SXSW 2016 : Allô Austin, on a un problème

Wonderwoman fait une pause #sxsw

Une photo publiée par Alice Antheaume (@alicanth) le

«Mais qu’est-ce que je fiche là? Et pourquoi je me suis couché à 4 heures du matin? Et pourquoi j’ai trop bu? Et pourquoi le type qui est sur l’estrade veut absolument nous vendre son livre?», grommelle l’un des festivaliers de South by South West 2016, le grand raout des nouvelles technologies organisé à Austin au Texas. Ce dimanche, à l’heure des premières sessions de la matinée – 9h30 tout de même! -, ce trentenaire, arborant un short et des tongues, lève les sourcils en accent circonflexe pour garder les yeux ouverts.

2016 est-elle l’année de la fatigue? Malgré l’optimisme habituel des fans du Web, apparaît une impression de ras-le-bol. Des réseaux sociaux, de Twitter, des discours tout faits, de la profusion d’informations. Comme si les enfants du numérique, au milieu des innovations de cette édition – la réalité virtuelle, la«plateformisation» des contenus, les robots et la technologie au service de la campagne présidentielle – avaient pris de l’âge.

>> Lire aussi : le poids de la technologie sur la présidentielle américaine à South by South West 2016 >>

Cela tient d’abord à la programmation des conférences qui jouent volontiers de titres accrocheurs. L’une des sessions, intitulée «I’m tired of doing social media: what’s next?», ressemble à une réunion d’alcooliques anonymes, tentant de s’en sortir. Dans l’audience, des «community managers» désabusés qui se demandent quel sera leur avenir professionnel, quand ils ne souffrent pas d’un manque de reconnaissance. «Vous faites tellement plus que ce que les gens pensent. Vous résolvez en permanence des problèmes», rassure l’un des panélistes.

Pourtant, les perspectives sont limitées: selon un sondage cité pendant la table ronde, 74% pensent qu’en théorie, ils peuvent faire carrière à long terme dans le «social» – comprendre dans les métiers liés aux réseaux sociaux – mais 39% estiment qu’en pratique, il n’est pas évident qu’ils y arrivent.

Résultats du sondage lors du panel organisé à SXSW 2016

Fatigue de l’entre-soi

Même Twitter, pourtant repéré ici même, à Austin, en 2007, n’a plus bonne presse. Lors d’un panel intitulé «140 signes, 0 contexte», les journalistes américains invités évoquent leurs mésaventures. «Si je n’étais pas forcé d’y être pour mon travail, je ne serais pas sur Twitter», lâche Mike DeBonis, reporter politique au Washington Post. «Les utilisateurs de Twitter ne sont pas des gens normaux, on y trouve les politiques, les lobbyistes et les journalistes.»

Emily Ramshaw, éditrice au journal The Texas Tribune, raconte qu’elle a eu l’occasion de couper avec Twitter lors de son congé maternité. «C’était les plus formidables des vacances que je n’ai jamais eues!», s’exclame-t-elle.

Fatigue de la parlotte 

Autre motif de fatigue: les discours qui ne… disent rien. Au milieu de panels extraordinaires, on ne compte plus le nombre de fois que l’on a entendu le tiercé «les réseaux sociaux sont de formidables opportunités» ou «nous vivons un âge d’or du numérique» ou «les plates-formes sont essentielles». Car chez les mastodontes du Web, où la parole des dirigeants est souvent verrouillée, enfiler les perles est une pratique courante.

Les discours des patrons de grands médias américains versent parfois dans les mêmes écueils. «Les réseaux sociaux changent le monde», dit Frank Cooper, de Buzzfeed. Nan? Jim Bankoff, le patron du groupe Vox Media, a quelques fulgurances mais ne fait pas l’économie de clichés qui ne font pas avancer le schmilblick. Exemples? «Le mobile est l’outil de l’intime» ou «nous croyons aux contenus de qualité». Okaaaaayyyy.

Il y a même une session,«How to stop speaking in bullshit», qui propose aux participants d’apprendre à parler sans jargon.

Pas étonnant, souffle Martin Rogard, directeur des opérations de Dailymotion, qui préfère rencontrer des personnalités de la communauté Web en marge de sessions trop policées: «Après 10 ans de discours éculés des géants du numérique, sur les formidables opportunités que cela va créer pour les médias, ces derniers réalisent que l’essentiel de la valeur est capté par ces mêmes géants et qu’une alliance entre eux et les tenants d’un Internet ouvert est la seule solution pour lutter contre cette hégémonie.»

Le meilleur des tendances du Web

En réalité, South by South West, c’est le meilleur des tendances à venir, concentré en quatre jours et… 900 sessions. L’édition 2016 ne déroge pas à la règle. La seule chose qui a changé, c’est que les festivaliers, ces enfants du numérique, ont maintenant grandi. Et à la naïveté et l’excitation infantiles succède la mesure, et parfois, la méfiance.

«Peut-être a-t-on perdu notre capacité à s’émerveiller?», avance l’un des participants, dont c’est la troisième année à South by South West. Dans son souvenir, la meilleure édition est celle de 2014, lorsque Julian Assange et Edward Snowden, les dissidents de la surveillance, se sont succédés sur la grande scène. Cette année, cette grande scène a été condamnée, elle est devenue un lieu balisé où les plus de 34.000 festivaliers, venus de 84 pays, retirent leurs badges.

Nostalgie

Et puis, contrairement aux éditions précédentes, point d’application qui supplante tout le reste. Outre Twitter, South by South West a vu naître Foursquare en 2009, puis Meerkat l’année dernière mais il n’y a pas de «buzz» pareil cette fois-ci. «Ce sont des années d’exception», explique Hugh Forrest, le directeur de la partie interactive de South by South West. L’absence de buzz ne signifie pas l’absence d’innovation.

Hugh Forrest, lui, préfère se réjouir du «coup» réalisé lors de l’ouverture, avec la présence de Barack Obama, le «leader du free world», comme il l’appelle. «En novembre dernier, on a demandé, en passant par les équipes de la Maison Blanche, d’avoir une vidéo de 2 minutes du président, pour le premier jour du festival. On nous a répondu qu’il n’y avait pas de problème pour la vidéo, mais que Barack Obama pouvait faire mieux. Il pouvait venir tout court.»

Promesse tenue. «A part dire que les Etats-Unis étaient un pays où il était plus facile de commander une pizza que de voter, il n’a pas dit grand chose», confie l’un des heureux accrédités. «Néanmoins j’ai eu les poils qui se sont hérissés quand il est arrivé, j’avoue que j’étais vraiment impressionné».

Les robots ne sont pas fatigués

Comment, alors, expliquer cette vague de lassitude? Il y a peut-être, en filigrane, des pointes d’inquiétude dans un univers réputé pour son excitation inébranlable face aux nouveautés. Et si l’émergence de robots et d’algorithmes finissait par entamer ce bel optimisme?

Salut robot Pepper ? #sxsw @aldebaranofficial

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Lors d’un panel sur «trouver un boulot dans un monde automatisé», le constat est clair: plus de deux tiers des Américains vont voir leur profession se robotiser dans les 50 prochaines années. «Au 20e siècle, de nombreuses tâches physiques très répétitives ont été automatisées. Au 21e siècle, ce sont les tâches intellectuelles qui vont l’être.»

Selon Robbie Allen, le président de la société Automated Insights, qui produit des articles écrits par des algorithmes, Pour ne pas finir au chômage, mieux vaut trouver des métiers où la part de «créativité» est prégnante.

Et sinon? Sinon, la profession d’entrepreneur reste une valeur sûre. Rassurez-vous, conclut Kevin Kelly, le fondateur du magazine Wired: «Les robots sont là pour la productivité pure. Leur multiplication va créer des nouveaux jobs pour les humains.»

Alors tout va bien sous le soleil texan.

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Alice Antheaume, à Austin, Texas

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SXSW 2016: le poids de la technologie sur la campagne présidentielle américaine

Crédit: AA

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Année présidentielle aux Etats-Unis oblige, le festival South by South West, qui se tient à Austin, au Texas, du 11 au 15 mars 2016, fait une large place à la politique, via des dizaines de sessions consacrées au sujet – sur les quelque 900 qui figurent dans le programme.

>>Lire les tendances de South by South West 2014 >>

Au centre des préoccupations, cette question: qui va élire le successeur de Barack Obama? Les réseaux sociaux? Les moteurs de recherche? Si Dan Rather, le présentateur phare de la chaîne CBS, âgé aujourd’hui de 84 ans, estime que «c’est la télévision qui décidera du résultat des élections, et non Internet ni les réseaux sociaux», personne à South by South West ne semble aller dans son sens.

Quand les data gouvernent la politique

Car, en 2016, ce sont les data et leur bonne gestion qui transforment un candidat en président. «Pas les data en tant que telles, mais les data comme levier pour pousser les messages politiques», tempère JC Medici, de la société Rocket Fuel, qui fabrique des publicités politiques.

Parmi les données scrutées de près par les équipes des candidats, il y a avant tout les réactions collectées lors du porte-à-porte, les dons effectués par email, le nombre de likes et de retweets obtenus en ligne, le taux de partage sur les réseaux sociaux. Autant de données – anonymisées par une société tierce avant d’être récupérées par les partis – qui peuvent prédire la victoire ou l’échec.

Lorsqu’on demande à Keegan Goudiss, l’un des artisans de la campagne de Bernie Sanders, s’il s’attendait à ce que le démocrate l’emporte aux primaires dans l’Etat du Michigan, il répond qu’il avait vu que «le responsable de la campagne était très enthousiaste avant l’heure». Combien de temps «avant l’heure» était-il enthousiaste? On ne le saura pas.

Passion politique

«Il ne faut pas surestimer le nombre d’utilisateurs d’Internet dans le processus électoral», reprend Dan Rather. Pour Keegan Goudiss, «certains publics ne sont pas atteignables via le numérique», il faut donc continuer à faire de la publicité sur les médias traditionnels.

Un paradoxe: alors qu’en 2016, la très grande majorité des investissements publicitaires en politique se font à la télévision plutôt qu’en ligne, c’est la première élection américaine où les «millennials», ces jeunes qui désertent les médias traditionnels, sont en âge de voter. «Les millennials sont plus éduqués, plus informés que les autres électeurs», précise Cenk Uygur, éditorialiste et présentateur du programme sur YouTube, «The young turks».

Conséquence, du point de vue des médias: «la passion de l’audience pour la politique n’a jamais été aussi grande qu’en 2016», assure Jeanmarie Condon, l’une des dirigeantes d’ABC News, qui raconte comment son organisation produit des contenus exclusifs sur diverses plates-formes pour attraper là où elles se trouvent différentes catégories de lecteurs.

La partition des «millennials»

Comment intéresser un «millennial», quand on vise un mandat politique? C’est un vrai casse-tête, souffle Jaime Bowers, qui a aidé de nombreux hommes politiques à briguer des postes dans l’exécutif. «A condition d’être sur le bon canal, vous pouvez les impliquer sur des sujets auxquels ils n’auraient jamais répondu, explique-t-elle. En revanche, c’est très difficile d’obtenir d’eux des dons».

Or c’est le nerf de la guerre dans une campagne présidentielle américaine. «Depuis 1968, 10 des 12 candidats qui ont emporté la présidentielle sont ceux qui ont dépensé le plus d’argent», analysent Kyle Britt et Michael Kinstlinger, de Havas helia, une antenne d’Havas spécialisée dans l’analyse des données, lors d’un panel intitulé «data defeat Truman», une allusion au titre «Dewey defeat Truman» publié par le Chicago Tribune en 1948, consacrant par erreur la victoire du républicain Thomas Dewey contre le démocrate Harry Truman, finalement réélu.

«Inbox or die»

En 2016, c’est toujours le cas. Plus il y a d’emails, plus il y a de retweets, plus il y a de dons, plus il y a de votes, assurent les panélistes. Et le déluge de données ne fait que commencer. D’ici le 8 novembre, jour de l’élection du prochain président des Etats-Unis, les Américains vont recevoir 10 milliards d’emails de la part des candidats. Une avalanche de données qu’Havas helia a commencé à analyser. Conclusion pour les candidats? «Inbox or die» – «apparais dans la messagerie de tes électeurs ou meurs», en VF.

Pour Kyle Britt et Michael Kinstlinger, les data ne peuvent pas forcément prédire les résultats, mais montrent des corrélations. Ted Cruz, le sénateur conservateur, candidat aux primaires républicaines, est à la traîne face à Donald Trump. A regarder de plus près les 78 emails qu’il a envoyés entre mi-janvier et mi-février, il apparaît que 22 d’entre eux sont arrivés dans les «spams», quand Donald Trump, sur la même période, fait dans la mesure: seuls 28 emails envoyés, assez peu personnalisés d’ailleurs, et 0 dans les spams.

Quant aux réseaux sociaux, ils sont bien sûr utilisés à tire-larigot. Le risque? Que le candidat joue à «faire jeune». C’est le cas d’Hillary Clinton, lorsqu’elle demande à ses followers sur Twitter de décrire ce qu’ils pensent de leurs emprunts étudiants via des émoticônes, suscitant des moqueries en cascade.

 

Bonne pioche en revanche pour Bernie Sanders qui, lorsqu’il parle de Snapchat, évoque un «Snapshot thing» et s’émeut qu’on ne lui laisse pas plus de quelques secondes pour parler. «En 2016, l’authenticité compte plus que la politique» en ligne, martèlent les conseillers.

Les Obamas en têtes d’affiche

Clou du spectacle de cette édition de South by South West, «les Obamas» sont de la partie, monsieur en ouverture, madame en fermeture. En trente ans de festival, c’est la première fois qu’un président en exercice monte sur la scène. Alors qu’il s’apprête à quitter le bureau ovale, il marche sur des œufs lorsqu’il s’agit de se prononcer sur le chiffrement, une question ultra chaude depuis que le FBI demande à Apple la clé pour accéder au contenu du téléphone d’un des auteurs soupçonnés de la fusillade de San Bernardino, en Californie, ce à quoi Apple a opposé une fin de non recevoir.

C’est l’un des sujets qui suscite le plus d’intérêt des participants du festival, note Quartz. Le président des Etats-Unis le sait bien et leur conseille de ne pas avoir de position «absolutiste», avant de jouer sur la corde sensible: «comment faire pour appréhender les auteurs de contenus pédophiles? Comment déjouer les plans terroristes? Il faut faire des concessions». Barack Obama, contre l’avis de la plupart des amateurs de nouvelles technologies, plaide pour «un système au chiffrement aussi fort que possible, à la clé aussi sécurisée que possible, mais accessible à un tout petit nombre de personnes, pour des problèmes précis et importants sur lesquels nous sommes d’accord».

Des propos qui, de l’autre côté de l’Atlantique, ont fait bondir Edward Snowden, lequel dit tout haut à Berlin ce que beaucoup de participants de South by South West pensent tout bas, dans la seule ville démocrate de tout le Texas: «nous avons un très gros problème lorsque le président des Etats-Unis peut arguer que la position qui fait consensus chez les experts est une position extrémiste.»

Le chiffrement est un sujet très politique qui peut peser plus qu’il n’y paraît dans la campagne présidentielle.

Sam Esmail, le créateur de Mr Robot, également sur la scène d’Austin, s’est dit du côté de Tim Cook, le patron d’Apple, et a assuré que cette polémique «cruciale» allait nourrir la saison 2 de sa série. Applaudissements nourris dans la salle.

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Alice Antheaume, à Austin, Texas

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Le kit de survie pour partir en reportage sur des zones difficiles

Crédit: Michael Zumstein

Crédit: Michael Zumstein

“Je ne suis pas un reporter de guerre. Je suis un reporter dans la guerre”, indique Vincent Hugeux, grand reporter à L’Express, invité de l’Ecole de journalisme de Sciences Po pour une master class le mercredi 9 septembre sur le reportage en terrain hostile. Sans évoquer les blessures psychiques ni la façon dont, peu à peu, on se “blinde” face aux images d’horreur, voici son “kit de survie” en 11 points pour les premiers pas.


1. Soigner la préparation

Le reportage se joue en très grande partie avant de partir. “Tout se joue en amont”, insiste Vincent Hugeux, “il faut savoir ou l’on met les pieds” avant d’y mettre les pieds. Cela signifie se documenter au préalable, lire toutes les études, articles et livres possibles, solliciter des avis d’experts, des diplomates, et enfin des confrères partis sur la zone récemment. Autre nécessité: trouver un fixeur, “la meilleure des assurances vie”.


2. Savoir que tout change

L’autre écueil est le “supposé connu”, continue le reporter. Même après des dizaines de séjours sur le même terrain, il ne faut rien tenir pour acquis. Car le chemin protégé d’hier entre un point A et un point B est apeut-être devenu un coupe-gorge aujourd’hui. De même que l’interlocuteur autrefois fiable peut avoir retourné sa veste.


3. Connaître les enjeux des conflits

Cela va avec les deux premiers points. Or c’est d’autant plus difficile aujourd’hui qu’il “n’y a plus de guerre conventionnelle” : les ressorts ethniques, communautaires, géographiques et économiques se sont complexifiés.


4. Etre conscient de ce que le journaliste incarne en terrain hostile

Avec 71 journalistes tués en 2014, “il n’y a plus de respect pour les emblèmes, que ce soit La Croix rouge, Médecins du monde ou la presse”. En clair, “vous devenez une cible en tant que journaliste et en tant qu’humanitaire”, avertit Vincent Hugeux. Conséquence, il faut veiller à utiliser les réseaux sociaux à bon escient. C’est-à-dire pas pour signaler sa position à n’importe qui en se géolocalisant, mais en y trouvant des contacts, des informations, des interlocuteurs intéressants.


5. Considérer la peur comme une bonne conseillère

“Méfiez-vous de l’effet de groupe”, harangue le journaliste de L’Express. Dès qu’il y a plusieurs reporters sur la même zone, apparaissent des comportements “bravaches et puérils” avec des journalistes, ragaillardis par la présence de leurs confrères, qui en viennent à estimer que le port du casque n’est pas nécessaire, note Vincent Hugeux. Un comportement suicidaire.

Ceux qui disent qu’ils n’ont “peur de rien” ne sont pas de bons reporters, car “la trouille peut être une alliée” lorsqu’il s’agit de repérer les dangers. En 2010, déjà, Michael Kamber, photoreporter américain, l’avait dit aux élèves de l’Ecole de journalisme de Sciences Po: “quand on n’a plus peur, on prend trop de risques”.


6. Aimer la vie

Vincent Hugeux fuie comme la peste les confrères qui se vantent en disant “le journalisme est toute ma vie”. L’exaltation peut conduire au péril. “C’est parfois grisant mais il faut garder l’envie de rester entier. Et avoir le même plaisir à partir qu’à rentrer”. En outre, “on écrit de meilleurs papiers quand on veut rentrer”…


7. Mieux vaut prévenir que guérir

Il faut veiller à “informer de sa position et de chacun de ses mouvements” un diplomate, les services de l’ambassade, un rédacteur en chef basé à Paris.

Si, comme me l’a raconté Alfred De Montesquiou, grand reporter à Paris Match, des chartes très précises existent à Associated Press pour encadrer les déplacements des reporters de guerre, Vincent Hugeux a construit son propre système de protection en donnant son itinéraire à l’un de ses rédacteurs en chef, qui sait que, s’il n’a pas de nouvelles à telle ou telle heure, fixée à l’avance, il doit alerter les autorités françaises.

Un système difficile à établir quand le reporter est pigiste. “La précarisation du métier pousse à prendre des risques inconsidérés dans des endroits inhospitaliers” pour satisfaire “la veulerie des rédactions”, regrette Vincent Hugeux, qui connaît sa chance. “En tant que salarié, j’ai le pouvoir de dire non, je n’y vais pas. En tant que pigiste, ce n’est pas possible”. Et ce, alors même que les rédactions ne sont pas sûres de prendre le sujet du pigiste. Ils lui disent “vas-y coco, et on verra bien ce que tu nous ramènes. En fonction, on te dira si cela nous intéresse ou non”. Cela dit, “si la vie n’a pas de prix, la sécurité a un coût incompressible, qui peut “peser lourd au moment de la décision éditoriale de laisser quelqu’un partir”.


8. Prévoir une assurance

Cela coûte très cher mais c’est indispensable pour partir dans des contrées difficiles, que ce soit pour quelques jours ou pour des semaines. Reporters sans frontières en propose, selon deux formules disponibles ici.


9. S’équiper

Gilet pare-balles ou casque? “Dans mon bureau, j’ai tout un attirail composé d’un gilet de sauvetage, d’une moustiquaire, d’une tente, d’un casque et d’un gilet pare balles”, raconte Vincent Hugeux qui assure s’être servi de chacun des éléments au cours de sa carrière. Le casque à Grozny, en Tchétchénie, que les forces russes écrasaient sous les bombes, n’est pas “une coquetterie superflue”. Le gilet de sauvetage pour atteindre Misrata, en Libye, inaccessible par la route, non plus. D’autant que les militaires n’acceptent parfois de “vous emmener que si vous êtes équipé”.

Problème de cet équipement: il instaure un rapport déséquilibré voire “parasitaire” avec les interlocuteurs, lesquels ne sont, eux, pas équipés.


10. S’interroger sur la protection rapprochée et les reportages “embed”

Plus que l’équipement, la sécurité rapprochée est une “figure de style pesante qui peut être imposée”, par exemple en Algérie, où l’on invoque “l’impératif de votre propre sécurité”, se souvient Vincent Hugeux, “alors qu’on se sent plus en sécurité seul qu’accompagné”. Là encore, la présence de ces “protecteurs”, souvent des anciens des forces spéciales, “perturbe complètement la sincérité de l’échange” avec ceux que l’on interviewe. Mais c’est une condition parfois nécessaire.

De même pour les reportages “embed” (embarqué, en VF). Si l’on a le choix entre pouvoir y aller seul ou suivre des troupes militaires, on prend la première option. Si on n’a pas le choix et que c’est la seule façon de se rendre sur une zone, on regarde, tout en sachant qu’être “embed” signifie adhérer aux règles de l’armée, à leurs sorties, leur itinéraire, etc. Pour l’Irak, en 2003, le reportage “embed” était la seule solution. Mais cela veut dire rester cloîtré dans la zone verte, un quartier fortifié où se trouvent gouvernement provisoire irakien et ambassades. “C’est comme si j’étais moi-même prisonnier de la guerre”, se souvient le photographe américain Michael Kamber. “Je ne sortais que lorsque l’armée l’a décidé, dans un véhicule blindé”. Sans liberté de mouvement. Mais pas sans liberté de penser.


11. Ecrire sobre

Au moment de passer à l’écriture, il y a deux règles d’or à respecter.

1. Ne surtout pas devenir le sujet de son sujet. “Le reportage doit être une ascèce, et non un métier altruiste pratiqué par des égocentriques”, lâche Vincent Hugeux.

2. Faire sobre en racontant “les creux” de la guerre et non “le boum boum”. Certaines scènes sont insupportables, à vivre et à lire. Il n’est pas question de les adoucir, mais de veiller à ce que le lecteur puisse aller jusqu’au bout sans haut le coeur.

Alice Antheaume

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Newsgeist: Google et les journalistes en Finlande

Crédit: AA

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Au beau milieu d’un campus en banlieue d’Helsinki s’est tenu pendant trois jours le Newsgeist, une réunion informelle avec 150 journalistes européens invités par Google.

Au programme: des sessions à bâtons rompus, des présentations dont les “slides” défilent toutes les 15 secondes, bousculant l’orateur qui, sur l’estrade, tente de suivre le rythme, du saumon à gogo et des jeux de rôle type le loup-garou jusqu’à la nuit tombée – elle tombe très tard en Finlande à cette période de l’année… Zoom sur les 4 questions les plus débattues au cours de ce séjour chez les Lapons.

NB: les citations ne sont pas attribuées, conformément à la “Chatham House Rule” qui prévaut dans cette conférence.

Faut-il publier ses articles sur Facebook?

La question est sur toutes les lèvres, quelques jours après l’apparition des premiers “instant articles” du New York Times, du Guardian, de Bild, de Buzzfeed et de National Geographic sur Facebook.

Au Newsgeist, la moitié des journalistes présents applaudit l’initiative, considérant qu’il n’y a pas d’autre levier de croissance possible sur mobile que les réseaux sociaux, où l’audience se trouve déjà – Facebook compte 798 millions d’utilisateurs sur mobile.

Dans le camp adverse, on estime que publier des contenus directement sur Facebook, accusé de se prendre pour “le kiosque de l’humanité”, n’a aucun intérêt puisque cela ne donne même pas de prépondérance à ces articles dans le “newsfeed”.

L’un des participants ironise: “parler des articles publiés sur Facebook en étant journaliste me donne l’impression d’être sur le Titanic et de discuter de la décoration intérieure des bateaux”.

Du point de vue utilisateur, l’expérience, immersive, vaut le coup d’oeil – ces articles sont visibles uniquement depuis l’application Facebook sur iPhone. L’ensemble des contenus s’affichent à une rapidité remarquable. Un argument qui suscite à la fois l’admiration et les sarcasmes au Newsgeist: ”à quoi bon investir des forces dans le développement de notre CMS si Facebook devient notre plate-forme de publication, pour ne pas dire l’Internet en général?”, peste un professionnel.

Côté publicité, les médias récupèrent 100% des revenus publicitaires générés par les campagnes qu’ils ont insérées dans leurs “instant articles”, tandis que Facebook prend 30% des publicités commercialisées par ses soins – les 70% restant reviennent aux médias. Un “accord incroyablement généreux”, selon Will Oremus de Slate.com, et beaucoup plus avantageux pour les éditeurs que le modèle Discover de Snapchat.

Reste les données récoltées sur les lecteurs, le nerf de la guerre. Même si Facebook a prévu que les médias puissent embarquer des outils de suivi statistique sur leurs “instant articles”, le comportement des utilisateurs, avant et après avoir lu un tel contenu, et notamment sur les publicités auxquelles ils sont exposées, sont des indicateurs précieux qui demeurent a priori dans le giron de Facebook.

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Comment lutter contre les bloqueurs de publicité?

Selon les estimations, entre 25% et 30% des consommateurs d’information recourent à des bloqueurs de publicité (“Adblock”), ces petits logiciels disponibles gratuitement sur n’importe quel navigateur (Chrome, Firefox, etc.) qui empêchent les publicités (display, native adversiting) de s’afficher sur les sites d’informations. Parce que cette audience ne voit plus s’afficher de bannières et autres encarts publicitaires, elle n’est plus “monétisable” auprès des annonceurs. De quoi causer de sérieux maux de tête aux responsables des rédactions.

Au Newsgeist, ceux-ci fustigent ces Adblock, qui tuent le modèle économique des médias financés par la publicité.

“Amazon et Google ont fait un gros chèque pour que leurs publicités s’affichent toujours”, s’avance l’un, faisant allusion à l’accord passé entre quelques géants du Web et le logiciel Adblock Plus. Le montant du chèque? Secret défense. “C’est du racket!”, soupire un autre.

Et de poursuivre, faisant sien l’un des arguments de ces empêcheurs de publicités: “il faut dire que les bannières sont tellement pénibles et intrusives, à te sauter aux yeux dans tous les sens, au-dessus de ton article, dedans, en dessous de ta fenêtre… Même les commerciaux qui travaillent dans notre régie publicitaire ont des Adblocks, c’est dire!”.

Si les bloqueurs parviennent très bien à empêcher l’affichage du display et même de la publicité native, ils sont moins efficaces sur les pré-rolls des vidéos.

Résultat, les annonceurs s’arc-boutent et misent tout sur le scénario suivant: puisque le pré-roll est pour l’instant mieux préservé, il va compenser le manque-à-gagner des autres formats publicitaires dont l’affichage est empêché. Sur les vidéos éditées par les médias, éviter les premières secondes de publicité, via le bouton “vous pourrez voir votre vidéo dans 5 secondes”, relève du miracle. De même, quand l’utilisateur change d’onglet, le pré-roll de sa vidéo s’arrête, le forçant à rester sur l’onglet initial s’il veut voir la suite.

Le pire, c’est que personne, au Newsgeist, ne sait comment sortir de cette situation. Pour l’instant, les annonceurs multiplient les campagnes sur le mobile, où il n’y a pas encore d’Adblock très opérant – mais cela ne va pas durer. Quant aux éditeurs, ils voient avec circonspection émerger des start-up comme “Secret media” qui leur promettent de contourner le blocage en re-encodant leurs publicités dans un format indétectable. Sauf que ces start-up se rémunèrent bien sûr au passage. “Encore du racket”, siffle l’un des journalistes dans la salle.

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Comment faire du bon journalisme sur mobile? 

“Nous passons trop de temps à toiletter les contenus vus sur les sites d’information pour qu’ils aillent sur nos applications”, déplore un participant. Une erreur qui n’est que la reproduction d’un mécanisme d’antan. Déjà, il y a vingt ans, les journalistes nettoyaient les articles issus du “print” pour qu’ils aillent sur le Web.

“Si vous voulez produire des informations adaptées au mobile, c’est simple: vous arrêtez de faire des contenus pour le site, d’autres pour Facebook, d’autres pour Twitter”, conseille un éditeur au Newsgeist. “Et vous ne produisez que pour le mobile, exclusivement”. OK, sauf que, dans la salle, il y a certes des rédactions qui sont “mobile first”, mais une seule seulement a fait le pari du “mobile only”. Et avec un succès relatif. “Les applications Circa ou Yahoo! News Digest sont belles, mais elles ne drainent pas des masses d’audience”, précise un informateur.

Un autre raconte les tests qu’il a effectués auprès des lecteurs sur les formats éditoriaux spécifiques au mobile: “Les gens se contrefichent d’avoir un article séquencé en divers éléments indépendants”, les fameux atomes de Circa, “ils cherchent juste à obtenir des informations… Et le texte, même très long, leur va très bien”.

A condition, comme dit plus haut à propos des “instant articles” de Facebook, que les contenus s’affichent vite sur l’écran du smartphone. C’est la condition sine qua non d’un bon contenu sur mobile: son accessibilité, fissa s’il vous plaît.

Comment mesurer l’impact du journalisme?

J’ai écrit à ce sujet un WIP la semaine dernière, à partir du nouvel outil de Buzzfeed, Pound, pour suivre l’itinéraire d’un contenu sur le Web.

Au Newsgeist, The Guardian n’est pas en reste et a développé son propre baromètre, baptisé Ophan. Un outil qui permet de visualiser, pour chaque contenu publié sur le site du Guardian, une série d’indicateurs s’affichés sous la forme de graphiques: où le contenu est-il lu? Comment est-il lu (depuis un navigateur? Sur Facebook?)? Comment les lecteurs ont-ils trouvé ce contenu (via moteur de recherche? Via les réseaux sociaux? Par l’entremise d’un blog?)? Combien de temps sont-ils restés sur ce contenu? Où sont-ils allés après?

Surtout, Ophan permet de mesurer l’attention des lecteurs. Pour les équipes, c’est l’indice le plus opérant aujourd’hui. Bien plus que les pages vues et les visiteurs uniques, même si ceux-ci restent pour l’instant le mètre étalon.

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Alice Antheaume

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Les 4 prédictions du festival de journalisme de Pérouse

Crédit: Arièle Bonte

Crédit: Arièle Bonte

W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Arièle Bonte, étudiante à l’Ecole de journalisme de Sciences Po, et lauréate de la bourse Amazon, partie en exploration au festival international de journalisme de Pérouse, en Italie. 

1. La fin des médias de masse?

“Nous devons considérer notre public comme une communauté et non pas comme une masse”, a martelé Jeff Jarvis, le professeur et journaliste américain, lors de sa keynote au coeur du Palazzo dei Priori. S’adressant aux journalistes et professionnels des médias présents en nombre dans la salle, il a insisté sur la nécessité d’une spécialisation des médias pour ne plus “parler de tout à tout le monde”.

“Les journalistes doivent repenser leur rôle. Ils doivent devenir des organisateurs de communautés. Aujourd’hui, le problème avec les médias c’est que nous définissions une communauté de l’extérieur. Nous devons demander aux communautés de se définir elles-mêmes et de développer des services autour d’elles.” Des propos qui ont suscité de nombreux applaudissements de la sala de Notari.

2. La fin de la publicité?

Le pure player hollandais “De Correspondent” est basé sur un modèle simple: zéro publicité et un contenu 100% payant (60 euros par an). “Ce nouveau média se focalise sur les besoins de nos membres”, raconte Ernst-Jan Pfauth, son jeune éditeur. Pour lui, les abonnés de De Correspondent ne sont pas de simples lecteurs. “Ils ont une expertise et peuvent donc contribuer à notre contenu”.

Alexander Klöpping, fondateur de Blendle, s’étonne quant à lui du succès de la VOD ou des abonnements de musique en streaming, alors que le journalisme payant en ligne peine à exister. Le contenu de Blendle est lui-aussi entièrement payant. Mais les articles viennent de différents médias, et sont tous recommandés par des amis inscrits sur le site. La lecture d’un article coût environ 60 centimes. Si celle-ci n’a pas satisfait le lecteur, il peut demander un remboursement. Un système inédit, et qui fonctionne. Seuls 2,25% des articles achetés sont remboursés.

Pour Mathew Ingram, de Fortune Magazine, l’équation peut être résumée de la façon suivante: un média offre un service payant à ses membres. En échange, la publicité est bannie du contenu. Cette relation privilégiée de “membership” est importante et en pleine expérimentation selon Raju Narisetti, vice-président de News Corp. Plus qu’un chèque ambulant, un membre est considéré comme un collaborateur, comme quelqu’un qui a une valeur à apporter au contenu du média.

Dans les médias français, ce modèle existe déjà. C’est ce que propose notamment La Revue Dessinée. David Servenay, son confondateur, insiste sur l’importance d’un contrat de lecture pour garantir une indépendance et un contenu de qualité: “On vend une revue à un prix coûteux – 15 euros – mais la contre-partie, c’est une revue sans publicité, et de longs reportages ou sujets d’enquête.” David Eloy, rédacteur en chef d’Altermondes, dénonce la course aux annonceurs de certains médias: “l’information perd en qualité et l’opinion publique n’est pas très confiante dans les médias. Choisir un contenu payant, c’est être très clair sur sa ligne éditoriale.”

 3. Technologie mon amie

Avoir du contenu exclusif et de qualité est un gros avantage pour un média. Mais une bonne histoire, une fois en ligne, peut être récupérée par tous, reprend Raju Narisetti dans la salle Rafaello de l’Hotel Brufani. Pour lui, les rédactions doivent se focaliser sur la création de nouveaux contenus, mais aussi sur l’expérience pour les utilisateurs. Bref, il faut combiner journalisme et technologie.

Au festival international du journalisme, les workshops et ateliers consacrés aux nouvelles technologies n’ont d’ailleurs pas manqué. Cours de data journalisme, présentations de centaines d’outils en ligne ou d’applications pour réaliser une carte, une iconographie, localiser des témoins et même générer des idées d’articles, impossible de quitter l’Italie sans sa liste de nouveaux outils de journaliste connecté. Mais pour le journaliste belge Tim Verheyden, “si les gens parlent, les chiffres non”. Saluant ces nouveaux outils qui sont “formidables”, il encourage à les utiliser “dans le but de se dépasser en tant que journaliste”.

Pour permettre aux journaliste d’embrasser les nouvelles technologies, le contact entre développeurs doit être permanent. Vivian Shiller (Vocativ) raconte que, lorsqu’elle était au New York Times, les développeurs n’étaient pas intégrés physiquement à la rédaction des journalistes – une remarque qui figure dans le mémo sur l’innovation du New York Times. Les contacts entre les deux parties s’en trouvent donc entravés: or, sans communication entre journalistes et développeurs, pas de cohésion, ni de création de projets innovants.

 4. Vive les jeunes

Facebook, Twitter, Instagram, Youtube, Snapchat… Les médias sont présents sur de plus en plus de réseaux sociaux. Et pour cause, c’est là que se trouve l’audience, laquelle ne prend plus forcément la peine de passer par les pages d’accueil des sites d’information.

“Nous avons dû mettre notre contenu vidéo sur Youtube, parce que c’est là qu’on peut toucher une audience plus jeune”, raconte Ben de Pear de Channel 4 News. “La stratégie, c’est de publier le contenu là où vont les gens. Mais c’est aussi pour pousser les plus jeunes à se rendre sur notre site Web.”

Les médias prennent de plus en plus en compte cette nouvelle génération qui a grandi avec un smartphone entre les doigts. Channel 4 News a par exemple lancé son Newswall, un site qui reprend les codes des jeunes sur Internet: beaucoup d’images, des gifs, du contenu interactif et une touche d’humour pour expliquer l’actualité et les enjeux de la société.

La partie Le Plus de L’Obs revendique le même public : avec son contenu participatif, et ses nouveaux formats vidéos. Quant à BBCNews, son compte Instagram est suivi par 177.000 utilisateurs. Des vidéos de 15 secondes qui expérimentent, parfois avec humour, de nouvelles manières de transmettre l’information. Le site anglais s’est même mis à l’interview emojis pour raconter des histoires adaptées aux nouveaux modes de communication.

Arièle Bonte

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Au royaume du Mobile World Congress 2015, les opérateurs sont toujours les rois

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90.000 personnes, hommes et femmes, smartphones greffés à la main, badge orange autour du cou, arpentent les 100.000 mètres carrés du Mobile World Congress, logés au Fira Gran Via à Barcelone, sorte de Roissy-Charles de Gaulle doté de huit terminaux, accessibles via des tapis roulants.

“A cause de ta start-up, tu crois que le mobile, ce sont les applications. Arrivé ici, tu comprends que non: les applications, cela tient dans un demi-hall”, sourit Antoine Guénard, de Batch.com.

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Les maîtres du royaume sont les opérateurs de téléphonie

Car au World Mobile Congress, les rois sont les opérateurs de téléphonie. Ceux à qui Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook et invité star de la première journée, a dit qu’il les aimait parce que, grâce à eux et aux coûteuses infrastructures qu’ils ont développées, il a pu “connecter le monde”. Il les a d’ailleurs invités ensuite à un somptueux dîner composé de douze plats accompagnés de douze vins, dans une galerie d’art, selon Challenges.

Quelques heures plus tôt, ce sont ces mêmes opérateurs qui sont montés sur la grande scène du World Mobile Congress les premiers. Objectifs: montrer leurs biceps et faire du lobbying auprès des “régulateurs”. Leur message? En substance, merci de mettre les mastodontes du Web comme Google et Facebook sur le même plan législatif que nous, les opérateurs, sinon ce n’est pas juste. “Facebook est un service de communication qui échappe aux règles de régulation”, glisse Timotheus Höttges, le président de Deutsche Telekom. Et il n’en pense sans doute pas moins de Google, qui, de surcroît, vient d’annoncer qu’il allait devenir un opérateur virtuel de téléphonie, aux Etats-Unis, dans “quelques mois”.

Un message qui fait écho aux propos déjà tenus par Stéphane Richard, le patron d’Orange, réclamant “l’égalité de traitement sur les données personnelles et la fiscalité” entre les géants américains du Net et les opérateurs. “Je trouve scandaleux et inacceptable que les trois plus grandes entreprises américaines de l’Internet payent 1% des impôts du numérique en France, quand nous, les opérateurs en payons 96%”.

La 5G en vue

Parmi les autres sujets qui mobilisent ces opérateurs au Mobile World Congress, figure la 5G, ce réseau dernière génération ultra rapide. En son honneur, la panoplie communicationnelle est de sortie: vidéos promotionnelles, présentations comparatives selon lesquelles la 5G permettrait de télécharger un film en 6 secondes, quand on met 7 minutes pour ce même film avec de la 4G, et 70 minutes avec de la 3G.

Il y en aura pour les Jeux Olympiques d’hiver en Corée du Sud, promet Chang-Gyu Hwang, le président de KT Corporation, le groupe coréen de communications et médias. Pour le reste, aucune date n’est avancée.

“La 5G n’est ni pour demain ni pour la semaine prochaine”, tempère Stéphane Richard, d’Orange, qui préfère expliquer ce à quoi cela pourrait servir. “La 5G va supporter l’augmentation des objets connectés – 50 milliards d’objets vont être connectés d’ici 2020, selon les estimations – et va offrir une meilleure expérience pour les utilisateurs, d’où qu’ils soient, y compris dans les transports, les TGV, les avions, ou dans les lieux bondés, comme les stades” pendant un match.

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Pour Ken Hu, le vice président de Huawei, la 5G n’est rien de moins qu’une “question de vie et de mort” dans le cas des voitures connectées. Slide à l’appui, il assure que les véhicules pourraient freiner en 2,8 centimètres avec la 5G, quand il leur faut 1,4 mètre avec la 4G.

Du réseau, partout, tout le temps, et rapidement !

S’il y a bien un sujet qui ne vieillit pas avec les années, c’est la question de l’accessibilité du réseau, et, avec, la vitesse de connexion. Si Eric Schmidt, le patron de Google, prédisait lors de l’édition 2012 du Mobile World Congress que l’Internet serait comme l’électricité, invisible mais “toujours là”, le réseau est, en 2015, forcément mobile – “le mobile est devenu le coeur du Web”, dit Anne Bouverot, directrice générale de l’association mondiale des opérateurs mobiles GSMA – mais “encore trop lent”, d’après Timotheus Höttges. “Or nous devons pouvoir délivrer des services et des communications en quelques micro-secondes seulement”.

“Internet est devenu un besoin primaire pour la plupart des individus, surtout pour les plus jeunes, et la connectivité va devenir un besoin vital”, abonde à son tour Stéphane Richard.

Et Vittorio Colao, de Vodafone, d’appuyer: “les clients veulent plus de vitesse et d’ubiquité”. Comprendre: ils veulent se connecter sans surcoût démentiel selon le pays dans lequel ils se trouvent. “Les clients comprennent qu’ils ne sont pas les mêmes partout mais ne comprennent quand ils doivent payer des tarifs prohibitifs lorsqu’ils sont à l’étranger”, dit-il encore.

Entre les allées

Aux détours d’un des quelque 1.800 stands, le roi Felipe VI d’Espagne est là. La reine des Pays-Bas Maxima aussi. Plus loin, c’est Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique, qui va soutenir la French tech.

Autres sujets beaucoup débattus au Mobile World Congress: le paiement sur mobile (Mastercard et Samsung ont noué un partenariat pour lancer Samsung Pay), les objets connectés (montre, manteau, bracelet, chaussures, collier pour chien), les voitures autonomes, et – c’est plutôt nouveau – les contenus. Car plus il y a de réseau, plus il faut de quoi butiner. “La priorité des clients, c’est la qualité du service. Cela inclut la vitesse, la couverture et… les contenus distribués”, détaille Vittorio Colao, citant les chiffres de The Daily Mail, un site britannique dont la majorité des internautes se connectent en dehors de l’Angleterre.

Si le Mobile World Congress fête cette année ses 10 ans, et sa “plus grosse édition”, d’après John Hoffman, l’organisateur en chef, il témoigne d’une sensibilité inédite à l’environnement. Chaque participant s’est ainsi vu remettre, avec son badge, un coupon pour utiliser à l’oeil les transports en commun de la ville pendant quatre jours.

Dimension “green”

Activité rituelle des journées de conférence, la recherche d’une prise électrique pour recharger son mobile. Cette année, les recharges de téléphones se sont via des panneaux solaires disposés dans tous les terminaux pour économiser l’énergie. Durant son discours, Stéphane Richard a lui aussi mis le sujet sur la table. “L’avènement de la 5G va fabriquer un monde plus green”, avance-t-il.

Les opérateurs, tous écolo-responsables? Vu les prévisions de croissance, avec 3.8 milliards d’utilisateurs de l’Internet mobile en 2020 dans le monde, “développer un réseau qui soit écologique est vital”, espère Stéphane Richard, qui mentionne à la fois le transport des data, les serveurs, et les mobiles eux-mêmes. “Lorsqu’ils ne sont pas en service, ces outils consomment quand même de l’énergie. Cela ne devrait pas être le cas”.

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Alice Antheaume

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Charlie, millennials, data, modèles et robots à la conférence DLD 2015

Crédit: Flickr/DLD

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Journalisme après les attentats de Charlie Hebdo, nouvelle génération consommant des informations autrement, sociétés de nouvelles technologies dirigées par les data qu’elles récoltent, modèles économiques des plates-formes d’information, et robots… Voici quelques uns des mots qui ont occupé le devant de la scène à Munich, en Allemagne, lors de la conférence annuelle DLD consacrée à l’innovation, qui a accueilli près de 1.000 participants avant le forum économique de Davos. Compte-rendu.

Charlie

Deux semaines après que la rédaction de Charlie Hebdo a été décimée à Paris, le 7 janvier 2015, nombreux sont les intervenants de DLD à en avoir parlé. Un panel intitulé “Post Paris Journalism” a même été “improvisé”, selon les mots de Steffi Czerny, la fondatrice de la conférence, pour évoquer le choc immense des attentats survenus en France et la façon dont les journalistes, en France et à l’international, ont couvert ces événements.

Avec, toujours, cette interrogation: pourquoi des rédactions aux Etats-Unis comme CNN, Associated Press, le New York Times, ou en Angleterre Sky News, ont-elles refusé de publier les caricatures de Mahomet de Charlie Hebdo? Pour Bruno Patino, le directeur de l’Ecole de journalisme de Sciences Po (1) invité à cette table ronde, “vu le contexte, il n’y a pas de question à se poser: il faut publier les caricatures”.

Ce à quoi Jeff Jarvis, qui s’était fendu d’un billet assassin à l’encontre du New York Times sur son blog, surenchérit: “ce qui est en danger, c’est la liberté d’expression. Or celle-ci fonctionne comme un muscle: il faut l’exercer sinon il risque de se ramollir”.

De son côté, Ulrich Reitz, de Focus, est plus réservé: “c’est évident qu’en France, la publication de ces dessins est liée au choc et à l’émotion. Mais au fond, je pense que le rôle du journalisme est davantage de décrire que de montrer”.

En coulisses, le débat continue en convoquant le philosophe allemand Max Weber et sa double éthique, celle de conviction et celle de responsabilité. La première suppose d’”agir en fonction de principes supérieurs auxquels on croit” quand la seconde pense aux conséquences et aux “effets concrets que l’on peut raisonnablement prévoir” d’une action, rappelle Didier Frassin, professeur à l’Université américaine de Princeton, dans une tribune à Libération. Donc pour résumer, les rédactions qui publient les caricatures sont dans l’éthique de conviction, tandis que celles qui s’y refusent sont dans l’éthique de responsabilité. Bien sûr, les premières ne sont pas pour autant irresponsables et les secondes sans idéal.

Autre sujet débattu après la tuerie de Charlie Hebdo: la tentation des gouvernements de surveiller davantage le Net pour traquer des potentiels terroriste. Les Etats-Unis ont adopté après le 11 septembre 2001 un “Patriot act” qui donne accès aux conversations des internautes sans autre démarche, et notamment sans passer par un juge.

En France, alors que le gouvernement vient d’annoncer ce mercredi une série de “mesures exceptionnelles” dont la “surveillance renforcée des communications et de l’Internet des djihadistes”, David Marcus, le vice-président de Facebook, a reconnu à DLD que “c’est toute la question après les attentats à Paris: comment trouver l’équilibre entre la protection de la vie privée de nos utilisateurs et l’impératif de sécurité?” Il répond que “c’est très difficile” tout en précisant que sa société retire en permanence des contenus qui font l’apologie du terrorisme ou des messages visant à embrigader des recrues, jusque dans la propre messagerie instantanée de Facebook. “Tout ce qui a trait à ces sujets est le plus souvent supprimé de notre plate-forme à la minute-même où on le voit”.

Millennials

Les “millennials” sont comme ci, les “millennials” sont comme ça… Ce n’est pas la première fois que les 18-34 ans sont au centre de tous les discours – voir ce précédent WIP écrit en 2014 lors d’une conférence à Londres.

“Youtube atteint plus de millennials que la télévision (…). Facebook s’adresse à plus de 18-24 ans que n’importe quelle chaîne de télévision gratuite” aux Etats-Unis, annonce Henry Blodget, le rédacteur en chef de Business Insider, lors d’une présentation percutante. Pour lui, le changement à venir est “générationnel” et “ce n’est que le début”. En effet, lorsqu’on demande aux 16-24 ans ce qui leur manquerait le plus, ils répondent leur smartphone, suivi de leur ordinateur, quand tous les adultes confondus disent que ce serait regarder la télévision qui leur manquerait le plus.

C’est vrai que ces jeunes regardent moins la télévision au sens classique du terme mais, “en réalité, c’est plus compliqué que cela car ils consomment des vidéos sur diverses plates-formes”, analyse Linda Abraham, co-fondatrice de l’institut de mesure Comscore.

Crédit: AA

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Pour les médias, savoir comment s’adresser à cette nouvelle génération, synonyme de “disruption” à tous les étages (il existe même un “Millennial disruption index”, de son petit nom MDI), est clé. Au regard des chiffres cités ci-dessus, le mobile est devenu le cordon ombilical entre les informations et l’audience, d’autant qu’il a permis d’allonger le nombre d’heures quotidiennes de consommation à 18h par jour, contre 9h avant lorsqu’il n’y avait que l’ordinateur. “Plus il y a d’écrans, plus on passe de temps sur chaque support”, conclut Linda Abraham.

En outre, selon une étude du cabinet Deloitte, ces “millennials” vont, en Amérique du Nord, dépenser 62 milliards de dollars en 2015 pour acheter des contenus, soit 750 dollars par personne, ce qui représente une “contribution significative” de la part d’une génération accusée de ne pas payer en ligne, note l’institut.

Data

Jamais les sociétés de nouvelles technologies n’ont autant été dirigées par les données qu’elles récoltent. Au point qu’elles peuvent presque tout anticiper. Amazon sait ce dont vous avez besoin avant que vous l’achetiez. Facebook sait qui vous comptez draguer. Google sait, parfois avant les intéressées elles-mêmes, qu’elles sont enceintes.

Chez Uber, il y a un département dédié à l’analyse des data. Et quand ils recrutent leurs analystes, ils dégainent l’artillerie lourde pour les séduire: plus de 400.000 dollars bruts annuels, et des vacances illimitées… du moins quand le travail est fait (“travaillez dur et prenez du temps pour vous quand vous en avez besoin”, est-il écrit sur cette offre d’emploi).

Crédit: Flickr/DLD

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A DLD, Travis Kalanick, le patron d’Uber, n’a pas révélé tout ce qu’il sait de notre façon de circuler dans les grandes villes, de nos horaires, de nos lieux de vie, même s’il a proposé de partager ces données comme il le fait déjà avec la ville de Boston. Un outil pour éviter les embouteillages? Travis Kalanick dit “arriver à connaître, 15 minutes à l’avance, les zones où il va y avoir de fortes demandes”, des données qui sont envoyées illico aux chauffeurs afin qu’ils se positionnent. Il sait aussi que la plupart des 500.000 utilisateurs d’Uber en France montent ou descendent d’une de leurs voitures à environ 1 kilomètre d’une station de métro. Un argument dont il use pour assurer que son service est un “complément des transports en commun existants”.

Surtout, c’est “armé de données”, comme le note ce blog du Financial Times, que Travis Kalanick a délivré sa stratégie pour l’Europe le temps d’un discours très “médiatrainé”, comme le relèvent plusieurs observateurs. Il compte créer 50.000 nouveaux emplois en Europe – pour l’instant, il en recense 3.750 à Paris et 10.000 à Londres.

DLD Conference Video: DLD15 – Uber and Europe: Partnering to Enable City Transformation (Travis Kalanick, Alina Fichter) with Travis Kalanick, Alina Fichter.

Modèles

Comment fonctionnent les modèles des contenus numériques? Tel est l’intitulé d’un autre panel à DLD, dont les intervenants n’ont pas manqué de s’écharper. “De nouvelles marques de contenus émergent auxquelles se connecte une nouvelle génération d’utilisateurs”, s’enthousiasme Lockhart Steele, le directeur éditorial de Vox Media. “Vous devez être un gros poisson ou bien rentrer chez vous”, lui répond Martin Clarke, le directeur de publication du Mail Online, le plus gros site d’actualités du monde en anglais, dont les compétiteurs, assène-t-il, s’appellent Buzzfeed, Yahoo! et AOL. Du lourd, donc.

“Si vous avez besoin de chercher votre audience sur Internet, vous êtes mort”, continue-t-il. “Vous devez avoir une marque que les gens connaissent et visitent” via la page d’accueil (par laquelle passe 60% de l’audience du Mail Online en Angleterre, 40% de l’audience aux Etats-Unis), une entrée qui a moins la cote pourtant, comme le relève notre enquête. “Plus on met des articles sur la page d’accueil, plus on récolte de clics”, tranche Martin Clarke.

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Les moteurs de recherche n’ont pas dit leur dernier mot. D’autant qu’une récente étude les sacre comme des sources d’actualités plus fiables que les sources d’informations qu’ils agrègent, notamment auprès des jeunes. “10 millions de clics en un mois octroient aux médias 9 millions de dollars par an”, assure Peter Barron, le directeur de la communication de Google en Europe, Moyen-Orient et Afrique.

“Il ne faut pas compter sur une seule source de revenus”, ajoute le patron du Mail Online, mais “proposer un package aux annonceurs, avec du native advertising, du display, des vidéos”.

Quant aux réseaux sociaux, Facebook en tête, ils sont à la fois vus comme un vivier d’audience féminine et un pourvoyeur de trafic de plus en plus important. “Pour l’instant, Mark Zuckerberg (le patron de Facebook, ndlr) met du bon contenu dans le newsfeed de Facebook, tant mieux pour nous. Mais si, en se levant demain, il décide du contraire, mieux vaut ne pas en dépendre”, conclut Lockhart Steele.

Robots

Je vous bassine souvent avec les robots, c’est vrai. Lors de la conférence DLD, j’ai rencontré Arthur, un humanoïde plus vrai que nature. Fabriqué par la société Hanson Robotics, il est doté d’une multitude de micro-processeurs capables de faire bouger ses joues, ses yeux, son nez, ses lèvres, ses sourcils pour avoir les expressions du visage les plus “naturelles” possibles, le tout sur simple commande, via smartphone.

Démo incroyable d’un robot avec micro expressions sur commande #dld15

Une vidéo publiée par Alice Antheaume (@alicanth) le

Le résultat est bluffant. Même la caméra de mon smartphone a été leurrée et a identifié le visage d’Arthur comme celui d’une vraie personne lorsque je l’ai pris en photo.

Crédit: AA

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La mission d’Arthur? Aider les personnages âgées et les enfants autistes au quotidien. “Pour que des machines deviennent nos compagnons de vie, il faut que l’on ait l’impression qu’elles puissent nous comprendre”, expliquent David Hanson et Jong Lee, de Hanson Robotics, qui feignent de s’interroger: “qui aurait la patience de sourire et de surveiller la pression artérielle de nos aînés non stop, 24h/24, 7 jours sur 7?”.

Un robot s’est incrusté sur cette vidéo. Saurez vous le reconnaître? #dld15

Une vidéo publiée par Alice Antheaume (@alicanth) le


Pour Chris Boos, un spécialiste de l’automatisation, l’apparition de telles machines dans la vie quotidienne est la suite logique d’une mutation déjà en oeuvre. “Cela fait longtemps que l’on fait travailler les gens comme des machines avec des process en tout genre. Les métiers se prêtant au remplacement des hommes par des robots (ici, des assistants médicaux, ndlr) sont le plus souvent déjà automatisés dans les pays occidentaux”.

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Alice Antheaume

(1) Je travaille à l’Ecole de journalisme de Sciences Po.

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Et si information et intelligence artificielle se conjugaient?

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Télévision du futur, programmes olfactifs, replay basé sur des émotions, robots lisant des informations, vidéos compilées en 5 secondes… A la conférence Le Web, organisée à Paris du 9 au 11 décembre 2014, France TV (*) a sorti le grand jeu avec un stand-atelier dédié aux innovations numériques, histoire de prouver que le paquebot “est là où on ne l’attend pas” et “est capable de réfléchir à l’avenir, à la croisée de l’information et de l’intelligence artificielle”, m’explique Bernard Fontaine, directeur des technologies de l’innovation du groupe. Zoom sur quelques uns des prototypes qui pourraient avoir de l’impact sur la production de contenus journalistiques et leur diffusion.

Un robot présentateur d’informations  

Quoi? Il mesure 84 centimètres, pèse 3,5 kilos et porte des baskets rouges aux pieds. Ce robot, baptisé Poppy, est capable de lire à haute voix les cinq dernières informations publiées sur France TV Info, la plate-forme de live permanent de France TV fondée en 2011.

Comment cela marche? Ce robot présentateur d’informations est le fruit d’un travail de groupe. Le squelette open source de Poppy est élaboré par l’INRIA, un laboratoire de recherche numérique qu’Eric Scherer, le directeur de la prospective de France TV, surnomme le “MIT français”; le résumé des informations prises sur France TV Info et destinées à être lues est l’oeuvre de l’algorithme d’une start up appelée News’Innov; et enfin, la mise en voix passe par une autre start up, Voxygen. Une voix qui n’a rien de mécanique et qui “met le ton”.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? C’est un pas de plus vers la robotisation de l’information, dont j’ai déjà parlé ici et . “Poppy n’est pas destiné à remplacer nos journalistes”, et encore moins les présentateurs vedettes de France TV installés aux différents JT, rassure Bernard Fontaine, directeur des technologies de l’innovation du groupe. Mais il fait office de radio d’informations continu à dimension plus “humaine” qui peut par exemple intéresser un public d’enfants.

Autre élément intéressant: la voix du robot. Ce peut être la voix de David Pujadas, de Laurent Delahousse ou celle de Marie Drucker si ceux-ci enregistrent au préalable, lors d’une demi-journée dans un studio, un échantillon de 3.000 bouts de phrases dans lesquels Poppy peut ensuite puiser au moment de lire son texte.

Des programmes de TV olfactifs

Quoi? Sur son écran, le téléspectateur voit une vache brouter dans un pré. Aussitôt l’odeur de l’herbe fraîche vient lui titiller les narines. Car, à côté du téléviseur, une enceinte parsemée de capsules olfactives diffuse des senteurs adaptées à ce qui est diffusé, en l’occurrence des programmes de France 3.

Comment cela marche? La technologie, signée Odoravision, est comparable à celle d’une cafetière à capsules. Pour vivre l’expérience, il faut acheter la machine – ici l’enceinte olfactive -, avoir un programme télé avec lequel les odeurs peuvent être synchronisées – ici, ce sont les programmes de France 3 -, et bien sûr disposer des capsules contenant les odeurs, valables pendant un an à peu près.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? “Nos programmes ont enfin une odeur”, clame la présentation. Sur le papier, c’est l’innovation la plus “gadget” présentée sur le stand de France TV. Mais elle répond à une difficulté que connaissent bien les reporters: comment raconter l’odeur sur place? Comment la mettre en images ou en mots?

Pour décrire celle du crash du vol MH17 en Ukraine à l’été 2014, Alfred de Montesquiou, grand reporter à Paris Match, a parlé de “boucherie” et d’odeur de “charogne”. Autre exemple: en 2011, en Libye, “70 corps ont été retrouvés là où l’escorte de Mouammar Kadhafi a été stoppée”. Christophe Ayad, journaliste au Monde et envoyé spécial à Syrte, commence son papier en disant que “l’odeur est insoutenable”. Au-delà de ces scènes, l’odeur des explosions de volcan, des tremblements de terre, des prisons où sont enfermés les détenus, ou même dans les fermes françaises, constituent des éléments de reportage essentiels qui permettent une immersion immédiate.

Des commentaires sur images réalisés en 5 secondes

Quoi? L’utilisateur choisit un article de presse, qui sera presque aussitôt transformé en une vidéo de moins de 2 minutes intégrant clips animés, infographies, photos avec une voix off en guise de commentaire.

Comment cela marche? La technologie provient de Wibbitz, l’application israélienne fondée par Zohar Dayan et Yotam Cohen qui fait partie des “bite sized news”, c’est-à-dire les applications qui permettent de mieux digérer l’actualité via des résumés.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? Non seulement les sites d’informations et applications mobiles pourraient proposer un bouton “play” sur chaque article “de sorte que les lecteurs puissent choisir entre lire l’information ou la visualiser à travers nos mini-vidéos”, espèrent les fondateurs, cités par le blog techno du Monde.fr, mais cela pourrait aussi avoir de l’impact sur la fabrication des journaux télévisés. Car un commentaire sur images prend avec Wibbitz 5 secondes à réaliser, tandis qu’un humain expérimenté a besoin de 45 minutes pour le faire. La rapidité d’exécution de Wibbitz est vertigineuse, souligne Bernard Fontaine: 10.000 vidéos peuvent être ainsi créées par jour. De quoi alimenter des journaux télévisés à toute heure du jour et de la nuit.

Un comptage de foule précis

Quoi? Impossible de savoir aujourd’hui avec certitude quel est le nombre exact de manifestants ayant défilé pour telle ou telle cause. Il y a toujours un nombre X annoncé par les organisateurs et un nombre Y – généralement bien moindre que X – donné par la police. Le logiciel Golaem, qui a été à l’origine développé pour créer des figurants (humains ou animaux) pour des scènes de cinéma ou des publicités, peut aussi servir à comptabiliser le nombre exact de personnes agglutinées dans une manifestation ou sur un lieu donné.

Comment cela marche? Un journaliste filme Les Invalides à Paris envahis par le collectif La Manif pour tous en 2013, s’opposant au mariage homosexuel. Les images sont alors analysées avec le logiciel Golaem qui détermine ainsi si les rangs sont serrés ou lâches, le nombre de mètres carrés de l’esplanade, et parvient, via une modélisation, à obtenir le chiffre précis d’occupation des sols: “on arrive à un comptage de 165.000 personnes là où la police avançait le chiffre de 150.000 personnes et les organisateurs 1 million”, tranche Stéphane Donikian, interrogé par Méta Media.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? Enfin un outil fiable dans le comptage des manifestants. Et l’arrêt de cette bataille de chiffres systématique entre la police et les manifestants.

Un système de recommandation basé sur les émotions

Crédit: Bernard Fontaine

Crédit: Bernard Fontaine

Quoi? Un algorithme de “brain recommandation” suggère des émissions en replay adaptées à son humeur du moment.

Comment cela marche? A l’aide d’électrodes déposées sur le crâne, la start-up française Mensia Technologies capte si l’on est serein, nerveux, fatigué ou alerte. Et suggère, en étant branché sur Pluzz, la plate-forme de rattrapage des programmes de France TV, des émissions ad hoc, par exemple “Des chiffres et des lettres” en cas de sérénité.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? L’appareillage (un casque doté d’électrodes) est assez contraignant mais le système, qui n’est pas encore mis en service, pousse plus loin la personnalisation de l’information. Il ne repose pas sur les goûts déclarés par l’utilisateur – contrairement à l’algorithme de Netflix – mais sur ce que l’utilisateur ne sait pas forcément diagnostiquer tout seul, à savoir son état de fatigue, son anxiété, bref tout ce que l’on a pour habitude de relativiser.

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(*) NB : Je collabore chaque semaine à l’émission Médias Le Mag diffusée sur France 5, une chaîne qui fait partie du groupe France TV.

Alice Antheaume

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Web Summit 2014: l’Irlande, les robots et la réalité virtuelle sont dans la place

Crédit: AA

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Si vous n’étiez pas au Web Summit, la conférence sur les nouvelles technologies qui s’est tenue à Dublin, en Irlande, du 4 au 6 novembre 2014, voici un rattrapage en 7 points et autant de tendances en vigueur dans la sphère numérique.

L’Irlande est dans la place

Signe du dynamisme de la place irlandaise dans le monde numérique, le Web Summit, créé il y a quatre ans par Paddy Cosgrave, un trentenaire irlandais, a réuni 22.000 participants, 614 speakers et 1.324 journalistes à Dublin. Autant dire une foule impressionnante. Oubliez la Silicon Valley, regardez l’Irlande, clament les entrepreneurs présents au Web Summit.

“Il n’y a pas de pays plus favorable aux entreprises en Europe”, prétend le premier ministre irlandais Enda Kenny, en s’offrant le luxe de sonner la cloche à l’ouverture du Nasdaq à New York. C’est aussi en Irlande que se situent les plus importants bureaux en Europe de Google et Facebook, qui révèle vouloir passer de 500 à 1.000 employés à Dublin.

La politique du “double irish”, cette technique d’optimisation fiscale qui permet à des entreprises d’échapper au fisc europeén en profitant d’une dérogation, n’y est pas pour rien. Même si le gouvernement irlandais a présenté un projet de loi qui veut y mettre un terme, Twitter, qui emploie 200 personnes à Dublin, assure que cela ne remet pas en question ses projets d’expansion en Irlande. Les panélistes du Web Summit l’ont martelé: le dynamisme irlandais en matière de numérique n’est pas qu’affaire de fiscalité, c’est aussi une question de talents.

Le pari de la réalité virtuelle

Quelle sera la prochaine grande révolution numérique? Bien malin qui peut le savoir. Brendan Iribe, le patron d’Oculus Rift, la société rachetée 2 milliards de dollars par Facebook en mars, parie sur la réalité virtuelle pour métamorphoser la façon dont on communique. “La plupart des gens voyagent, prennent l’avion ou la voiture, pour rencontrer leurs interlocuteurs. Imaginez que l’on puisse, dans le futur, mettre des lunettes de soleil pour rencontrer les gens en ayant l’impression d’être dans la même pièce, en pouvant regarder de près leurs yeux, voir bouger leur bouche, cela aurait un énorme impact” sur nos vies à long terme.

En attendant, le casque de réalité virtuelle d’Oculus, qui a fait l’événement à Austin, lors du festival South by South West, sera commercialisé dans quelques mois, sans que Brendan Iribe ne donne de date précise. “Nous sommes très impatients. Nous sommes très très près du but. C’est une histoire de mois, pas d’année. Mais de plusieurs mois quand même”.

Les stars hackent la scène

Eva Longoria, Lily Cole, Bono… Ils ont tous défilé au Web Summit. A qui profite leur venue? A la conférence d’abord qui voit son influence et son rayonnement démultipliés lorsque ces célébrités promeuvent l’événement – l’intervention d’Eva Longoria est celle qui a recueilli le plus de tweets (plus de 3.000) à l’occasion du Web Summit, loin devant celle de Tony Fadell, le président de Nest, cette entreprise de thermostats intelligents rachetée par Google 3,2 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) en janvier. Pour ces stars, c’est une formidable opportunité aussi. Car elles investissent désormais dans des projets numériques et/ou des fondations. Or accéder au Web Summit à un public d’investisseurs de cette trempe peut leur permettre de lever des fonds.

L’ombre de Steve Jobs

Steve Jobs est mort il y a trois ans, et pourtant, son nom a été cité par pas moins de trois intervenants du Web Summit. D’abord par John Sculley, ex-patron d’Apple, responsable de l’éviction de Jobs en 1985 avant que ce dernier ne revienne en fanfare en 1997. Sculley est «célèbre par association», remarque Techcrunch, et «c’est une étrange dynamique».

«Tout le monde veut savoir comment était Steve Jobs, et dans quelle mesure Sculley l’a poussé au départ. 30 ans après, nous voulons toujours en parler, disséquer les tenants et les aboutissants de la situation d’alors, en demandant à Sculley ce qu’il s’est passé.» On ne saura rien ou si peu des activités de Sculley en dehors d’Apple, qu’il a quitté en 1993.

Le patron de Dropbox, Drew Houston, qui n’a rencontré Steve Jobs qu’une fois en 2009, a aussi été interrogé sur la personnalité du gourou d’Apple. Même chose lorsque le chanteur Bono est arrivé au Web Summit, lui qui s’est autrefois ému auprès de Steve Jobs du look immonde d’iTunes, indigne d’un esthète du design comme il l’a été. Autant d’occurrences qui prouvent que l’ex-patron d’Apple garde une influence remarquable sur le monde de la technologie, même en 2014, même si, parmi d’autres figures titulaires ont été mentionnées lors des interventions du Web Summit, notamment Larry Page, de Google, et Mark Zuckerberg, de Facebook.

John Collison, la jeune pousse

A la conférence DLD 2014 à Munich, en Allemagne, était apparu, célébré comme un prodige, Nick d’Aloisio, 18 ans, venu présenter son bébé, l’application News Digest.

Au Web Summit, au rayon jeunes pousses prometteuses et déjà riches, figure John Collison, un Irlandais de 24 ans qui a co-fondé Stripe, une start-up de paiement en ligne basée à San Francisco et estimée à… 1,5 milliard d’euros. Sur la grande scène, le jeune homme aux visage encore joufflu, en chemise jean brut et chausses bateaux, rappelle qu’aujourd’hui “la plupart de nos achats s’effectuent hors ligne mais cela va s’inverser au profit des paiements en ligne, un marché immense”. Stripe teste un bouton “buy now” sur Twitter. Quant à l’Apple Pay, c’est aussi signé Stripe.

“Plus l’interface pour payer est simple, et intégrée, plus vous allez acheter des choses en ligne”, prévoit John Collison, plus à l’aise pour parler de sa société que de lui-même. “Quel genre de parents vous laissent lancer votre start-up alors que vous n’aviez pas fini vos études?”, interroge le journaliste David Rowan, de Wired, après avoir présenté Collison comme une “icône”. “C’est vrai que j’ai un parcours peu commun. Mes parents ont tous les deux lancé leur business, et comme on était à la campagne, l’Internet était très lent, ils ont donc pris une connexion par satellite”, répond John Collison qui, à l’époque, était en train d’apprendre la programmation informatique.

Les assistants robots

Autre star remarquée du Web Summit, Nao, un robot de 58 centimètre. Il a beau avoir été créé en 2006, il a fait une sortie remarquée à Dublin, à la fois sur la grande scène, et sur le stand, où se sont agglutinées les équipes de télévision, dont Médias Le Mag et CNN International.

“Il peut parler, danser – il fait partie d’une chorégraphie de Blanca Li, ndlr -, éviter les objets, sentir quand vous le touchez sur ses capteurs, et vous aider à apprendre”, m’explique Laura Bokobza, la directrice marketing d’Aldebaran, la société française qui a, cocorico, conçu cet humanoïde pour qu’il “accompagne des élèves dans leur apprentissage”, par exemple lors de cours dans des universités. Il peut même tweeter.

Nao, alias Jean-Mi, participe chaque semaine à l’émission Salut les Terriens avec Thierry Ardisson. Profitant du boom des robots de l’information, va-t-il remplacer les journalistes? Non, répond Laura Bokobza: “il n’est pas là pour remplacer les gens mais les assister”.

D’ailleurs, il a besoin de la programmation d’un technicien ad hoc avant de pouvoir réagir à ce qu’il se passe. Le temps réel de l’information est une donnée qui lui est difficile, pour ne pas dire impossible, à intégrer pour le moment.

A noter: il n’est pas encore à vendre pour les particuliers, même si Laura Bokobza pense qu’il pourrait être bientôt commercialisé au prix de 4.500 euros avec un an de maintenance garantie.

Streaming toute

Le futur est au streaming, pas au téléchargement. La preuve, le succès de Spotify, une start-up suédoise créée en 2008, avec 12,5 millions d’abonnés payants, dont les revenus titillent ceux diTunes au dernier trimestre en Europe. Une étape importante pour l’avancée streaming, se félicite Willart Ahdritz, de la société Kobalt. Pas de surprise, puisqu’en 2012, Sean Parker le fondateur de Napster a prédit que les revenus de Spotify dépasseraient ceux d’iTunes d’ici deux ans, rappelle The Independent.

L’expansion de Netflix en Europe va dans le même sens même si aucun chiffre officiel n’a été communiqué depuis son arrivée en France.

Transports numérisés

 

Crédit: AA

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Comment embarquer la technologie à bord des moyens de transport? C’est l’une des questions sur laquelle planchent de nombreuses marques, de Google avec ses voitures connectées à Audi qui prévoit un tableau de bord incluant Google Earth et Google Maps ainsi qu’une sorte de Siri permettant aux conducteurs de garder les mains sur le volant et les yeux sur la route tout en dictant leurs SMS à voix haute – un système qui ne serait pas sans danger, selon cette étude réalisée par l’Université d’Utah.

Aer Lingus, la compagnie aérienne irlandaise, a même installé sa nouvelle classe affaires avec écrans HD au milieu des stands dédiés aux start-up du Web Summit. C’est pourtant bien moins impressionnant que l’avion sans hublot que propose le Centre for Process Innovation (CPI), et dont la vidéo de démonstration a beaucoup circulé en ligne ces dernières semaines. Dans 10 ans, l’habitacle de la cabine serait alors recouvert intégralement d’écrans sur lesquels les voyageurs pourront voir des films, une vue panoramique du ciel, consulter leurs emails ou surfer sur Internet.

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Alice Antheaume

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Quand Eva Longoria hacke la scène

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Grumpy Cat a été la star – à quatre pattes – du festival South by South West à Austin, aux Etats-Unis. Au Web Summit, organisé à Dublin, en Irlande, du 4 au 6 novembre 2014, la tête d’affiche s’appelle Eva Longoria. Invitée à converser avec une journaliste de Vanity Fair, l’actrice de la série Desperate Housewives s’est mis dans la poche les quelque 22.000 participants venus d’abord pour «réseauter», parler nouvelles technologies et trouver des investisseurs pour lancer leur start-up.

«Je n’étais jamais venue en Irlande»

A la question «qu’est-ce qui vous amène au Web Summit?», Eva Longoria a répondu par un éclat de rire décomplexé: «je n’étais jamais venue en Irlande». Avant de préciser: «on m’a invitée à parler de mes investissements qui, dans un monde global, nécessitent différents modèles selon le pays. Une bonne façon de partager ces modèles, c’est de recourir à la technologie».

L’actrice, présentée comme productrice/entrepreneuse/philanthrope, a préféré axer son intervention sur les femmes, une denrée plutôt rare dans les conférences sur les technologies. «J’aimerais encourager toutes les femmes présentes ici à aider leurs jeunes congénères, à devenir leur mentor, à leur montrer la voie. Parce que, sans mentor, le système ne fonctionne pas.» Un discours salué par une salve nourrie d’applaudissements et les flashs des photographes agglutinés près de la grande scène.

Le tollé Kardashian

Pourtant, les geeks ne sont pas public facile. Lors d’une autre conférence dédiée au mobile qui s’est tenue en Californie le 27 octobre, la venue de Kim Kardashian a provoqué une levée de boucliers sur Twitter, avant même qu’elle ne monte sur la scène, sur le thème «que peut-elle nous apprendre sur la technologie?». «C’est une star du mobile», a justifié la journaliste qui l’a invitée, Kara Swisher, arguant que son jeu sur Iphone, Kim Kardashian: Hollywood, génère 200 millions de dollars de revenus. Bien plus, donc, que ce qu’obtiennent la plupart des créateurs de start-up, continue Techcrunch. Interrogée sur les raisons pour lesquelles elle n’est pas prise au sérieux, Kim Kardashian a confié qu’elle ne le sait «pas très bien». «Peut-être parce que mon succès provient d’une télé-réalité, ce qui peut être négatif pour certains»…

Qui tire la couverture sur qui?

A qui profite la présence de telles célébrités à ces événements arpentés par des entrepreneurs du Web? A la renommée de la conférence? Ou à la star qui accède ainsi à un autre public que son terreau de fans habituels? Sans doute les deux.

Faire venir une star à une conférence numérique, c’est profiter de son influence. Une Kim Kardashian, avec plus de 25 millions d’abonnés sur Twitter, 20 millions sur Instagram, représente une chambre d’écho extraordinaire quand elle évoque un événement en ligne. Et, au delà, cela peut avoir des retombées pour l’économie locale, comme lorsqu’Eva Longoria visite les trésors du pays – le petit déjeuner irlandais, la cathédrale Saint Patrick, un bar de Dublin – dont elle parle sur les réseaux sociaux. A un jour d’intervalle, elle fait ainsi la couverture de deux journaux, le «Irish Independent» puis le «Irish Time».

Des stars qui rayonnent via le réseau

Pour les stars qui investissent dans le numérique, c’est aussi un coup de projecteur sur leurs activités. C’est le cas de Lily Cole, le mannequin au visage en forme de lune. Invitée au Web Summit, elle a présenté sa start-up, impossible.com, une plate-forme de trocs qui permet par exemple d’échanger des cours de tricot contre le design d’un site Web.

Reconversion en vue? «J’ai plus d’amis dans la technologie (dont Jimmy Walles, le co-fondateur de Wikipédia, qui a investi dans impossible.com et la conseille, ndlr) que dans la mode», a-t-elle expliqué. «Je passe un à deux mois par an à jouer des rôles et à faire du mannequinat, pour payer les factures et mettre de la lumière sur mes projets. Le reste du temps, je travaille à cette start-up avec ma petite équipe qui, comme dans toutes les start-up, analyse les data et pense à son développement».

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Le partage comme compétence

Ces stars peuvent même avoir des compétences numériques inédites. Kim Kardashian est une championne du partage en ligne. «Toute ma carrière est basée sur les réseaux sociaux», et notamment «dans un environnement mobile», a-t-elle clamé. Flairant le filon, des entreprises de technologie ont même embauché des célébrités pour profiter de leur expérience. «La chanteuse Alicia Keys a travaillé pendant un an au sein du fabricant Blackberry en tant que directrice créative. Une position qu’a également occupé la chanteuse Lady Gaga chez Polaroid», répertorie Lefigaro.fr.

Enfin, la présence d’Eva Longoria et Lily Cole féminine quelque peu le casting. Au Web Summit, seuls 15% des orateurs sont des femmes, regrette l’équipe. Quant au public, il n’est pas non plus très féminin même si l’organisation a offert des billets gratuits à des femmes triées sur le volet – pour un montant total de 250.000 euros, ce qui, si l’on se réfère au prix d’un billet à 800 euros, fait 312 billets.

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Alice Antheaume 

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