Tandis que les astronomes et autres astrophysiciens s’interrogent sur le meilleur moyen de détourner un astéroïde menaçant la Terre, un diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT) propose une stratégie originale. Nul besoin d’une bombe atomique enfouie par un Bruce Willis, ni de laser de l’espace ou de vaisseau tracteur. Pour Sung Wook Paek, qui travaille dans le département Aéronautique et Astronautique du MIT, de simples bombes de peinture suffiraient. De la peinture blanche… En effet, le chercheur explique que grâce à cette version spatiale du paintball, l’albédo de l’astéroïde serait doublée. Ainsi, l’énergie due à l’impact des bombes de peinture commencerait à dévier l’astéroïde. La pression des photons réfléchis par la surface blanche achèverait le travail !
On se demande pourquoi personne n’avait eu cette idée auparavant… Sans doute parce que ce n’est pas aussi simple. Néanmoins, Sung Wook Paek a reçu le prix du meilleur article technique lors de la compétition “Fais bouger un astéroïde 2012” organisée à Naples en octobre 2012. L’article du jeune chercheur utilise Apophis comme exemple. Cet astéroïde fait partie des géocroiseurs qui pourrait menacer la Terre. Ses prochains passage près de chez nous sont prévus pour 2029, et, surtout, en 2036, où il se rapprochera sensiblement. Avec une masse de 27 mégatonnes pour un diamètre de 270 mètres environ, nul doute que son impact sur Terre aurait des conséquences désastreuses.
Sung Wook Paek a utilisé la période de rotation de l’astéroïde, environ 30 heures, pour le calcul du moment de lancement des boules de peinture. Celles-ci seraient envoyées en deux vagues afin d’atteindre les deux faces d’Apophis. Au contact, les boules explosent et déposent sur la surface une couche de peinture de 5 microns d’épaisseur. Cinq tonnes de peintures suffiraient pour couvrir la totalité de la surface d’Apophis. Les boules seraient lancées à partir d’un vaisseau spatial croisant à proximité.
D’après les calculs de Sung Wook Paek, il faudrait 20 années d’effets cumulés des rayons solaires sur sa surface blanche pour détourner Apophis de sa trajectoire. Une durée qui n’est pas incompatible avec la fréquence des passages de l’astéroïde près de la Terre. Bien que ce soit raté pour 2029. En revanche, il suffirait d’exécuter le plan de Sung Wook Paek en 2016 pour qu’Apophis soit dévié en 2036. Pour l’instant, toutefois, il semble que les probabilités d’impact soient très faibles pour cette date. Néanmoins, l’opération peinture blanche permettrait de mieux suivre l’évolution d’Apophis dans le système solaire et d’améliorer ainsi la précision du calcul de sa trajectoire.
Bientôt, peut-être, de nouveaux objets célestes seront visibles dans le ciel : les astéroïdes peints en blanc.
Michel Alberganti
A ce sujet, vous pouvez (ré) écouter l’émission Science Publique que j’ai animée le vendredi 26 octobre 2012 sur France Culture :
La fin du monde, que certains prévoient pour le 21 décembre 2012 à partir d’une interprétation du calendrier maya,pourrait-elle être provoquée par une collision entre un astéroïde géant et la Terre ? Nous en débattons avec nos invités : jean-Pierre Luminet, astrophysicien,Patrick Michel,astrophysicien et David Bancelin, astronome.
Quand les astronomes (et les journalistes…) s’emballent pour les astéroïdes, c’est en général pour évoquer celui qui a provoqué la disparition des dinosaures, ceux qui nous frôlent de temps à autre et que l’on détecte trop tard ou encore pour se faire des frayeurs en parlant des chances infimes pour que le pavé Xtrucmuche212 percute la Terre dans 94 ans. Plus ces rochers géants restent loin de nous, mieux nous nous portons, avons-nous tendance à croire. Erreur grossière car, sur le plan des ressources naturelles et notamment des métaux, un astéroïde, c’est quasiment de l’or en barre. En effet, il est très probable que l’origine des métaux précieux présents dans la croûte terrestre soit extraterrestre : de nombreux chercheurs estiment en effet que le grand bombardement météoritique qui s’est produit il y a environ 4 milliards d’années nous a fait cadeau de ces éléments qui, sans cela, auraient été des plus rares.
D’où l’idée, émise il y a déjà plusieurs années, d’extraire ces métaux dans l’espace lorsqu’ils viendront à manquer sur Terre ou quand le prix de leur extraction sera faramineux. Encore faut-il, pour pratiquer cette exploitation minière spatiale, faire l’aller-retour à un coût qui n’excède pas celui des minéraux en question. La population la plus accessible, la grande ceinture d’astéroïdes, gravite entre les orbites de Mars et de Jupiter, soit, dans le meilleur des cas, à quelque 150 millions de kilomètres de nous. C’est loin ? Pas de problème. Pour parodier Paul Féval et son Lagardère, on pourrait dire “Si tu ne viens pas à l’astéroïde, l’astéroïde ira à toi !” Au lieu de traverser de longues distances intersidérales, pourquoi ne pas prendre “au lasso” un géocroiseur, un de ces vagabonds qui passent dans les parages de la Terre ?
C’est la question que se sont posée trois chercheurs chinois, spécialisés dans le spatial, à l’occasion d’un article publié l’an dernier par la revue chinoise Research in Astronomy and Astrophysics et qui est désormais disponible depuis quelques jours sur le site arXiv. En introduction, Hexi Baoyin, Yang Chen et Junfeng Li commencent par… parler argent, en rappelant des chiffres qui feront rêver n’importe quelle entreprise minière : un astéroïde métallique de 2 kilomètres de diamètre contient pour plus de 25 000 milliards de dollars de matériaux, soit bien plus que le fameux montant du déficit fédéral américain, qui faisait les gros titres et inquiétait les Bourses il y a un mois… L’idée de ces chercheurs chinois consisterait à dévier d’un chouïa la trajectoire d’un astéroïde de manière à ce qu’il soit capturé par l’attraction terrestre et devienne temporairement satellite de notre planète, ce qui nous laisserait tout loisir pour y envoyer une armée de robots excavateurs.
L’étude a donc passé à la moulinette les orbites de plus de six mille géocroiseurs censés venir flirter avec la Terre à moins de 1,2 million de kilomètres (soit environ trois fois la distance qui nous sépare de la Lune) d’ici à 2060. Le but étant de savoir s’il existait dans cette liste quelques candidats qu’une petite pichenette pourrait faire basculer dans notre piège gravitationnel. Nos scientifiques chinois en ont sélectionné un, qui répond au doux nom de 2008EA9 et est censé passer à un peu plus d’1 million de km de notre planète en février 2049. Il suffirait, selon leurs calculs, de modifier la vitesse de l’astéroïde d’un kilomètre par seconde (ce qui fait tout de même 3 600 km/h…) pour lui faire gagner une orbite autour de la Terre deux fois plus éloignée que celle de la Lune. Autant dire la proche banlieue. Pour mémoire, les astronautes des missions Apollo ne mettaient que trois jours lors de leurs voyages vers notre satellite.
Cela dit, 2008EA9 n’intéressera pas beaucoup de compagnies minières : ce caillou de l’espace ne mesure que 10 mètres de diamètre et il n’y a sûrement pas grand chose à en tirer. Ce “hic” n’empêche pas les auteurs de cette étude d’envisager l’opération comme une démonstration de faisabilité. Après un rapide tour d’horizon des techniques de poussée (de la bombe atomique au laser), ils concluent que la meilleure solution serait une collision bien calculée avec un impacteur de 26 tonnes. L’avantage de 2008EA9, c’est que si l’expérience rate, l’astéroïde est si petit qu’il ne provoquera aucun dégât sur Terre puisqu’il se consumera en entrant dans l’atmosphère. Ce qui risque de ne pas être le cas avec un des autres candidats potentiels, le fameux astéroïde Apophis, qui est doté d’une probabilité infime mais réelle de nous percuter au cours des décennies à venir. C’est un bestiau de 270 mètres de long dont l’impact sur Terre relâcherait une énergie de plus de 500 mégatonnes de TNT (soit dix fois plus que la plus puissante des bombes thermonucléaires jamais conçues).
Comme il ne faut pas jouer avec le feu, une autre étude réalisée dans la même université pékinoise vient de s’attaquer au problème inverse : comment, avec une voile solaire de seulement 10 kg, dévier Apophis pour qu’il ne risque plus, au moins à moyen terme, de venir nous chatouiller la croûte terrestre. Quitte à retourner le chercher plus tard, quand les mineurs de l’espace seront au point…
Pierre Barthélémy
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