Il faut reconnaître aux chercheurs du CERN de Genève, fort nombreux il est vrai, qu’ils ne désarment pas. Alors que l’affaire des neutrinos plus rapides que la lumière (expérience OPERA) n’est pas officiellement élucidée et que le boson de Higgs n’est pas totalement démasqué, une autre équipe, celle de l’expérience ALPHA, publie dans la revue Nature du 7 mars 2012, un article relatant ses derniers progrès dans l’étude de l’un des phénomènes les plus mystérieux de la physique: l’antimatière. « Nous avons prouvé que nous pouvons sonder la structure interne de l’atome d’antihydrogène, a déclaré Jeffrey Hangst, porte-parole de la collaboration ALPHA. C’est pour nous extrêmement prometteur. Nous savons désormais qu’il est possible de concevoir des expériences permettant de mesurer avec précision des antiatomes. » Les chercheurs ont en effet réalisé, pour la première fois, une mesure du spectre de l’antihydrogène.
Quelque chose plutôt que rien
Il ne s’agit pas du bout du chemin mais bien d’un premier pas significatif vers la compréhension que ce qu’est vraiment l’antimatière. Les chercheurs estiment qu’ils sont sur la voie d’une comparaison entre des atomes de matière et des atomes d’antimatière. Il doivent encore affiner leurs mesures permettant d’ausculter l’antimatière afin d’en percer enfin les secrets. A terme, l’expérience ALPHA nous permettra peut-être de répondre à une question ô combien fondamentale: “Pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien ?” En effet, dans l’état actuel de nos connaissances, il ne devrait rien y avoir. Après le Big Bang, il semblerait que matière et antimatière aient existé en quantités égales. Or, en présence l’un de l’autre ces deux entités s’annihilent, c’est à dire qu’il ne reste… rien. Pourtant, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé, loin s’en faut ! Malgré cette coexistence originelle nihiliste, d’une part l’antimatière a disparu et d’autre part la matière, elle, s’est retrouvée seule. C’est elle qui constitue l’Univers visible tout comme les cellules de notre corps. Tout le contraire, donc, de ce qui aurait dû arriver. Pourquoi la nature a-t-elle ainsi privilégié la matière ? Mystère.
Vers le spectre de l’antihydrogène
Pour le percer, les physiciens d’ALPHA se concentrent sur l’atome d’hydrogène, “l’élément le plus présent dans l’Univers “, comme le rappelle Jeffrey Hangst. “L’hydrogène et l’antihydrogène sont-ils différents ? Nous pouvons affirmer que nous le saurons un jour », s’avance le chercheur. Sa confiance s’appuie sur les dernières expériences réalisées qui sont parvenues à piéger des atomes d’antihydrogène dans des faisceaux de champs magnétiques. Soumis ensuite à un rayonnement micro-onde de fréquence très précise, ces antiatomes subissent une modification de leur orientation magnétique ce qui les libère du piège. Aussitôt, l’antihydrogène en contact avec l’hygrogène ambiant et disparaît non sans avoir laissé des traces caractéristiques de ses propriétés qui sont captées par les détecteurs situés autour du piège magnétique. En multipliant les expériences de ce type utilisant des micro-ondes mais aussi des lasers, les chercheurs d’ALPHA espèrent obtenir un spectre complet de l’antihydrogène qu’ils pourront comparer avec celui de l’hydrogène, très bien connu. Ils pourront alors peut-être comprendre pourquoi l’antimatière a disparu de l’Univers et pourquoi la matière, elle, a pris le pouvoir suprême. Celui d’exister.
Michel Alberganti
Ecoutez l’émission Science Publique sur France Culture au sujet de l’antimatière ( 7 janvier 2011):
07.01.2011 – Science publique | 10-11
Que peut nous apprendre l’antimatière ?
En toute logique, c’est le rien qui aurait du surgir du Big Bang. Une rencontre entre la matière et l’antimatière produit une quantité inimaginable d’énergie. Et puis… plus rien. Or, il existe, bel et bien, quelque chose que nous appelons la matière… Pourquoi existe-t-elle ? Et pourquoi son double, l’antimatière, a-t-il disparu ? Avec Etienne Klein CEA), Niels Madsen (CERN), Michel …
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