Départ de Facebook, destination Canalplus.fr. C’est le parcours qu’emprunte presque un tiers de ceux qui se connectent au site de Canal+. «25% de leur trafic provient de Facebook», a vanté en décembre Julien Codorniou lors de la conférence Médias 2011 des Echos.
De fait, la communauté de Canal+ – sur le réseau social – toutes pages confondues – a doublé, passant de 5 millions de fans début 2011 à plus de 11 millions en 2012. Une montée en puissance qui tient certes au succès de la page de la série Bref, qui compte plus de 1,8 millions de fans, mais aussi à une équipe, au sein de Canal+, dédiée aux nouveaux contenus, qui veille. Et se prépare en ce moment-même à l’intégration de la nouvelle plate-forme sociale de Facebook, intitulée l’Open Graph 2.0, dans ses contenus.
Quelle est leur recette? Explications avec Fabienne Fourquet, directrice des nouveaux contenus pour Canal+, et Lama Serhan, éditrice de nouveaux contenus.
1. Apprendre à connaître sa communauté «facebookienne»
Première étape: se plonger dans les statistiques de Facebook pour savoir qui sont vraiment les «fans» de Canal+ sur le réseau social et quels sont leurs usages. Coup de chance pour la chaîne: sa communauté possède plus d’amis que la moyenne – 130 amis par inscrit selon Facebook, 229 amis selon Mashable – et qu’elle partage davantage de contenus.
«C’est vertueux pour nous», m’explique Fabienne Fourquet, car cela conduit à un taux de transformation «exceptionnel». Un seul contenu de Canal+ «liké» via Facebook de Canal+ génère de l’activité sur le réseau social et environ 25 clics en retour sur le site Canalplus.fr. Et ce, même si les vidéos sont lisibles directement sur Facebook en un clic – un double clic ramène vers le site originel.
Autre particularité observée sur ces utilisateurs: ils partagent volontiers des contenus de Canal+ sur leur mur. Comme si cet affichage revêtait une fonction quasi statutaire.
2. Monter une stratégie de diffusion
Septembre 2011, Canal+ décide de rendre son lecteur de vidéos exportable. Cette chaîne, basée sur un modèle payant, et donc fermé, s’ouvre enfin aux possibilités du Web – et notamment au fait que les autres sites puissent «embedder» ses vidéos. Cela n’a l’air de rien mais c’est une petite révolution. Qui s’étend vite aux réseaux sociaux.
«Nous sommes passés à une vraie logique de distribution des contenus», décrypte Fabienne Fourquet. «Plutôt que de limiter la diffusion des vidéos au site de Canal+, nous avons permis aux utilisateurs de voir la vidéo là où ils sont». Facebook y compris, donc, qui compte 23 millions de Français. C’est presque du «service», estiment les équipes nouveaux contenus, qui en appellent à la théorie selon laquelle, désormais, les «infos» nous trouvent, et non l’inverse.
3. Créer un pôle d’éditeurs
Une quinzaine de personnes travaillent, au sein de la maison mère, à la présence de Canal+ sur le Web en général, et sur les réseaux sociaux en particulier. Cette équipe est répartie en fonction des domaines-clés de Canal: 5 personnes s’occupent des documentaires, de l’information et du divertissement, 4 personnes éditent le sport, 2 le cinéma, et 2 les séries.
Pour modérer les commentaires qui affluent sur les pages Facebook de Canal+, un prestataire extérieur s’en charge, 7 jours/7, 24h/24, selon les règles en vigueur: pas de diffamation ni d’insulte, pas d’atteinte à la vie privée ni d’appel au meurtre, et, bien sûr, pas de spams.
4. Miser sur les vidéos, rien que des vidéos
«Nous ne créons pas de contenus exclusifs pour les réseaux sociaux», détaille Fabienne Fourquet. «Nous puisons dans les 500 vidéos publiées par semaine, dont 150 sont, elles, uniquement diffusées sur le site de Canal+ (pas à l’antenne, donc, ndlr).» Au besoin, des monteurs et des réalisateurs créent des contenus dédiés aux nouveaux écrans.
Une limite de durée sur les vidéos? «Il n’y a pas forcément de rapport entre audience et longueur de la vidéo», constate Lama Serhan, en donnant l’exemple des zappings, qui durent 5 minutes et sont parmi les vidéos les plus vues. Autre levier d’importance: le sous-titrage des vidéos, comme les Pépites sur le Web, sorte de zapping Internet, est un «gage de réussite» pour le public francophone.
Alors certes, il y a, sur Facebook, des contenus Canal+ autres que les vidéos, mais la stratégie de Canal, c’est de rester concentrer sur les vidéos. «Lorsque la nouvelle marionnette de Jean Dujardin a été créée pour Les Guignols de l’Info, nous avons publié la photo sur Facebook», se souvient Lama Serhan. Idem lorsque Groland a fêté ses 20 ans, en novembre dernier, et qu’un live-tweet a été organisé lors de la journée-anniversaire.
5. Rester dans le ton Canal
Quel ton est utilisé pour écrire, au nom de Canal+, sur les réseaux sociaux? «Nous n’avons pas de charte, et c’est cela qui marche», estime Fabienne Fourquet.
Sur la page Bref, tout de même, le système paraît rodé. Le titre est toujours «Bref. Titre de l’épisode.» Et bien sûr, une capture d’écran choisie avec soin qui représente l’épisode. Et appelle au clic.
Plutôt qu’une charte, «nous avons surtout déterminé de ce qu’il ne faut pas faire». A savoir bannir les phrases du style «regardez ce soir tel ou tel programme» postées sur Facebook en amont de la diffusion, car, dit encore Fabienne Fourquet, «nous ne faisons pas de “push” sur les programmes en amont, nous ne publions une news que lorsqu’elle est liée à du contenu, qu’il s’agisse de vidéos ou d’infos». Interdiction aussi de publier une information qui concerne le groupe Canal, par exemple l’acquisition par le groupe Canal+ des chaînes Bolloré, avant qu’elle n’ait été annoncée en interne. Enfin, pas de lien vers l’extérieur – on reste dans l’univers Canal+, un point c’est tout.
6. Réfléchir aux heures de publication
Il y a deux bonnes fenêtres de tir pour Canal+: entre midi et deux, et le soir. Dans l’interstice, pas d’affolement. «Nous ne publions pas plus de 3 ou 4 contenus par jour sur chaque page, pour ne pas prendre le risque de spammer nos fans». Et de les pousser à se désabonner. Résultat, le pôle d’éditeurs s’est réparti afin de couvrir les soirées, jusqu’à 22h et les week-ends.
«Nous publions en fonction des rythmes de l’antenne», ajoute Lama Serhan. Pas question de faire attendre les «fans» de Facebook lorsqu’est diffusé Le Grand Journal, de Michel Denisot, et Bref. Exemple repéré ce mardi 31 janvier 2012: moins de 10 minutes après que l’épisode de «Bref. Je suis allé aux urgences» est passé à l’antenne, le voici sur la page Facebook de la série … 15 minutes plus tard, on dénombre déjà plus de 19.000 likes et 592 commentaires.
Succès rarissime? Oui, tendent à penser les équipes de Canal+, Bref étant vu comme l’exemple d’une «alchimie incroyable» d’un format télé «qui résonne sur le Web», analysent Fabienne Fourquet et Lama Serhan. «Un format court et marrant, l’histoire d’un homme comme tout le monde (Kyan Khojandi, ndlr) donc qui parle à tout le monde, dont la qualité de production est incomparable par rapport à la durée de la séquence et qui bénéficie d’une visibilité mass média dans Le Grand Journal, doublée d’une viralisation inédite, avec une mise en ligne immédiate des épisodes et le lecteur exportable.»
Une somme d’ingrédients difficiles à réunir… et à copier.
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Alice Antheaume
Par contre là ou Canal+ peche, c’est de mettre de la publicité video en amont du programme (“pre-roll” en anglais) d’une durée…. de 30 secondes!
c’est juste insupportable et pas adapté.
Fred, ta remarque est pertinente, les pre-rolls cassent l’expérience utilisateur. Mais la publicité sur les plateformes vidéos est un sujet complexe :
– les espaces de stockage serveur et la bande passante consommés coûtent cher lorsqu’il y a beaucoup de vidéos et des millions de visiteurs chaque jour sur un site (les plateformes vidéos sur le web ont du mal à être rentables),
– la plupart des annonceurs vidéo ne tournent pas un spot pub pour le web (plus court et plus adapté) puis un pour la TV.
– servir une pub dont la longueur est adaptée à la longueur du programme qui va être lu est difficile quand tous les annonceurs visent les contenus à forte audience qui en général ne dépassent pas 5 min ou qui sont très courts comme Bref.
Bref on est conscients du problème et on cherche des solutions plus favorables aux attentes des visiteurs tout en permettant à nos régies pub de faire leur job.
Je suis très étonné par cette mention “Et ce, même si les vidéos sont lisibles directement sur Facebook en un clic – un double clic ramène vers le site originel.” car ça n’est pas vrai du tout. Tous leurs contenus amènent sur le site de Canal+, il est impossible de voir les vidéos directement sur Facebook. D’ailleurs, leur galerie vidéos est en flash ce qui est pénalisant suivant le support.
2e étonnement “et notamment au fait que les autres sites puissent «embedder» ses vidéos”: je n’en vois pas la possibilité sur leur player.
@david Labouré Merci pour votre commentaire. J’ai vérifié et re-vérifié.
1. Les vidéos, par exemple de Bref, sur la page Facebook de Bref, sont visibles directement dans Facebook si on ne clique qu’une fois sur le player. Si on clique deux fois, on revient sur le site de Canal+.
Et 2. les vidéos Canal+ sont bien exportables (il y a un onglet “embed” à l’intérieur du player).
@Alice Antheaume : Je viens de faire plusieurs tests et voici ce que je viens de constater. Avec mon profil officiel (admin de plusieurs pages, developper Fb, …) rien à faire, je suis automatiquement redirigé sur canalplus.fr. J’ai essayé avec un second profil “test” et là, aucun problème, j’arrive à la lire sur Facebook. Vraiment bizarre.
Et pour mon 2e point, en effet, il s’agit d’une erreur, désolé.
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