Comment on cartographie la taille du pénis

 

Si vous n’avez pas vu cette carte, c’est parce que vous étiez en vacances en Antarctique au cours des deux dernières semaines ou qu’un cambrioleur a embarqué votre ordinateur (ou les deux). Il s’agit de la carte mondiale de la taille du pénis en érection publiée sur le site de cartographie TargetMap, vue par plus de 4 millions et demi de personnes en moins de quinze jours. Un planisphère où l’on s’aperçoit que l’inégalité des sexes n’est pas une vue de l’esprit. Même si, comme je l’ai expliqué dans un billet précédent, l’homme est mieux doté par la Nature que ses frères primates, de substantielles différences subsistent entre individus et, apparemment aussi, entre nations. Ainsi qu’on peut le voir sur la légende de la carte, plus la couleur du pays vire au rouge, plus les mâles dudit pays portent court. A l’inverse, plus le vert est prononcé, plus les membres virils gagnent en centimètres.

Dans ce très poétique tour du monde de la quéquette, la palme de la plus grande revient à la République démocratique du Congo, avec un beau 17,93 cm (la carte est erronée sur ce point ; voir toutes les données ici). A l’autre bout (si je puis m’exprimer ainsi), la Corée du Sud est le seul pays à passer sous la barre des 10 cm, avec un 9,66 cm sur lequel je ne ferai aucun commentaire. Dans la catégorie des biloutes, comme dirait Dany Boon, sont d’ailleurs rassemblés beaucoup de pays asiatiques. C’est en Afrique et en Amérique latine que se trouvent les plus beaux arguments.

J’ai également noté un regroupement suspect de deux pays bien verts en Europe occidentale : comme un fait exprès, la France et l’Italie se distinguent dans un environnement de pénis moyens. D’où ma question (et la présence de ce billet sur un blog habituellement à consonance scientifique) : d’où proviennent les données ? Qui a fait les mesures ? La carte de TargetMap n’a pas été réalisée par des chercheurs mais elle renvoie à une série de références longue comme, euh, comme le bras, et d’inégale valeur (par comparaison, il n’y a aucune référence pour la carte mondiale du volume des seins établie à partir des bonnets de soutien-gorge…).

On y trouve, un peu pêle-mêle, des articles de presse magazine, des résultats de sondages commandés par des fabricants de préservatifs, des textes de revendeurs de matériel destiné à agrandir les pénis et, quand même, un certain nombre d’études publiées par des revues scientifiques tout à fait respectables telles que le New England Journal of Medicine, European Urology ou Nature Genetics. J’ai, en farfouillant un peu dans les articles, notamment découvert un “papier” au sujet savoureux : le mythe selon lequel la taille de la chaussure préfigure la taille du sexe de celui qui la porte est-il fondé ou non ? (Pour ceux que cela intéresse, la réponse est non : vous pouvez chausser du 47 et rentrer dans le small de chez Durex.)

En regardant d’un peu plus près les données qui ont été utilisées, on s’aperçoit qu’elles sont de deux types : d’un côté les tailles réellement mesurées pour des études et, de l’autre, les données auto-déclaratives. Dans ce second cas de figure, un questionnaire, souvent anonyme, est envoyé à une cohorte d’hommes qui le remplissent, plus ou moins honnêtement, double ou triple décimètre à la main. Or, la différence entre les deux catégories saute aux yeux : aucun chiffre auto-déclaré ne descend sous les 13,5 cm et rares sont les nations qui reconnaissent d’elles-mêmes des zizis de moins de 15 cm… Pour m’amuser et tenter d’estimer ce biais, j’ai donc pris 20 pays au hasard dans la liste, 10 dans la catégorie “mesuré par le gouvernement” et 10 dans la catégorie “fait à la maison”. En moyenne, il y a plus de 15 millimètres d’écart, en faveur de la seconde. D’où l’intérêt, quand on présente des statistiques, d’éliminer tous les biais possibles, à commencer par la manière dont sont recueillies les données.

Comme par hasard, les données sur les braquemarts français et italiens sont issues d’enquêtes de ce genre tandis que les pénis helvètes, allemands ou ceux appartenant aux sujets de sa Majesté la reine d’Angleterre ont été mesurés par des professionnels objectifs. Avec un généreux 16,01 cm de moyenne, ses messieurs les (vantards) Français ne sont néanmoins pas parvenus à entrer dans la catégorie reine, celle des plus de 161 millimètres. La prochaine fois, il faudra tirer un peu plus dessus.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : le chiffre pour la République démocratique du Congo étant issu d’un sondage déclaratif, il est sans doute plus correct, scientifiquement parlant, de juger que l’Equateur est sur la première marche du podium…

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Les Français doivent tous déménager au Pérou

Carte

C’est sur un amusant exercice de cartographie-fiction que je suis tombé au hasard de mes pérégrinations sur Internet. Quelqu’un s’est demandé comment les nations se redistribueraient à la surface de la planète si au pays le plus peuplé on attribuait le territoire le plus grand, et ainsi de suite jusqu’au pays le moins peuplé qui prendrait le territoire national le plus petit. La carte qui en résulte (consultable ici en grand) est rigolote et bien souvent involontairement ironique. Elle a été réalisée avec les données Wikipedia. Le but premier de l’exercice consiste à harmoniser, autant que faire se peut, les énormes disparités de densité de population à travers le monde. Entre Monaco et ses plus de 16 000 habitants au kilomètre carré et la Mongolie qui en compte moins de 2, certains se marchent plus sur les pieds que d’autres.

Quels sont les principaux changements qui en résultent (je vais oublier le conditionnel…) ? Commençons par les poids lourds. Le pays le plus peuplé de la planète, la Chine, s’installe donc dans le plus grand appartement, celui de son voisin russe, et récupère au passage des territoires dont elle a été dépouillée au XIXe siècle… Les Chinois réalisent un rêve : conquérir la Sibérie, rester un géant asiatique tout en posant un gros pied en Europe. Quant aux Russes, dont la démographie part en capilotade depuis de nombreuses années, ils se retrouvent en pays de connaissance, dans un de leurs anciens fiefs, le Kazakhstan. Ils se consolent en se disant qu’ils pourront toujours tirer leurs fusées à Baïkonour…

Le deuxième pays le plus peuplé de la Terre, l’Inde, change de continent en s’emparant du territoire canadien et devient un nouveau géant américain. Si Christophe Colomb était toujours de ce monde, il pourrait enfin réaliser son rêve de rejoindre les Indes en traversant l’Atlantique. Dans ce grand jeu de chaises musicales, le Canada fait quasiment le chemin inverse puisqu’il prend la place du Pakistan, tandis que l’ex-territoire indien est attribué, non sans une certaine ironie, à son voisin actuel, le Bangladesh, pays issu de la partition des Indes…

Nous arrivons enfin aux Etats-Unis, troisième nation la plus peuplée de la planète. Et ce n’est pas sans un certain sadisme que nous nous frottons les mains pour savoir dans quel coin ils vont atterrir. En Irak ? Au Soudan ? En Chine ? Eh bien non, rien de tout cela. Il se trouve que l’oncle Sam fait bien les choses car les Américains, dotés du troisième plus grand territoire, restent chez eux et s’économisent un colossal déménagement. Trois autres peuples ne goûtent pas non plus aux joies de l’émigration : les Irlandais (qui ont pourtant une longue tradition en la matière…), les Brésiliens et les Yéménites.

Bon. Et la France dans tout cela ? Nous sommes à l’étroit dans l’Hexagone et comme notre population croît à un rythme plutôt soutenu, nous avons besoin de nous agrandir… Nous continuons à aller à la montagne et à la mer, mais la Riviera se transporte sur les bords du Pacifique puisque nous atterrissons au Pérou. Ce qui ravit les fans d’archéologie, de Tintin au Temple du Soleil et de Serge Lama… Mais qui récupère nos vignes, notre tour Eiffel et notre douceur angevine ? La Malaisie, dont la population jeune et en expansion aspire aussi à plus d’espace. Les Belges qui se demandent s’ils ne doivent pas couper leur pays en deux se retrouvent dans un territoire actuellement occupé par un peuple ayant des préoccupations du même ordre, le Sahara occidental… Ce sont les Mongols qui débarquent au plat pays, passant d’un ranch immense à une coquette studette. Pour ce qui concerne les Helvètes, ils récupèrent la place laissée vacante par les Bangladais. La Suisse se retrouve battant pavillon panaméen…

Parmi les nombreuses coquetteries de cette grande redistribution, j’ai noté que les deux Corées ne pouvaient pas se quitter et continuent donc à se quereller, la Corée du Nord au Botswana et celle du Sud en Afrique du Sud ; les Britanniques ne sont plus un peuple d’insulaires puisque les sujets de sa Majesté Elisabeth II se retrouvent au Niger, sans accès à la mer ; enfin, le choc thermique risque d’être rude pour certains, comme les Vietnamiens transportés au Groenland, les Nicaraguayens en Islande ou les Libanais au Spitzberg… Je n’ai évidemment pas cherché à tout dire et les commentaires sont ouverts à ceux qui auront noté d’autres curiosités amusantes.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : une autre manière, plus sérieuse, de représenter les choses consiste à gonfler ou amaigrir les territoires des nations en fonction de leur population. Cette technique a été exploitée avec brio dans l’Atlas du monde réel, publié en 2008 aux Editions de la Martinière.

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