Kitano est un mystère. Au Japon il est connu en tant que «Beat Takeshi», animateur de sketches satiriques sans interdits. Les vieux, les handicapés, les pauvres, les enfants, les laids, tout le monde y passe. Il anime également dans son pays une émission de tv culte: Takeshi’s Castle et s’est à plusieurs reprises essayé à la chanson, expérimentant des changements de cap schizophréniques, passant en un clin d’œil d’un tournage des plus sérieux à un déchainement scénique incroyable.
En France on le connait mieux pour le cinéaste honoré qu’il est à l’échelle internationale. Après avoir remporté un Lion d’or à Venise pour son film Hana-Bi en 1997, il a été nommé à Cannes en 1999 pour L’été de Kikujiro:
Reportage de France2/INA.
L’année 2010 est un peu son année en France, une année prolixe pour Kitano, marquée par la sortie de son film Achille et la tortue en mars dernier et par l’exposition- Gosse de peintre– que lui consacre la fondation Cartier jusqu’au 12 septembre à Paris.
Sa sélection à Cannes avec Outrage ravit bien évidemment ses fans et marque un retour aux sources avec une histoire de guerre des gangs entre yakuzas, peut-être plus proches de son célèbre Aniki mon frère que de la fable drôle, un peu road-movie, qu’est L’été de Kikujiro. Dans Outrage, il incarne le rôle principal, un truand de seconde zone qui liquide des rivaux à tour de bras pour le compte de son patron.
Bande d’annonce d’Outrage.
M.C.
Le 15 avril, le comité de sélection du 63ème Festival de Cannes dévoilait les 18 films choisis pour la course à la Palme d’Or. Mathieu, Xavier, Bertrand, Rachid, Alejandro… que des hommes. Daniele? Et non, dommage, c’est un prénom d’homme, en Italie. Jusqu’au 18ème prénom, c’est bien simple, pas la trace d’une seule réalisatrice. Alors les femmes sont furieuses, et le font savoir dans une pétition.
«Vous êtes en train de nous dire que vous n’avez pas trouvé UN bon film réalisé par une femme? Rejoignez le 21ème siècle!» Voilà à peu près la teneur des commentaires qui accompagnent certaines des 200 signatures d’une pétition lancée mercredi 5 mai par la réalisatrice britannique Ruth Torjussen, «You Cannes not be serious». Un jeu de mot aussi bien trouvé qu’intraduisible en français – essayons un «Cannes, c’est une blague?! » – pour protester contre l’absence de femmes des films en Compétition de la sélection officielle de cette 63ème édition de Cannes.
La pétition, sans signataire française pour l’instant, réclame «une plus juste représentation de femmes réalisatrices dans la sélection officielle» et proteste «dans l’espoir que ça ne se reproduise plus jamais dans le futur». Avec cette conclusion digne de Big Brother de 1984: «We’ll be watching»: «Nous surveillerons, nous ne resterons pas silencieuses »
Inhabituel pour Cannes
L’ absence de femmes dans la sélection est d’autant plus «choquante», explique Ruth Torjussen au Time, que «ce n’est pas dans l’habitude de Cannes d’ignorer les femmes, contrairement à l’Académie des Oscars qui l’a toujours fait».
Il est vrai que ce score de O femmes est plutôt exceptionnel. L’année dernière pour la 62 ème compétition du festival, sur vingt films en Compétition trois étaient réalisés par des femmes: Bright Star de Jane Campion, Fish Tank d’Andrea Arnold et Carte des Sons Tokyo d’Isabel Coixet. Mais trois films sur vingt, ce n’est pas non plus un exploit, se plaignaient déjà certains.
Et rappelons que sur 62 palmes d’or attribuées, une seule l’a été à une femme, Jane Campion, pour La leçon de Piano, en 1993. L’année dernière, celle-ci avait d’ailleurs déclaré qu’elle «aimerait voir plus de réalisatrices, et pas seulement à Cannes», sans toutefois démontrer de grands talents d’argumentation «Les femmes représentent la moitié de la population. Elles ont donné naissance à toute la planète!».
La compétition «qui a toujours ignoré les femmes» selon Ruth Torjussen, l’Académie des Oscars, a elle justement contredit la réalisatrice britannique cette année, pour sa 82 ème cérémonie: le 7 mars Barbara Streisand annonçait triomphalement que le «temps était venu» en remettant l’Oscar de la meilleure réalisation, le seul jamais attribué à une femme en 82 ans d’existence de la compétition, à Kathryn Bigelow pour son film Démineurs.
Les voilà
Faisons le décompte. Sur les 43 films sélectionnés, aucun film de femme dans la compétition, aucun non plus hors compétition, on l’avait compris. Une réalisatrice, Agnes Kocsis figure fièrement dans la sélection Un certain regard pour son film Adrienn Pal. Deux femmes présenteront leurs films dans les «Séances spéciales»: Sophie Fiennes pour Over Your Cities Grass Will Grow, et Sabina Guzzanti pour le controversé Draquila – L’Italia Che Trema.
L’actrice Juliette Binoche, sur l’affiche du festival, est l’égérie de cette 63ème édition. La réalisatrice Claire Denis préside le jury d’Un certain regard, et la comédienne anglaise Kristin Scott Tomas sera la maîtresse de cérémonie le 12 mai.
Pour voir d’autres films de réalisatrice, il faudra se tourner vers le «Festival Indépendant de Cannes», qui se tient depuis 2007 en même temps que l’officiel et présentera lui 30 films réalisés par des femmes.
Selon le Time, sur les 1.665 films visionnés par le comité cette année, moins de 10% étaient réalisés par des femmes. Voilà l’argument, propose le journal, que le directeur du Festival Thierry Frémeau, qui n’a pas réagi à la pétition, pourrait avancer.
Mais il n’y aurait sans doute pas là de quoi calmer les «Cannes réveille toi!», «Objectif 60/40% pour 2012!», «Comment épèle t-on sexisme? C-A-N-N-E-S», «Dans quel siècle est-on?» «Honte à Cannes qui ne porte aucun intérêt à la vision du monde des femmes?» et le court mais efficace «WTF?» des signataires de la pétition.
A.L
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