Si l’on met de côté l’accident nucléaire au Japon dont tout le monde parle, la création d’un sperme “artificiel” là aussi au Japon et la découverte par Hugo Chavez que le capitalisme à tué les Martiens, voici ce qu’on peut trouver dans l’actualité Sciences et Environnement de la semaine :
– L’homme est arrivé en Amérique 2 500 ans plus tôt que ce que l’on croyait. C’est le verdict rendu par l’analyse d’outils en pierre trouvés au Texas (photo ci-dessus).
– On en a beaucoup parlé ces derniers jours avec les particules radioactives japonaises qui poursuivent leur tour du monde : il n’y a pas de frontières dans l’atmosphère. C’est aussi valables avec les émanations polluantes produites depuis des années par un pays comme la Chine qui est devenue la grande fabrique de la planète. Une grande enquête de Discover Magazine.
– Toujours en connexion avec la tragédie nippone, je vous signale une interview de la géophysicienne américaine américaine Lori Dengler, qui revient sur l’histoire des tsunamis dans le Pacifique, et notamment au Japon.
– Sur les océans, la vitesse des vents et la hauteur des vagues augmentent depuis un quart de siècle. Il est encore trop tôt, disent les chercheurs, pour connaître la cause de ce phénomène.
– J’évoquais la semaine dernière les inquiétudes concernant la survie des lions, que beaucoup d’Américains importent sous la forme morte de trophées. Cette semaine, c’est au tour des rhinocéros d’être sous le feu des projecteurs : même si les populations augmentent ces dernières années, le braconnage fait de même.
– On sait depuis quelques années fabriquer de l’antimatière, sous la forme d’atomes d’antihydrogène. Une équipe américaine vient d’annoncer avoir créé, pour la première fois, des noyaux d’atomes d’antihélium. Ce sont les plus gros assemblages (2 antiprotons, 2 antineutrons) d’antiatomes jamais vus sur Terre.
– Cela pourrait être une des questions de la populaire rubrique “L’explication” de Slate.fr : pourquoi les insectes se précipitent-ils sur les lumières ou dans les flammes, à la nuit tombée, avec la quasi assurance d’y trouver la mort ? Eh bien, même si plusieurs chercheurs se sont posé la question au cours des dernières décennies, le phénomène reste un mystère.
– Pour terminer, en résonance avec mon précédent billet sur les faiseurs de peur qui ont glosé à gogo sur les pseudo-risques que le “nuage” radioactif faisait courir aux populations situées à des milliers de kilomètres du Japon, voici un échange édifiant que j’ai trouvé (en anglais) entre l’animatrice d’une émission de la chaîne HLN de CNN et un météorologue. La dame qui, de toute évidence, n’y connaît pas grand chose et est en quête de sensationnel, veut absolument faire dire à l’homme de science qu’il y a danger pour la côte ouest des Etats-Unis. Et il résiste.
Pierre Barthélémy
lire le billetDepuis le séisme japonais du 11 mars dernier, j’ai beaucoup écrit sur le tsunami (ici, là et là), en tâchant d’évoquer différents aspects du phénomène. Malgré cela, j’ai omis de mentionner la première remarque que je me suis faite en regardant les images de la catastrophe, quasiment en direct, ce vendredi 11 mars : c’était la première fois que je voyais un tsunami en action, dans ce qui semblait une inexorable marche dans ces champs de la campagne nippone. C’était, vue d’hélicoptère, une vague noire infatigable, déjà jonchée de débris, comme une longue cape de mort qui glissait silencieusement sur les serres et les routes, emportant comme fétus de paille autos, camions, voiliers, cargos, maisons et, malheureusement, les hommes. Lors du grand tsunami du 26 décembre 2004 dans l’océan Indien, qui avait avant tout frappé l’Indonésie, les vidéos qui nous étaient parvenues étaient rares, prises du sol et d’assez mauvaise qualité. Le 11 mars, la télévision nippone avait, elle, les moyens de filmer cet événement exceptionnel. Pour l’histoire et, je suis prêt à le parier, pour la science car chercheurs et ingénieurs se serviront de ces images pour mieux comprendre la mécanique du phénomène sur les côtes et à l’intérieur des terres.
Au début de cette deuxième vidéo, l’hélicoptère survole l’océan et on distingue parfaitement le train d’ondes qui s’avance vers la côte :
Les vidéastes amateurs ont aussi, avec des moyens plus rudimentaires, contribué à la couverture de l’événement. Ici, le tsunami vécu en direct par un automobiliste dans son véhicule. On peut imaginer que si la vidéo est sur Youtube, le (ou les) occupant(s) de la voiture a (ont) pu s’en sortir :
Là, on touche du doigt la petitesse de l’homme et la fragilité de sa technologie. On a en effet tendance à l’oublier mais un seul mètre cube d’eau pèse exactement une tonne, soit plus qu’une voiture moyenne… Quand on sait que ce tsunami s’est répandu sur plus de 400 kilomètres carrés, ce sont probablement des centaines de millions de tonnes d’eau, voire des milliards, qui ont participé à l’inondation. Les petites digues de cette ville sont submergées en un rien de temps :
On n’a sûrement pas fini de compter les morts ni d’évaluer les dégâts et, de la même manière, il faudra encore du temps pour connaître la hauteur exacte des vagues. D’après le quotidien japonais Yomiuri Shimbun, cité par 20minutes.fr, une première étude parle d’une hauteur d’au moins 23 mètres, soit la taille d’un immeuble moderne de 8 étages (rez-de-chaussée compris), ce qui est plus élevé que les immeubles haussmanniens à Paris, dont les plus grandes façades ne devaient pas dépasser les 20 mètres. On comprend que, le 11 mars, des vagues pareilles aient eu raison des digues les plus imposantes, comme celle de Taro, une localité appartenant à la ville de Miyako et qui, déjà frappée par deux tsunamis en 1896 (et pas en 1895 comme indiqué par erreur dans la vidéo qui suit) et 1933, avait cru être protégée en élevant une digue en forme de X de 10 mètres de haut. Cela n’a pas servi à grand chose, comme on peut le voir dans ce reportage :
Dans un article publié le 13 mars, le New York Times rappelait que 40% des côtes nippones étaient protégées par des digues ou des môles, censées les prémunir des grosses vagues, des typhons et, dans le pire des cas, des tsunamis. L’événement du 11 mars montre que, dans le cas d’un tsunami exceptionnel, il s’agit d’une protection illusoire. Autant les constructions ont plutôt bien résisté à un des séismes les plus importants qu’ait connus la planète, grâce aux normes parasismiques en vigueur au pays du Soleil levant, autant rien n’était vraiment dimensionné pour faire face à l’arrivée d’un train de vagues colossales, comme on a pu le voir avec la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Nul doute que le débat sur l’utilité des digues se tiendra lorsque les Japonais auront pansé leurs plaies.
L’alternative est assez simple : construire des digues encore plus hautes, sans avoir l’assurance que le prochain tsunami ne s’en jouera pas, ou bien faire preuve de modestie, constater son impuissance face à ces cataclysmes naturels extrêmes et consacrer cet argent à des systèmes d’alerte et d’évacuation des populations plus performants. Car avec moins de 15% de plaines sur son territoire, le Japon a concentré plus de 100 millions de ses habitants sur les littoraux et ne les fera pas déménager dans les montagnes. Et l’on peut être sûr que, dans cet archipel à la forte sismicité, il y aura d’autres tsunamis.
Pierre Barthélémy
C’était à prévoir. Dans un contexte anxiogène alimenté par des médias sur le mode “crise”, il fallait que, comme pour le 11-Septembre, la théorie du complot vienne mettre ses gros doigts dans la catastrophe japonaise. C’est un commentaire laissé sur mon billet précédent (consacré à l’hypothèse d’un méga-tsunami dans l’Atlantique) qui m’a mis la puce à l’oreille. Lefevre, un internaute, disait ceci (j’ai corrigé les fautes d’orthographe) : “Vous oubliez aussi les tsunamis causés par l’homme (Etats bandits, militaires, etc., voir Haïti et peut-être d’autres, et là on ne connait pas les limites).” Il ne m’a fallu que quelques secondes pour trouver, sur le site AboveTopSecret, repaire de nombreux conspirationnistes, ufologues et autres adeptes des sociétés secrètes, un texte dont le titre, en français, est “Le tsunami japonais a-t-il été créé par l’homme ?”
On sait depuis plusieurs années maintenant que certaines activités humaines (forages profonds ou lac de retenue d’un barrage, par exemple) ont la capacité de provoquer des petits tremblements de terre, dont certains ne sont pas anodins. Mais de là à créer un tsunami, il y a un pas de géant. Il faut donc trouver autre chose, un déclic plus puissant… et rien de mieux que l’armée pour cela. Pour étayer ses soupçons, le texte en question mentionne une expérience militaire peu connue, menée à la fin de la Seconde Guerre mondiale par les Néo-Zélandais avec la coopération de la marine américaine et de conseillers scientifiques britanniques : le projet Seal. Son but, provoquer un tsunami grâce à des explosions sous-marines bien calculées. Quand il s’agit de trouver de nouvelles armées pour battre l’ennemi, les militaires ne manquent pas d’imagination.
D’après le rapport final du projet Seal, aujourd’hui déclassifié, que je me suis procuré (attention, le fichier est “lourd” : 93 MB), l’histoire commence en janvier 1944, en pleine guerre du Pacifique, lorsqu’un officier de l’armée de l’air néo-zélandaise dit avoir remarqué que les explosions en mer provoquent parfois des vagues importantes. Très vite, germe l’idée d’utiliser l’océan comme une arme contre… le Japon (cela ne s’invente pas). C’est dans ce but qu’après des tests préliminaires effectués en Nouvelle-Calédonie, environ 3 700 expériences, classées secrètes, sont menées entre le 6 juin 1944 et le 8 janvier 1945 par le chercheur australien Thomas Leech près de la péninsule néo-zélandaise de Whangaparaoa. Leur objectif officiel : déterminer le potentiel d’“inondations offensives par des vagues générées au moyen d’explosifs”. Les charges utilisées vont de quelques grammes à 300 kg de TNT. Les essais à grande échelle ont lieu en mer et ceux à petite échelle dans un bassin de tests de 365 m sur 60 construit pour l’occasion.
Le projet Seal se termine de manière un peu abrupte, en janvier 1945, “avant, écrit Thomas Leech, que tout le programme expérimental soit complété et que les problèmes scientifiques fondamentaux soient résolus”. Deux raisons sont avancées dans le rapport : des désaccords avec les Britanniques qui n’y croyaient pas vraiment et la progression des Alliés dans le Pacifique qui force le Japon à lâcher ses conquêtes les unes après les autres. N’étant plus une priorité, Seal est donc stoppé. Ce qui n’empêche pas Thomas Leech de faire la liste de ses premières conclusions. Tout d’abord, affirme-t-il, le concept d’“inondations offensives” est validé. Les expériences ont permis de découvrir que, contrairement à ce que l’intuition suggère, ce n’est pas parce que les explosifs seront placés tout au fond de l’océan qu’ils seront le plus efficaces. La bulle créée par la déflagration transmettra mieux son énergie à la masse d’eau si elle est créée assez près de la surface, dans une zone appelée “la profondeur critique”. Autre enseignement, une bombe unique sera inefficace : il faut savamment répartir plusieurs charges pour “soigner” la géométrie de l’explosion et fabriquer un train d’ondes plus destructeur. Le chercheur australien, qui rédige ce rapport final en 1950, ne se prive d’ailleurs pas d’imaginer l’utilisation de plusieurs bombes atomiques pour un maximum de puissance…
Thomas Leech note toutefois que si l’on peut, à l’aide d’explosifs, obtenir la même amplitude d’onde que pour un tsunami d’origine sismique, la longueur d’onde est nettement plus courte. Selon le géophysicien américain Jay Melosh, spécialiste des cratères d’impact et qui s’est donc intéressé, à ce titre, au tsunami que pourrait engendrer un astéroïde tombant dans l’océan, ce point est crucial. C’est leur très grande longueur d’onde qui permet aux vagues des tsunamis de ne pas se “casser” en arrivant près des côtes, comme le font les vagues dues à la houle. Par conséquent, un tsunami provoqué par des bombes ne pénétrerait que peu à l’intérieur des terres. En revanche, il pourrait être dangereux pour tous les bateaux naviguant dans les zones côtières, en créant de fortes turbulences à cet endroit.
Donc, désolé pour tous les fans de complots, mais le tsunami du 11 mars n’est pas un monstre fabriqué par des militaires ou des terroristes. Et on ne peut pas plus incriminer, comme a pu le faire un internaute à l’humour douteux, la vengeance des cétacés contre le pays qui les chasse le plus.
Pierre Barthélémy
(Crédit photo : Reuters)
lire le billetSur le podium des animaux marins carnassiers, la plus haute marche est le plus souvent occupée par le requin. La faute à une mauvaise réputation, aux Dents de la mer et aux quelques plongeurs et surfeurs qui, chaque année, ont la malchance d’être croqués par des squales (rappelons que, dans le même temps, l’homme tue plus de 100 millions de requins par an…). Pourtant, ces poissons ne devraient être classés que deuxièmes, derrière l’orque. Mais la série gentillette des Sauvez Willy
a fait oublier le terrible Orca
, tandis que les prestations spectaculaires de ces grands mammifères marins dans des parcs aquatiques leur confèrent une image pas très éloignée de celle des dauphins. A tort, car les orques sont de redoutables chasseuses, au point que certaines n’hésitent pas à attaquer des requins pour s’en faire des gros sushis, comme on peut le voir sur cette vidéo exceptionnelle :
Dans une étude parue le 6 janvier dans la revue Aquatic Biology, une équipe américano-canadienne a montré qu’une lignée d’orques vivant dans le nord-est du Pacifique mettait fréquemment du requin à son menu. A la différence des orques dites “résidentes” qui se nourrissent de poisson, ou des épaulards “nomades” qui mangent plutôt des mammifères marins comme des lions de mer, les orques “du large”, qui constituent la troisième famille identifiée dans la région, s’attaquent volontiers au requin dormeur du Pacifique (Somniosus pacificus). Malgré son nom qui peut le faire passer pour un mollasson, ce grand squale est lui-même un formidable prédateur.
Pour faire cette découverte, les biologistes ont dû s’armer de patience. Leur réseau de collègues ont observé les orques 98 fois entre 1988 et 2009. Mais comme ces cétacés prennent en général leur repas à quelques centaines de mètres de profondeur, il était à chaque fois impossible de suivre leur chasse. Heureusement, en deux occasions, des morceaux de chair, reliefs du festin sous-marin, sont remontés à la surface. Leur analyse génétique a montré que ces “miettes” appartenaient à seize individus de l’espèce requin dormeur du Pacifique. On pourrait s’étonner que les orques s’en prennent à des animaux aussi dangereux que des squales mais, comme l’explique un spécialiste américain des orques, Robin Baird, cité sur le site Internet de Nature, les lions de mers de Steller que dévorent d’autres épaulards ont “des crânes semblables à ceux des grizzlys. Attaquer l’un d’entre eux est probablement plus dangereux que d’attaquer un requin dormeur de 2 mètres.”
Ceci dit, manger du requin tout cru présente tout de même quelques désavantages. L’étude en question montre que les orques friandes de squales y laissaient… leurs dents. L’examen de cadavres échoués d’orques ou de spécimens conservés dans des muséums a mis en évidence que les dents de ces épaulards étaient limées parfois jusqu’à la racine (voir photo ci-dessous), un phénomène que l’on ne retrouve pas chez les autres lignées d’orques.
La faute en incombe à… la peau des requins. Celle-ci est en effet particulièrement abrasive, au point qu’on l’a même utilisée pour poncer, comme du vulgaire papier de verre. Cette peau est en effet recouverte de denticules (voir photo ci-dessous), sortes de minuscules écailles anguleuses et dures, qui constituent une carapace souple et dont le dessin très particulier confèrerait au requin une partie de son hydrodynamisme.
Quand Steven Spielberg tournait les Dents de la mer, il n’imaginait sans doute pas que son grand requin blanc avait des dents jusque sur la peau…
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : loin de moi l’idée de vouloir m’acharner sur les orques, mais ces animaux qu’outre-Atlantique on appelle “killer whales” (baleines tueuses), semblent bien porter leur nom anglais. Un article paru dans Science du 21 janvier montre que les chercheurs sont en train de s’inquiéter de l’impact de ces cétacés sur les populations d’animaux marins, en particulier sur celles qui sont en danger du fait de l’homme…
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