Robert Mitchum est mort d’Olivier Babinet et Fred Kihn
Le Festival de Cannes c’est la compétition officielle, les marches, la palme d’or, nombre des plus grands cinéastes du monde conviés au Palais. C’est aussi, depuis des décennies, d’autres sélection qui ont peu à peu conquis droit de cité, et font partie de la programmation du Festival, même si pas « officiel » : la Quinzaine des Réalisateurs et la Semaine de la critique étoffent ainsi l’offre présentée aux festivaliers, et participent de la richesse de la manifestation, qui s’est du coup elle-même renforcée avec sa section « parallèle officielle » Un certain regard. Tous les films qui appartiennent à ces différentes sélections figurent sur le programme distribué par les organisateurs. Tous sauf ceux de l’ACID, programmation alternative qui a pourtant pignon sur Croisette depuis 16 ans.
La programmation de l’ACID (9 longs métrages et 10 courts) est pourtant le temps fort d’un travail mené tout au long de l’année par cette association singulière. L’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion regroupe en effet depuis 1992 des réalisateurs qui se sont avisés il y a une vingtaine d’années que les mécanismes de la distribution tendaient à marginaliser de nombreuses œuvres de qualité, mais manquant de visibilité ou ayant besoin de temps pour trouver leur public, quand la puissance de communication et la capacité à razzier les entrées en première semaine sont devenus les maîtres mots du système. Ces cinéastes ont inventé de défendre eux-mêmes ces films, par un dispositif de sélection, de parrainage et d’accompagnement, dans la France entière. Des artistes défendus par leurs pairs, pas une fois de temps en temps mais continuellement durant bientôt deux décennies, c’est une rareté.
Fix ME de Raed Andoni
A raison de 20 à 30 titres ainsi pris en charge chaque année, ce sont près de 500 films , français et étrangers, qui ont bénéficié de l’activisme de l’ACID. Textes de soutien d’un cinéaste à propos du travail d’un autre, édition de plaquettes, aide au tirage de copies supplémentaires lorsque la demande finalement se construit, 280 présentations en salles avec les auteurs, ou sans eux, construction de liens réguliers avec un réseau de 180 cinémas dans tout le pays, souvent dans des villes petites ou moyennes, quelque 400 propositions de programmation…
Parmi les 120 réalisateurs adhérents, ils sont chaque semaine une trentaine à participer au visionnage collectif des films, et au choix de ceux qui recevront le renfort de l’association. Un soutien, insiste Fabienne Hanclot, la déléguée générale, qui est un véritable engagement personnel, supposant chaque fois d’être prêt à consacrer un temps important au film d’un autre.
L’ACID est ainsi devenue une référence pour d’innombrables interlocuteurs de la planète cinéphile : un film présenté dans cette section à Cannes voit ses chances de trouver un distributeur sérieusement augmentées, et est de toute façon assuré d’être ensuite invité dans de nombreux autres festivals, en France et à l’étranger. « Les films voyagent durant 18 moins en moyenne, souvent accompagnés de leurs auteurs, après avoir été montrés ici » affirme Fabienne Hanclot. Parmi les titres choisis cette année, mentionnons au moins le remarquable Fix ME du Palestinien Raed Andoni, Entre nos mains de Mariana Otero, une des meilleures documentaristes actuelles, Fleurs du mal, premier film de David Dusa hanté par les images de la répression en Iran, ou le très percutant Donoma de Djinn Carrénard.
Donoma de Djinn Carrénard
Fabienne Hanclot ne songe même pas à se plaindre que la sélection ACID ne figure pas aux côtés de ses aînées cannoises : toutes les séances cannoises attirent un public nombreux, la plupart des séances sont pleines. C’est plutôt « le Festival » comme entité qui devrait s’aviser de cette composante « différente », mais loin d’être marginale, et où vit une partie de ce qui fait la raison d’être du grand barnum cannois.
Jean-Michel Frodon
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par VOGL Nathalie. VOGL Nathalie a dit: Acide ascétique ? https://blog.slate.fr/festival-cannes-2010/2010/05/14/acid/ […]