La scène s’est passée jeudi 6 janvier en la basilique Saint-Pierre de Rome. Comme le rapporte une dépêche de l’agence Reuters, dans son homélie de la fête de l’Epiphanie, Benoît XVI a déclaré devant 10 000 fidèles que “l’Univers n’est pas le résultat du hasard, comme certains voudraient le faire croire”. “En le contemplant, nous sommes invités à y lire quelque chose de profond: la sagesse du Créateur, la créativité illimitée de Dieu, son amour infini pour nous”, a ajouté le pape. Celui-ci a évoqué le côté “limité” de certaines théories scientifiques qui “ne parviennent qu’à un certain point (…) et ne peuvent expliquer le sens ultime de la réalité”, faisant directement allusion (mais sans la citer) à la théorie du Big Bang, qui décrit les début de l’Univers sans pouvoir toutefois remonter à un point zéro. En effet, en-deçà de 0,0000000000000000000000000000000000000000001 seconde, les équations de la physique actuelle n’ont plus de sens. De la même manière, l’origine de la vie sur Terre reste pour le moment un mystère scientifique. Face à ces questions sans réponse, Benoît XVI a expliqué que “dans la beauté du monde, dans son mystère, dans sa grandeur et dans sa rationalité (…), nous ne pouvons que nous laisser guider vers le Dieu unique, créateur du Ciel et de la Terre”.
Voilà pour les faits. Evidemment, pour étayer ses assertions, le souverain pontife n’apporte aucune preuve, pas d’étude publiée dans une revue scientifique, pas de chiffres… Il serait d’ailleurs malséant d’en exiger de sa part. Tout comme il est malséant que Benoît XVI vienne interférer avec la cosmologie, l’astrophysique et la biologie. On pourrait attendre d’un penseur tel que lui de ne pas mélanger les genres, car science et religion n’appartiennent pas aux mêmes dimensions intellectuelles, ne sont pas miscibles et l’une ne peut servir à justifier l’autre. A chacune ses affaires, serait-on tenté de dire. Pourtant, le souverain pontife ne se prive pas et cette déclaration est un énième retour du créationnisme sous une forme atténuée, teintée d’une dose de principe anthropique fort, lequel affirme que si le cosmos est ce qu’il est, c’est pour accueillir la vie et l’homme.
Ce n’est pas la première fois que Benoît XVI intervient dans le champ de la science et de l’évolution de l’Univers puisqu’en 2005, il avait affirmé que celui-ci était soutenu par un “projet intelligent“, une référence à peine masquée à l’“intelligent design”, une version chrétienne du créationnisme née aux Etats-Unis. A l’époque, le directeur de l’Observatoire du Vatican, George Coyne, avait eu le courage de s’élever contre la tentation évidente de l’Eglise catholique de céder aux thèses de l'”intelligent design”. Benoît XVI persiste donc à mêler carottes et bananes, ce qui n’est de toute évidence pas fortuit.
Puisque le credo de ce début d’année est à l’indignation, avec la parution du petit livre de Stéphane Hessel Indignez-vous !, je dirai que deux choses me dérangent profondément dans cette histoire : la première, c’est que personne n’a l’air de trouver cela grave ; la seconde, c’est cette volonté de caser Dieu à la place la plus confortable qui soit pour lui, celle de l’ignorance des hommes, c’est-à-dire la place que les croyants se sont toujours complu à lui attribuer. On ne sait ce qu’il y a à l’origine de l’Univers, DONC c’est Dieu. C’est si pratique ! Peut-être faudrait-il admettre un jour qu’on ne sait pas et puis c’est tout. Ce serait le début de l’humilité et de la sagesse. On ne sait pas comment s’est créé l’Univers, et certains disent qu’il n’y a pas de début réel et que tout est un éternel recommencement (théorie de l’Univers cyclique). Ce qu’on sait très bien en revanche, c’est que l’homme a inventé les dieux pour répondre à ses ignorances et se rassurer sur son destin ultime, se dire qu’il y a quelque chose après la mort. C’est curieux cette façon de toujours fourrer Dieu là où on sait que la science ne pourra pas le débusquer… Comme le dit très bien Didier Bénureau dans sa Chanson du croyant : “Quand on voit pas, c’est qu’on voit, c’est comme ça la foi ! Quand on sait rien, c’est qu’on sait, faut qu’t’y croies ! Tralonlère la la itou !”
A regarder sans modération…
Pierre Barthélémy
@Elno : Benoït XVI, contrairement à son image, est beaucoup plus progressiste que l’on croit, et même, osons le dire, plus que le si respecté (y compris des athées), Jean-Paul II. Exemple sur le port du préservatif ou la contrition face au scandale des prêtres pédophiles. Dans un monde “ultra-scientisé”, il rappelle (utilement à mon sens) que derrière certains principes non-expliqués (à l’heure actuelle) par la science peut se cacher le doigt de Dieu, tels que le percoivent les chrétiens (et libre à chacun de partager ou non ce point de vue : je ne vois pas de prosélytisme en la matière dans les propos du Saint Père). Et contrairement à ce que vous proposez, je maintiens que les sciences, tout au moins une partie d’entre elles, persiste à fonctionner selon certains dogmes, ni meilleurs ni pires que ceux des différentes religions. Quelques exemples : 1/ démonstration du théorème de Fermat : en dépit de ce qu’il écrivait, on sait aujourd’hui que l’état des connaissances scientifiques de l’époque ne permettait pas à Fermat de démontrer correctement son théorème ; 2/ la crise récente a prouvé que les modélisations (prétenduement) scientifique des valorisations de produits dérivés étaient erronnées ; 3/ on découvre chaque année de nouvelles espèces animales ou végétales qui remettent en cause nos dogmes scientifiques (à l’heure actuelle, les scientifiques affirment dur comme fer que l’eau à l’état liquide est un pré-requis absolument indispensable à l’apparition de la vie ; qui prend le pari qu’on découvrira dans 5, 50 ou 500 ans qu’il n’en est rien ?). La position me paraît donc beaucoup plus médiane que ce que vous proposez : les religions acceptent plus largement l’interprétation de leurs dogmes, tandis que le “trial and error” de la science subit des remises en questions parfois impensables.
Je n’ai pas eu l’occasion de lire tous les commentaires (très nombreux), mais je tiens aussi à apporter mon avis suite à la lecture de cette article et des 4 premiers commentaires.
En mon sens, le Pape est à sa place lorsque dans une homélie il exprime ou explique son point de vue sur l’origine de l’Univers. Il ne s’agit pas d’une publication scientifique où effectivement il nous faut présenter des preuves, mais bien d’un acte de foi.
Je suis scientifique de formation et j’ai toujours été intéressé par cette dualité qui existe entre la science et la foi. Je me souviens de l’homélie d’un prêtre de ma paroisse lorsque j’étais adolescent qui disait: “La science dit comment, et la religion dit pourquoi”.
Je pense qu’en regardant l’univers, nous pouvons voir, outre la réalité scientifique, la beauté de certaines choses (le ciel étoilé, les éclipses, les aurore boréales, les planètes, les galaxies…). Si nous croyons y voir la volonté de Dieu, elle peut passer par les lois de la gravité, la théorie des cordes, le BigBang, mais nous pouvons aussi continuer à croire qu’il s’agit de la volonté de Dieu.
@Brazuco : quand le pape s’exprime, c’est l’Eglise qu’il engage par sa voix. Je suis certain que cet homme ne parle pas à la légère. Toutes ses idées, ses paroles sont pesées et peuvent avoir valeur politique. Et lorsqu’il pointe les limites de la science pour dire non pas sa foi mais pour affirmer que Dieu est à l’origine de l’Univers, il sait pertinemment qu’il entre dans un champ où les règles du jeu imposent qu’il présente des preuves.
@Pierre Barthélémy:
Je suis d’accord avec vous, le pape engage bien l’Eglise et il ne parle jamais à la légère. Il est clair que derrière son homélie il faut comprendre : l’Eglise ne contredit pas la science, donc s’il vous plaît ne désertez pas nos églises. Par contre, encore une fois, il y affirme sa foi et non pas une vérité scientifique. Et la foi c’est justement de croire sans preuve. C’est une intime conviction. D’accord, ses paroles ont une porté et une influence énorme, mais il s’agit de croire ou ne pas croire, pas d’avoir raison.
En fait, je pense que lorsqu’il “pointe” les limites de la science, il entre dans une réflexion philosophique, théologique. Il pose une problématique qui est la problématique suivante à mon sens: une fois que les scientifiques auront expliqué tous les phénomènes naturels de notre univers et des autres, la question du sens de l’existence aura-t-elle trouvé une réponse ? Ou bien alors, beaucoup plus pragmatique: Ce jour arrivera-t-il ? Et dans ce domaine là, je pense, mais c’est ma conviction, qu’il n’existe pas de réponse, juste une question et une foi. La foi au hasard, en Dieu, au cycle, au rien, au tout…
Mais encore une fois, il ne remets pas en cause les connaissances scientifiques actuelles du monde qui nous entoure.
Une chose est sûre, on ne peut ni prouver que Dieu est à l’origine du BB, ni qu’il ne l’est pas.
Le choix est donc à faire entre un monde absurde (pourquoi un BB, pourquoi ici, etc.) où rien n’a de sens parce qu’il n’y a aucune cause première, et un monde, au contraire, plein de Dieu.
Sacré Gilles, pas du tout orienté les choix.
C’est marrant mais moi c’est le choix d’un monde plein de dieu que je trouve absurde.
Quant au sens, c’est ce que l’on décide de faire de nos vies qui le construit. Pas besoin d’un dieu pour ça.
Et quand bien même il n’y a pas de dieu ça ne rend pas le monde absurde.