La revue Energy and Environmental Science du 17 juillet 2012 publie la première estimation du nombre de victimes consécutives à la catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi, déclenchée par le tsumani qui a ravagé le nord est du Japon le 11 mars 2011. Selon l’étude réalisée par John Ten Hoeve et Mark Z. Jacobson de l’université de Stanford, les radiations émises par les réacteurs en fusion de la centrale pourraient provoquer de 15 à 1300 morts et de 24 à 2500 cas de cancer, dont la grande majorité au Japon. Si ces fourchettes sont extrêmement larges, elles contrastent avec les déclarations qui ont assuré que les émissions de radiations n’auraient pas d’effets sérieux sur la santé. Ces chiffres s’ajoutent aux 600 morts provoqués par l’évacuation de la zone d’exclusion de 20 km de diamètre autour de la centrale, dans les semaines qui ont suivi le drame, dont 245 seraient liées aux irradiations et les autres à des causes diverses (fatigue, maladies chroniques…).
Pour les chercheurs, plus précisément, il pourrait y avoir 130 morts (15 à 1100) par cancer et 180 morts (24 à 1800) décès par cancer si l’on tient compte des incertitudes sur les modèles d’exposition. Les chercheurs ont tenté de tenir compte de la sensibilité des personnes aux débits d’émission des particules radioactives et à la proportion d’iode 131 ainsi que du rayon de la zone d’exclusion. Ils estiment que ces facteurs pourraient repousser la limite supérieure de leurs estimations à, respectivement, 1300 et 2500 victimes. En ce qui concerne les travailleurs qui sont intervenus sur le site et ont donc été fortement exposés aux radiations, ils projettent une mortalité située entre 2 et 12 personnes.
De telles prévisions contredisent donc les déclarations officielles assurant que le périmètre interdit de plusieurs centaines de km2 autour de la centrale devait protéger la population. En fait, les chercheurs soulignent que l’essentiel du nuage radioactif est parti vers la mer. Seulement 19% des particules rejetées seraient retombées sur le sol japonais. Ce phénomène, dû aux vents dominants, a protégé la population d’une contamination bien supérieure. Le nuage a poursuivi sa route autour de la Terre et de faibles doses ont été détectées en Amérique du Nord et en Europe. Un mois après le désastre, le comité scientifique sur les effets des rayonnement atomique des Nations Unies a cru pouvoir assurer qu’il n’y aurait pas d’effets graves des radiations sur la santé humaine.
Pour vérifier cette affirmation, John Ten Hoeve et Mark Z. Jacobson ont utilisé un modèle numérique en 3D, développé grâce à 20 ans de recherches, pour prédire le parcours du nuage radioactif. Ils ont également fait appel à un modèle standard sur les effets de l’exposition aux radiations sur la santé humaine. D’après leurs calculs, les effets sanitaires du nuage sont presque exclusivement concentrés sur le Japon. De très faibles effets concerneraient l’Asie et l’Amérique du Nord avec, toutefois, la possibilité de 0 à 12 morts aux Etats-Unis et de 0 à 30 cas de cancer. Les chercheurs soulignent que les méthodes utilisées sont nettement moins précises dès lors que les doses sont très faibles.
Les résultats de cette étude ont été critiqués, le jour même de leur parution dans Energy and Environmental Science par Burton Richter, prix Nobel de physique en 1976 avec Samuel Ting. Cette critique, comme la réponse des auteurs de l’étude, également publiée le 17 juillet, n’est pas accessible librement sur le site de la revue. Nous attendrons donc d’en connaître la teneur pour découvrir l’opinion du physicien sur ce travail…
Michel Alberganti
lire le billetLa centrale nucléaire de Fukushima Daiichi 1, largement détruite par les explosions qui ont suivi le tsunami du 11 mars 2011, reste sous la menace d’un nouveau tremblement de terre de forte magnitude. Tel est le résultat d’une étude publiée le 14 février 2012 dans Solid Earth, une revue de la European Geosciences Union (EGU). Les scientifiques ont analysé les répliques du séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter qui a frappé le Japon le 11 mars 2011 et engendré le tsunami qui a dévasté plusieurs régions côtières, fait plusieurs dizaines de milliers de victimes et inondé la centrale de Fukushima Daiichi 1. L’épicentre de ce séisme se trouvait à 160 km de la centrale. Selon les chercheurs, un nouveau tremblement de terre pourrait se produire “dans un futur proche” à une distance beaucoup plus faible.
La zone étudiées est située à l'intérieur du carré noir. L'étoile mauve indique l'épicentre du séisme du 11 mars 2011. L'étoile rouge, celui du séisme d'Iwaki le 11 avril 2011. Fukushima Daiichi est représenté par un carré rouge. Les triangles noirs marquent les volcans actifs. ,
“Il y a quelques failles actives dans la région de la centrale nucléaire et nos résultats montrent l’existence d’anomalies structurelles similaires sur les sites de Iwaki et de Fukushima Daiichi. Étant donné qu’un fort séisme s’est produit récemment à Iwaki, nous pensons qu’un tremblement de terre aussi puissant peut se produire près de Fukushima”, explique le responsable de l’équipe de chercheurs, Dapeng Zhao, professeur de géophysique à l’université de Tohoku. Le 11 avril 2011, un mois après le drame du 11 mars, le séisme de magnitude 7 survenu à Iwaki a été le plus fort des répliques dont l’épicentre se situait à l’intérieur des terres. Celui du séisme d’Iwaki se trouvait à 60 km au sud-ouest de Fukushima.
Fluides ascentionnels
D’après la publication des scientifiques, le séisme d’Iwaki a été déclenché par des fluides se déplaçant verticalement à partir de la plaque de subduction du Pacifique. Cette dernière s’enfonce sous la région nord-est du Japon ce qui augmente la pression et la température des matériaux qui la compose. C’est ce qui provoque l’expulsion de l’eau contenue dans les roches et engendre la formation de fluides moins denses qui remontent vers la partie supérieure de la croûte terrestre et peuvent altérer les failles qui se produisent après les séismes. Ces fluides agissent comme des lubrifiants “en abaissant le coefficient de friction de certaines parties des failles actives et peuvent déclencher un puissant tremblement de terre. Associé aux variations de tensions engendrées par le séisme du 11 mars, ce phénomène a déclenché le séisme d’Iwaki”, indique Ping Tong, autre coauteur de la publication.
Plusieurs centrales concernées par l’alerte
Les chercheurs étayent leurs conclusions sur les enregistrements et l’analyse tomographique de 6000 séismes réalisés à Iwaki après 11 mars. Au total, pas moins de 24 000 tremblements de terre ont été enregistrés entre le 11 mars et le 11 avril 2011, contre moins de 1300 au cours des 9 années précédentes. S’ils ne peuvent prédire précisément quand se produira un fort séisme près de Fukushima Daiichi, les scientifiques estiment que les mouvements ascensionnels de fluides indiquent qu’il pourrait se produire d’ici peu. Ils alertent ainsi les autorités sur les précautions à prendre pour préparer le site de la centrale nucléaire à un tel événement et réduire les risques d’une nouvelle catastrophe nucléaire. D’autres centrales japonaises sont concernées par cet avertissement: Fukushima Daini, Onagawa et Tokaï.
Michel Alberganti
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