“Tu la vois ta prime de victoire en Europa league ?”
Fin des huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Déprime. Et la ligue Europa alors? On s’en fout, tout le monde s’en fout, à commencer par les clubs. Parce qu’elle ne rapporte pas assez d’argent.
Jean-Eudes Maurice va-t-il mettre le feu à la défense du Benfica? Ce jeudi soir, le PSG dispute le huitième de finale retour de l’Europa League. A trois jours d’un match décisif contre l’OM en Ligue 1, Antoine Kombouaré va sans doute aligner contre les Portugais une équipe, sinon B, du moins A’, comme à l’aller. La sous-compétition européenne est le dernier des objectifs pour les Parisiens, davantage concentrés sur le championnat et la Coupe de France. De même qu’elle l’était pour Lille, qui s’est présenté en 16es de finale contre le PSV Eindhoven avec un 11 de départ où l’on ne trouvait ni Eden Hazard, ni Gervinho, ni Moussa Sow, mais Obraniak, Frau et Tulio de Melo. Et Rozenhal en défense centrale.
Manque de prestige? Sans doute. Pourtant, à lire parfois les déclarations des joueurs, disputer une compétition européenne, même mineure, revêt une excitation particulière. La vraie raison du désamour tient à des questions financières. L’Europa League ne paie pas, donc n’intéresse pas les dirigeants, qui demandent à leurs entraîneurs de ne pas trop s’y consacrer. Tout le contraire de la Ligue des champions, à laquelle aspirent chacun des clubs européens.
La Cosette de l’UEFA
En 2008-09, selon son rapport financier (PDF), l’UEFA a vendu la Champions League 623 millions d’euros aux diffuseurs audiovisuels. Elle n’a en revanche monnayé la ligue Europa que 51 millions d’euros. Quant aux droits commerciaux, ils ont généré dans le premier cas 195 millions, 8 millions dans le second. Sur ces sommes, l’organisation européenne a redistribué 595 millions aux clubs disputant la LDC, contre seulement 41 millions aux clubs engagés en Europa. Devant ce déséquilibre, l’UEFA a décidé de réformer sa petite compétition à partir de la saison 2009/10, pour la rendre plus attractive. Nouveau nom, nouveau processus de qualification, et des récompenses financières rehaussées.
Dans le détail, cette année, les clubs européens reçoivent 640.000 euros pour leur participation à la Ligue Europa. Chaque match disputé lors des phases de poules est payé 60.000 euros, ce qui fait 360.000 euros assurés – à moins de déclarer forfait pour l’une des six rencontres. La victoire vaut 140.000 euros, le nul 70.000. La qualification pour les 16es de finale rapporte 200.000 euros, pour les 8es 300.000, pour les quarts 400.000, pour les demies 700.000. Le finaliste de la compétition empoche 2 millions, tandis que le vainqueur repart avec 3 millions. Les primes deviennent véritablement intéressantes à partir du dernier carré, donc. S’ajoutent à ces enveloppes des droits complémentaires, issus de ce que l’UEFA appelle le “pool market”, une somme globale que l’association présidée par Michel Platini répartit entre chaque club en fonction de la demande télévisuelle qu’ils suscitent dans leur propre pays. En 2008-09, le PSG et Marseille ont ainsi reçu 1,146 millions d’euros, loin des 4,8 millions touchés par Manchester City et le Werder de Brême.
Ligue des Champions = deux Rod Fanni
Si l’on compare avec les montants distribués par l’UEFA dans le cadre de la Ligue des champions, on comprend tout de suite qu’on n’est pas sur la même planète. La saison dernière, chaque club, qu’il s’appelle FC Cluj ou FC Barcelone, participant aux phases de poules de la LDC a automatiquement reçu 3,8 millions d’euros, et 550.000 euros par rencontre disputée. Même en alignant des peintres, ça fait déjà 7,1 millions assurés. Quasiment deux Rod Fannni ou plus de 10% du bugdet du LOSC. Pendant les poules, la victoire est valorisée 800.000 euros, le match nul 400.000. Aller en huitièmes de finale rapporte 3 millions, en quarts 3,3 millions, en demies 4 millions. Quant à la victoire finale, elle assure un pactole de 9 millions d’euros, quand le finaliste n’empoche “que” 5,2 millions. Ce qui est néanmoins presque deux fois plus que le lauréat de l’Europa League. Et on ne parle même pas des recettes du “pool market”. En 2008-09, grâce à ce système, le Bayern a touché plus de 21 millions d’euros, Bordeaux 10, Marseille 8, Lyon 13 (et le BATE Borisov 42.000 euros)… Au total, cette année-là, la Ligue des champions a permis à son vainqueur, le Barça, d’amasser 31 millions d’euros. Lyon, éliminé en 8es par les Espagnols, avait reçu 23 millions d’euros. D’où la mythique sortie d’Aulas sur la défaite à “20 millions”.
Si l’on sort la calculette, on se rend compte qu’une équipe qui gagne tous ses matchs de poule en Europa League, avant de remporter la compétition, se voit attribuer 6,44 millions d’euros. C’est-à-dire 660.000 de moins que ce que vous rapporte sans forcer une qualification pour les phases de poule de la LDC. Ce qui explique pourquoi Lille a choisi la Ligue 1.
La grosse blague, c’est qu’en France, le vainqueur de la Coupe de la Ligue est récompensé d’1,7 million d’euros par la LFP. Si c’est un club de Ligue 1 (entré dans la compétition en 16es), il a au fil de ses cinq matches de compétition empoché 170.000 euros, puis 260.000, 380.000, 600.000. C’est-à-dire 3,11 millions d’euros. Pour avoir battu des Arles-Avignon, Sedan et Valenciennes. A peine 300.000 euros de moins qu’un demi-finaliste d’Europa League, qui aura dû enquiller 14 matches à travers l’Europe pour en arriver là. Franchement, si vous étiez président, quelle compétition demanderiez-vous à votre coach de privilégier?
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Photo: Christophe Jallet et Fernando Navarro, du Fc Séville/ Reuters
Laurent Legoupil
Effectivement, il n’y a pas photo. Un des problèmes de cette coupe est aussi son système de poules qui ne sert à pas grand chose, sauf à user les organismes et les terrains.
Pourquoi ne pas revenir à une bonne coupe à l’ancienne, avec tirages au sort et éliminations directes ? Ca aurait le mérite de limiter le nombre de matchs et sans doute d’augmenter la tension, et donc l’intérêt autour de cette compétition.
Ok pour la vision individualiste et court-termiste des clubs. Maintenant, les clubs auront d’autant plus de chances de se qualifier pour la LDC si la France conserve ses 3 places!
La FFF et LFP (je ne sais pas quelle institution est compétente), devrait sanctionner les équipes ne jouant pas le jeu de l’Europa league”. Il en va un peu de l’avenir des équipes françaises en Coupe d’Europe.
Le système des poules sert justement à éviter l’élimination prématurée de “grandes” équipes et aussi à multiplier les retransmissions TV.
Je pense que le calcul fait par les pdts de clubs est idiot car participer à l’Europa League permet aussi de se montrer sur la scène européenne et de monnayer cette exposition auprès de sponsors. Jouer à Lisbonne, c’est quand même pas comme jouer à Lorient !
Waoouh quelle analyse. Une compétition qui ne rapporte pas de pépettes ne vaut rien.
Merci M.LEGOUPIL, brillante expertise.
[…] ne reviendrons pas ici sur la faiblesse de l’Europa League, déjà démontrée récemment. Par contre, Bastien Drut attire notre attention sur le déclin marqué des coupes nationales. En […]
[…] L’écart qu’on observe entre le trio Lyon-Marseille-Bordeaux et les autres s’explique par le fait que, pendant la saison 2009/10, ces trois clubs ont récolté les fruits lucratifs de la participation à la Ligue des champions. […]