L’invisibilité passe de la fiction à la science

Harry Potter a déjà légué à la science une partie de ses pouvoirs magiques. Sa cape (cloak) d’invisibilité fait désormais partie du vocabulaire des chercheurs et pas un seul article sur les travaux scientifique dans ce domaine n’omet de le citer.  Voilà, c’est fait…
Imaginez-vous au volant d’une voiture, perdu dans vos pensées sur vos relations amoureuses, vos problèmes au travail ou le cours de bourse de vos actions… Survient un feu qui, inopinément, passe au rouge juste avant que vous ne le franchissiez… Si la police vous arrête, ne rêveriez-vous pas d’un bouton sur le tableau de bord marqué : « Effacement temporel » ? Il suffirait, en effet, de supprimer quelques fractions de secondes pour que l’infraction disparaisse !
Si une telle option n’est pas pour demain, les scientifiques ont peut-être franchi le premier pas dans cette direction. Alexander Gaeta, professeur de physique appliquée à l’université de Cornell de l’Etat de New-York, vient en effet de publier  dans la revue Nature du 5 janvier 2012 une étude menée par le post-doctorant Moti Fridman avec les chercheurs Alessandro Farsi et Yoshitomo Okawachi. Pour la première fois, cette équipe est parvenue à créer un « trou temporel » (time hole). Il ne s’agit de rien d’autre que de « cacher l’existence d’un événement à un observateur ».

L’expérience de trou temporel fait appel à une très longue fibre optique (bobine sur l’image). De gauche à droite, l’équipe de l’université de Cornell : Moti Fridman, Yoshi Okawachi, Alessandro Farsi et Alexander Gaeta.

Le lièvre et la tortue

L’expérience se déroule à l’intérieur d’une fibre optique que parcourt un faisceau laser vert.  Ce dernier passe d’abord à travers une « lentille de séparation temporelle » qui sépare le faisceau en deux longueurs d’onde, l’une grande (rouge) et l’autre petite (bleu). Commence alors une sorte de course de vitesse entre ces deux faisceaux.  La compétition se déroule dans une bobine de fibre optique d’un kilomètre de long. Là, expliquent les chercheurs, le faisceau bleu prend de l’avance sur celui le rouge, « comme le lièvre distance la tortue ». Ce décalage engendre un trou entre les deux concurrents. Dans cet intervalle, les scientifiques introduisent un bref éclair de lumière à une longueur d’onde encore plus élevée. Cet événement devrait normalement engendrer un défaut perceptible dans le rayon laser sortant. Ensuite, les deux faisceaux rouge et bleu changent de terrain.  Ils entrent dans une seconde portion de fibre optique dont la composition est différente. Cette nouvelle piste favorise la tortue (faisceau rouge) par rapport au lièvre (faisceau bleu). « C’est comme si le lièvre avançait péniblement dans de la boue et que la tortue, à l’aise sur ce type de terrain, parvenait à le rattraper», expliquent les chercheurs. Peu à peu les deux faisceaux se retrouvent à la même hauteur. Le trou, entre eux, disparaît. Sur la ligne d’arrivée, ils rencontrent une lentille temporelle qui reconstitue un faisceau vert identique à celui qui avait pris le départ… Et aucune preuve ne subsiste alors du signal parasite introduit au milieu de la course.

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