Le tarsier des Philippines est un tout petit primate nocturne aux grands yeux ronds, qui était bien connu jusqu’ici pour être discret, insoutenablement mignon, et bailler souvent.
Et un tarsier la bouche ouverte, croyez bien que ça vaut le détour :
Mais cette apparence de fatigue perpétuelle était en fait usurpée : un tarsier ne baille pas, il crie.
Il crie mais son cri est bien trop aigu pour être audible pour une oreille humaine, ce qui explique que personne ne s’en était rendu compte jusqu’à maintenant. Produire des ultrasons n’a rien de très original chez les mammifères, mais ne produire que des ultrasons, voilà qui est plus rare.
Le tarsier ne fait pas les choses à moitié : alors que le spectre auditif humain va de 20 à 20 000 hertz, la fréquence principale du cri du tarsier est de 70 000 Hz, et il peut entendre jusqu’à 91 000 Hz. Cela ne bat pas la performance de certains cétacés (jusqu’à 160 000 Hz) mais ça reste très impressionnant, et complètement nouveau pour un primate.
Vous pouvez même écouter un échantillon de ce cri, suffisamment ralenti pour être audible, mais encore trop aigu pour être mélodieux :
Outre son originalité, ce moyen de communication présente un avantage précieux : la discrétion, car une bonne partie des prédateurs du tarsier, qu’il s’agisse d’oiseaux, de serpents ou de lézards, sont incapables d’entendre des fréquences aussi aiguës. En outre, un son aigu se détache mieux des nombreux bruits de la forêt (ce qui explique par exemple que peu d’oiseaux gazouillent dans les graves).
Les auteurs de cette découverte rappellent les autres cas connus de communication suraiguë chez, outre les cétacés, certains rongeurs, quelques chauves-souris et les chats. La question qu’ils posent maintenant est toute simple : que va-t-on découvrir si l’on met d’autres petits primates devant des enregistreurs d’ultrasons ? Peut-être bien que nos cousins primates sont plus d’une espèce à discuter derrière notre dos…
(Probablement de branches.)
Fabienne Gallaire
Sources :
Primate communication in the pure ultrasound, Marissa A. Ramsier et al., Biology Letters, février 2012. (Article complet en accès gratuit)
The only primate to communicate in pure ultrasound, Zoë Corbyn, New Scientist, 8 février 2012. (Avec enregistrement du cri ralenti pour être audible)
Je suis un peu jaloux de mes confrères journalistes qui, sous prétexte que l’actualité est aux frasques des uns ou des autres, trempent leurs plumes dans une encre glauque, celle avec laquelle on écrit des canards au sexe, comme jadis on faisait des canards au sang en mettant les faits divers les plus horribles à la “une” : ça fait vendre. Voulant, tout comme eux, ma part d’audience, je vais me complaire dans le stupre et dénoncer les scandales sexuels qui entachent le continent blanc.
Il s’en passe de belles chez les manchots Adélie. Sous leurs dehors de petits couples fidèles, bien mis en livrée noire et blanche, deux enfants par foyer comme papa et maman, se cachent des mœurs pas très avouables, dévoilées dans une étude publiée en 1998 par The Auk, revue scientifique d’ornithologie. Monogames, ces oiseaux qui ne volent pas profitent du court été de l’Antarctique pour se reproduire. A cette fin, le mâle et la femelle commencent par construire un nid au sol, avec des petits cailloux. Cette plateforme permettra de tenir les deux futurs œufs au sec quand la glace fondra. Mais, que ce soit en Terre Adélie où j’ai pris la photo ci-dessus ou dans les autres colonies situées sur le pourtour du continent, ces cailloux sont rares et valent de l’or.
Que ne ferait-on pas pour en avoir plus ! Ceux qui osent en chiper dans le nid du voisin sont poursuivis, insultés copieusement et se prennent des roustes à grands coups de bec et d’ailerons. Certaines femelles ont donc mis au point une stratégie que d’aucuns qualifient de prostitution. Les belles commencent par repérer un mâle solitaire. En attendant de trouver sa dulcinée et aussi dans le but de l’attirer, celui-ci a bâti son nid d’amour. Arrive une femelle. Elle est déjà en couple mais comme les manchots ne portent pas d’alliance et n’ont ni livret de famille ni attestation de pacs, il est difficile de le savoir. Petite séance de drague, bonjour bonjour, vous êtes charmant, vous jouez en équipe de France de foot ? Et, ni une ni deux, la femelle s’allonge sur le ventre, sous le bec du mâle qui se dit que son jour de chance est venu. S’ensuit ce que vous imaginez, scène qui a été censurée dans Happy Feet.
Et là, la femelle se relève, prend un caillou pour sa peine et retourne compléter son nid où l’attend son cocu, son régulier ou son proxénète, cela dépend des points de vue. Il arrive d’ailleurs souvent que la belle revienne sur les lieux de son aventure extra-conjugale pour chercher une seconde pierre (mais sans repasser à la casserole), comme si le tarif était “un coup=deux cailloux, mon chou”… Les auteurs de l’étude ont même observé une femelle prélever son écot pas moins de dix fois : donne-moi ton portefeuille, je me sers, ça ira plus vite. A chaque fois, le mâle laisse faire sans râler, sans doute content de la chance qui lui a été donnée de perpétuer ses gènes sans avoir à élever les gosses ! Les auteurs de l’étude se demandent si tout le monde n’est pas gagnant dans l’histoire : le couple parce qu’il a récupéré des cailloux pour son nid, et donc augmenté les chances de survie de sa future couvée, le mâle solitaire parce que, même délesté de quelques galets, il va peut-être avoir une descendance à bas prix.
Mais il y a mieux. Certaines oiselles de petite vertu viennent se promener autour du “pigeon”, engagent la séance de flirt, bonjour, bonjour, on ne vous a jamais dit que vous devriez être président du conseil en Italie ? Cependant, au lieu de s’allonger, elles se contentent de prendre un caillou sous les yeux du gogo qui reste sans réaction, comme s’il était normal de payer pour avoir eu l’espoir de trouver chaussure à son pied. Les chercheurs ont observé ce comportement avec dix femelles différentes mais une d’entre elles a particulièrement attiré leur attention car elle a, en une heure de temps, piqué 62 pierres dans le nid de son naïf, sans que celui-ci lève le petit aileron, pour aller les mettre dans le sien qui devait forcément se trouver à proximité…
Cela dit, cette stratégie comporte quelques risques. On ne vient pas toujours impunément émoustiller le mâle, surtout quand il sort juste de l’océan glacial Antarctique. En de rares occasions, les ornithologues ont vu ce dernier sauter sur la femelle lorsque celle-ci s’est baissée pour prendre le caillou. A-t-il confondu la posture de dame manchot avec le salut qui précède la copulation ? A-t-il pris cette intrusion dans son territoire pour une invitation à l’acte sexuel ? Le fait est qu’à chaque fois, la femelle s’est débattue et n’a pas laissé le bougre venir à bout de son entreprise.
Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : rien à voir avec ce qui précède, mais j’informe ceux que cela intéresse que je parlerai du mystérieux manuscrit Voynich, jeudi 19 mai, dans l’émission de Jacques Pradel sur RTL intitulée L’heure du crime. C’est entre 14 et 15 heures.
lire le billet– Benoît XVI, dans un livre à paraître, admet l’utilisation du préservatif quand l’intention est d’éviter une contamination. C’est la première fois qu’un pape va dans ce sens, un pas important quand on sait l’influence que l’Eglise catholique peut avoir, notamment en Afrique, sur l’utilisation du préservatif dans les pays où le sida fait des ravages.
– Des chercheurs du Cern ont réussi à conserver des atomes d’antimatière. Certes, cela n’a duré qu’un dixième de seconde mais ce genre de capture temporaire va permettre aux physiciens d’étudier l’antimatière et d’essayer de comprendre pourquoi elle semble avoir disparu de l’Univers alors qu’il s’en est a priori créé autant que de matière lors du Big Bang.
– La grippe aviaire a fait sa réapparition à Hongkong. Un cas isolé ou le début d’une nouvelle flambée ?
– Le Grand Prix de l’Inserm 2010 ira, le 30 novembre, à Didier Raoult, ancien mauvais élève en classe et adolescent rebelle, aujourd’hui grand chasseur de microbes et en particulier de virus géants, mangeurs d’autres virus. Le Monde dresse son portrait.
– Le nom de Phil Jones n’est sûrement pas très connu. Pourtant, ce chercheur britannique fut, sans le vouloir, au centre du pseudo-Climategate de 2009 car dans le millier de courriels volés et publiés lors de cette sombre histoire de piratage informatique, les siens figuraient en bonne place. Il fut rapidement accusé d’avoir voulu manipuler les données pour accréditer la thèse du réchauffement climatique. A tort, mais le mal était fait. Nature a rencontré Phil Jones un an après et celui-ci raconte la tempête dans laquelle il a été pris, qui l’a mené au bord du suicide. Pour lui, ce fut vraiment une année très chaude…
– De l’archéoptéryx aux outils fabriqués par les chimpanzés, les 10 plus grandes découvertes de zoologie selon le magazine Wildlife de la BBC.
– Les ptérosaures géants faisaient la même taille que les girafes. Et ils avaient des ailes. Ces énormes animaux pouvaient-ils voler pour autant ? Beaucoup en doutaient. Mais une équipe de chercheurs affirme désormais le contraire, pensant que ces dinosaures disposaient pour s’envoler d’une grande quantité de muscles.
– Et pour finir… Sauf à s’appeler Nicolas Sarkozy, peu d’entre nous auront le privilège de visiter la grotte de Lascaux. Ils devront se contenter de sa réplique, ou bien, désormais, de son double virtuel. Un magnifique site lancé à l’occasion des 70 ans de la découverte de la grotte.
Pierre Barthélémy
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