Les trois préoccupations des Assises du journalisme 2010

Les Assises du journalisme, 4e du nom, se sont tenues pendant trois jours à Strasbourg. Que faut-il retenir de la trentaine de débats/tables rondes qui ont eu lieu (1)? Résumé en trois points.

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1. L’AFP en «mutation»

Sur le programme des Assises du journalisme, les organisateurs ont annoncé une «carte blanche à Emmanuel Hoog, président de l’AFP, et Philippe Massonnet, directeur de l’information de l’AFP: quel avenir pour les agences de presse face aux révolutions numériques?». Ceux-ci ont choisi de se livrer à une énumération des «chantiers» de l’AFP.  Dont le sport, la nécessaire internationalisation, et le développement de la présence numérique… Emmanuel Hoog en a fait une priorité. Et il insiste: on ne pourra plus dire «l’AFP sur Internet, jamais».

Plus loin, la question du statut de l’AFP, inchangé depuis 1957 (actuellement, c’est un organisme sans capitaux ni actionnaires), se pose toujours. Le ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand a redit, au début du mois de novembre, que le statut de l’AFP était «obsolète par rapport au fonctionnement des agences à travers le monde», à savoir Reuters et Associated Press, ne disposant pas «de l’organisation juridique, ni des moyens capitalistiques ni de l’organisation qui lui permettrait de faire face à ces enjeux (la mondialisation, ndlr)». Pour Emmanuel Hoog, l’AFP doit «arriver à reconstruire une politique de partenariat avec la presse française». Laquelle représente désormais moins de 10% du chiffre d’affaires global de l’AFP, relève celle-ci dans une dépêche consacrée au sujet.

Réformer? «Je ne suis ni député ni sénateur, répond Emmanuel Hoog, cité sur le blog Médiatrend, et changer le statut de l’agence implique une intervention du législateur». Ce sera chose faite, dès que sera présentée – «prochainement», a dit le gouvernement – une proposition de loi pour réformer le statut de l’AFP, en la dotant de capitaux.

2. L’information en temps réel pointée du doigt

Aux Assises du journalisme, l’ambiance était à la dichotomie: d’un côté, le temps réel, les flux d’information sur le Net, les contenus diffusés sur les réseaux sociaux. De l’autre, les contenus de qualité, l’investigation, le temps du recul et de l’analyse. «L’immédiateté numérique nous bouscule tandis que la compression économique nous accule, plaide dans son éditorial Jérôme Bouvier, le président des Assises du journalisme. C’est dans le moment entre l’info reçue et l’info rendue que se joue pourtant l’acte d’informer. Tous ceux qui rêvent de l’abolir, de le réduire à rien, sont les assassins de nos métiers, de nos médias, de l’information de qualité.»

Or, l’expérience sur les sites d’informations montre que si, c’est possible de faire de l’investigation tout en couvrant l’actualité en temps réel.  Le temps de l’immédiateté et celui de l’analyse ne sont pas irréconciliables, ils existent et se complètent déjà. C’est même tout l’enjeu du journalisme numérique. Lequel n’est pas, contrairement à ce qui bruisse ici ou là, qu’un journalisme «assis» ou de desk. Avec la contrainte du temps qui se resserre, les journalistes Web trouvent des façons de travailler inédites, comme décrit dans ce W.I.P. sur la «rédaction secrète du Web français», pour à la fois donner l’information le plus vite possible, par exemple avec un «urgent», et la développer, via des décryptages, des reportages, des enquêtes, pour expliciter l’enjeu de ce qui n’était encore, quelques heures plus tôt, qu’un «urgent» rédigé en quelques lignes.

3. L’éthique de la profession, mise à jour ou pas?

Ménages, propos internes aux rédactions ayant fuité sur les réseaux sociaux, limite à la diffamation, concentration industrielle… tous les sujets évoqués aux Assises du journalisme posent, de près ou de loin, la même question: faut-il redéfinir la charte de déontologie des journalistes? Et faut-il créer un Conseil national de l’Ordre pour les journalistes, comme cela existe pour les médecins et les avocats? Débattue lors de plusieurs conférences, cette interrogation n’a pas trouvé de réponse pour l’instant.

Jusqu’à présent, deux textes sont en vigueur dans la profession. D’une part, la Charte des devoirs professionnels des journalistes français, créée en 1918, et d’autre part, la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, qui date de 1971. Désormais, un code rédigé par Bruno Frappat, chargé d’un groupe de travail sur l’éthique journalistique lors des Etats généraux de la Presse écrite, en 2008, circule… Mais ne fait pas l’unanimité, comme le souligne cet article de Libération, «L’éthique, ça gratte». Et cela risque de continuer à gratter.

AA

(1)  J’intervenais pour ma part à une table ronde sur «faut-il former les journalistes au personal branding?» en compagnie de Vincent Glad, Eric Mettout, Xavier Ternisien, et Marc Mentré, dont l’émission «L’Atelier des médias» s’est fait l’écho.

12 commentaires pour “Les trois préoccupations des Assises du journalisme 2010”

  1. […] This post was Twitted by DWynot […]

  2. […] This post was Twitted by Marsattac […]

  3. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par Alice Antheaume, mediamaispasque et Anne Marie Patenotte, David Cohen. David Cohen a dit: RT @alicanth: AFP,TR & éthique #journaliste les 3 axes des #assisesj, sur W.I.P http://bit.ly/aMgkWS //Ajouter Ethique Démocratique #Rue89 […]

  4. […] This post was Twitted by frederiduplessy […]

  5. […] This post was Twitted by seekoeur […]

  6. […] Original newspaper article on Slate France […]

  7. Faut-il rester Ethique avec un pouvoir qui l’est si peu ? #Rue89 # Mediapart.
    Ca devient poutinien (pas encore d’assassinats ouf!)
    En a-t-on un peu parlé aux Assises ??

    David

  8. […] This post was Twitted by palpitt […]

  9. […] This post was Twitted by plurialpro […]

  10. […] En paraphrasant Mark Twain, les affirmations sur la mort du journalisme ont été très exagérés. La semaine dernière, les Assises internationales du Journalisme ont tentés de contrecarrer l’idée que le salut du journalisme du XXIè siècle ne viendrait que d’internet. Lors des différentes conférences organisées à cette occasion, une causerie portait sur ce thème : Contre l’information low cost, vive la slow info ! […]

  11. […]  Cette question n’a rien perdu de son actualité puisqu’elle était à l’ordre du jour des Assises du journalisme la semaine dernière. Servez la soupe à la personne qui vous embauche pour faire un ménage, comme […]

  12. […]  Cette question n’a rien perdu de son actualité puisqu’elle était à l’ordre du jour des Assises du journalisme la semaine dernière. Servez la soupe à la personne qui vous embauche pour faire un ménage, comme […]

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