages créés par un impact d’astéroïde. Ce qui n’empêche pas la NASA et le Département pour la sécurité intérieure des Etats-Unis de s’en servir pour imaginer des scénarios-catastrophes, ainsi que l’explique Time. C’est aussi un joujou amusant et pédagogique pour tous les destructeurs maléfiques qui sommeillent en nous…
Avant de lancer le programme, il vous faut déterminer plusieurs paramètres : le diamètre de l’astéroïde, sa composition (glace, roche poreuse, roche dense, fer sont prévus mais on peut rentrer n’importe quelle autre donnée de son choix), l’angle de l’impact, la vitesse de l’objet au moment de son arrivée chez nous, ainsi que le terrain qu’il rencontre : océan, roche sédimentaire, roche magmatique (comme le granite ou le basalte). Enfin, le simulateur vous demande de préciser à quelle distance de l’impact vous vous trouvez. Cela aura son utilité plus tard…
Pour évaluer les dégâts que je pouvais causer à la planète depuis mon fauteuil, j’ai commencé petit et multiplié le diamètre de mon projectile par 10 à chaque essai, comme un joueur de roulette qui mise de plus en plus au fur et à mesure que la partie avance… Tous les autres paramètres sont restés fixes : astéroïde de roche dense, angle de 45°, vitesse de 40 km/s au milieu de la fourchette proposée, point d’impact en roche sédimentaire comme notre Bassin parisien… Et je me suis installé le plus loin possible (pas fou !), exactement de l’autre côté de la Terre, à 20 000 kilomètres de là.
Premier essai avec un gros caillou de 10 m… qui a fait l’effet d’un pétard mouillé. En effet, comme c’est le cas pour l’immense majorité des corps extra-terrestres qui nous arrivent droit dessus chaque jour (des poussières et du gravillon pour l’essentiel), l’atmosphère joue à plein son rôle protecteur. En raison du frottement de l’air, le projectile commence à se disloquer et à chauffer à environ 68 km du sol et se transforme en nuée de débris ardents à 32 km d’altitude. De gros fragments peuvent atteindre le sol mais ce sera tout. Ce genre d’intrusion arrive en moyenne tous les 44 ans.
Pour obtenir un véritable impact, il faut passer à la catégorie supérieure : 100 m de diamètre, soit la longueur d’un terrain de football. L’astéroïde est trop gros pour se consumer dans l’atmosphère et, même s’il se fractionne, il percute le sol à la vitesse hypersonique de 54 000 km/h ! L’énergie dégagée dans le choc est équivalente à celle de l’explosion de 42 millions de tonnes de TNT, soit 2 800 fois la bombe d’Hiroshima. Le cratère obtenu mesure 2 km de diamètre, soit un peu plus que le célèbre Meteor Crater situé en Arizona, qui a été creusé par un astéroïde deux fois plus petit mais plus dense car métallique. Les effets de l’impact restent très locaux. Statistiquement parlant, un astéroïde de cette taille frappe la Terre tous les 8 900 ans.
En arrivant à un diamètre d’un kilomètre, les choses sérieuses commencent et votre potentiel destructeur s’élève sérieusement tout en restant cantonné à l’échelle d’un petit pays. Le bestiau rocheux heurte le sol à la vitesse de 143 000 km/h et vous explose 20 millions de bombes d’Hiroshima d’un coup. Le cratère qui en résulte mesure 22 km de diamètre. Tout en étant de l’autre côté de la Terre, le bruit de l’explosion me parvient 17 heures après… 1,8 million d’années est l’écart qui sépare en moyenne deux catastrophes de ce genre.
Ajoutons un zéro au diamètre : 10 km, c’est quasiment le diamètre de Paris intramuros et de l’astéroïde qui, il y a 65 millions d’années, a créé un hiver nucléaire sur notre planète et fait disparaître les dinosaures. Tout cela a pris du temps. Le jour de l’impact, je vais sentir une petite brise tout en entendant un grondement équivalent à celui de la circulation automobile. Des poussières et des cendres finiront aussi par m’atteindre. Sur place en revanche, il n’y aura plus rien si ce n’est un grand cratère de 168 km de diamètre et de 1,38 km de profondeur. Et à des centaines de kilomètres à la ronde, la boule de feu résultant de l’explosion cataclysmique aura tout brûlé sur son passage. Selon “Impact : Earth !”, il s’écoule 370 millions d’années entre deux pareils événements.
Avec un monstre de 100 km de diamètre, on s’approche vraiment d’un scénario de fin du monde, même si l’on vit aux antipodes du lieu de la catastrophe, où un cratère plus grand que la France s’est creusé. Là où je suis, la secousse sismique due à l’impact se ressent clairement. Le bruit de l’onde de choc est intense et approche les 100 décibels. Le souffle de l’explosion peut atteindre 475 km/h et fait tomber les immeubles les plus hauts et les plus fragiles, ainsi que 90% des arbres. Il est même possible que la durée du jour soit modifiée de quelques secondes ! Ce genre de collision n’a pu se produire que pendant la jeunesse du système solaire qui ressemblait à un grand jeu de flipper cosmique.
On a donc atteint les limites plausibles du jeu. Mais comme c’est un jeu, ajoutons un dernier zéro. Car il se trouve qu’il existe un astéroïde (une planète naine en réalité) nommé Cérès, dont le diamètre approche le millier de kilomètres. Si Cérès, pour une raison aussi inconnue qu’improbable, quittait la ceinture d’astéroïdes dans laquelle elle se situe (entre Mars et Jupiter) et fonçait droit vers la Terre, que se passerait-il ? Un immense continent de roche en fusion s’étendrait sur des milliers de kilomètres autour du point d’impact, le souffle de l’explosion m’attendrait avec une vitesse approchant les 10 000 km/h et la boule de feu ferait le tour total de la Terre. Game over.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum 1 : vous pouvez visualiser ce dernier scénario, le plus extrême, dans la très esthétique vidéo ci-dessous. La seule “consolation” de l’histoire est que la collision avec Cérès ne modifierait notablement ni l’axe de rotation de la Terre ni son orbite. Tout cela continuerait de tourner presque comme si de rien n’était…
Post-scriptum 2 : pour ceux qui voudraient en savoir plus sur le monde fascinant des astéroïdes, je conseille deux livres écrits par des astronomes de renom : Le Feu du ciel : Météores et astéroïdes tueurs, de Jean-Pierre Luminet, et Les comètes et les astéroïdes
d’Anny-Chantal Levasseur-Regourd.
C’est un cochon qui, comme beaucoup de ses congénères, n’avait pas de nom mais un simple numéro : 05049. Il a eu moins de chance que Babe, le gentil petit cochon gardien de moutons, et s’est retrouvé à l’abattoir. C’est cependant là que sa grande aventure a commencé, grâce à Christien Meindertsma, une designer néerlandaise, qui a voulu savoir si le vieil adage (“Dans le cochon, tout est bon”) était toujours d’actualité au troisième millénaire, si la bête était exploitée jusqu’à la dernière miette… Au cours d’une enquête minutieuse qui a duré trois ans, Christien Meindertsma a retracé dans le monde entier les chemins parfois tortueux qu’avaient empruntés tous les morceaux, y compris les plus infimes, de 05049.
Evidemment, une grande partie de l’animal s’est retrouvée en charcuterie mais, par la grâce de l’industrie agro-alimentaire, certains de ses extraits ont connu des destins inattendus puisqu’ils ont terminé dans du savon, du béton cellulaire, des valves cardiaques, du papier photographique, du chewing-gum, de la bière, du beurre allégé (!), des systèmes de freinage pour trains, les filtres de certaines cigarettes, du carburant, de la porcelaine, du pain ou encore… des steaks de bœuf recomposés ! Miam…
Christien Meindertsma retrace son épopée porcine dans cette petite vidéo de 9 minutes sous-titrée en français :
Au total, le cochon 05049 s’est retrouvé dans 185 produits différents et Christien Meindertsma a eu l’idée de tous les montrer dans un livre d’images, sobrement intitulé PIG 05049, qu’elle feuillette dans cette autre vidéo :
Pour rappel, chaque année, on produit sur la planète 1,2 milliard de porcs, dont plus de la moitié en Chine.
Pierre Barthélémy
lire le billet– Si l’on prend en compte le coût sanitaire pour les usagers et pour la société dans son ensemble, l’alcool serait une drogue plus dangereuse que l’héroïne, selon une étude parue dans The Lancet.
– Que l’on ne voie aucun rapport avec ce qui précède... Des chercheurs américains sont parvenus à fabriquer un foie humain en laboratoire.
– On a beaucoup parlé de l’épidémie de choléra qui a fait quelque 300 morts à Haïti. Time en profite pour faire la liste des dix plus grandes épidémies de l’histoire.
– La République démocratique du Congo est, selon l’International Food Policy Research Institute, le pays où l’on souffre le plus de la faim. Trois autres pays africains, le Tchad, le Burundi et l’Erythrée, sont également classés dans la catégorie “situation extrêmement alarmante”.
– Selon un rapport du Réseau Action Climat, plusieurs grands noms de l’industrie européenne (Bayer, BASF, Lafarge, GDF-Suez…) ont apporté un soutien financier à des sénateurs américains niant les dangers du réchauffement climatique. A lire sur le site du Nouvel Obs.
– Le James Webb Space Telescope, qui sera le successeur dans l’espace du très célèbre télescope Hubble, doit être lancé en 2014 et est très attendu par les astronomes. Mais, avec un coût de 5 milliards de dollars, ce gros bijou a, au cours des années, mangé une part croissante du budget de la NASA consacré à l’astrophysique, au détriment d’autres projets. Autant dire qu’il a intérêt à tenir ses promesses. Une enquête publiée par Nature.
– La NASA et Barack Obama ont renoncé à envoyer de nouveau des hommes sur la Lune ? Mais pourquoi ne pas expédier, rapidement et à moindre coût, un robot humanoïde pour accomplir les missions scientifiques que les astronomes réclament ?
– Pour finir, un article amusant sur les boulots les plus dégoûtants de la science, d’analyseur d’excréments “frais” à statisticien du pet, en passant par écraseur de testicules de scarabée…
Pierre Barthélémy
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