Rares sont celles et ceux qui n’ont jamais reçu de pourriel pour telle petite pilule bleue à effet turgescent ou telle méthode pour augmenter la taille du pénis. C’est à croire que la Terre ne tourne pas autour du Soleil mais autour du membre viril (et je ne parle ici ni de l’affaire DSK, ni des mariages princiers, ni des grossesses présidentielles). Comme je suppute qu’il y a dans cet organe de quoi en intéresser plus d’un(e) et que, visiblement, la taille semble avoir son importance, voici un petit truc scientifique pour se donner une idée de la chose sans baisser culotte.
Tout tient dans la main. Dit comme ça, on a sans doute l’impression que je vais me lancer dans quelque apologie de l’onanisme. Non, ce que je veux dire, c’est que la main donne des indices sur la taille du pénis. Contrairement à ce que les chiromanciennes espèrent, rien ne se lit dans les lignes de la main car dans “ligne de vie”, vie s’écrit avec un “e” au bout et non pas avec un “t”. Autre cliché déçu : on n’apprendra rien non plus en mesurant le majeur tendu. Il faut plutôt s’intéresser aux deux doigts qui l’encadrent, l’index et l’annulaire, et plus précisément au rapport entre leurs deux longueurs (taille de l’index divisée par celle de l’annulaire). En effet, depuis la publication d’une étude en 1998, on pense que ce ratio digital est corrélé aux hormones sexuelles. Dès le XIXe siècle, les médecins avaient noté que ce rapport était plus faible chez les hommes que chez les femmes : les mâles de l’espèce Homo sapiens ont, beaucoup plus souvent que leurs compagnes, l’index nettement plus court que l’annulaire. Ce dimorphisme sexuel est déjà présent in utero. Les chercheurs estiment, sans en être complètement certains, qu’il pourrait s’agir là d’un indice du taux d’exposition prénatale aux androgènes. Pour le dire clairement, ils pensent que plus le fœtus a fabriqué d’hormones androgènes, plus cela se verra dans le rapport entre ces deux doigts. En effet, le développement des membres (y compris celui des doigts et des orteils) est contrôlé par les mêmes gènes que ceux qui s’occupent du développement du système génital.
Et la taille du pénis dans tout cela ? Dans une étude qui paraît ce lundi 4 juillet dans la revue Asian Journal of Andrology, une équipe de chercheurs sud-coréens montre qu’une corrélation existe entre la longueur du sexe masculin et ce ratio digital. Plus la différence entre les deux doigts est marquée, plus le pénis est grand en moyenne. A l’inverse, si l’index a tendance à rivaliser avec l’annulaire, le sexe sera en moyenne plus petit. Les auteurs de l’étude ont travaillé sur la longueur du sexe au repos (flaccide pour les puristes) et sur celle du sexe “étiré”. La mesure du pénis étiré permet en effet d’avoir une bonne estimation de la taille du sexe en érection. Pour les curieux qui s’interrogent sur les conditions de l’expérience, je précise que les cobayes étaient des hommes venant se faire opérer à l’hôpital. On leur a demandé s’ils étaient d’accord pour que l’on procède à cette “manipulation” une fois anesthésiés. 144 ont donné leur consentement, prêts à payer de leur personne pour l’avancement de la science… On a également mesuré leur ratio digital sur la main droite qui, pour une raison encore inconnue, montre des différences plus marquées que la main gauche.
A celles et ceux à qui l’objet de ce billet importe et qui veulent passer à la pratique, je propose donc un petit exercice avec des photos de personnages anonymes que j’ai sélectionnées sur la Toile. Pour le sérieux de l’expérience et qu’il n’y ait pas de biais lié à l’origine ethnique, j’ai choisi des hommes que les Américains qualifient de “caucasiens”. Munissez-vous donc d’une règle et d’une calculatrice, et dites-moi lequel de ces messieurs est, en théorie, le mieux pourvu par la Nature…
S’agit-il de B, qui n’a pas l’air d’avoir bien compris l’expérience ?
Ou s’agit-il de C (une seule main suffira, cher Monsieur, vous n’avez qu’un pénis, non ?) ?
Pierre Barthélémy
lire le billetOn a un peu tendance à l’oublier, y compris lorsqu’on découpe un poulet, mais les oiseaux ont aussi des mains. Des mains certes réduites au strict minimum et très légères, avec seulement trois doigts la plupart du temps inclus dans l’aile, mais des mains quand même. Xenicibis xympithecus, un ibis aujourd’hui disparu qui vivait sur l’île de la Jamaïque il y a encore quelques millénaires, avait pour sa part de curieuses paluches. A l’instar de beaucoup d’insulaires emplumés, ce drôle d’oiseau avait perdu l’usage du vol pour exploiter un environnement pauvre en prédateurs. Mais, comme l’explique une étude américaine qui vient de paraître dans les Proceedings of the Royal Society B, la main de cet ibis ne ressemble à celle d’aucun oiseau, éteint ou vivant, volant ou pas.
Quand on a découvert la première aile fossilisée de la bestiole, on a cru qu’elle était victime d’une malformation pathologique inexplicable. Mais les fossiles qui ont suivi ont montré que tous les membres de l’espèce présentaient les mêmes caractéristiques : le principal métacarpe est hypertrophié, massif et fortement courbé, avec un diamètre supérieur au centimètre (voir ci-dessous), soit davantage que le fémur de l’oiseau. L’os est creux mais particulièrement épais.
D’autres curiosités anatomiques complètent ce tableau très particulier : l’articulation du “poignet” est très faible et lâche, ce qui permet à la main d’être jetée vers l’avant ; le radius est lui aussi anormalement épais ; pour un oiseau qui a abandonné le vol, Xenicibis dispose d’une ceinture pectorale relativement bien développée avec des os larges et robustes. Tous ces indices ont conduit Nicholas Longrich et Storrs Olson, les deux auteurs de l’étude, à formuler l’hypothèse suivante : cet ibis jamaïcain se servait de ses ailes comme d’un gourdin ou, mieux, d’un fléau (ou d’un nunchaku, si l’on préfère les arts martiaux japonais aux batailles médiévales avec armures et chevaux caparaçonnés). “L’énergie cinétique est le produit de la masse et de la vitesse au carré, rappellent-ils ; par conséquent, des armes telles que les gourdins et les fléaux ont un long manche pour augmenter la vitesse angulaire, sont fortement alourdies pour augmenter la masse accélérée par le mouvement, et leur centre de gravité est proche de leur extrêmité, là où la vitesse angulaire est la plus élevée. C’est précisément ce “design” que l’on retrouve dans la main de Xenicibis, où le bout de l’aile est massif (…).” Tout participe à la violence : la capacité à propulser la main librement vers l’avant ; le métacarpe creux et dur qui permet de cogner vite et fort, “comme une batte de baseball en aluminium” ; la conservation d’une aile longue quoique ne servant plus au vol et la possibilité de l’étendre complètement et rapidement.
Si Xenicibis était une sorte de karatéka à plumes, distribuant des mandales soit à ses congénères pour protéger son territoire, soit aux rares prédateurs du quartier qui lorgnaient ses œufs ou ses poussins (rapaces, singes voire serpents), cette aptitude au combat, ont supposé MM. Longrich et Olson, a dû laisser des traces, des fractures, comme on en retrouve chez les autres oiseaux bagarreurs. Les deux chercheurs sont donc retournés étudier les quelques spécimens fossilisés à leur disposition. Et bingo : deux d’entre eux présentaient des fractures de l’aile, dont une avait réussi à cicatriser complètement.
Dans la conclusion de leur article, Nicholas Longrich et Storrs Olson soulignent que si de nombreux oiseaux se servent de leurs ailes comme d’une arme (et notamment de leurs doigts en guise d’éperons ou de griffes), “dans le cas de Xenicibis, l’adaptation de l’aile en une arme puissante a produit un agencement qui est non seulement unique parmi les milliers d’espèces d’oiseaux existantes ou fossiles, mais aussi unique parmi les vertébrés. Bien que les appendices corporels se soient à plusieurs reprises spécialisés pour marcher, courir, nager, creuser et voler, Xenicibis est le seul à avoir transformé son appendice pectoral en un gourdin articulé capable d’être balancé pour augmenter la vitesse et l’énergie du coup.” Ce que l’étude ne dit pas, c’est que ses ailes de karatéka n’ont pas empêché l’oiseau de disparaître…
Pierre Barthélémy
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