Gigantesque !!! Trop pour Einstein…

Le mot gigantesque vient de subir une très forte réévaluation. Désormais, il faudra comparer tout ce qui peut mériter ce qualificatif dans notre Univers à la nouvelle structure découverte par Roger Clowes de l’université du Lancashire à Preston (Angleterre) et ses collègues et révélée par une publication dans les Monthly Notices de la Royal Astronomical Society. Il s’agit d’un grand groupe de quasars (LQG, pour Large Quazar Group en anglais) dont la taille atteint… 4 milliards d’années-lumière. Soit environ le vingtième du diamètre de l’univers observable dont l’horizon est estimé à 40 milliards d’années lumière. La largeur de cette structure n’est guère moins extraordinaire :  1,63 milliard d’années-lumière. Gigantesque – faible mot – donc.

73 quasars

Baptisée Huge-LQG, la structure est composée de 73 quasars. Ces objets, dont le nom signifie quasi-étoiles et qui sont connus depuis 1982, sont des trous noirs très actifs qui aspirent la matière environnante (disque d’accrétion) et la rende très lumineuse. Ils sont ainsi plus brillants que des étoiles malgré leur nature très différente. Leur taille peut atteindre de 10 à 10 000 fois celle du rayon d’un trou noir. La Huge-LQG pourrait être née lorsque l’Univers n’avait que 5 milliards d’années sur les 13,7 qu’on lui attribue aujourd’hui.

Pour tenter de se faire une idée de la taille de ce groupe de quasars, il faut la comparer à des systèmes célestes plus proches de nous. Notre galaxie, par exemple, la Voie Lactée. Eh bien, son diamètre ne dépasse pas les… 80 000 années lumière. Une broutille. Bon, prenons alors la distance qui sépare la Voie Lactée et notre plus proche voisine, la galaxie d’Andromède dont le diamètre atteint les 140 000 années-lumière. Elle ne se trouve qu’à une distance de… 2,55 millions d’années-lumière du Soleil. Soit une distance 1600 fois inférieure à la longueur de Huge-LQG…

Plus de trois fois trop grande…

La taille de la nouvelle structure est donc tout bonnement incommensurable. Tellement, d’ailleurs, qu’elle pose un problème théorique. En effet, elle se trouve en opposition avec un principe édicté par Albert Einstein lui-même et qui stipule que l’Univers, à grande échelle, apparaît identique quelle que soit la direction et le lieu d’où on l’observe. Pour que cela se vérifie, il faut que les grandes structures, comme ce groupe de quasars, ne dépasse pas la taille de 1,2 milliard d’années-lumière. La Huge-LQG se révèle donc plus de trois fois trop grande pour coller avec la cosmologie d’Einstein. Problème… D’autant que les autres structures observées jusqu’à présent étaient loin d’une telle violation. La taille des amas de galaxies connus, par exemple, est d’environ 10 millions d’années-lumières. La Huge-LQG les dépasse de près de deux ordres de grandeur… Incroyable.

Univers en 3D

Ainsi va la science. Une seule observation peut mettre à bas une théorie jusque-là intouchable. Mais prudence… La leçon des neutrinos est encore bien présente dans les mémoires. Einstein en était sorti grandi et le CERN passablement flétri. Il faut donc attendre la réaction des astrophysiciens à cette nouvelle découverte. Les chercheurs qui en sont les auteurs n’ont pas pointé leur télescope vers le ciel pour la trouver. Ils sont simplement étudié les données collectées par la Sloan Digital Sky Survey (SDSS) grâce à huit années d’observation qui ont permis de réaliser la première carte en trois dimensions de l’Univers. On y trouve pas moins de 930 000 galaxies et 120 000 quasars. Les données continuent à être fournies aux astrophysiciens et leur dépouillement devrait s’achever en 2014. Le temps de découvrir bien d’autres monstres de l’espace…


Quasars: tueurs ou créateurs de galaxies ? par AstrophysiqueTV

Michel Alberganti

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