La machine à vapeur est à l’origine de la révolution industrielle. Elle a commencé par fournir de l’énergie mécanique pour les trains et autres machines et on la retrouve dans les centrales nucléaires où elle entraîne les turbines produisant de l’électricité. La vapeur peut également servir à stériliser, à distiller, à désaliniser. Aujourd’hui, c’est grâce à l’énergie solaire associée à des nanoparticules qu’une nouvelle voie de production de vapeur apparaît. Un dispositif conçu par l’équipe de Naomi Halas, directrice du laboratoire de nanophotonique (LANP) de l’université Rice, affiche des performances remarquables avec ce cocktail inédit qui risque de troubler ceux qui défendent les énergies alternatives tout en vouant les nanotechnologies aux gémonies. Les résultats de l’équipe sont publiés dans un article de la revue ACS Nano du 19 novembre 2012.
Les chercheurs avancent un rendement global de leur système de… 24%. Nettement plus élevé que celui des panneaux photovoltaïques (environ 15%). L’idée de Naomi Halas dérive de celle des capteurs thermiques classiques. Ces derniers sont constitués d’une boite dont l’une des faces est réalisé est en verre transparent. A l’intérieur, un circuit d’eau collecte la chaleur piégée par l’effet de serre et par la couleur noire du capteur. Les échanges thermiques sont donc réalisés par conduction entre la paroi métallique du capteur et l’eau qui y circule. Le LANP a, d’une certaine façon, réduit ce capteur en nanoparticules qu’il a mises en solution dans l’eau. Bien entendu, il a choisi des nanoparticules qui captent particulièrement bien les longueurs d’ondes de l’ensemble du spectre solaire, y compris celles qui sont en dehors du visible, pour les convertir en chaleur. Ce sont ainsi des milliards de capteurs qui agissent au plus près des molécules d’eau. Le résultat est spectaculaire : en 10 secondes, des bulles de vapeur se forment et remontent à la surface du liquide.
“Avec cette technologie, nous commençons à concevoir l’énergie solaire thermique d’une façon complètement différente”, explique Naomi Halas. “Nous passons du chauffage de l’eau à l’échelle macroscopique à un chauffage à l’échelle nanoscopique. Nos particules sont extrêmement petites, plus petites que la longueur d’onde de la lumière. Cela signifie qu’elles disposent d’une très faible surface pour dissiper la chaleur. L’intense montée en température nous permet de générer de la vapeur localement, juste à la surface des nanoparticules. L’idée de générer de la vapeur localement est contre-intuitive”, ajoute-t-elle. Et pourtant, cela marche !
Pour le démontrer, les chercheurs plongent un tube rempli d’eau et de nanoparticules dans un sceau plein de glace. Avec une simple lentille de Fresnel, ils concentrent la lumière sur la base du tube en contact avec l’eau glacée. Aussitôt des bulles de vapeur se forment dans le tube. L’eau vient de passer de 0°C à 100°C en quelques secondes. Le LANP a utilisé deux types de nanoparticules, du carbone et des nanocoquilles (nanoshells) d’or et dioxyde de silicium (SiO2). L’intérêt du procédé, c’est qu’il ne consomme pas de nanoparticules. Celles-ci restent dans le liquide. Il suffit donc d’alimenter le système en eau pour obtenir de la vapeur…
Les applications d’un tel système semblent multiples et pas forcément imaginables aujourd’hui. Si Naomi Halas préfère modérer les perspectives en matière de production d’électricité et insister plutôt sur les utilisations destinées aux pays en développement (sanitaire, stérilisation, distillation, dessalement), c’est peut-être en raison du soutien de la fondation Bill et Melinda Gates… La voie ouverte par la combinaison solaire-nano pourrait faire partie des avancées majeures que la planète attend pour accélérer la transition énergétique et apporter les moyens nécessaires à la lutte contre un réchauffement climatique excessif.
Michel Alberganti
lire le billet
Derniers commentaires