Belle prise, peut-être, pour l’homme de Néandertal… Helmut était un mammouth laineux de 2,9 à 3,4 m au garrot pour environ 5 tonnes. Pas mal de viande pour l’hivers qui devait être long, à l’époque, avec le climat sibérien qui régnait sur la région de cet ancien lit de la Marne où il a été trouvé. Cette carrière de Changis-sur-Marne (Seine et Marne) a ensuite vu passer les gaulois et les romains. C’est d’ailleurs la fouille d’un site gallo-romain par l’Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap) qui a mis au jour cet habitant des lieux, il y a 200 000… ou 50 000 ans.
La fourchette reste large, avant les analyses de datation, pour ce troisième exemplaire de mammouth découvert en France. Du sol sableux, émergent deux défenses imposantes, un fémur, une partie du bassin, un humérus, une mandibule, quatre vertèbres encore connectées et passant sous les omoplates… Le tout, en assez bon état et assez dispersé pour poser question. D’autant que la présence d’éclats de silex près du crane de l’animal suggère une présence humaine.
Sur l’enquête scientifique, va dont se greffer une enquête policière qui aurait sans doute passionné les héros de la série Cold Case. Espérons que l’affaire soit élucidée de façon convaincante. L’archéologie en souvent conduite à bâtir des scénarios peu crédibles en raison du manque de preuve, c’est à dire de traces édifiantes. Trouveront-ils, cette fois, des marques laissées par le silex sur les os d’Helmut ? L’auteur sera-t-il identifié comme l’homme de Néandertal qui a vécu en Europe entre moins 250 000 et moins 28 000 ans ? Si c’est le cas, cela remettra-t-il en cause nos connaissance sur les capacités de cet “ancêtre” qui reste au coeur de nombreux débats, en particulier sur les possibles croisements avec l’Homo sapiens, apparu il y a quelque 400 000 ans ? Aux archéo-policiers de nous le dire.
Michel Alberganti
lire le billetQui décide de la recherche française ? La ministre en charge, Geneviève Fioraso ? L’Agence nationale de la recherche (ANR) ? Le CNRS ? Les Universités ? Les Agences indépendantes ? Les Comités d’éthique ? Le dernier épisode en date du vaudeville français sur le gaz de schiste plaide pour une autre tutelle : les écologistes, plus précisément Europe Ecologie Les Verts. Plus personnellement, semble-t-il, un homme : Jean-Vincent Placé, sénateur qui, à 44 ans, cumule les responsabilités. La dernière en date : avoir contraint le gouvernement à reculer, une fois de plus, sur le gaz de schiste.
Avant même la publication du rapport Gallois, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, réaffirme l’opposition du gouvernement à la fracturation hydraulique mais dit vouloir “réfléchir” à l’exploitation du gaz de schiste, qui “sera certainement sur la table” à l’occasion de la publication du rapport, comprend-t-on. Arnaud Montebourg est alors rejoint par le ministre délégué aux relations avec le Parlement, Alain Vidalies, qui assure qu’au sein du gouvernement personne ne pense qu’il faut écarter le gaz de schiste “pour l’éternité”, selon l’AFP.
Lundi 5 novembre 2012, Louis Gallois, ancien président l’EADS, après Airbus, la SNCF, Aerospatiale, Snecma et ex directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement en 1981 avant de devenir directeur général de l’industrie en 1982, remet son très attendu rapport au Premier ministre intitulé “Pacte pour la compétitivité de l’industrie française“.
Au chapitre sur “la priorité à l’investissement, un choc de confiance”, la cinquième proposition est : “mener les recherches sur les techniques d’exploitation du gaz de schiste”. Louis Gallois s’explique ainsi dans son rapport :
“Nous plaidons pour que la recherche sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste soit poursuivie. La France pourrait d’ailleurs prendre l’initiative de proposer avec l’Allemagne à ses partenaires européens un programme sur ce sujet. L’exploitation du gaz de schiste soutient l’amorce de réindustrialisation constatée aux États-Unis (le gaz y est désormais 2 fois et demi moins cher qu’en Europe) et réduit la pression sur sa balance commerciale de manière très significative.”
Jean-Vincent Placé réagit aussitôt en déclarant à l’AFP :
“Si le Premier ministre reprend ces propositions du rapport Gallois, il y aura une large fracture dans la majorité avec les écologistes. Un revirement du gouvernement serait une violation absolue de l’accord passé (entre) le PS et Europe Écologie-Les Verts”.
Louis Gallois a sans doute l’impression d’avoir été mal compris. Il précise donc sa position, pendant le journal télévisé de France 2 de lundi soir et sur RTL mardi 6 novembre :
“Je n’ai pas dit qu’il fallait poursuivre l’exploration, c’est interdit par la loi. J’ai dit qu’il fallait continuer de travailler sur la technique d’exploration, ça me paraît naturel.”
Mardi 6 novembre, Jean-Marc Ayrault présente le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi qui s’inspire fortement du rapport Gallois mais il ne mentionne même pas le gaz de schiste. Les services du Premier ministre confirment au magazine Le Point que la proposition correspondante de Louis Gallois n’est pas retenue par le gouvernement.
En apparence, le gouvernement se plie aux termes de l’accord pré-électoral entre le PS et EELV. En apparence seulement. Car voici ce que dit le document en question sur ce sujet :
“L’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels (gaz et huiles de schiste) seront interdits, les permis en cours seront abrogés et les importations découragées”.
Il apparaît ainsi que l’interdiction de la recherche sur les techniques d’exploitation ne fait pas partie de l’accord PS-EELV.
Le renoncement du gouvernement sur la proposition de Louis Gallois à propos du gaz de schiste peut paraître anecdotique par rapport aux autres points du “pacte national”. En fait, il ne l’est pas. Il s’agit même d’une grave défaillance du fonctionnement de la majorité présidentielle et d’un signal catastrophique donné en direction de la recherche française.
En effet, voici qu’un parti politique crédité de 2,31% des voix à l’élection présidentielle de mai 2012 et 5,4% des voix au premier tour des législatives suivantes grâce à l’accord conclu avec le PS (63 circonscriptions réservées à EELV), se trouve en position de dicter sa loi au gouvernement. Voilà qu’il étend, de lui-même, les termes de l’accord qui lui a permis d’obtenir 18 députés à l’Assemblée nationale.
L’interdiction de l’exploration et de l’exploitation vaut désormais aussi pour la recherche de nouveaux moyens d’exploitation. Rappelons que le gouvernement fonde le moratoire actuel sur le gaz de schiste sur les dangers présentés par la fracturation hydraulique, seule technologie existant à ce jour. Le rapport Gallois préconise d’en trouver d’autres, mois dangereuses pour l’environnement. Mais non, pas question pour les écologistes. Ces derniers, eux, ne sont pas opposés à une technologie particulière mais bien au gaz de schiste lui-même. Facteur de retard, de leur point de vue, dans le développement des énergies renouvelables en France.
Au moment où la situation économique est si tendue que le gouvernement augmente les impôts et les taxes et où la faiblesse de la compétitivité de l’industrie arrive en tête du diagnostic des experts tels que Louis Gallois, la France se prive de la possibilité d’une ressource qui pourrait jouer un rôle important pour l’aider à traverser cette période difficile. En réduisant la facture énergétique, le gaz de schiste français diminuerait aussi les coûts de production.
Une embellie économique serait le meilleur instrument pour stimuler les investissements dans les énergies renouvelables, dans la transition énergétique. La France, en pointe dans l’exploitation pétrolière, dispose de tous les laboratoires nécessaires pour inventer une nouvelle technologie moins dangereuse que la facturation hydraulique. Ou pour perfectionner cette technique afin d’éviter tous risques de pollution ou de maladie.
Eh bien non. Jean-Vincent Placé en a décidé autrement. Un tel dogmatisme, qui piétine jusqu’au principe de précaution, peut apparaître absurde et mortel pour l’avenir de la France. Comme le note Louis Gallois, même l’Allemagne n’adopte pas une telle ligne. Et la nécessité du lancement d’une recherche européenne commune dans ce domaine, qu’il propose, apparaît comme une évidence.
Est-il supportable que ce soit sans la France ?
Michel Alberganti
lire le billetVieux rêve dont se sont nourris les auteurs de contes pour enfants ou de livres et de films de science-fiction, La planète des singes en tête. Si les animaux pouvaient parler avec nous, la face de la société, si ce n’est celle du monde, en serait probablement changée. Même si le verbe ne suffit pas pour éradiquer la barbarie. Les hommes l’ont brillamment démontré. N’empêche… Nos relations avec des chevaux, les chiens les chats et autres rats de labo seraient sans doute différentes si ces animaux pouvaient s’exprimer par le langage. Or, jusqu’à présent, le rêve ne s’est guère réalisé qu’avec les perroquets… Avec un dialogue limité.
Bien sûr, c’est du coté du singe que l’on attend le plus d’aptitudes, anthropomorphisme oblige. Mais, malgré d’étonnantes démonstrations d’intelligence, nos frères simiens restent muets, comme le rapporte la primatologue Emmanuelle Grundmann dans un article publié par Science et Avenir en janvier 2012.
En août 2012, une autre publication, dans le revue Science sur les éléphants révélait leurs capacités à émettre des infrasons, inférieurs à 20 Hz, pour communiquer avec leurs congénères sur de longues distances. Le chercheur, Christian T. Herbst, et son équipe notaient alors que les mécanismes utilisés par les éléphants pour produire ces sons sont les mêmes que ceux dont disposent les hommes pour parler et chanter. Et puis, le 1e novembre, dans un article de la très sérieuse revue Current Biology, on apprenait qu’un éléphant d’Asie mâle nommé Koshik dispose d’un vocabulaire de 5 mots en Coréen: annyong (hello), anja (assis), aniya (non), nuo (allonger) et choah (bon). Les vidéos montrant Koshik imitant la voix humaine pour prononcer ces mots circulaient depuis quelques années sur Internet. Mais les chercheurs menés par Angela Stoeger-Horwath de l’université de Vienne (Autriche) viennent maintenant d’officialiser l’exploit. Une expertise indispensable tant la contrefaçon est aisée dans ce domaine… Voici comment s’exprime Koshik lorsqu’il imite son maître en prononçant, après lui, le mot “annyong” :
Le même son de meilleure qualité:
An elephant that speaks Korean by Michel Alberganti
Les scientifiques ont vérifié la prononciation de Koshik en faisant écouter 47 enregistrements à 16 Coréens de naissance. Ces derniers ne connaissaient pas les mots prononcés. Leur verdict a confirmé les dires des dresseurs de l’éléphant. Koshik a donc passé avec succès son examen de Coréen… sur 5 mots. Mais c’est un début et, surtout, cela suffit à démontrer les facultés de prononciations des éléphants. Une rareté chez les mammifères… à l’exception notable de certains cétacés comme NOC, un beluga qui s’est distingué avec une imitation assez sidérante de la voix de son dresseur.
Tout espoir n’est donc pas perdu. Certains mammifères disposent donc à la fois des capacités physiques nécessaires à la prononciation de mots du langage humain. Par ailleurs, ils sont dotés d’une intelligence indéniable. On ne peut donc plus dire qu’il ne leur manque que la parole. Mais il leur reste encore à acquérir le langage.
Michel Alberganti
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Sans les performances de l’agriculture intensive, pas question de nourrir la planète ! Combien de fois avons-nous entendu cette antienne ? Et la perspective d’une population dépassant les 9 milliards d’habitants sur Terre en 2050 ne peut que renforcer cette certitude. Déjà, la révolution verte se présente auréolée de ses succès passés. N’a-t-elle pas été capable, dans les années 1960-1980, d’accompagner l’explosion démographique de l’après-guerre ?
Les rendements obtenus servent souvent d’indicateurs pour mesurer les progrès de cette agriculture intensive. Ainsi, pour le blé, ils sont passés de 18 à 69 quintaux par hectare entre 1951 et 1996. Pour 2012, l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) prévoit un rendement moyen de 69 à 70 quintaux par hectare. Et elle s’en félicite en tablant sur une production française de blé tendre de 33,9 millions de tonnes. En fait, ces chiffres confirment la stagnation des rendements et de la production de blé française depuis 1996, comme le note l’INRA. Ainsi, la magie de la révolution verte ne semble plus guère opérer et les gains de rendement de plus d’un quintal/hectare par an semblent bien loin. Désormais, on observe en réalité une baisse de 0,5 quintal par hectare par an…
La mécanisation et l’utilisation massive d’intrants (engrais, herbicides et pesticides) n’y peuvent rien, semble-t-il. L’agriculture paie ainsi la facture d’une exploitation si intensive des sols que ces derniers n’en peuvent plus. Les effets du réchauffement climatique semblent, également, se faire sentir depuis la fin des années 1990. D’où un questionnement légitime : la révolution verte fait-elle long feu ?
On peut également s’interroger sur l’utilisation de cette profusion de produits agricoles. Au cours de l’émission Science Publique sur l’agroécologie que j’ai animée sur France Culture le vendredi 2 novembre, l’un des invités, Jean-François Soussana, directeur scientifique Environnement de l’INRA, nous a révélé deux chiffres instructifs. Le premier concerne son estimation de la perte de rendement liée au passage de l’agriculture intensive à l’agroécologie, approche développée dans le documentaire de Marie-Monique Robin dont nous avons parlé il y a quelques semaines.
Pour Jean-François Soussana, cette perte de rendement serait comprise entre 13 et 34%. Peu après, il a indiqué que le taux de perte et de gaspillage de la production agricole atteint, lui, environ 30%… Que déduire du rapprochement de ces deux chiffres ? Tout simplement que les gains apportés par l’agriculture intensive servent à compenser le gaspillage… Étonnant constat… La disparition progressive des agriculteurs, la diminution du nombre des exploitations, la mécanisation à outrance engendrant un très lourd endettement des exploitants, l’utilisation massive d’intrants polluant les nappes phréatiques et les cours d’eau, la destruction des paysages, la standardisation des cultures sacrifiant la biodiversité, la servitude vis à vis des multinationales des semences… Tout cela pour nous permettre de gaspiller 30% de la production agricole ?
Ne serait-ce pas un peu cher payé ? Le coût réel de l’agriculture intensive est, par ailleurs, pointé par Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation. Dans le rapport qu’il a publié le 3 juin 2012, il écrit ceci :
“Dans les pays de l’OCDE en particulier, où les subventions agricoles se situent toujours à des niveaux élevés, le système fait que les contribuables paient trois fois pour un système qui est une recette pour être en mauvaise santé. Ils paient pour des subventions peu judicieuses qui encouragent l’industrie agroalimentaire à vendre des aliments lourdement transformés au lieu de vendre des fruits et légumes à un prix inférieur; ils paient pour les efforts de commercialisation de cette même industrie, dont les produits de la vente d’aliments dommageables pour la santé sont déduits des bénéfices imposables, et ils paient pour des systèmes de soins de santé dont les budgets sont fortement grevés par les maladies non transmissibles.”
Finalement, cela revient encore plus cher… Ainsi, au delà du débat sur les OGM qui n’a pas fini de secouer les institutions, c’est bien à une question politique que l’on aboutit. Les pratiques alimentaires actuelles ont, certes, été largement induites par la pression publicitaire et l’euphorie consommatrice, véritable drogue assimilable aux antidépresseurs. Mais aujourd’hui, n’est-il pas temps de les revoir… à la baisse ?
L’agroécologie permet d’apporter une réponse sans revenir à la charrue à bœufs, ce qui devrait rassurer les décroissancephobes. Il ne s’agit de rien d’autre que de mettre la science au service d’une agriculture qui tienne compte… de la nature. Une nouvelle révolution verte, en somme. Mais tellement plus souriante et, certainement, plus intelligente. Est-elle généralisable ? C’est toute la question.
Jean-François Soussana plaide plutôt pour une transition au cours de laquelle l’agriculture intensive ne nourrirait des connaissances acquises en matière d’écologie de l’exploitation agricole. Gageons que cette transition sera plus longue et aléatoire que la première révolution verte. L’échec de la PAC dans ce domaine ne présage rien de bon. A moins que les consommateurs ne s’en mêlent. Au fond, le système actuel ne tient que grâce, ou à cause, d’eux. Il suffirait qu’ils (nous…) changent leurs pratiques alimentaires pour que tout le système les suive. Car c’est bien l’une des beautés du capitalisme que de s’adapter sans états d’âmes aux demandes du marché. Il suffirait donc de profiter de cette flexibilité…
Michel Alberganti
(Ré)ecoutez l’émission Science Publique que j’ai animée le 2 novembre sur France Culture
Le débat sur les OGM a relancé l’opposition entre agriculture intensive et agroécologie. Mais que recouvre ce terme ? Cette solution peut-elle nourrir 7 à 9 milliards d’habitants sur Terre ? Invités : Jean-François Soussana, Jane Lecomte et Adrien Gazeau.
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