18h24, le 3 octobre 2012. Tombe un mail venant de l’Inra et contenant un texte signé par François Houllier, son nouveau PDG, successeur de Marion Guillou depuis le 27 juillet 2012. Pas de traces, pour l’instant, sur le site de l’institut. Ce texte, adressé, semble-t-il, directement aux journalistes et à l’AFP, est intitulé: “OGM: quelle place pour la recherche publique ?”. François Houllier réagit à “l’étude secrète” de Gilles-Eric Seralini qui défraie la chronique depuis le 19 septembre.
Aussitôt, il souligne les “ambiguïtés de ces travaux” ainsi que “l’opération médiatique”. “Le poison de la peur et du doute est ainsi instillé”, en conclut François Houiller qui rappelle le sondage montrant que 8 Français sur 10 s’inquiètent de la présence d’OGM dans leur alimentation.
“Le doute, aussi, vis-à-vis de la recherche publique qui ne remplirait pas sa fonction”, poursuit-il en arrivant ainsi au fait. Ce texte dénonce, en effet, la suspicion “de conflits d’intérêts ou de collusion avec ces firmes et de surcroît coupables d’abandon de citoyens consommateurs en danger” dont est victime la recherche publique. Et d’en conclure: “Le mal est donc fait. Il est injuste, mais pas irréparable.”
François Houiller cite, bien entendu, le cas “des porte-greffes de vignes génétiquement modifiés pour résister au virus transmis par de minuscules vers du sol” et arrachés par des faucheurs volontaires à Colmar en août 2010. Il cite également le cas bien connu du maïs MON810 avec le moratoire sur la mise en culture en France, la dénonciation et l’annulation par le Conseil d’Etat après la Cour européenne de justice de ce moratoire, le rétablissement de l’interdiction de la culture, le 16 mars 2012 par NKM sous la pression des écologistes. L’Inra a été chargé par la Commission européenne d’une réévaluation des mesures de toxicité du MON810 (modifié pour résister à certains ravageurs). Résultats dans trois ans.
En guise de synthèse de ces événements épars, François Houllier prend un risque en estimant que les travaux de M. Séralini “ne répondent probablement pas aux critères permettant d’en tirer des conclusions scientifiques solides”.
Voilà donc une expertise semble-t-il sans preuve de la part du dirigeant d’un organisme chargé, lui, de réaliser des études répondant à des critères scientifiques stricts. Comment exprimer un tel jugement avant la publication du rapport demandé par le gouvernement à l’Anses?
Le patron de l’Inra en arrive ensuite à la conclusion, convenue, de son texte. Si le public veut plus d’études sur les OGM, alors que l’institut en effectue déjà mais “à bas bruit médiatique”, il lui faut plus d’argent. Ainsi qu’une “confiance collective dans l’impartialité de ses résultats”. François Houllier estime que “notre société doit sortir de sa schizophrénie pour permettre à la recherche publique de poursuivre ses travaux selon des protocoles incontestables, sans être en permanence soupçonnée du pire et, dans certains cas, voir ses essais détruits”.
Quelques heures plus tard, Arte consacre un sujet de son journal à l’utilisation du coton OGM de Monsanto en Inde:
En voulant, à toute force, démontrer que les OGM sont mauvais pour la santé humaine à partir d’un seul exemple, le NK603, Gilles-Eric Séralini a, une nouvelle fois, mis sur la table un débat mal ciblé. D’où le tollé des scientifiques concernés.
L’une des vraies questions n’est-elle pas posée par l’expérience indienne? Pas besoin de tests sur les rats pour constater que l’introduction du coton transgénique y réduit l’espérance de vie des cultivateurs. L’origine du problème des OGM n’est pas scientifique ou sanitaire. Elle est industrielle.
Une firme, Monsanto, a réussi à totalement oblitérer l’image des OGM en la confondant avec l’utilisation qu’elle en fait. Monsanto asservit les paysans et se moque de la santé humaine. Son seul but est de vendre des semences et d’en tirer le maximum de profit. En cela, elle joue son rôle de pure entreprise capitaliste.
Mais a-t-elle, pour autant, démontré tout le potentiel des OGM? Est-il impossible de faire mieux? Ces fameux OGM philanthropiques dont parle Jean-Pierre Berlan sans y croire sont-ils vraiment de doux rêves? La vigne française ne peut-elle profiter de la transgenèse sans y perdre son âme? La biodiversité est-elle forcément menacée par la culture des OGM? La diabolisation des plantes transgéniques se confond avec celle de l’entreprise dominante dans ce domaine. Mais pourquoi est-elle si dominante? Que fait l’Europe en recherche et en industrialisation d’OGM? L’Inra peut-il, seul, prendre en charge les travaux nécessaires? Peut-être, par ailleurs, n’avons-nous aucun besoin d’OGM pour nourrir une planète à 9 milliards d’habitants.
Sortons, alors, de cette schizophrénie qui fait interdire en France la culture des OGM et, de facto, la recherche dans ce domaine, alors que nous importons massivement les mêmes OGM pour nourrir notre bétail et les intégrer à notre alimentation.
En France, on protège les cultures bio de la dissémination des OGM mais on laisse ces mêmes OGM en vente libre dans les supermarchés. Ces supermarchés qui financent une étude pour démontrer que les OGM, présents directement ou indirectement sur leurs rayons, engendrent des tumeurs… Tout cela pour mieux vendre leurs produits bio et soigner leur image verte.
Il apparaît clairement aujourd’hui qu’à force de prendre des décisions sous la pression de différents lobbies (industriels et écologistes), la situation des OGM en France est devenue un sac de noeuds et d’absurdités qui insulte la cohérence et hypothèque l’avenir.
Ce «débat raisonné» ne doit pas avoir raison du débat. Un vrai débat ne consiste pas à ramener à la raison des ignorants égarés. Il ne s’agit pas d’évangéliser des foules ignares comme on fertilise des terres incultes. Cela signifie que, dans un débat démocratique digne de ce nom, les décisions ne sont pas prises à l’avance.
Un vrai débat met sur la table tous les éléments connus d’un dossier afin que chacun puisse forger sa propre opinion. Il peut aboutir à la nécessité de compléter ce dossier. Pour les OGM, à faire de nouvelles études sur la toxicité, mais également sur la dépendance des agriculteurs. Il peut aboutir à une réglementation, à des interdictions, à des autorisations. Pourquoi pas à des moratoires.
Mais toutes ces décisions ne doivent être prises qu’après le débat. Cela permet aux citoyens de comprendre les motivations de ces décisions. Même s’ils n’en approuvent pas certaines. Dans ce cas de la science, le peuple ne peut pas prendre la décision lui-même mais tout doit être fait pour qu’il la comprenne. Pour cela, il faut la justifier publiquement. Sans autoritarisme d’experts, ni mépris pour la contestation. En matière d’OGM en France, tout comme en ce qui concerne le nucléaire, le gaz de schiste ou les nanotechnologies, nous sommes à des années lumière de la possibilité d’un tel débat. Dommage.
Michel Alberganti
lire le billet– On compte au moins cinq épisodes d’extinctions massives d’espèces dans l’histoire de la Terre, la dernière étant celle qui a conduit à la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années. Depuis plusieurs années, certains chercheurs avancent l’idée que nous sommes en train de provoquer la sixième grande extinction du vivant.
– Le gouvernement indien a annoncé un vaste plan de reforestation et d’amélioration de la qualité de ses forêts. Il y consacrera plus de 10 milliards de dollars sur dix ans.
– La NASA a échoué à lancer le satellite Glory qui devait étudier les particules en suspension dans l’atmosphère. Nature fait remarquer qu’après le satellite OCO (censé mesurer les concentrations de dioxyde de carbone), c’est la deuxième fois en deux ans que la NASA perd au décollage, et avec la même fusée, un instrument d’étude du climat.
– Dans la même thématique, le CNRS a mis en ligne un dossier interactif sur le climat de la Terre.
– La Commission européenne souhaite interdire aux pêcheurs de rejeter à la mer les prises indésirables, une pratique qui leur permet de n’intégrer à leurs quotas que les poissons rentables. On estime que chaque année, pour la seule mer du Nord, un million de tonnes de poissons (en général morts) retournent d’où ils viennent.
– C’est une équipe de chirurgiens français qui a pour la première fois greffé une bronche artificielle. Une opération qui a permis d’éviter l’ablation totale d’un poumon chez un patient atteint d’un cancer.
– Un nouvel article sur un champignon qui prend le contrôle du cerveau de certaines fourmis et les transforme en zombies.
– Pour terminer : les pleurs du soir (ou de la nuit), les couches à changer, les régurgitations, les maladies infantiles, le baby blues, l’ado qui traîne des pieds pour tout, le couple qui bat de l’aile… Oui, vous avez reconnu les joies d’être parent (j’ai quatre enfants, je sais de quoi je parle). Pourtant, pourtant… nous continuons à nous reproduire et, quand nous le faisons, nous exagérons la joie de la paternité et de la maternité. En fait, nous nous leurrons nous-mêmes en nous donnant l’illusion d’un bonheur plus grand qu’il n’est. A lire dans Time avant d’aller chanter une énième berceuse au gnafron qui hurle dans son berceau.
Pierre Barthélémy
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