Pourquoi l’alimentation des bébés de familles à faibles revenus favorise-t-elle l’obésité ? Cette question se pose aux États-Unis où les chercheurs des Pediatric Academic Societies se sont réunis à Boston pour leur meeting annuel le 28 avril 2012. Alors que l’American Academy of Pediatrics déconseille l’ajout de céréales infantiles dans les biberons des enfants, cette pratique semble développée dans les foyers à faibles revenus, principalement d’origine sud américaine. Les mères de 254 enfants ont été interrogées pour savoir si elle mettaient des céréales infantiles dans le biberon de leurs bébés afin qu’ils dorment plus longtemps ou qu’ils fassent des nuits complètes. En France, l’introduction de céréales dans les biberons sous la forme de farines n’est pas déconseillée par la diététicienne à la Clinique du poids Dorothée Krief sur le site Infobébés. Elle la préconise à partir de l’âge de 4 mois avec une augmentation progressive en fonction de l’âge.
Les chercheurs américains ont aussi collectés des informations sur l’âge, la langue, le pays d’origine, le statut marital, le niveau d’éducation, les revenus, les symptômes de dépression des mères ainsi que sur l’âge, le sexe et la perception par les mères de réactions émotionnelles intenses des bébés. Cette étude a été réalisée dans le cadre d’une partie d’un projet plus large intitulé Bellevue et qui suit les enfants entre la naissance et la scolarisation.
24% des mères mettent des céréales dans le biberon
Les résultats montrent que 24% des mères mettent des céréales dans le biberon de leurs bébés, ce qui augmente les risques d’obésité. Celles qui présentent des symptômes de dépression sont 15 fois plus susceptibles de le faire que celles qui n’en ont pas. Le principal auteur de l’étude, Candice Taylor Lucas, professeur associé de pédiatrie à l’université de médecine de New York note que: “La dépression est très courante chez les mères à faibles revenus et cela rend plus difficile de les engager à suivre des pratiques bénéfiques”. Par ailleurs, les femmes célibataires sont plus enclines à ajouter des céréales dans les biberons et que celles qui considèrent leur bébé comme ayant des réactions émotionnelles intenses adoptent 12 fois plus cette pratique que les autres. Candice Taylor Lucas conclue que l’étude montre que les facteurs de stress chez les mères ayant de faibles revenus (dépression, famille monoparentale et problèmes de comportement des bébés) induisent des pratiques alimentaires qui favorisent l’obésité. “Il est important d’apporter un support à ces parents en matière d’alimentation saine si nous voulons mettre un terme à l’épidémie d’obésité enfantine“.
La peur de ne pas avoir assez à manger
Lors du même meeting à Boston, Rachel Gross, professeur assistant au département de pédiatrie de l’école de médecine, Albert Einstein et à l’hôpital pour enfants Montefiore de New York a présenté une étude qui pointe un autre facteur favorisant l’obésité: la peur de ne pas avoir assez à manger. Là encore, ce sont les familles à faibles revenus qui apparaissent les plus vulnérables à la sensation d’une “insécurité alimentaire”. C’est d’ailleurs chez elles que les problèmes d’obésité sont les plus fréquents. Pour Rachel Gross, il est donc important d’identifier les causes de ce comportement associé à de faibles revenus. Avec ses collègues, elle a interviewé 201 mères, principalement hispaniques, dans cette situation et ayant des enfants de moins de 6 mois au sujet de leur comportement alimentaire. Les questions portaient sur le contrôle de la quantité de nourriture prise par les enfants, sur l’alimentation au sein, l’ajout de céréales dans les biberons et la prise de conscience des risques d’obésité.
Les risques du contrôle par les parents
Les résultats montrent d’un tiers des mères font état d’une insécurité alimentaire. “Nous avons découvert que ce sentiment influence le contrôle des pratiques alimentaires des enfants”, note Rachel Gross. “Ces contrôles concernent à la fois la restriction lorsqu’un enfant manifeste qu’il a encore faim et la pression qui consiste à insister pour que l’enfant mange encore alors qu’il est rassasié”. Les chercheurs pensent que les parents qui cherchent à agir ainsi sur la prise de nourriture de leur bébé perturbent l’aptitude de l’enfant à réguler sa sensation de faim et conduit à une suralimentation et à une prise de poids excessive.
L’étude montre également que les mères en situation d’insécurité alimentaire sont plus conscientes des risques de surpoids que celles qui n’ont pas ce problème. Rachel Gross en conclue que les politiques publiques ne devraient pas uniquement s’intéresser aux problèmes de sous nutrition et de malnutrition mais qu’elles devraient aussi prendre en compte que les familles en situation d’insécurité alimentaire peuvent engendrer des problèmes d’obésité.
En résumé, ces deux études pointent l’impact du stress des mères, qu’il s’agisse de dépression ou de peur de manquer de nourriture, sur l’obésité. Il ne s’agit pas d’une énorme surprise tant il est bien connu que les problèmes psychologiques influencent fortement les pratiques alimentaires.
Michel Alberganti
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Une nouvelle étude le confirme: la consommation de boissons alcoolisées peut affecter la mémoire. Une équipe de chercheurs de l’université de Stanford menée par une Française, Anne Lise Pitel, a approfondi les travaux précédents pour identifier l’impact des états alcooliques sur différents types de mémoire. Parmi les résultats, il apparaît que la capacité de reconnaissance des visages peut être perturbée.
Bien avant d’atteindre le stade d’amnésie profonde du syndrome de Korsakoff, certains troubles apparaissent et concernent la mémoire associative, celle qui nous permet de mettre un nom sur un visage. En analysant les cerveaux de patients grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), les chercheurs ont pu observer que ces troubles sont corrélés avec l’utilisation de différentes parties du cerveau.
L’alcool n’affecte que certains types de mémoire. “La consommation chronique touche essentiellement la mémoire épisodique et la mémoire de travail”, note Edith Sullivan, professeur au département de psychiatrie et de sciences du comportement à l’université de Stanford et référent de cette étude. La mémoire épisodique enregistre les événements de la vie personnelle associés à un contexte temporel et spatial particulier. Elle ne semble pas avoir de limites.
Mémoire épisodique
Anne-Lise Pitel donne ainsi un exemple de cette mémoire épisodique: “Quand je suis allée à Paris avec mon mari, j’ai mangé une excellent ratatouille au dîner dans un très joli restaurant. Je peux me souvenir du lieu, de la façon dont j’étais habillée et du fait que je me suis brûlée la langue lorsque j’ai goûté le plat”. Edith Sullivan indique que “de tels souvenirs sont propres à chaque individu. Lorsque l’alcool affecte cette mémoire périodique, il peut devenir difficile de se souvenir d’une liste de courses, d’un chemin pour se rendre à un nouveau restaurant, d’une association d’un visage et d’un nom dans un nouveau travail”.
La mémoire de travail, elle, fonctionne différemment. C’est une mémoire à court terme qui dispose d’une capacité limitée. Elle permet d’enregistrer temporairement et d’utiliser des informations qui sont rapidement oubliées à moins d’être enregistrées dans la mémoire à long terme. Les personnes alcooliques souffrent de déficits dans ce type de mémoire qui peut aller jusqu’à l’incapacité de mémoriser un numéro de téléphone pendant le temps nécessaire pour le composer.
Associations visage-nom
L’un des intérêts de cette nouvelle étude réside dans le fait qu’elle s’est concentrée sur des processus cognitifs de la vie quotidienne. Les chercheurs ont constitué deux groupes: le premier constitué de 10 personnes alcooliques (8 hommes et 2 femmes) et le second comprenant 10 personnes non alcooliques (5 hommes et 5 femmes). Il leur a été demandé de mémoriser soit des associations visage-nom, soit des visages et des noms indépendants.
Deux régions différentes du cerveau pour le même exercice
Les deux groupes ont rencontré plus de difficultés à mémoriser des associations que des visages et noms isolés. Mais les performances des alcooliques se sont révélées inférieures dans les deux catégories d’exercice. Et l’une des trouvailles les plus remarquables de ce travail réside dans l’observation du fonctionnement des cerveaux dans les deux groupes. Pour effectuer les mêmes exercices de mémorisation d’associations nom-visage, alcooliques et non alcooliques ont fait appel à des régions cérébrales différentes. Les alcooliques ont utilisé des régions du cervelet quand les non alcooliques se servaient de leur système limbique.
Plus étonnant encore: les alcooliques ne sont pas toujours pénalisés. Les chercheurs ont en effet proposé un autre exercice aux deux groupes. Il s’agissait, lors que la mémorisation du couple nom-visage, d’associer à cette information un jugement concernant l’apparence honnête ou malhonnête de la personne. Ainsi, les participants devaient passer d’une mémorisation superficielle à une mémorisation plus profonde. Le résultat montre que les performances des deux groupes, alcooliques et non alcooliques, sont alors similaires. Néanmoins, là encore, les alcooliques se sont révélés inférieurs lorsqu’on leur a demandé de reconnaître une association nom-visage donnée ou d’identifier quel visage avait été vu plus tôt dans l’exercice. Preuve qu’il existe bien une différence entre la mémorisation légère et profonde entre les deux groupes et que c’est la première qui est la plus affectée par l’alcoolisme.
Un handicap au travail et à la maison
Anne-Lise Pitel conclut que “les capacités de mémorisation limitées pour les alcooliques peuvent constituer un handicap dans la vie quotidienne. Au travail, ceux qui doivent réaliser des travaux à forte charge cognitive peuvent rencontrer des difficultés à apprendre de nouvelles tâches. A la maison, les problèmes de mémoire peuvent être interprétés comme un désintérêt pour la vie familiale et engendrer des conflits. Enfin, du point de vue clinique, la mémoire épisodique altérée des alcooliques peut nuire aux programmes de désintoxication. En effet, un traitement réussi doit passer par l’acquisition de nouvelles connaissances sur le sens, la prise de conscience et les conséquences de l’addiction et de la drogue. Il fait également appel à la capacité à revivre des épisodes précédents de prise de boisson afin d’être capable d’anticiper et de reconnaître des situations à risques”.
Double peine
Double peine, donc, pour les alcooliques. Ils perdent une partie de leur mémoire lorsqu’ils boivent et cette altération les handicape également lors de leur désintoxication. En buvant, on n’oublie donc pas seulement ses malheurs passés. On perd une partie de sa mémoire future. Essayons de ne pas l’oublier, tant qu’il est encore temps…
Michel Alberganti
lire le billet– Si l’on prend en compte le coût sanitaire pour les usagers et pour la société dans son ensemble, l’alcool serait une drogue plus dangereuse que l’héroïne, selon une étude parue dans The Lancet.
– Que l’on ne voie aucun rapport avec ce qui précède... Des chercheurs américains sont parvenus à fabriquer un foie humain en laboratoire.
– On a beaucoup parlé de l’épidémie de choléra qui a fait quelque 300 morts à Haïti. Time en profite pour faire la liste des dix plus grandes épidémies de l’histoire.
– La République démocratique du Congo est, selon l’International Food Policy Research Institute, le pays où l’on souffre le plus de la faim. Trois autres pays africains, le Tchad, le Burundi et l’Erythrée, sont également classés dans la catégorie “situation extrêmement alarmante”.
– Selon un rapport du Réseau Action Climat, plusieurs grands noms de l’industrie européenne (Bayer, BASF, Lafarge, GDF-Suez…) ont apporté un soutien financier à des sénateurs américains niant les dangers du réchauffement climatique. A lire sur le site du Nouvel Obs.
– Le James Webb Space Telescope, qui sera le successeur dans l’espace du très célèbre télescope Hubble, doit être lancé en 2014 et est très attendu par les astronomes. Mais, avec un coût de 5 milliards de dollars, ce gros bijou a, au cours des années, mangé une part croissante du budget de la NASA consacré à l’astrophysique, au détriment d’autres projets. Autant dire qu’il a intérêt à tenir ses promesses. Une enquête publiée par Nature.
– La NASA et Barack Obama ont renoncé à envoyer de nouveau des hommes sur la Lune ? Mais pourquoi ne pas expédier, rapidement et à moindre coût, un robot humanoïde pour accomplir les missions scientifiques que les astronomes réclament ?
– Pour finir, un article amusant sur les boulots les plus dégoûtants de la science, d’analyseur d’excréments “frais” à statisticien du pet, en passant par écraseur de testicules de scarabée…
Pierre Barthélémy
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