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Apparue jeudi sur l’App Store, l’application mobile gratuite de Quartz, le pure-player américain né en 2012, est une petite bombe. Elle ne ressemble à aucune autre et met 1.000 kilomètres dans la vue des médias qui essaient de produire des informations calibrées pour le mobile.
Sa force? Offrir des informations via un système de chat par SMS, le même que celui que l’on utilise quand on converse sur iPhone avec ses contacts. “C’est une conversation continue sur les informations, comme si l’on chattait ensemble”, résume l’équipe. “On vous envoie des messages, des photos, des GIFS, des liens, et vous répondez”.
Derrière l’envoi des messages, un petit “news bot”, un algorithme donc, mais écrit par des journalistes humains, insiste Quartz, auquel le lecteur peut répondre pour infléchir la suite via des réponses pré-mâchées: “pourquoi?”; “Autre chose?”; ou un émoticône pour en savoir plus sur le sujet… Point de SMS publicitaires au milieu de la conversation, mais en guise de point d’orgue, un message sponsorisé par une marque de voitures.
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“La messagerie est-elle le futur de l’information? Quartz semble penser que oui”, écrit le site Fortune. L’intérêt, c’est qu’il n’y a besoin d’aucun apprentissage pour s’en servir. Car qui possède un smartphone sait forcément envoyer un SMS.
Joint par email, Zach Seward, le créateur de l’application et l’éditeur exécutif de Quartz, me confie qu’avant de miser sur les messages instantanés, une petite équipe a d’abord travaillé sur différentes possibilités et idées pour l’application, avec deux obligations : 1. mettre “de côté tous les concepts existants sur les applications d’informations” et 2. se demander à quoi pourrait ressembler le journalisme de Quartz s’il vivait de façon indépendante sur un iPhone. Comprendre: pas question de faire du copié-collé du site vers le mobile.
“Quand l’idée de l’interface sous la forme d’un chat est arrivée, elle a semblé tout de suite irrésistible”, reprend Zach Seward. “Et ce n’était pas que nous. Après l’avoir testée à l’extérieur, on a vu que que les gens avaient l’air d’aimer que cela soit à la fois très simple et engageant”.
L’engagement, ici, ne consiste pas à retenir les lecteurs le plus longtemps possible. “Notre objectif est que chaque session ne dure que quelques minutes, pour que vous soyez informés rapidement et divertis en même temps”. De quoi coller à l’utilisation des terminaux mobiles comme “tache secondaire”, comme le préconisait Mashable dès 2011, c’est-à-dire accomplie lorsque l’on fait autre chose, que l’on soit dans les transports, dans une file d’attente à la caisse du supermarché, ou dans un ascenseur. Des sessions d’informations sur mobile qui peuvent se terminer d’une seconde à l’autre: parce que l’ascenseur est arrivé, parce que l’on descend du bus ou du métro, parce qu’il est temps de mettre ses courses sur le tapis de la caissière….
Et, en effet, au bout d’un temps sur l’application de Quartz, un message prévient qu’il n’y a plus d’autres informations pour l’instant. Si on râle – ce qui est mon cas -, un autre message rétorque “pas de nouvelles, bonne nouvelle” et enchaîne avec une question de culture générale pour m’occuper – “quel est l’aéroport qui transporte le plus de voyageurs au monde: Atlanta ou Pékin?”.
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Comment vont réagir les lecteurs? Sont-ils avides d’informations à se mettre sous la dent ou saturés? Pour l’instant, nul ne le sait. Si Quartz ne donne pas le nombre de téléchargements à ce stade, les évaluations des premiers utilisateurs sont encourageantes.
Kevin Delaney, le rédacteur en chef de Quartz, prévient qu’ils vont apprendre des interactions – anonymisées – récoltées sur l’application “pour voir ce qu’il faut faire en plus ou en moins”.
En filigrane transparaît la crainte d’en faire trop. Ou, tout du moins, de fatiguer les lecteurs déjà très sollicités sur leur smartphones, notamment via les pushs.
Et pour cause, sur la seule matinée du 10 février 2016, entre 6 et 13 heures, mon seul smartphone a reçu 66 urgents de divers médias français, annonçant ici la victoire de Bernie Sanders et Donald Trump aux primaires républicaines dans le New Hampshire, là un accident de car scolaire dans le Doubs, et enfin la démission de Laurent Fabius du quai d’Orsay.
Quartz ne veut pas alimenter cette bataille du push qui se joue entre les médias pour squatter les écrans mobiles. “Vous allez adorer recevoir nos notifications. Nous ne vous les enverrons pas si ce n’est pas important et la plupart d’entre elles ne seront pas sonores, elles éclaireront juste votre téléphone en silence”.
Dans le monde, la moitié des propriétaires de téléphones autorisent l’envoi de pushs. Aux Etats-Unis, 33% les acceptent “toujours” ou “souvent”, 36% “parfois”, et seulement 31% “rarement” ou “jamais”, selon le rapport de Comscore. Fait notable, la France est le pays qui témoigne de la plus forte utilisation de ces pushs pour accéder aux informations publiées en ligne.
A quand une conversation sur les informations en français? “Pour l’instant, nous allons continuer en anglais, mais plus tard, qui sait?”, répond Zach Seward.
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Alice Antheaume
lire le billetLes consommateurs d’informations sur mobile vont devenir plus nombreux que ceux qui utilisent leurs ordinateurs. En novembre 2013, 11,3 millions de Français ont utilisé leur mobile, tablette ou smartphone, pour consulter sites et applications d’actualité, et ce, en moyenne sur 5 jours par mois, selon Médiamétrie.
Bien sûr, cela a de l’impact sur les rédactions. En 2013, 40% du trafic de CNN provenait du mobile (tablettes et téléphones). En 2014, ce sera sans doute 50% voire plus. Ce renversement est déjà entré en vigueur pour Le Monde, qui fait davantage de pages vues depuis son application mobile que depuis son site Web, ainsi que pour The Guardian à certains moments de la journée.
Les médias ne sont pas les seuls à s’intéresser à la façon dont on pourrait distribuer et calibrer les informations sur petit écran. J’ai déjà parlé ici de News Digest, la nouvelle application de Yahoo!, développée par le jeune Nick D’Aloisio, 18 ans, millionnaire, qui résume automatiquement l’actualité deux fois par jour. Ce lundi, Facebook lance, uniquement aux Etats-Unis, une application mobile appelée “Paper” pour ses 945 millions d’utilisateurs mensuels qui se connectent au réseau social via leur smartphone ou leur tablette.
Tout cela va si vite qu’il paraît urgent de réactualiser les chiffres clés du mobile. En voici quelques uns, récupérés au cours de conférences et en surfant sur de récents rapports en ligne.
Avez-vous repéré d’autres chiffres récents? N’hésitez pas à les partager.
Alice Antheaume
lire le billetA l’occasion du World Mobile Congress 2013, le grand raout mondial sur le mobile qui se tient chaque année à Barcelone, les instituts multiplient les états des lieux sur le mobile, ses usages, et ses utilisateurs. On a épluché deux rapports, celui de Comscore intitulé “Mobile Future in Focus 2013“, et celui de Nielsen, “The Mobile Consumer, a global snapshot”. Que faut-il en retenir?
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125 millions d’Américains (sur 310 millions) et les deux tiers de la population chinoise sont maintenant équipés de smartphones, c’est-à-dire de téléphones reliés à Internet. En France, le smartphone atteint 55% de pénétration en France. A noter, plus de la moitié des Russes (51%) possèdent deux mobiles ou plus, remarque Nielsen. A ce stade, six ans après le lancement du premier iPhone en 2007, le marché du smartphone a connu une courbe de progression extraordinaire. Reste en dehors de ce marché un groupe que ComScore nomme “la majorité tardive”, encore non convertie au smartphone, généralement peu portée sur les nouvelles technologies et plus soucieuse des tarifs que la moyenne.
Alors que les téléphones d’aujourd’hui ont des écrans de plus en plus grands (32 cm en diagonale comme le Galaxie Note 8.0), les tablettes, comme l’iPad mini, rapetissent. Un néologisme anglo-saxon a même vu le jour: “phablet”, contraction entre phone (téléphone) et tablet (tablette), le “joujou des indécis”, titre Libération. “Les définitions de ce qui constitue un smartphone, une tablette ou d’autres outils mobiles vont continuer à s’effacer”, analyse le rapport de Comscore, “chaque nouvel appareil aura ses propres spécifications techniques et des dimensions qui lui sont propres”.
1/3 du temps passé en ligne ne se fait plus depuis l’ordinateur, autant dire que la connexion depuis les supports mobiles n’est plus un “accident de parcours”. Les médias, eux aussi, se préparent à voir leurs lecteurs se connecter davantage depuis un mobile que de leur ordinateur. Le téléphone s’utilise surtout dans deux configurations: en mouvement, entre deux rendez-vous, dans les transports, et aussi dans des moments plus calmes, de repos ou de détente. La tablette, elle, est privilégiée le soir, dans le canapé familial, et au moment du coucher.
Nouvelle tendance 2013, le “showrooming”. Ce mot désigne l’action de se rendre dans un magasin repérer un produit, voire l’essayer quand il s’agit par exemple d’un habit, avant de procéder à son achat via son smartphone, en ligne donc, à un tarif plus avantageux que celui observé dans le magasin. A noter, les Sud Coréens, habitants de la patrie de la marque Samsung, sont les plus actifs pour faire du shopping en ligne et utiliser des services bancaires depuis leur téléphone, détaille Nielsen.
Au travail, pour tenir ces appareils mobiles, le corps humain se plie dans tous les sens. Et au final, il y a neuf nouvelles positions au travail, listées dans une étude commandée par l’entreprise de mobilier de bureau Steelcase.
L’échange de SMS reste l’activité préférée des utilisateurs de smartphones, et ce, quelque soit le pays observé. Selon Nielsen, aux Etats-Unis, chaque mois, les utilisateurs envoient et reçoivent 764.2 SMS, passent et reçoivent en moyenne 164,5 appels et parlent dans le combiné pendant 644.1 minutes (plus de 10 heures). Après les SMS, la prise de photos est la deuxième activité la plus répandue, suivie de la consultation de ses emails et de la météo. Voilà pour les smartphones. Côté tablettes, c’est la recherche d’informations sur le Web qui constitue le premier réflexe, avant la consultation des emails, des réseaux sociaux et la pratique de jeux.
Au royaume des applications mobiles, l’application Facebook est reine avec, sur 1 milliard d’inscrits, 600 millions qui s’y connectent depuis mobile. Elle est présente sur 3 smartphones sur 4, rappelle l’étude de Comscore. En général, les utilisateurs préfèrent utiliser les applications, optimisées pour petit écran, sur lesquelles ils passent les 4/5 de leur temps de connexion, plutôt que de surfer directement sur l’Internet depuis un navigateur avec leur téléphone. Sur mobile, les applications de jeux et de réseaux sociaux sont parmi les plus populaires dans la moitié des pays du monde observés par Nielsen.
Regarder des vidéos depuis un mobile pourrait avoir de l’influence sur le temps passé devant la télévision, analyse Nielsen, du moins en Chine. Les Chinois sont les plus friands de consommation de vidéos depuis mobile puisque 17% d’entre eux en regardent au moins trois par jour par ce biais. Conséquence inédite ou simple coïncidence, les propriétaires de smartphones chinois déclarent regarder davantage la télévision traditionnelle grâce à leur mobile. Un effet de la “Social TV”?
Alice Antheaume
C’est officiel: Lemonde.fr fait davantage de pages vues depuis son application mobile que depuis son site Web. Le Guardian estime, de son côté, que cette mutation aura lieu à l’horizon de deux ans, même si, à certains moments de la journée, notamment entre 6h et 7h le matin, l’audience mobile du titre britannique a déjà dépassé celle du site Web. L’ordinateur devenu brontosaure face au mobile superstar n’est plus une projection lointaine. Le changement arrive à la vitesse de la lumière, et notamment en France, où 23,8 millions de personnes – 46,6% des Français – sont équipées d’un smartphone, selon Médiamétrie.
Résumé des sept éléments glanés sur l’information mobile depuis quelques jours, entre le Monaco Média Forum, organisé à Monaco du 14 au 16 novembre 2012, et le Mobile Day, le 19 novembre 2012 à Paris.
Les prime time de l’information sur mobile, c’est tôt le matin, entre midi et deux et tard le soir. “On nous lit au lit”, sourit Yann Guégan, rédacteur en chef adjoint de Rue89, lors d’une table ronde sur le futur des médias sur mobile (1). Leurs premiers utilisateurs s’étant plaints du fait que l’écran tournait dès qu’ils s’avachissaient sur leur oreiller, les équipes de Rue89 ont décidé de bloquer la rotation de l’écran. Le soir, ce sont les informations que l’on “désire” lire, et, le matin, celles que l’on “doit” lire avant d’aller travailler pour savoir de quoi discuter en réunion à la machine à café. Olivier Friesse, responsable technique des nouveaux médias de Radio France, estime que c’est vers 7h du matin que le record de la journée est atteint sur mobile. Un rythme qui commence à voler en éclat – cf point suivant sur les alertes.
Elles “boostent” l’audience de façon phénoménale, dit Edouard Andrieu, responsable des nouveaux écrans du Monde interactif, sans toutefois donner de chiffre sur la “transformation” de l’envoi d’une alerte en consommation de contenus sur l’application de l’éditeur. Et surtout – et c’est nouveau – elles “lissent” les temps de consultation tout au long de la journée, faisant venir l’audience sur des informations urgentes à d’autres moments que le triumvirat matin-midi-soir. Un constat également partagé par Aurélien Viers, directeur adjoint de la rédaction du Nouvel Obs.
D’ailleurs, pas de pause pour les alertes… Quand Le Monde envoie des alertes pendant la nuit à sa base de 2,2 millions de personnes, le son est automatiquement coupé – si l’utilisateur ne l’a pas paramétré lui-même. Pour Edouard Andrieu, qu’importe que les alertes du Monde.fr ressemblent à celles du Figaro.fr, du Point.fr et du NouvelObs, et qu’elles reprennent les termes des “urgents” de l’AFP, puisque les “lecteurs n’ont pas forcément de multiples sources d’informations” donc pas l’impression de répétition.
Pour l’instant, Rue89 n’a pas encore enclenché le plan alertes sur ses applications, mais compte le faire, sans toutefois “participer à la course à l’échalotte des médias qui font du chaud”, temporise Yann Guégan. Quand alertes il y aura, reprend-t-il, elles seront “personnalisables” et renverront vers des sujets plus magazines et des scoops.
“90% des interactions avec les médias se font depuis un écran”, rappelle Terry Kawaja, fondateur de la société d’investissements LUMA Capital. Pourtant, sur un téléphone, difficile d’écrire des commentaires avec le clavier tactile, avec un réseau parfois intermittent. Conséquence: les applications des éditeurs reçoivent moins de commentaires que les sites Web. Le Monde, qui réserve en plus les commentaires à ses abonnés, confie qu’il n’y a pas foule en effet. Rue89 a, lui, carrément retiré l’option “commenter” de son application iPhone, et ne s’en porte pas plus mal.
Plutôt que les commentaires, il y a une brique qu’il ne faut pas zapper sur le mobile: c’est la brique “sociale”. Or, “aujourd’hui, vous ne pouvez pas produire un contenu partageable sans le mobile”, témoigne Jonah Peretti, le fondateur de Buzzfeed, sur la scène du Monaco Media Forum. Pour lui, l’équation magique, c’est sharing + social + mobile. Et cela marche. Lors des Jeux Olympiques de Londres, l’audience qui a regardé les événements via mobile était plus “engagée” que celle qui regardait le même spectacle à la télévision, rappelle Benjamin Faes, directeur des plates-formes de Google en Europe du Nord et Europe centrale, qui rappelle que 25% des vidéos vues sur YouTube le sont depuis le mobile.
Lancer un blog, lancer un site Web, cela coûte 0 euro ou presque. Monter une application, ce n’est pas à la portée du premier venu et cela coûte cher, à la fois en temps et en argent. Pour une application de base, comptez autour de 15.000-20.000 euros et entre 3 à 5 mois de délai, le temps du développement, renseigne Baptiste Benezet, le président d’Applidium, une société qui fabrique des applications dont celles, entre autres, de France TV Info et de Canal+. Côté Radio France, la refonte de toutes les applications mobile a été chiffré à 500.000 euros. Pas vraiment une paille. Mais l’investissement peut en valoir la chandelle, selon Terry Kawaja, tant “le mobile est l’environnement de l’efficacité publicitaire ultime parce que c’est en temps réel et qu’avec la géolocalisation, la publicité peut être ciblée”.
A raison d’environ 700.000 applications dans l’App Store et au moins autant dans l’Android Market, se démarquer devient difficile, dit encore Baptiste Benezet, surtout quand le média n’est pas très connu par ailleurs. A Radio France, l’application lancée pour la présidentielle française, et recyclée pour les législatives, n’a pas “trouvé son public”, glisse Olivier Friesse. Idem pour l’application sport du Monde.fr, lancée à l’occasion de la coupe du monde de football. Autant d’expériences qui laissent penser qu’il ne vaut mieux pas trop s’éparpiller ni multiplier les entrées, malgré la stratégie inverse menée par le Washington Post, que j’ai racontée ici.
“Dans les années 2000, on plaquait le contenu print sur le Web. On est en train de faire la même erreur avec le mobile aujourd’hui”, estime Yann Guégan. De fait, pour l’instant, les médias ne différencient pas leurs productions Web et mobiles. Quelque soit le support et l’environnement sur lequel l’utilisateur est, celui-ci doit retrouver le même environnement et les mêmes fonctionnalités de son média. Une règle martelée par Benjamin Faes, de Google, qui travaille aujourd’hui sur au moins quatre écrans (ordinateur, télévision, tablette, téléphone): “Il faut que les utilisateurs aient la même expérience de Google quel que soit l’outil depuis lequel ils sont connectés”.
Malgré des temps moyens de connection très courts sur mobile (environ 1 minute), le public se régale de deux formats qui peuvent sembler contradictoires: du court et de l’urgent d’un côté, et du long format de l’autre.
Au Monde.fr, un pôle intitulé “Nouveaux écrans” vient d’être créé et comprend six personnes, dont la grande majorité sont développeurs. Au NouvelObs, “on commence à se poser sérieusement la question” de créér une rédaction dédiée au mobile. En attendant, de plus en plus de projets se montent pour que les journalistes existants puissent publier du contenu depuis leur mobile directement dans le CMS de leur média. Le modèle est celui de la BBC, qui a développé une application permettant à ses reporters de poster photos et infos dans son outil de publication.
Lemonde.fr a le même genre d’outil actuellement en test. Côté France TV Info, la rédaction avait imaginé le scénario suivant: il suffisait que les journalistes en reportage se connectent à l’application grand public sur leur téléphone. Ils auraient alors envoyé leurs contenus comme s’ils étaient de simples usagers (dans la fenêtre en bas), et auraient été “identifiés comme étant prioritaires”, explique Baptiste Benezet. “Leurs productions auraient pu ainsi être traitées en primeur par les journalistes restés à la rédaction et chargés d’éditer le live.”
(1) je participais en tant que modératrice à cette table ronde, avec Edouard Andrieu, Olivier Friesse, Yann Guégan, Baptiste Benezet.
Alice Antheaume
lire le billetW.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Julien Pain, responsable du site et de l’émission Les Observateurs, à France 24.
Le journalisme est en mutation, on ne cesse de le répéter. Les usages de nos audiences évoluent au rythme, effréné, des progrès technologiques. Dans un monde où plusieurs milliards de photos sont postées sur Facebook chaque mois, où YouTube ouvre ses propres chaînes de télévision, les médias traditionnels ont en effet fort à faire s’ils veulent garder un rôle dans cet univers de l’information en constante expansion.
Pourtant, contrairement au cliché rebattu à longueur de conférences sur la crise du journalisme, les médias innovent à l’heure actuelle comme jamais auparavant. Chaque jour apparaissent de nouvelles versions de sites Web, de nouvelles applis pour mobiles et tablettes, pour s’adapter toujours mieux aux usages des consommateurs d’information. Les journalistes ne sont plus, contrairement aux idées reçues, enfermés dans une tour d’ivoire d’où ils ne veulent pas bouger. Ils sont ô combien conscients que le monde bouge, que leur métier est en péril et qu’ils doivent évoluer ou disparaître – eux aussi lisent la presse. Le constat est mille fois vrai et mille fois ressassé. Mais cette course à l’innovation est-elle la seule façon de donner du sens au journalisme? Confrontés au déluge de contenus amateurs, d’images, de témoignages, voire d’analyses d’internautes, l’unique salut des journalistes se trouve-t-il dans la “nouveauté”, dans l’absolue nécessité de réinventer son métier au quotidien?
Appuyer sur stop
Arrêtons un instant la course perdue d’avance dans laquelle nous sommes engagés, cessons de courir comme des canards sans tête à la poursuite du Grand Google et posons nous cette question toute simple: à quoi sert, encore, le journaliste? À inventer des applis Androïd, Iphone et Windows 8 capables de lire des dépêches en 76 langues? Ou à faire sens de cette surabondance de contenus, à vérifier ces images que tout le monde se transmet sans en connaître la source, à enquêter pour faire émerger des informations neuves?
Le journalisme professionnel est nécessaire non pas parce qu’il est capable de s’adapter aux usages de ses clients – il s’agit là d’une obligation économique, mais parce qu’il est intrinsèquement lié au bon fonctionnement de la démocratie. Car sans vérification de l’information, il n’y a pas d’information. Et sans information fiable, l’internaute reste un client, mais il ne peut pas être un citoyen et électeur responsable, c’est à dire capable d’appréhender le monde qui l’entoure.
Cela ne veut pas dire que les journalistes peuvent continuer à travailler comme ils le faisaient il y a encore 5 ans. Il est inconcevable notamment de négliger les contenus produits par les internautes. Pour ne prendre que les exemples les plus récents, comment traiter du conflit en Syrie ou de manifestations au Tibet sans les informations et les images sorties sous le manteau par des activistes? Les télévisions, en particulier, savent désormais que les images amateur leur apportent deux types de témoignages dont elle ne peuvent plus se passer. Ce sont aujourd’hui des téléphones portables qui filment souvent le très chaud, l’événement imprévisible, comme par exemple un tsunami ou un attentat. Le journaliste n’arrive dans ces cas là qu’après l’incident. Ses images sont certes plus nettes, mais elles ne montrent pas l’instant où la vague a frappé la côte. Ensuite, les amateurs nous donnent à voir ce qu’un État, ou même parfois les entreprises, voudraient cacher. Pour reprendre le cas de la Syrie, c’est parce que les journalistes y sont non grata que des activistes locaux se sont organisés pour raconter la guerre.
Etre considérés comme les Cro-Magnons de l’Internet…
Mais le cas syrien est également un exemple criant de la nécessité d’un travail journalistique sur les contenus produits par des amateurs. Non pas parce que les vidéos des activistes de Homs ou de Damas sont de piètre qualité. La télévision s’accommode tout à fait de ce genre d’images lorsqu’elles sont fortes. En revanche, les médias traditionnels ont le devoir de vérifier les informations qui leurs sont envoyées avant de les transmettre à leurs audiences. Donner une information juste n’est pas seulement un problème de crédibilité de nos médias. C’est l’ADN même de notre profession et la justification de son existence au sein de notre société.
Or les activistes syriens, comme la plupart des amateurs qui filment des événements d’actualité, ont un agenda politique. Leur objectif premier n’est pas de fournir une information vraie, mais de faire avancer une cause. Il ne s’agit pas de dénigrer le travail et le courage de ces vidéastes amateur qui risquent parfois leur vie pour tourner quelques minutes d’images. Et il est par ailleurs certain que, du côté de la propagande et du mensonge, leur ennemi, le régime syrien, n’a rien à leur envier. Les journalistes ont toutefois l’obligation de faire passer les informations fournies par les rebelles, comme celles de Bachar al-Assad, par un filtre critique.
Vérifier l’authenticité des images et des allégations circulant sur la Toile est en travail ardu, qui prend du temps et qui nécessite parfois des compétences journalistiques spécifiques. Retrouver la première personne qui a posté une vidéo, identifier le lieu et la date de la séquence, repérer les altérations ou les incohérences d’une image nécessite une expérience et parfois même des technologies particulières. Ce travail a d’ailleurs un coût pour les médias. Monter la cellule spécialisée des Observateurs a par exemple été un investissement pour France 24. Un investissement qui peut sembler à première vue moins directement rémunérateur qu’une appli Iphone. Et pourtant gageons qu’à plus long terme le fait d’investir sur la fiabilité de son antenne est un pari au moins aussi gagnant que celui de l’innovation technologique. Donner une information équilibrée et vérifiée n’empêchera pas les dirigeants de Google de nous considérer comme les Cro-Magnons d’Internet, mais rappelons-nous toujours que c’est le credo qui justifie notre profession.
Julien Pain
lire le billetOctobre 2012: pour la première fois, le trafic sur Internet depuis mobile (téléphone et tablette) franchit le seuil des 10% quand les connexions depuis ordinateur récoltent encore 90% du trafic global dans le monde, selon NetMarketShare. Pas étonnant quand on sait qu’il y aurait plus de smartphones sur la planète que de brosses à dents.
10%, c’est aussi le pourcentage de développeurs, au Washington Post, dédiés aux activités mobile du titre – sur une centaine de développeurs, 11 se consacrent au mobile. Côté journalistes, en revanche, il n’y a pas foule. 2 éditeurs seulement tournent sur les contenus mobiles dans la rédaction washingtonienne. Ce qui n’est pas suffisant pour avoir une rotation 7 jours sur 7. D’autant que le Washington Post n’a pas ménagé ses efforts sur le mobile: il est en effet visible sur un site mobile, une application Android, une application Iphone, une application iPad. Voilà pour les informations généralistes. En outre, le Washington Post dispose d’une batterie d’applications annexes. L’une, pour iPhone, pour suivre l’équipe de football américain de Washington DC, les Redskins («The Insider») ; une autre – également pour iPhone – sur le trafic du métro de Washington («DC Rider») ; une autre sur les adresses et sorties de la ville («Going out Guide»), une autre encore pour faire du tourisme dans la cité («Explore DC») ; et, enfin, une application iPad sur la politique, présidentielle américaine oblige.
Une unique appli ou plein d’applis?
En France, les éditeurs rechignent à multiplier les entrées de la sorte. En général, chaque site d’informations a son application et son site mobile, mais pas d’applications consacrées à des thématiques spécifiques. Le dilemme reste entier: faut-il mettre tous ses contenus dans une seule et même application ou créer diverses applications en fonction des sujets? Julia Baizer, responsable de la stratégie mobile du Washington Post, ne veut pas s’interdire de produire, pour mobile, ce qu’elle appelle du journalisme de «niche»: «notre application foot n’attire quasiment aucun lecteur, c’est vrai. Mais l’application iPad sur la politique séduit une petite audience très engagée, des geeks de la politique.»
Comme souvent, les grands moments de l’actualité sont des moteurs d’innovation éditoriale. L’élection présidentielle américaine a permis au Washington Post de calibrer ses contenus pour mobile et même d’imaginer de nouvelles interfaces. En témoigne The Grid, dont j’ai déjà parlé ici, qui veut «permettre aux utilisateurs de garder en mémoire les moments forts qui ont fait l’élection» sur toutes les plates-formes et «dans tous les temps». Le lecteur multi-tâches peut, sans effort, regarder la télévision, faire pause, retourner en arrière ou avancer, voir en même temps le flux de tweets, les photos sur Instagram, lire les articles des autres sites d’informations.Tout cela sans avoir l’impression d’être dans un format de «live-blogging».
Innovations mobiles à venir
«Comme toutes les innovations, The Grid est né d’un problème. Comment faire pour raconter pendant toute la journée des débats, et sans nouvelle information particulière, que Mitt Romney et Barack Obama vont bientôt s’affronter à la télévision?». Et c’est ainsi qu’est née cette drôle de grille, que consulte une audience qui, à hauteur de 20%, combine deux écrans pour regarder les débats présidentiels, la télévision et un téléphone par exemple. A venir, promet Julia Beize, d’autres surprises pour l’inauguration day, le jour de la prise de fonction du 45e président des Etats-Unis, dont on a pu comprendre qu’elles seraient basées sur deux piliers: le mobile et le social.
Banco probable quand on voit les chiffres de Facebook cités par Reuters: 14% de ses revenus proviennent maintenant de publicités sur le mobile, et, sur son milliard d’inscrits, 604 millions sont des utilisateurs de l’application sur téléphone ou tablette.
Ne pas dupliquer la structure du site Web sur mobile
Les rédactions commencent à comprendre que les applications mobiles et les sites mobiles ne sont pas forcément des containers d’articles publiés tels que sur le site Web d’informations. «Il ne faut pas recréer le site dans une application», expose Fiona Spruill, l’éditrice des plates-formes du New York Times.
«Avant, nous aussi on faisait juste un flux d’articles sur mobile», se souvient Julia Beizer. Un temps désormais révolu. «On a procédé à une modification qui n’a l’air de rien, mais qui a été une décision difficile à prendre: mettre tous les articles sur une seule page» pour que les utilisateurs n’aient pas besoin de cliquer sur les pages numérotées suivantes pour lire la suite, ce qui fait moins de pages vues mais davantage de temps de consultation (dans le cas du Washington Post, 10 minutes en moyenne sur iPad). La faute à l’absence de réseau téléphonique dans le métro de la capitale politique américaine qui complique la navigation.
De fait, le principal défi, sur le mobile, c’est la versatilité de l’utilisateur, qui consulte les informations pendant qu’il fait autre chose – prendre les transports en commun, marcher, attendre son tour à la caisse du supermarché, etc. En même temps, s’il n’a plus accès au réseau via son téléphone, c’est panique à bord.
Les sujets éditoriaux les plus plébiscités sur mobile? Les histoires de nouvelles technologies, les informations locales, météo comprise, les photos, et… les longs formats journalistiques. Pas si étonnant lorsque l’on doit souvent jongler, sur son téléphone, avec un réseau qui rame, et qui oblige parfois à rester sur le contenu déjà visible sur l’écran.
Alice Antheaume
lire le billetComment, en 2012, s’informe-t-on? C’est sur cette question que s’est penché le Reuters Institute Study of Journalism, en analysant la façon dont les Américains, les Anglais, les Allemands, les Danois et les Français sont en contact avec l’actualité.
Cette étude (en PDF), publiée le 9 juillet 2012, montre que Facebook joue désormais un rôle clé dans le partage d’informations, supplantant les emails et Twitter, que les plus jeunes (16-24 ans) s’informent sur les réseaux sociaux plutôt qu’en cherchant dans des moteurs de recherche et que les smartphones sont de plus en plus utilisés pour accéder à l’actualité – 28% des Anglais et des Américains et 32% des Danois disent utiliser leur mobile chaque semaine pour ce faire. La France s’y révèle très active: elle est en effet prolixe en matière de participation aux sondages en ligne et de production de commentaires, pas tant dans l’impasse que cela.
En reprenant les questions posées par cette enquête, voici le portrait, en creux, des consommateurs d’informations français.
Les Français répondent en majorité la télévision et le Web, comme les Danois, quand les Allemands restent attachés aux journaux imprimés – qu’ils regardent à 68% au moins une fois par semaine, et les Américains et les Anglais privilégient le Web.
Et si l’on regarde de plus près les sources d’informations uniquement en ligne, les Français se connectent avant tout sur les sites des journaux, les Anglais sur les sites des chaînes de télévision, et les Américains sur d’autres sources d’informations en ligne, comme les pure-players et les portails d’informations tels Yahoo! et Google News, ainsi que sur les blogs et les réseaux sociaux.
Les Français préfèrent les sujets de politique intérieure, juste devant la politique tout court ; la politique intérieure remporte aussi les suffrages aux Etats-Unis, suivie des informations locales ; quant aux Allemands, ils sont davantage portés vers les informations internationales régionales.
La catégorie d’informations qui marche le moins bien, à contrario? Les informations économiques et financières pour la France, tandis qu’en Angleterre et aux Etats-Unis, ce sont les arts et la culture qui font chou blanc – alors que ce type d’actualités est prisé en France.
En France, et dans tous les autres pays analysés dans cette étude, c’est l’ordinateur qui domine, et de très loin, suivi du mobile et de la tablette, dans de plus faibles proportions. Le Danemark est le pays où le mobile fait la percée la plus forte, derrière l’ordinateur néanmoins.
Là encore, le Danemark a une longueur d’avance, ses habitants étant les plus nombreux à être passés à l’acte de paiement en ligne pour de l’info. De l’autre côté de l’échelle, les Anglais sont les plus réticents à cette idée – seuls 4% d’entre eux disent l’avoir déjà fait, quand les Français et les Américains le font un peu, mais dans de faibles proportions.
Discussion par messagerie instantanée sur l’actualité, partage d’informations sur les réseaux sociaux, publications de commentaires sous un article, etc.: les Américains sont une majorité à participer à la production et au partage d’informations en ligne. Et, surprise, la France est le “pays européen le plus engagé” sur ce créneau, devant l’Allemagne, l’Angleterre et le Danemark.
40% des Français sondés déclarent participer à un sondage en ligne chaque semaine et 21% commentent des informations sur les réseaux sociaux. “L’élection présidentielle française était en cours lorsque notre étude a été menée”, précise le Reuters Institute, “ce qui peut expliquer ces chiffres légèrement plus élevés” en France.
Conclusion? La rapide mutation du papier vers le numérique telle que l’ont connue les Etats-Unis ne trouve pas vraiment “sa réplique dans les pays européens”, constate l’étude du Reuters Institute, qui veut pour preuve l’exemple de l’Allemagne, très attachée au papier et dont “les habitudes de lecture montrent une faible utilisation d’Internet”.
Alice Antheaume
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«Il va y avoir de nouvelles interactions entre les écrans», prédit Cédric Mangaud, d’HTC, lors de la conférence UbiQ, organisée à Paris les 18 et 19 juin 2012. Une conséquence de l’émergence de la télévision sociale (Social TV en VO), qui consiste à voir un programme sur un premier écran (l’écran télé) et à utiliser un deuxième écran (ordinateur, tablette, mobile) pour réagir à ce même programme en allant le commenter sur les réseaux sociaux ou en cherchant, sur le Web, des informations complémentaires à l’émission visionnée.
Tandis qu’aux Etats-Unis, 52% du temps qu’un utilisateur passe sur mobile ou sur tablette se déroule pendant que cet utilisateur regarde la télévision, et qu’en France, les trois quart des internautes utilisent «au moins occasionnellement» un deuxième écran lorsqu’ils consomment des programmes télé, les questions affluent sur la connectivité de ces deux – ou plus – écrans.
Qui télécommande l’autre?
Comment relier ces écrans? Comment faire passer des contenus de la télévision au téléphone à la tablette – et vice et versa – en simultané? Qui, de la télé, du mobile ou de la tablette, télécommandera l’autre? Quelle série télévisée permettra au spectateur de faire pause pendant le visionnage sur le premier écran pour déterminer, sur le deuxième écran, la suite de l’histoire parmi plusieurs options, à la façon de ces petits «livres dont vous êtes le héros» d’antan?
Avant d’aller plus loin, observons ce que font au juste sur ce deuxième écran les utilisateurs quand ils regardent aussi un programme télé. La majorité (58%) d’entre eux se sert de ce deuxième écran (tablette ou téléphone) pour commenter, lire ou chercher des informations en rapport avec le programme devant lequel ils sont assis, selon une récente étude de l’Observatoire de la TV connectée.
Quant aux restants, ils s’adonnent à de toutes autres activités, comme lire leurs emails, en écrire, faire un tour sur Facebook et Twitter, regarder des photos ou des vidéos, ou encore faire des recherches qui n’ont rien à voir avec le sujet du programme.
Interactions entre le téléphone et la télévision
Et pourquoi l’utilisateur n’aurait pas soudain envie d’interrompre l’émission vue sur le premier écran pour y insérer une photo qu’il vient de retrouver sur son portable? Un scénario sur lequel travaillent nombre de fabricants de téléphonie, dont HTC, pour qui il suffit d’un geste de la main partant du téléphone en direction de la télévision pour y projeter un contenu issu de son mobile.
Autre option possible: le «grab magic» (l’attrapeur magique) imaginé par Aral Balkan, lauréat 2012 du TV Hack Day au Marché International des Programmes de Cannes. Avec ce système, il est possible de prendre avec sa main une capture d’écran de la télévision et la faire apparaître sur son écran de téléphone portable en une seconde.
Quel geste, avec les doigts ou avec la main, inventer qui ferait désormais référence? Pas si sûr, d’ailleurs, que cela soit un geste et non un clic ou encore la voix qui contrôlerait tous les contenus, option privilégiée par Apple pour sa télévision et décrite par Pete Cahsmore, de Mashable, comme étant une hypothèse «incontournable» en 2012.
Pour le reste, les hypothèses actuelles d’interaction entre les écrans prévoient que le mobile soit le centre nerveux de l’univers de contenus d’un particulier. Logique, reprend Ammar Bakkar, de MBC group, un autre intervenant présent à la conférence UbiQ. «Le taux de pénétration des smartphones dans le monde est actuellement de 30%. D’ici 2016, il sera de 60%».
La télé est morte, vive la télé!
Dans ce monde envahi d’écrans de toute sortes, la consommation de contenus audiovisuels continue d’augmenter. Ainsi, les Français regardent la télévision en moyenne 3h47 chaque jour, selon Médiamétrie. C’est plus que l’année précédente: 3h32 en 2010.
Ce qui a changé? «On consomme toujours des programmes télé, mais on les consomme quand et où on le veut, et on les consomme sciemment. En d’autres termes, on ne s’avachit plus devant sa télévision pour regarder “ce qui passe”», analyse cet article de Business Insider.
Hormis des moments d’actualité brûlante et quelques rendez-vous sportifs, le flux serait donc condamné au profit d’une consommation de programmes exponentielle sur tous les écrans (ordinateur, tablette, téléphone, téléviseur). Et Business Insider de rappeler que, d’après une étude Nielsen, le pourcentage d’Américains qui regardent des vidéos sur un ordinateur au moins une fois par mois (84%) est maintenant plus élevé que le pourcentage de ceux qui regardent la télévision.
Alice Antheaume
lire le billetSi la technologie avait été au point lorsque Facebook est né, «Facebook aurait été une application mobile», et non un site pensé pour l’ordinateur, lâche Bret Taylor, directeur de la technologie de Facebook, lors du Mobile World Congress, l’immense raout annuel de la téléphonie organisé à Barcelone. Pendant quatre jours, plus de 60.000 personnes venues du monde entier se réunissent pour parler téléphones, tablettes, processeurs, écrans, applications, Web et usages.
De Facebook à Google, en passant par les opérateurs de télécoms et les producteurs d’informations, les avis sont unanimes: le mobile, considéré comme le nouvel eldorado de la consommation de contenus, serait sur le point de reléguer l’ordinateur au rang de brontosaure.
Revue des signaux, entendus pendant le Mobile World Congress, qui veulent faire du mobile (smartphone ou tablette) une extension du futur.
«La révolution du smartphone va être universelle», prédit Eric Schmidt, de Google, lors de son discours le mardi 28 février. Et elle ne ferait que commencer. Seul 1 milliard d’happy few possède un téléphone. Sur les 7,3 milliards d’habitants que compte le monde, cela fait beaucoup qui n’ont en pas. «Des milliards de gens n’ont jamais téléchargé d’application, jamais joué à Angry Birds, jamais utilisé le GPS depuis leur mobile pour rentrer chez eux», énumère Eric Schmidt.
Pourtant, «si Google voit juste, il y a aura bientôt un téléphone Android dans toutes les poches», poursuit-il, citant 300 millions d’Android déjà en circulation, dont 850.000 téléphones seraient activés chaque jour. D’après une étude Cisco, le nombre de terminaux mobiles devrait atteindre 10 milliards en 2012, dépassant ainsi le nombre d’habitants de la planète (1). A ce rythme, Google va bientôt «fabriquer des gens» pour faire face à la croissance des mobiles, blague le dirigeant de Google.
Dans le futur, «la technologie doit disparaître», théorise Eric Schmidt. C’est-à-dire ne pas se voir, se fondre dans des outils de plus en plus petits, de plus en plus intégrés à nos vies. «Fini le temps où l’on devait chercher quel câble va avec quel ordinateur, le temps où l’on devait trouver pourquoi votre PC bugue. Désormais, la technologie doit juste être là. Le Web sera à la fois tout, et rien. Comme l’électricité. Toujours là.»
J’ai déjà parlé ici du volume de données auquel on est soumis, en ligne. J’ai moins parlé du déluge d’applications mobiles. Sur ce plan, il y a de quoi dresser un tableau vertigineux: 500.000 applications disponibles sur l’App Store, 400.000 sur l’Android Market. Plus de 19.000 nouvelles applications viennent s’y ajouter chaque semaine, d’après les chiffres de la société d’analyse Distimo.
Ingérable!, fustige Scott Jenson, directeur artistique de Frog, lors d’une conférence au Mobile World Forum sur l’évolution des applications mobile. Celui-ci note que, à cause de ce débordement d’applications, nous «jardinons dans nos téléphones». Métaphore pour montrer que nous y plantons des graines (télécharger des applications), nous arrosons (mettre à jour ces applications), faisons pousser des plantes (lancer ces applications), et désherbons (supprimer celles qui ne conviennent plus).
Pour Scott Jenson, si Google a su installer la recherche sur des pages Web, à l’aide d’un «page rank», le futur sera au classement des applications sur le même principe.
En attendant, et d’après Médiamétrie, les applications mobiles les plus consultées en France sont Google (10,4 millions de visiteurs uniques au cours du mois de janvier 2012), YouTube (8 millions de VU), iTunes (7 millions de VU), Google Center (3,8 millions de VU) et… Facebook (3,2 millions de VU).
Quelles informations sont calibrées pour le mobile? Celles qui sont faites pour être lues à l’instant T, en situation de mobilité, celles qui sont urgentes, celles qui sont produites tôt le matin et tard le soir, celles qui sont visibles sur de petits écrans, celles qui pensent social et référencement. Telle était la liste des critères définis dans un précédent WIP.
En 2012, il faut ajouter à cette liste un nouveau format: la vidéo. C’est ce qui a été répété, à maintes reprises, lors de cette édition 2012 du Mobile World Congress.
Et les chiffres l’attestent: en 2011, le trafic lié à la vidéo a représenté 52% du trafic Internet sur mobile, constate Cisco. «La vidéo, c’est la nouvelle façon des utilisateurs de communiquer», pense John Chambers, le président de Cisco. Et de rassurer ses homologues: à l’avenir, «nos revenus proviendront de ces vidéos».
Côté médias, même tendance à considérer la vidéo comme le nouveau parangon du contenu mobile. Safdar Mustafa, le directeur des activités mobiles d’Al-Jazeera, atteste que la vidéo, oui, ça marche, mais surtout la vidéo en live. «Le live stream de vidéos est un format primordial pour Al-Jazeera, sur mobile et sur d’autres plates-formes».
Les spécificités de ce live stream en vidéo? Image de haute qualité et flux disponible gratuitement, détaille-t-il. Et si, pour Al-Jazeera, le mobile compte tant, c’est que cette plate-forme correspond aux usages de tous ces particuliers qui ont, pendant les révolutions arabes, envoyé des informations, notamment vidéos, par ce biais. «Dans un contexte où il est très difficile, en ce moment, d’obtenir des informations, notamment en Egypte et en Syrie, les contenus que l’on reçoit d’amateurs sont envoyés par mobile. A nous d’intégrer ces usages dans nos applications mobiles».
Au Mobile World Congress, le mot «cloud» est sur toutes les lèvres. Le «cloud», ce nuage qui flotterait en permanence au-dessus des têtes et garderait à disposition toutes les données dont on pourrait avoir besoin, est «le nouveau paradigme», estime René Obermann, le président de Deutsche Telekom. Un état de fait, et non un privilège. «C’est perçu comme une commodité, qui doit être accessible tout le temps, sans faille», reprend René Obermann.
«On a vendu de la voix (au sens d’appels téléphoniques, pas au sens de contrôle vocal, ndlr) pendant des années, et maintenant, on vend de l’accès à Internet, en mobilité», résume Jo Lunder, de VimpelCom. Le smartphone, cordon ombilical, relie son propriétaire au Web et donc au monde. Tel est l’axiome sur lequel capitalise déjà toute une industrie. Un axiome qui offre aux producteurs d’informations une nouvelle lucarne.
Toujours selon Cisco, le volume de données échangées sur les réseaux mobiles mondiaux devrait être multiplié par 18 d’ici 2016. Difficile de renoncer, une fois que l’on y a goûté, à cette connexion permanente. Même l’eau n’est plus supposée être un obstacle à l’utilisation du mobile, à en voir ces tablettes et téléphones étanches, plongés dans un aquarium, sur le stand de Fujitsu. Le démonstrateur fait voir aux curieux que, même dans l’eau, le téléphone reçoit des appels – il n’a pas montré comment on pouvait parler à son interlocuteur, dans cette configuration.
Attention à ne pas transformer le téléphone en Frankenstein de nous-mêmes, éclate Andrew Keen, l’auteur du «Culte de l’Amateur», qui s’apprête à sortir «Vertige numérique». «Avec notre addiction croissante à nos téléphones portables, nous risquons de créer un monstre que nous serons de moins en moins capables de contrôler», écrit-il. «J’exagère? A quel point vous sentez-vous nu sans votre téléphone?».
Cette angoisse a désormais un nom: la «nomophobie», qui désigne la peur de perdre son téléphone ou d’être sans téléphone. Selon une étude réalisée au Royaume Uni, 66% des personnes interrogées souffriraient de ce nouveau mal.
(1) En France, selon le rapport Comscore intitulé Mobile Future in Focus, le taux de pénétration des smartphones, ces téléphones dotés de connexions à Internet, serait de 40% en décembre 2011 – moins que pour l’Angleterre (51,3%) et l’Espagne (51%).
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Alice Antheaume
lire le billetAu rayon journalistico-numérique, les paris sont ouverts sur les mutations qui vont marquer l’année à venir. Sur quoi miser?
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En France, le nombre de pure players – ces sites qui existent sans support imprimé – par habitant est plus élevé qu’ailleurs. C’est même une «exception française» dans le paysage médiatique européen. Depuis le début de l’année 2011 sont en effet apparus Atlantico, Le Plus, Newsring, Quoi.info, et bientôt, le Huffington Post français… Un rythme soutenu d’initiatives en ligne que précipite l’orée de la campagne présidentielle – mieux vaut se lancer dans une période d’actualité intense.
«Ce dynamisme français se voit sur trois niveaux», m’explique Nicola Bruno, journaliste qui co-rédige actuellement un travail de recherche sur les pure-players en France, Allemagne et Italie qui sera publié l’année prochaine par le Reuters Institute for the Study of Journalism. «Par 1. le nombre de pure-players en activité en France (j’en ai compté plus de 12 issus d’initiatives indépendantes), 2. leur maturité (la France est le pays où sont nés les premiers pure-players en Europe avec Agoravox dès 2005, puis Rue89, Médiapart et Slate.fr) 3. leur diversité, tant dans les choix éditoriaux (journalisme de données, journalisme d’investigation, marché de niche, site communautaire, etc.) que leurs modèles économiques (abonnements, gratuit, etc.)».
Trop d’acteurs sur un trop petit marché? Pour Julien Jacob, président de Newsring, «il va y avoir des morts». Selon Nicola Bruno, «il n’y a pas de réponse définitive à cette question. Actuellement, aucun pure-player en Europe ne semble en mesure d’atteindre un seuil de profitabilité, comme c’est le cas aux Etats-Unis avec le Huffington Post et Politico. Et ce, pour une raison simple: ni la France ni aucun autre pays européen n’a une audience aussi grande que les Etats-Unis. Pas plus qu’un marché publicitaire mature capable de soutenir des projets uniquement sur le Web.»
Peine perdue, alors? Pas tout à fait, reprend Nicola Bruno, «l’histoire a montré qu’être profitable n’est pas toujours le but de ces projets journalistiques». L’histoire a aussi montré que les petits se font parfois racheter par des plus gros, comme le Huffington Post par AOL, le Daily Beast par Newsweek, et… Rue 89 par Le Nouvel Observateur.
Quel contenu lit-on tout de suite? Lequel poste-t-on sur Twitter? Lequel partage-t-on sur Facebook? Lequel glisse-t-on dans ses favoris? Et lequel sauvegarde-t-on pour le lire plus tard via des outils comme Instapaper ou Read It Later? Les utilisateurs, devenus des algorithmes humains, passent leur temps à trier les contenus et les ranger dans des cases. Selon quels critères? Difficile à dire.
Lit-on «plus tard» des contenus longs, comme le suppose cette présentation? Pas forcément. Selon le classement établi par Read It Later et mentionné dans la Monday Note de Frédéric Filloux, la majorité des articles sauvegardés – éditos ou des contenus liés aux nouvelles technologies avant tout – font moins de 500 mots (environ 2.700 signes). «Preuve est faite que les gens trouvent ces outils utiles indépendamment de la longueur de l’article», reprend le Nieman Lab. Un usage qui peut changer la façon dont les journalistes produisent des informations, dans la mesure où un même article peut avoir deux vies. La première pour «consommer tout de suite», en temps réel. Et la seconde pour «déguster plus tard», lorsque le lecteur le peut.
«Vous pouvez parler A votre téléphone plutôt que de parler DANS votre téléphone», a lancé Nikesh Arora, de Google, au Monaco Media Forum. Et pour Pete Cashmore, de Mashable, le contrôle des contenus par la voix devrait devenir incontournable en 2012.
C’est déjà le cas avec l’application Dragon Dictation, qui permet de dicter des SMS à votre portable, ou de prononcer un mot-clé dont votre téléphone comprend qu’il faut en tirer une requête sur Google. Siri, sur l’iPhone 4S, c’est aussi une sorte d’assistant qui obéit à vos ordres passés à l’oral. La suite? La voix humaine devrait bientôt servir de télécommande, sur la télévision d’Apple notamment.
Les téléphones portables sont la nouvelle malbouffe des ados, a titré le New York Times sur son blog consacré aux technologies. Aux Etats-Unis, ceux-ci passent de moins en moins de temps à parler au téléphone (en moyenne 572 minutes de voix par mois contre 685 minutes l’année précédente), et de plus en plus à envoyer des messages, SMS et MMS (les Américains de 13-17 ans reçoivent et envoient chaque mois 3.417 messages, environ 7 messages par heure en journée).
Même tendance en France, selon une étude du Pew Research, qui donne à voir les usages des utilisateurs de téléphone pays par pays. Vu la situation – encombrée sur le Web, et très prometteuse sur les téléphones – pour les éditeurs d’information, autant calibrer les contenus pour une consommation sur mobile.
Le volume de données digitales dans le monde devrait atteindre, en 2012, 2.7 zettabits. Pour ceux qui ne s’y repèrent pas entre les bits, les terabits, et les zettabits donc, c’est beaucoup, à en voir les ordres de grandeur ici.
La France n’est pas en reste dans la production de cette masse de données, avec le lancement par le gouvernement, début décembre 2011, du site de données publiques data.gouv.fr. Y figurent des tonnes d’informations chiffrées dont la lecture est indigeste, pour ne pas dire incompréhensible, pour le commun des mortels. Or le travail du journaliste de données, c’est de donner du sens à ces chiffres en les sortant de leur fichier Excel pour que «l’information vous saute aux yeux», comme écrit dans un précédent WIP. Tous les sujets journalistiques ne se racontent pas en chiffres, mais pour, par exemple, le budget de l’Etat en 2012 et la répartition des ressources en fonction des postes budgétaires, c’est efficace. La preuve, voici la «tête» du fichier téléchargé depuis data.gouv.fr.
Et voilà la visualisation de ce budget réalisée par Elsa Fayner, sur son blog intitulé «Et voilà le travail».
Mort de Mouammar Kadhafi, G20 à Cannes, matchs de foot, débats politiques… Le «live», ce format éditorial qui permet de raconter en temps réel un événement en mixant textes, photos, vidéos, contenus issus des réseaux sociaux et interactions avec l’audience, est un appât à lecteurs. La preuve par (au moins) deux: 1. selon les estimations, il récolte minimum 30% du trafic général d’un site d’infos généralistes 2. Le «live» est un facteur d’engagement de l’audience, les internautes restant plus longtemps, beaucoup plus longtemps, sur ce type de format.
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Election présidentielle oblige, la plupart des rédactions françaises se mettent en ordre de bataille pour faire du «fact checking» en quasi temps réel, cette technique journalistique anglo-saxonne qui permet de jauger la crédibilité de la parole politique. L’un des modèles du genre, le site américain Politifact.com, qui a mis en place un outil appelé «truth-o-meter» (le véritomètre), et a été récompensé dès 2009 par le prix Pulitzer, le graal journalistique.
>> Lire ou relire ce WIP sur le fact checking >>
C’est le site journalism.co.uk qui le prédit dans sa liste des 10 choses qu’un journaliste devrait savoir en 2012: après la fermeture de News of the World et le scandale des écoutes illégales en Angleterre, l’heure serait à l’honnêteté intellectuelle. «Les journalistes doivent être certains que la fin justifie les moyens (légaux)», peut-on lire. «Ils doivent être plus transparents sur les sources, à condition que celles-ci ne soient pas compromises. Si un article naît d’un communiqué de presse, il faut le dire».
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Et aussi:
Et vous, sur quoi misez-vous pour 2012? En attendant, bonnes fêtes à tous!
Alice Antheaume
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