Cahier de vacances 2012 pour étudiants en journalisme

Crédit: Flickr/CC/Mel B.

Les étudiants de la promotion 2012 de l’Ecole de journalisme de Sciences Po viennent d’être diplômés – et ils l’ont bien mérité. Ceux de la promotion 2014 viennent d’être recrutés.

Que faire de l’été en attendant la rentrée? Alors que, sur subtainablejournalism.org, une cellule de réflexion sur le journalisme de l’Université de Kennesaw, près d’Atlanta, il est conseillé aux étudiants de travailler dur, de suivre des tutoriaux (pour apprendre à coder, par exemple?) et de ne surtout pas s’attendre à gagner des fortunes, voici, pour ceux qui s’impatientent, huit exercices en guise de cahier de vacances… sans obligation de rendu, bien sûr!

1. Se lancer

Pourquoi attendre de travailler dans une rédaction pour commencer à prendre des photos, filmer des manifestations, publier des liens vers les informations du jour? Souvent, les étudiants craignent de ne pas se sentir “légitimes” pour ce faire. S’il s’agit d’écrire un article sur la la crise de la dette, c’est très compréhensible. Mais il est possible de s’exercer avec des sujets plus accessibles: portraits des habitants de son immeuble, blog sur une série télévisée, live-tweets de matchs de foot, carnet de voyage sur une page Facebook, comparaison du prix d’une baguette de pain dans différents endroits géolocalisés sur une Google Map, photos de tous ses déjeuners, etc.

Exercice

Ouvrir un Tumblr, monter un blog, une chaîne sur YouTube ou Dailymotion, un compte Instagram, bref, un endroit où publier. Avant d’y déposer le premier contenu, déterminer la ligne éditoriale de cette publication: de quel sujet parler? Sur quel ton? A quelle fréquence? Et avec quel format (vidéo, photo, article, brève, citation, tweet)?

Résultat attendu

Trouver un “créneau” éditorial, s’y tenir, comprendre les impératifs d’une publication régulière et la responsabilité que cela suppose.

2. Questionner

Un bon journaliste n’a pas peur de poser des questions, y compris celles que personne n’ose formuler par peur du ridicule. Pour s’entraîner, n’importe qui peut servir de cobaye: les proches, un voisin dans le train, le marchand de légumes… L’idée n’est pas de tenir une conversation, mais de réussir à s’effacer derrière ses questions pour laisser l’interlocuteur raconter un élément susceptible d’intéresser le plus grand nombre.

Exercice

En regardant/écoutant une émission télé/radio avec un invité, se demander quelle serait la première question qu’on poserait à cet invité si on était à la place du journaliste qui l’interviewe. Si l’interlocuteur répond à côté, ou ne répond pas, ou pratique la langue de bois, réfléchir à comment la question pourrait être reformulée pour obtenir une meilleure réponse.

Résultat attendu

Comprendre quelle interrogation – et quelle formulation d’interrogation – mène à des réponses bateaux ou des réponses telles que Oui/Non, sans plus de discussion.

3. Aiguiser son regard

Il est indispensable de lire/écouter/regarder tous les jours les productions journalistiques des professionnels, sur quelque média que ce soit. Connaître l’actualité, c’est nécessaire, mais il convient de, peu à peu, développer un oeil professionnel sur la production de ses futurs collègues.

Exercice

Lire un article dans un journal ou un site d’infos et essayer de répondre aux questions suivantes: quelle est l’information principale de l’article? Combien de sources sont citées? Certaines d’entre elles sont-elles anonymes? Pourquoi? Est-ce qu’il y a, sur le même sujet, un traitement différent dans un autre journal paru le même jour?

Idem pour le reportage d’un journal télévisé: quelle est l’information? Combien de séquences contient le reportage? Combien de personnes ont été interrogées? Où se trouve la caméra?

Résultat attendu

Savoir pourquoi le sujet que l’on vient de voir/lire est bon ou mauvais en étant capable d’argumenter à partir d’une grille de critères crédible.

4. Tester des services en ligne

La technique doit aider les étudiants en journalisme, et non les paralyser. Applications, logiciels, services en ligne sont amenés à devenir des quasi collègues. Autant se constituer dès à présent une besace remplie d’outils simples pour faciliter la recherche, la consommation et la production d’informations.

Exercice

Tester différents outils pour “gérer” le flux de l’actualité en temps réel: Tweetdeck , Google Reader, Netvibes, Flux d’actu, News.me, Flipboard, etc. Et essayer de personnaliser les paramètres de chacun de ces outils pour l’adapter à sa consommation d’actualité personnelle.

Résultat attendu

Se familiariser avec l’interface de ces outils et rendre plus rapide la lecture des informations provenant de multiples sources en temps réel. Bref, devenir un “early adopter”, détaille le Nieman Lab.

5. Titrer

Un bon titre, c’est donner toutes les chances à une information d’exister et d’être lue. De phrases de type sujet/verbe/complément aux jeux de mots en passant par des citations, les possibilités de titres sont presque infinies. S’exercer à en imaginer des percutants est un exercice intellectuel qui mérite d’y passer quelque temps.

Exercice

Faire sa revue de presse en postant sur Twitter ou sur Facebook une sélection des meilleures informations du jour, en rédigeant, avant chaque lien, un autre titre que celui qui est affiché, si possible encore mieux…

Résultat attendu

S’initier aux rudiments de l’édition en ligne et à l’art de la titraille.

6.  Pitcher

Non seulement il faut apprendre à regarder autour de soi, dans la rue et sur le réseau, pour y déceler d’éventuels sujets à traiter, mais il faut aussi réfléchir à comment “pitcher” le sujet devant d’autres, exercice obligé des conférences de rédaction. Objectif: obtenir que le ou les rédacteurs en chef d’une future publication valide le sujet et ait envie de le lire tout de suite.

Exercice

Trouver tous les jours un sujet potentiel et être capable de formuler en une phrase claire et concise, à l’oral ou l’écrit, quel serait ce sujet. Celui-ci doit être faisable dans des conditions normales – en vue d’un sujet sur la présidentielle américaine, pitcher “ce que Barack Obama pense vraiment de Mitt Romney” est certes vendeur mais nécessiterait une interview de l’actuel président des Etats-Unis… Peu probable. Une bonne phrase de pitch peut aussi être le titre de l’article à venir.

Résultat attendu

Eclaircir ses idées et savoir les “vendre” en vue d’une publication ultérieure.

7. Faire attention…

A ce que l’on veut dire AVANT de le publier. La faute de carre – diffamation, insulte, publication d’une fausse information – est très vite arrivée en ligne et est considérée comme une faute professionnelle grave, même pour un étudiant. En outre, elle reste gravée dans les méandres du Web, dont la mémoire est infinie, et souille l’empreinte numérique de son auteur et de celui qui le relaie.

Exercice

Lire la charte d’une rédaction comme Reuters, celle de l’Ecole de journalisme de Sciences Po, en vigueur depuis la rentrée 2010, et prendre conscience des risques soulevés par l’usage des réseaux sociaux dans les médias.

Résultat attendu

Réfléchir avant de tweeter.

8. Se déconnecter

Au moins un peu, et c’était une tendance très présente lors de la conférence DLD Women, à Munich, en juillet. Face à l’hyper connectivité, au flux incessant d’infos, le nouveau pouvoir pourrait être à ceux qui défendent le droit de se mettre “hors du réseau” le temps d’une pause. 

Pas d’exercice

Résultat attendu

Recharger les batteries.

Très bon été à tous! Et n’hésitez pas à partager ce WIP sur Facebook et Twitter.

Alice Antheaume

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Les caractères de journaliste

Crédit photo: Flickr/CC/petitshoo

Les rédactions sont truffées de journalistes qui ne se ressemblent pas. Il y a ceux qui font des captures d’écran à tout va, ceux qui traquent les nouvelles tendances, ceux qui comptent les occurrences des mots dans les discours des politiques, ceux qui vérifient chaque chiffre et ceux qui ne vivent plus que pour le journalisme de données. Leur point commun? Ne pas pouvoir travailler sans outil numérique. Passage en revue de huit profils journalistiques (1).

  • Le dénicheur de tendances

Profil
Utilisateur forcené des réseaux sociaux, ce journaliste ne «suit» pas l’actualité prévue dans les agendas institutionnels. Ses sujets, il les renifle en observant l’activité des internautes sur le Web. Ainsi, il a déjà écrit sur le planking, l’art de se prendre en photo en faisant la planche, le tebowing, l’histoire de cette prière faite par le quarterback américain Tim Tebow, le scarlettjohanssoning, après la publication de clichés de l’actrice nue, le noynoying pour fustiger la passivité du président philippin Benino Aquino III, surnommé «Noynoy», et… le draping, du nom de Don Draper, le héros de la série Mad Men.

Signes distinctifs
Publie des articles sur les mèmes, ces éléments (images, citations, vidéos) qui se partagent, en ligne, à la vitesse de l’éclair et entrent dans la mémoire collective, comme cela a été le cas de la jambe d’Angelina Jolie, exposée lors de la cérémonie des Césars Oscars (merci @Bere94) et devenue un élément autonome sur le Web, copiée-collée sur d’autres photos.

Outils de travail
Trendic Topics, les sujets les plus discutés sur Twitter; Google Trends sur les mots-clés les plus tapés dans Google en fonction des pays et Google Insight for Search pour repérer les tendances de volume de recherche par région, catégorie, période; Video Viral Chart qui répertorie les vidéos les plus partagées (sur Facebook, sur les blogs, etc.) et trace leur «itinéraire» via un graphique; Know your Meme, une base de données sur les mèmes.

  • Le dico-journaliste

Profil
De la «bravitude» de Ségolène Royal en 2007 à la «méprisance» de Nicolas Sarkozy en 2012, ce journaliste traque les néologismes créés par les personnalités politiques, les petites phrases échangées entre candidats à la présidentielle et leurs références littéraires (François Hollande se comparant à Sisyphe et Jean-Luc Mélenchon citant Victor Hugo). Il peut aussi analyser le vocabulaire d’un parti sur un événement, comme le PS sur l’affaire Dominique Strauss-Kahn. Pour ce faire, il aime compter les occurrences d’un mot dans les discours politiques et les pronoms personnels pour en tirer des enseignements sur le message véhiculé. Au final, ses articles flirtent avec l’exercice du commentaire composé.

Signes distinctifs
Cite souvent le blog du linguiste Jean Veronis, peut glisser dans ses articles une définition trouvée dans le Littré, voire créer un quiz à partir des figures de style utilisées par des hommes et femmes politiques.

Outils de travail
L’INA, pour revoir les archives de discours politiques et d’interventions télévisées; Wordle, pour mettre en valeur, à partir d’un discours politique, les mots qui reviennent le plus souvent.

  • Le journaliste mobile

Profil
Journaliste en reportage, pour couvrir un procès, suivre un candidat en campagne électorale, relater un événement international, il se retrouve loin de ses collègues, avec son smartphone comme seul compagnon. «Il me permet de m’informer, de photographier, de tweeter et de rester en contact avec ma rédaction», décrit Soren Seelow, journaliste du Monde, envoyé spécial à Toulouse au moment de l’opération du Raid dans l’affaire Mohamed Merah, qui raconte le marathon médiatique de l’intérieur. Ses deux soucis principaux? 1. La recharge de son téléphone, qui se vide à la vitesse que l’on sait 2. La disponibilité du réseau téléphonique ou de la connexion Internet, sans qui aucune information ne peut être publiée.

Signes distinctifs
Dans le feu de l’action, peut faire quelques coquilles et ne répond pas aussitôt aux questions de l’audience pour préserver sa batterie. Il rêve d’une application mobile comme celle de Tumblr ou de la BBC pour pouvoir intégrer ses photos, ses sons, ses vidéos et ses informations dans le système de publication de sa rédaction, sans passer par la case ordinateur.

Outils de travail
Des recharges (portables) de téléphone; l’application Ustream pour mobile, pour diffuser en ligne les vidéos filmées sur son téléphone en temps réel, ou Bambuser; l’application Photoshop Express pour recadrer ses photos en deux secondes; et l’application de montage vidéo Reeldirector (pour iPhone).

  • Le pointilleux de l’édition

Profil
Les règles d’orthographe, de grammaire et de ponctuation, il les connaît par coeur. Le système de publication de sa rédaction (appelé aussi CMS, comme content management system) aussi. Ainsi, il sait combien de signes maximum peut contenir un titre pour rester sur une seule ligne. Il a lui-même rédigé la charte de règles typographiques de sa rédaction, et pense qu’il faudrait l’offrir comme cadeau de Noël à tous les rédacteurs de son équipe. Car il se bat pour uniformiser l’écriture des articles, par exemple en demandant à ce qu’al-Qaida soit écrit en français plutôt qu’en anglais (Al-Qaeda) et en retirant les tirets qui n’auraient pas lieu d’être à Sciences Po (et non Sciences-Po) ou Nations unies (et non Nations-Unies). Excellent titreur, il a aussi appris quelques règles de SEO et leur impact sur l’écriture journalistique. D’ailleurs, il se demande toujours si ajouter un point d’exclamation ou d’interrogation à un titre fait «davantage remonter l’article dans Google News».

Signes distinctifs
Répète sans relâche qu’une citation s’écrit avec des guillemets doubles français (« ») et qu’une expression à l’intérieur d’une citation s’écrit avec des guillemets anglais (” “). Réédite parfois en cachette les articles de ses collègues pour corriger des «coquilles» malheureuses mais s’empêche de reprendre les fautes d’orthographe repérées dans les commentaires des internautes. Sa drogue? L’espace insécable, que l’on insère pour que deux mots ne soient pas séparés par un retour à la ligne automatique (CTRL + maj + espace dans Word, Alt + espace sur MAC).

Outils de travail
Le blog Langue sauce piquante des correcteurs du Monde; les raccourcis du clavier; les chartes des différentes rédactions existantes, de Reuters à Sud Ouest en passant par Médiapart; les conseils de Google pour le référencement

  • Le journaliste de données

Profil
Issu de la mouvance Owni, il estime que la principale plus-value du journaliste numérique repose sur le journalisme de données. Capable de lire des chiffres et des statistiques, de jongler avec des formules dans Excel, il fait montre de compétences scientifiques indéniables. Amateur de cartes –sur la France carcérale ou la disposition des caméras de surveillance par exemple, de graphiques et d’infographies animées, il peut utiliser différents outils de visualisation pour en tirer une information. Son modèle? The Guardian et sa capacité à raconter des histoires dont on oublie qu’elles trouvent leur source dans des données indigestes, sur les gares ferroviaires les plus bondées d’Angleterre ou sur les excès des notes de frais de ses parlementaires.

Signes distinctifs
A vu au moins une fois dans sa vie à quoi ressemblent les fichiers révélés par Wikileaks, tels que les câbles diplomatiques américains ou les rapports de l’armée sur la guerre en Irak. Le journaliste de données travaille en groupe, avec un développeur et un graphiste, avec qui il parle avec des termes barbares –tableur, feuille, donnée brute, donnée pertinente, donnée non pertinente, data, valeur.

Outils de travail
Excel; Open Data, la plateforme de données publiques lancée par le gouvernement; Google Chart ou Many Eyes pour créer des graphiques, des courbes et des camemberts; Document Cloud pour transformer des documents en données; Google Fusion Table pour visualiser sur des cartes et des chronologies les données agglomérées; Google Maps; OutWit Hub, un moteur de recherche qui repère sur le Web infos et documents concernant un champ de recherche donné (le foot comme les concerts, le budget de l’Etat français comme la crise de la zone euro).

  • Le journaliste de «live»

Profil
Journaliste généraliste, il a une connaissance inégalée de l’actualité. Ultra réactif, branché sur les chaînes d’informations en continu, un oeil sur les sites concurrents, l’autre sur Twitter, il sait voir la différence entre la dépêche de 12h11 et celle de 12h12 à la virgule près. Les termes «batônnage» et «enrichissement» n’ont aucun secret pour lui. Le sens du mot «old», qu’il lance à ses collègues avec dextérité, non plus. Car pour les besoins du «live» sous toutes ses formes, il filtre toute information qui daterait de plus d’une heure.

Signes distinctifs
Travaille en temps réel mais en horaires décalés, donc présent sur les réseaux sociaux aux aurores ou bien très tard. Dans la frénésie de l’actualité, peut se démener pour publier un urgent de l’AFP sur Twitter, en faisant un copié-collé de l’alerte qu’il vient de recevoir.

Outils de travail
Twitter; agences de presse; Google Reader et/ou Netvibes pour faire de la veille; Cover It Live, Scribble Live, ou P2 (pour WordPress) pour couvrir un événement en direct.

  • Le journaliste virtuel

Profil
Impossible de le déceler à la lecture de ses articles, mais ce journaliste ne rencontre pas physiquement les personnes qu’il interviewe. Comment se déroulent ses interviews alors? Par email, par messagerie instantanée ou par Skype. Le journaliste de cette catégorie vit en ligne et, en toute bonne foi, ne voit pas ce que cela changerait de rencontrer les gens en vrai pour leur poser des questions, à part perdre du temps –car aller au rendez-vous, en revenir, puis retranscrire l’interview sont autant d’étapes supplémentaires.

Signes distinctifs
Capable de mener plusieurs conversations en ligne à la fois, ce journaliste jongle avec de multiples fenêtres de conversation qui s’ouvrent de façon simultanée sur son ordinateur, ainsi que sur son smartphone.

Outils de travail
Messageries instantanées de Gmail et Facebook; messageries électroniques classiques; Skype et Hang Out pour des visioconférences; applications WhatsApp pour envoyer des SMS à volonté et IMO pour «chatter» sur toutes les plates-formes.

  • Le vérificateur

Profil
Depuis la primaire socialiste, à l’automne dernier, ce journaliste s’est fait une spécialité: vérifier la crédibilité de la parole politique. Alors il épluche les sites des candidats à la présidentielle, leurs programmes et leurs promesses. Devenu un représentant du fact checking, il passe au crible le chiffrage –ou l’absence de chiffrage– de chaque proposition. Et oppose d’autres chiffres, d’autres promesses, retrouvés dans les limbes du Web. Trouver les métadonnées d’une affiche de campagne pour découvrir d’où provient l’arrière plan de celle-ci fait partie de ses compétences. En dehors de la présidentielle, il sait s’assurer de l’authenticité de contenus provenant du Web, comme le tweet publié par un étudiant annonçant l’arrestation de Dominique Strauss-Khan, en mai 2011, ou la photo de Mouammar Kadhafi mort, en octobre 2011.

Signes distinctifs
Son arme? La capture d’écran. Conscient de la versatilité des contenus publiés sur le Web, il mitraille tout ce qu’il voit et enregistre dans la mémoire de son ordinateur ou de son téléphone des dizaines de captures d’écran, qu’il ressort en guise de preuve dans ses articles. Autre signe notable: sur Twitter, il peut se livrer à une discussion sans fin sur les diverses interprétations possibles d’un même chiffre.

Outils de travail
Pomme + Maj + 4 pour une capture d’écran sur un MAC; bouton central et bouton du haut à droit pressés en même temps pour une capture d’écran sur iPhone; Tineye, un moteur de recherche qui retrouve l’itinéraire d’un cliché; le module Exif Viewer (pour Firefox et Chrome) pour découvrir les informations sur la prise de vue d’une image…

(1) Cette classification n’est ni exhaustive ni issue d’un travail scientifique.

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Alice Antheaume

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Vacances et révisions pour WIP

Crédit: Flickr/CC/End User

C’est la trêve estivale pour Work In Progress. Merci à tous pour votre fidélité, merci à tous pour vos commentaires, vos “likes” et vos “retweets”.

En attendant de nouveaux WIP, fin août, vous pouvez lire ou relire une sélection de ce qui a ponctué cette année scolaire 2010-2011, entre actualité exceptionnelle, irruption de formats éditoriaux, questionnements sur les réseaux sociaux et mutations journalistiques…


La vie des rédactions

– Pourquoi et comment le journalisme continue-t-il à muter en 2011?

Comment produire des informations calibrées pour le mobile?

Quel impact a le SEO sur l’écriture journalistique?

Premières leçons de code

Le futur du journalisme? Apprendre à entreprendre

– La chasse aux trolls

– La novlangue des journalistes en ligne

– Ces journalistes accros aux statistiques


L’actualité, motrice des innovations

– A l’occasion des noces de Kate Middleton et du Prince William, le mariage royal de la télévision et de Twitter

Les médias à l’école DSK

L’Egypte, un carton sur le Web, un bide à la télé


Journalisme et réseaux sociaux

L’école des chartes: faut-il encadrer ce que les journalistes disent sur Twitter et Facebook?

– Les critères d’un contenu “facebookable”: quand, quoi et comment poster sur Facebook?

Facebook, votre site d’informations


Tendances numérico-américaines

– Facebook, Google, Twitter, Yahoo!: Leçons d’innovation aux médias

– Journalisme et réseaux sociaux: 8 tendances venues des Etats-Unis

 

Très bon été à tous!

Alice Antheaume

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Réseaux sociaux et journalistes: l’école des chartes

Un journaliste a-t-il le droit de publier sur Twitter une photo de sa rédaction presque déserte, en visant ses collègues qui ne sont pas au travail dès potron-minet? Peu de rédactions françaises l’interdisent. Ou disons plutôt: peu de rédactions estiment qu’elles ont besoin de l’interdire tant cela leur semble évident qu’on “ne balance pas sur les horaires d’arrivée des journalistes de sa propre maison devant la terre entière”. Certes, Twitter n’est pas la terre entière, mais c’est quand même plus de 3 millions de personnes, selon une récente étude de Semiocast.

Lorsque le cas se présente, les directions se révèlent perplexes. A la rédaction du Nouvel Observateur, ce cas est survenu. “Je ne vois pas en quoi tweeter la photo du plateau, donnant l’impression que la rédaction est vide, alors qu’il y avait des journalistes qui travaillaient, aurait pu être drôle. Même au troisième degré”, me confie Aurélien Viers, rédacteur en chef du NouvelObs.com. “Cela peut être mal interprété, et a été mal interprété”. De fait, un autre journaliste du Nouvel Observateur a riposté aussitôt, également sur Twitter, en saluant la “pointeuse”. Ambiance.

“Je ne pensais pas que cela arriverait, nous n’avons jamais eu aucun souci”, reprend Aurélien Viers. “Aucun journaliste ne tweete sur son canard ou sa direction en les critiquant, c’est enfoncer des portes ouvertes, mais il fallait que cela soit précisé”. Il a alors envoyé un email à son équipe, rappelant quelques règles simples et de “bon sens” sur l’utilisation de Twitter par les journalistes, dont il s’explique dans cette tribune publiée sur WIP.

Or ce qui est le bon sens pour les uns ne l’est pas toujours pour les autres. Et c’est toute l’ambiguïté de l’appréciation de ce qui est “évident”. Alors faut-il l’expliciter via une charte, ou un “règlement intérieur”, comme l’appelle Eric Mettout, rédacteur en chef de lexpress.fr? “Comme si, parce que nous nous exprimons sur Twitter ou Facebook en notre nom, nous y oubliions notre carte de presse et les comportements qui y sont attachés et dont nous sommes abreuvés depuis l’école”, regrette-t-il. Faut-il aller jusqu’à demander aux journalistes de ne pas dénigrer leur direction en public? Lorsque Anne Lauvergeon a été annoncée à la présidence du conseil de surveillance de Libération, les journalistes de ce titre ne se sont pas privés de marquer leur désapprobation sur Twitter.

Journalisme et réseaux sociaux en ménage

Si les rédactions anglo-saxonnes ont la culture de la charte et documentent les droits et devoirs de leurs journalistes, les rédactions françaises n’ont pas ce réflexe, craignant sans doute d’entraver la liberté de ton de ses journalistes ou de devoir, pire, réactualiser les règles en permanence en fonction des cas rencontrés. Surtout, elles ne veulent pas freiner les enthousiasmes de ceux qui tweetent et participent ainsi à la visibilité de leur titre en dehors des pages et colonnes traditionnelles.

La véritable raison d’une charte sur les réseaux sociaux, c’est d’assurer le prolongement des devoirs journalistes (pas de diffamation, pas d’atteinte à la vie privée, etc.) prévalant sur les publications traditionnelles (sites Web, journaux) aux publications annexes (blogs, Twitter, Facebook, lorsque les comptes sont ouverts). Car un journaliste l’est 24h/24, quel que soit l’endroit d’où il parle.

France Télévisions a, de son côté, écrit une charte des antennes. “La charte de France Télévisions est plus subtile que ce que l’on a bien voulu en dire, détaille Bruno Patino, directeur général délégué au numérique, également directeur de l’Ecole de journalisme de Sciences Po. Twitter n’est pas au centre de la charte. Celle-ci prend seulement en compte un fait avéré: il n’est pas possible d’avoir sur les réseaux sociaux deux identités, une privée et une professionnelle, qui soient imperméables l’une à l’autre. En clair, il ne faut pas dire des choses sur tweeter que l’on n’assumerait pas à l’antenne. Notre crédo, c’est “think before your tweet”, réfléchissez avant de tweeter.”

Le Nouvel Observateur a aussi une charte, créée en 2004, et révisée en 2010, qui concerne l’ensemble des devoirs des journalistes, et non l’utilisation spécifique des réseaux sociaux. Mais Aurélien Viers laisse la porte ouverte: “il faut l’envisager, d’autant que les 130 journalistes du titre vont davantage utiliser leurs comptes Twitter et Facebook” dans les mois à venir.

En ligne ou hors ligne, même combat

Quant à l’AFP, elle est en train d’en élaborer une, dont la première partie concerne la vérification du matériel trouvé sur les réseaux sociaux, la deuxième partie devant s’attaquer à ce que les agenciers peuvent publier, ou non, sur Twitter et Facebook. En préambule, m’explique François Bougon, journaliste à l’AFP, “on va rappeler que les journalistes sont encouragés à être présents sur les réseaux sociaux (veille, recherche d’infos, etc.) et que leur présence n’est pas différente de celle dans le monde réel et elle doit continuer à être guidée par les mêmes droits et devoirs tels qu’ils sont consignés dans des textes fondateurs comme par exemple la déclaration des droits et devoirs des journalistes, adoptée à Munich en 1971”.

De même, le SNJ, le Syndicat National des Journalistes, a également mis à jour, le 5 juillet 2011, son code de conduite et s’attaque à l’instantanéité: “la notion d’urgence dans la diffusion d’une information ou d’exclusivité ne doit pas l’emporter sur le sérieux de l’enquête et la vérification des sources.” Façon de calmer la course au premier tweet.

Enfin, à l’Ecole de journalisme de Sciences Po, où je travaille, nous avons écrit une charte, en vigueur depuis la rentrée scolaire 2010, pour que les étudiants suivent les mêmes règles journalistiques, qu’ils produisent des contenus pour un site Web d’infos, sur une page Facebook, sur un compte Twitter, dans un journal télévisé ou un flash radio.

Les règles des rédactions anglo-saxonnes

Pour finir sur ce sujet intarissable, voici quelques uns des mots d’ordre observés dans différentes rédactions à l’étranger.

  • Ne soyez pas stupide (Wall Street Journal)

Le message est simple: ne soyez pas stupide”, demande Alan Murray, l’éditeur du Wall Street Journal. Si vous couvrez la politique, vous n’allez pas tweeter que vous venez de voter pour John McCain. Si vous êtes Bob Woodward et que vous allez rencontrer Gorge Profonde dans un garage, vous n’allez pas le fanfaronner sur Twitter. Le problème, dans les grosses organisations comme le Wall Street Journal, c’est qu’il y a inévitablement des gens qui font des choses stupides, et d’autres gens du titre qui estiment que, s’il y a des gens qui font des choses stupides, il faut tenter de codifier la stupidité.”

  • Si vous ne voulez pas qu’on voit quelque chose de vous en ligne, ne le mettez pas (Washington Post)

“Les journalistes du Washington Post doivent savoir que, quel que soit le contenu qui leur est associé sur les réseaux sociaux, celui-ci est considéré comme l’équivalent de ce qui peut apparaître à côté de leur signature, sur le site Web ou dans le journal.”

  • Conduisez-vous en ligne comme vous le feriez en public (NPR)

Dans ses règles à tenir sur les réseaux sociaux, la radio américaine NPR énumère plusieurs points, donc celui-ci: “tout ce que vous écrivez ou recevez sur un réseau social est public. Toute personne ayant accès au Web peut accéder à votre activité sur les médias sociaux. Et même si vous êtes attentif à essayer de séparer professionnel et personnel, en ligne, les deux s’imbriquent”. Et plus loin: “vous devez vous conduire en ligne en pensant à ce que votre comportement et vos commentaires (…). Autrement dit, conduisez vous en ligne comme vous le feriez en public.”

  • Ne mettez pas en péril le modèle économique de votre média (Reuters)

A la question “quand puis-je tweeter?”, répertoriée dans sa charte, Reuters répond: interdit aux journalistes de l’agence de poster un scoop sur Twitter. Toute information exclusive doit d’abord être publiée dans le fil de dépêches. Logique, puisque Reuters a un modèle économique qui repose notamment sur l’achat d’informations par des clients, lesquels verraient d’un mauvais oeil le scoop publié sur une plate-forme accessible à tous, sans abonnement. En revanche, il est possible de retweeter un scoop quand c’est celui de quelqu’un d’autre, reprend Reuters, dans son manuel.

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Alice Antheaume

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Il était une fois les journalistes sur Twitter…

W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Aurélien Viers, rédacteur en chef au NouvelObs.com, explique pourquoi il a envoyé, à ses équipes, un email sur l’utilisation journalistique de Twitter.

Twitter et les journalistes? Une belle histoire. A croire que les fondateurs ont forgé un service de micro-blogging sur mesure pour la profession.

En mode passif, le réseau social sert d’outil de veille, d’alertes, et comme agrégateur de flux d’informations. On suit en temps réel des médias, des hommes politiques, des sites d’infos, des blogs, etc.

En mode actif, ce couteau suisse peut aussi être utilisé comme moyen de diffusion par le reporter, qui délivre des infos, souvent depuis son smartphone, par tranche de 140 caractères.

Enfin, le réseau permet de rechercher des contacts (interlocuteurs, spécialistes, etc.), d’entrer en relation avec eux – comme avec le reste du monde – et d’établir un dialogue en direct entre le journaliste et le public.

En bref, Twitter = veille + information + communication + discussion.

Là où les rédactions permettaient aux journalistes de s’exprimer dans un format défini et limité (une page dans le journal, un reportage dans une émission de radio), Twitter permet aux journalistes de s’exprimer avant, pendant, après le bouclage. Jour et nuit.

Comme ils le veulent? Oui. Les journalistes se sont appropriés le réseau. Chacun à leur manière. Certains ne diffusent que des infos sur leur secteur d’’activité, par exemple, et partagent leur veille. D’autres recherchent des témoins. D’autres encore débattent sans fin de l’actu. Beaucoup en rigolent. Et puis, certains font tout cela à la fois: veille, information, discussion, débat, humour.

Tout dépend de la couleur que vous annoncez dans votre biographie, ces quelques lignes que l’on écrit à côté de la photo de son profil. Et si c’était le contrat de lecture que vous passez avec ceux qui vous suivent – vos followers?

On peut être journaliste Web et ne pas s’empêcher de plaisanter de temps en temps. Ce que fait très bien Alexandre Hervaud, qui se présente sur son profil comme “journaliste en quasi-vacances. CECI N’EST PAS UN COMPTE (trop) SERIEUX”.

Moins abruptement, certains glissent aussi à leur audience qu’ils manient le second degré. Nicolas Filio, par exemple, rédacteur en chef adjoint de Citizenside, affiche son “amour pour la langue française” quand la moitié de ses messages sont écrits en anglais.

L’ironie, le second degré, l’humour transpirent dans les articles à la française. Alors, les bâillonner sur Twitter?

Un journaliste ne peut oublier qu’un tweet, même écrit en une seconde, ne peut colporter des éléments non vérifiés. D’autant que, hormis ceux qui perdent toute retenue, le journaliste sait que cet espace, Twitter, est public, voire grand public, avec plus de 3 millions d’inscrits en France.

Au sein de son média, dans son service, lors des conférences de rédaction, le journaliste discute avec ses collègues. Ceux-ci s’interpellent et s’opposent parfois. C’est plus que normal. C’est nécessaire. Mais s’en prendre à son propre média, ou critiquer sa direction? Cela peut bien sûr arriver, mais ces séquences n’ont pas vocation à se retrouver déballées à l’extérieur de la rédaction. Il en va de même sur Twitter.

C’est pour rappeler ces quelques règles élémentaires et de bon sens (voir à ce sujet le très intéressant billet d’Eric Mettout, le rédacteur en chef de lexpress.fr) que j’ai adressé un email au service Web du Nouvel Observateur. Un message repris in extenso (sans m’avoir contacté) par Télérama.fr, puis évoqué dans un article du Monde.

Avec ou sans charte d’utilisation des réseaux sociaux (le Nouvel Observateur a une charte de déontologie, mais pas de charte relative à ce que les journalistes ont le droit ou pas d’écrire sur Twitter ou Facebook, ndlr), les journalistes laissent transparaître leur personnalité sur les réseaux sociaux – continuons ainsi.

Les surréalistes ont beaucoup cité le vers d’Arthur Rimbaud – il faut absolument être moderne. Sur Twitter, nouvel espace d’expression, où tout reste à expérimenter, journalistes, restez vous-mêmes. Il faut absolument être non terne.

Aurélien Viers

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Les médias à l’école DSK

Crédit: REUTERS/Allison Joyce

Il y a aura, dans les médias, un avant et un après Dominique Strauss-Kahn, accusé de «crime sexuel», de «tentative de viol» et de «séquestration» contre une femme de chambre de l’hôtel Sofitel à New York. Envergure planétaire, pics d’audience inégalés, questions juridiques inédites, et frontières du genre repoussées. Cet événement pousse les rédactions françaises à redéfinir les limites de leur exercice. Retour sur les éléments médiatiques clés nés par et autour de ce scandale.

  • Premier scoop français sur une affaire «internationale»

Ce n’est pas une première dans l’histoire médiatique de Twitter, dont les premiers «breaking news» sont apparus aux Etats-Unis dès 2007, lors de la fusillade à l’université Virginia Tech, en Floride (1), mais pour la France, cela devrait rester dans les annales. En effet, c’est sur le réseau aux messages de 140 signes qu’apparaît la première mention de la future affaire DSK.

Ainsi, le samedi 14 mai à 22h59, heure de New York, un étudiant français, Jonathan Pinet, poste le tweet suivant:

Il est le premier à annoncer ce qui va être devenir un scoop, bien avant les agences de presse et autres rédactions. «Ce n’est pas mon tweet qui a déclenché l’emballement de Twitter autour de cette information, explique-t-il après coup sur son blog, mais bien l’article du New York Post à 0h33», toujours heure new-yorkaise. Un article qui n’est plus dans les archives.

  • Premiers signes de dépendance à Twitter

Lundi 16 mai 2011: l’ex-patron du FMI passe devant la juge américaine Melissa Jackson, qui lui refuse la liberté conditionnelle dans l’immédiat – elle lui sera accordée à l’audience du 20 mai, après quatre nuits de prison. Lors de ces audiences préliminaires, les rédactions françaises – télé, radio, Web – utilisent Twitter pour réaliser leur couverture en direct, en se servant des tweets envoyés par les journalistes – Français et étrangers – présents dans la salle d’audience.

«L’affaire DSK propulse Twitter au premier plan», annonce Le Figaro. «Twitter et ses “gazouillis” s’imposent dans les salles de rédaction», titre l’AFP.

Mais comment faire autrement? Comment relayer, en temps réel, ce huis clos partiel tel que celui du tribunal pénal de Manhattan, où seuls quelques journalistes peuvent pénétrer? Ceux-ci n’ont le droit ni de téléphoner ni de filmer pendant l’audience, mais peuvent envoyer SMS ou messages sur les réseaux sociaux. Depuis Paris, ceux qui animent des émissions, radio ou télé, en direct, ou des «lives» sur les sites d’infos, suivent donc chaque tweet, même lorsque ce tweet est écrit par un confrère d’une rédaction concurrente, abolissant ainsi des frontières longtemps en vigueur. «Heureusement qu’on a Twitter», confie cette journaliste d’iTélé, au moment de l’audience du 20 mai.

  • Première interdiction de tweeter

Quatre jours après l’arrestation de DSK, on apprend que la chaîne Canal+ interdit à ses journalistes de tweeter. Première fois, il me semble, qu’un média français prend une position «officielle» à propos de ce que ses journalistes publient ou pas sur Twitter. Conséquence: Laurence Haïm, correspondante à la Maison Blanche pour la chaîne cryptée, présente aux audiences de DSK au tribunal pénal de Manhattan, «réserve “ses” informations à (sa) rédaction» plutôt qu’au réseau social, explique Rodolphe Belmer, le patron de Canal+, pour qui «les journalistes professionnels doivent leurs infos à leur public» et «les grands médias ont tout intérêt à assurer les règles de contrôle de l’information (sans) (…) reprendre à son compte des tweets sensationnalistes quand ils ne sont pas erronés».

Laurence Haïm ne raconte donc pas en live, sur Twitter, comme son confrère Remi Sulmont de RTL, ce qu’elle entend et voit dans la salle d’audience, mais elle l’envoie par SMS aux journalistes d’iTélé (même groupe que Canal+) qui sont, au même moment à Paris, en direct en plateau. Et réalise ensuite des duplex, par exemple pour le Grand Journal de Michel Denisot.

Aux Etats-Unis et en Angleterre, déterminer via une charte rédactionnelle quel journaliste tweete et sur quel sujet est très répandu. En France, ces chartes existent mais elles évoquent avant tout la déontologie, les droits et les devoirs du journaliste, sans s’attaquer de façon frontale aux questions soulevées par l’utilisation journalistique de Twitter – sauf l’AFP qui s’est dotée en 2011 d’une charte ad hoc, focalisée pour l’instant sur la vérification des informations repérées sur les réseaux sociaux.

  • Décalage télévisuel

Dans le flux de messages postés sur Twitter et retweetés des dizaines de fois, il y a des infos et des rumeurs, du vrai et du faux. Les contraintes du direct imposent aux journalistes de les trier en quasi temps réel, afin de les commenter.

Or, lors des premières audiences de DSK au tribunal, les journalistes français ont peiné à suivre le fil Twitter tout en en parlant à l’antenne, laissant souvent passer de longues minutes entre l’apparition d’un tweet, visible par n’importe quel internaute, et son évocation en plateau. A l’heure où commenter sur Twitter ce que l’on voit à la télévision devient tendance, ce décalage peut-il être assumé? D’un côté, il peut être rassurant, si l’on estime que cet écart temporel permet à l’information vue sur Twitter d’être vérifiée avant d’être annoncée à la télévision. D’un autre, il met les journalistes dans une situation de réceptacle de l’information, en même temps qu’un internaute lambda. Quel est l’apport journalistique dans ce cas?

De fait, il y a un deuxième problème, relevé par Benjamin Ferran dans son excellent article sur le sujet: l’interprétation, sur les télévisions françaises, parfois hasardeuse de tweets qui n’ont pas toujours vocation à être relayés. «Certains “tweets” rapportés n’avaient plus grand-chose à voir avec de l’information, écrit-il. “Le juge est en train de réfléchir, semble-t-il, si j’en crois ce que je lis sur Twitter”, a lâché un journaliste de BFM TV. “Il n’y a pas de tweet, on est dans un moment de flottement. Là c’est un peu la spéculation parce que je ne sais pas ce qui a pu se passer”, a-t-on pu entendre sur iTélé.»

A CNN, «la chaîne du live» par excellence, les animateurs de la matinale sont branchés en permanence sur le réseau social aux 140 signes. Même lorsqu’ils présentent les informations. Face à la caméra, ils pianotent sur le clavier d’un ordinateur portable disposé devant eux, consultent des tweets, et y répondent.

  • Questions autour de la diffusion d’images filmées dans un tribunal

En France, il est interdit – sauf autorisation spéciale comme pour le documentaire de Raymond Depardon sur la 10e chambre, ou certains grands procès «historiques» – de filmer les audiences en vertu de l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui stipule que, «dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit».

Mais aux Etats-Unis, c’est permis – avec 15 minutes de différé. Les juges américains n’autorisent souvent qu’une seule caméra dans la salle d’audience, mais ils l’autorisent. Dans ce cas, les médias intéressés par ces images se constituent alors en «pool» et désignent la chaîne qui fera office de «pool caméra» pour l’événement, c’est-à-dire qu’elle filmera pour le compte de tous les autres les images, et les redistribuera à tous ceux qui les ont demandées. C’est ce qu’il s’est passé lors de l’audience du 6 juin, lorsque DSK a plaidé «non coupable». Et cette fois, c’était CNN qui filmait.

Que faire, quand on est une télévision française bardée de l’interdiction de filmer les procès, et que l’on voit les images filmées par CNN débarquer sur les sites d’infos français, sur les réseaux sociaux, bref, n’importe où sur le Web en un clic? Se mettre des oeillères pour respecter la loi? Ou prendre le risque de les diffuser, au nom du «droit» d’informer? «Il est impossible de cacher des images librement diffusées sur les télévisions du monde entier, a expliqué au Figaro Guillaume Dubois, directeur de l’information de BFM TV. À l’heure de l’audiovisuel planétaire, la notion de frontières médiatiques n’a plus de sens.»

Pour l’instant, cet article de loi n’a été modifié que pour faire apparaître le montant de l’amende en euros plutôt qu’en francs. Mais il y des autorisations spéciales qui se demandent, et s’obtiennent, comme cela vient d’être le cas pour le procès en appel d’AZF.

  • Première plainte pour diffamation contre un tweet français

Le 1er juin, Lepoint.fr annonce que Ramzi Khiroun, ex-conseiller de DSK, va déposer plusieurs plaintes pour diffamation, dont l’une contre Arnaud Dassier, actionnaire du site Atlantico, «en raison d’un message publié sur le réseau Twitter le 14 mai» sur les activités de Khiroun.

Aux Etats-Unis, des plaintes nées d’un tweet, il y en a déjà eu. Pour la chanteuse Courtney Love, qui a insulté une styliste sur Twitter, l’affaire s’est soldée par le versement de 430.000 dollars (300.550 euros), un accord trouvé afin d’éviter le procès.

Qu’avez-vous retenu, médiatiquement parlant, de l’affaire DSK?
Et… N’oubliez pas de liker cet article, merci!

Alice Antheaume

(1) Au palmarès de Twitter, prem’s sur son rôle d’alerte, on se souvient aussi d’un autre scoop historique, fait en 140 signes, en janvier 2009, lors de l’amerrissage miracle d’un avion sur l’Hudson, à New York. Le premier à évoquer l’accident est un citoyen américain, qui s’appelle Janis Krums. Présent à bord d’un ferry juste à côté de l’endroit où vient d’échouer l’avion, il publie aussitôt sur Twitter une photo de la scène en la qualifiant de «crazy». Première photo disponible sur cet événement, celle-ci est immédiatement reprise dans les médias du monde entier.

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Les trois préoccupations des Assises du journalisme 2010

Les Assises du journalisme, 4e du nom, se sont tenues pendant trois jours à Strasbourg. Que faut-il retenir de la trentaine de débats/tables rondes qui ont eu lieu (1)? Résumé en trois points.

>> Pour voir les photos, c’est ici >>

1. L’AFP en «mutation»

Sur le programme des Assises du journalisme, les organisateurs ont annoncé une «carte blanche à Emmanuel Hoog, président de l’AFP, et Philippe Massonnet, directeur de l’information de l’AFP: quel avenir pour les agences de presse face aux révolutions numériques?». Ceux-ci ont choisi de se livrer à une énumération des «chantiers» de l’AFP.  Dont le sport, la nécessaire internationalisation, et le développement de la présence numérique… Emmanuel Hoog en a fait une priorité. Et il insiste: on ne pourra plus dire «l’AFP sur Internet, jamais».

Plus loin, la question du statut de l’AFP, inchangé depuis 1957 (actuellement, c’est un organisme sans capitaux ni actionnaires), se pose toujours. Le ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand a redit, au début du mois de novembre, que le statut de l’AFP était «obsolète par rapport au fonctionnement des agences à travers le monde», à savoir Reuters et Associated Press, ne disposant pas «de l’organisation juridique, ni des moyens capitalistiques ni de l’organisation qui lui permettrait de faire face à ces enjeux (la mondialisation, ndlr)». Pour Emmanuel Hoog, l’AFP doit «arriver à reconstruire une politique de partenariat avec la presse française». Laquelle représente désormais moins de 10% du chiffre d’affaires global de l’AFP, relève celle-ci dans une dépêche consacrée au sujet.

Réformer? «Je ne suis ni député ni sénateur, répond Emmanuel Hoog, cité sur le blog Médiatrend, et changer le statut de l’agence implique une intervention du législateur». Ce sera chose faite, dès que sera présentée – «prochainement», a dit le gouvernement – une proposition de loi pour réformer le statut de l’AFP, en la dotant de capitaux.

2. L’information en temps réel pointée du doigt

Aux Assises du journalisme, l’ambiance était à la dichotomie: d’un côté, le temps réel, les flux d’information sur le Net, les contenus diffusés sur les réseaux sociaux. De l’autre, les contenus de qualité, l’investigation, le temps du recul et de l’analyse. «L’immédiateté numérique nous bouscule tandis que la compression économique nous accule, plaide dans son éditorial Jérôme Bouvier, le président des Assises du journalisme. C’est dans le moment entre l’info reçue et l’info rendue que se joue pourtant l’acte d’informer. Tous ceux qui rêvent de l’abolir, de le réduire à rien, sont les assassins de nos métiers, de nos médias, de l’information de qualité.»

Or, l’expérience sur les sites d’informations montre que si, c’est possible de faire de l’investigation tout en couvrant l’actualité en temps réel.  Le temps de l’immédiateté et celui de l’analyse ne sont pas irréconciliables, ils existent et se complètent déjà. C’est même tout l’enjeu du journalisme numérique. Lequel n’est pas, contrairement à ce qui bruisse ici ou là, qu’un journalisme «assis» ou de desk. Avec la contrainte du temps qui se resserre, les journalistes Web trouvent des façons de travailler inédites, comme décrit dans ce W.I.P. sur la «rédaction secrète du Web français», pour à la fois donner l’information le plus vite possible, par exemple avec un «urgent», et la développer, via des décryptages, des reportages, des enquêtes, pour expliciter l’enjeu de ce qui n’était encore, quelques heures plus tôt, qu’un «urgent» rédigé en quelques lignes.

3. L’éthique de la profession, mise à jour ou pas?

Ménages, propos internes aux rédactions ayant fuité sur les réseaux sociaux, limite à la diffamation, concentration industrielle… tous les sujets évoqués aux Assises du journalisme posent, de près ou de loin, la même question: faut-il redéfinir la charte de déontologie des journalistes? Et faut-il créer un Conseil national de l’Ordre pour les journalistes, comme cela existe pour les médecins et les avocats? Débattue lors de plusieurs conférences, cette interrogation n’a pas trouvé de réponse pour l’instant.

Jusqu’à présent, deux textes sont en vigueur dans la profession. D’une part, la Charte des devoirs professionnels des journalistes français, créée en 1918, et d’autre part, la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, qui date de 1971. Désormais, un code rédigé par Bruno Frappat, chargé d’un groupe de travail sur l’éthique journalistique lors des Etats généraux de la Presse écrite, en 2008, circule… Mais ne fait pas l’unanimité, comme le souligne cet article de Libération, «L’éthique, ça gratte». Et cela risque de continuer à gratter.

AA

(1)  J’intervenais pour ma part à une table ronde sur «faut-il former les journalistes au personal branding?» en compagnie de Vincent Glad, Eric Mettout, Xavier Ternisien, et Marc Mentré, dont l’émission «L’Atelier des médias» s’est fait l’écho.

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Le faux tweet de trop

W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Cécile Dehesdin, journaliste à Slate.fr, diplômée du double diplôme Columbia/Ecole de journalisme de Sciences Po.

Fin août, un éditorialiste sportif du Washington Post tweete le nombre de matchs de suspension d’une star de football américain. Problème, ses informations sont non seulement fausses, mais il le sait: Mike Wise (dont le pseudo sur Twitter est @MikeWiseguy, jeu de mot sur son nom et l’expression «petit malin») a décidé d’écrire un faux tweet pour prouver que, dans ce détestable monde de l’Internet mondial et des réseaux sociaux, les médias sont prêts à écrire n’importe quoi sans vérifier leurs sources.

Crédit: DR

Crédit: DR

Plusieurs publications spécialisées ont repris l’annonce des matchs de suspension, en l’attribuant au journaliste et en précisant que la NFL (National Football League) n’avait fait aucune annonce officielle, mais sans vérifier plus avant l’information. Dans l’heure et demie qui a suivi, toujours dans la journée du 30 août, Mike Wise ajoute «Je ne peux pas révéler mes sources», «Ok, ok, c’était une croupière du casino de Lake Tahoe», avant d’écrire deux autres tweets annonçant des transferts sportifs dans le même style que le premier. Cette vague tentative pour montrer que sa première déclaration était une blague n’a pas suffi: Mike Wise a été suspendu pendant un mois de ses fonctions au Washington Post.

C’est que les médias ne blaguent pas avec les médias sociaux. Aux Etats-Unis, plusieurs organisations ont installé une personne sur un poste spécialement dédié au sujet, comme le New York Times et sa «social media editor» par exemple. En outre, presque tous les médias américains ont des règles écrites sur l’utilisation de blogs, Facebook ou Twitter par les journalistes. Reuters aussi, et sa charte a été détaillée ici.

Au Washington Post, l’après-midi même après la publication du faux tweet, le chef de la rubrique sport a d’ailleurs renvoyé à tous ses employés une note formelle qui précise les règles d’utilisation des réseaux sociaux:

«[Les règles sur les médias sociaux] s’appliquent à tout le monde, y compris les reporters, les chefs de rubrique et les éditorialistes de la rubrique sport. Quand vous utilisez un média social, rappelez-vous que vous représentez le Washington Post, même si vous utilisez votre propre compte. Ceci n’est pas à prendre à la légère. Les standards que nous appliquons au journal, sur le site, sur la version mobile ou sur n’importe quelle autre plateforme s’appliquent au monde des médias sociaux. Plus fondamentalement, nous devons être exacts. Nous devons être transparents. Et nous devons être justes.»

Paradoxal? Cette histoire a eu lieu alors que le Washington Post est, à ma connaissance, le seul journal à avoir un «social media editor» entièrement dédié à sa rubrique sport! J’avais interviewé Cindy Boren, la «sports social media editor» du quotidien, avant de partir de New York.

Dans cet entretien, Cindy Boren disait avoir eu du mal à convaincre ses collègues de se mettre aux réseaux sociaux, et se rémémorait la période où elle passait de bureau en bureau, harcelant les journalistes pour qu’ils suivent son nouveau compte sur Twitter, cherchant à les convaincre de l’intérêt de l’outil: «Si vous vous faites un réseau et que vous suivez les sources clés dont vous avez besoin, vous avez moins de chance de vous faire voler un scoop», expliquait-elle, prenant comme exemple le récent tweet d’un follower alertant le service sport de la présence d’un joueur de football américain dans un avion. «Ça aurait pu être le signe d’un transfert. En fait il s’est avéré qu’il s’agissait juste des vacances, mais c’était bien de pouvoir faire vérifier cette info à notre journaliste».

Elle aussi appuyait sur l’importance de vérifier ses sources. Et insistait encore et encore, arguant que son staff laissait des dizaines de tweets de côté «parce que nos reporters nous disent qu’ils ne sont pas avérés».

Plus tard, dans un pseudo tweet d’excuse, effacé depuis, Mike Wise écrit: «Au final, ça a prouvé deux choses 1. J’avais raison en disant que personne ne vérifie les faits ou les sources et 2. Je suis un idiot. Mes excuses à tous ceux impliqués».

Mais pour les blogueurs, du Washington Post comme d’ailleurs, Mike Wise n’a rien prouvé sur les réseaux sociaux et le journalisme avec son faux tweet. Oui, dit l’un d’eux, dénommé Michael David Smith, quand un journaliste sort un scoop, les autres médias le relaient en le citant. «Mais il a tort: tout ceux qui ont diffusé son tweet l’ont correctement sourcé en l’attribuant à Mike Wise du Washington Post. Simplement, nous ignorions que cette source était si peu fiable».

Cécile Dehesdin

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Du bon usage des réseaux sociaux selon Reuters

Crédit: LoopZilla

Crédit: LoopZilla

Le New York Times a déjà édicté, à l’usage de ses journalistes, une charte interne pour l’utilisation des réseaux sociaux. C’est au tour de Reuters de s’emparer du problème. L’agence vient de rédiger un règlement à l’adresse de ses employés. «Nous voulons vous encourager à vous servir des réseaux sociaux dans votre métier de journaliste, mais nous voulons aussi être certains que vous connaissez les risques – notamment ceux qui menacent la réputation d’indépendance et d’intégrité de Reuters.» Pas de scoop sur Twitter, pas de liens intempestifs, pas de bagarre dans les commentaires en ligne… Voici quelques unes des recommandations relevées.

  • Réfléchir avant de poster

Le succès des réseaux sociaux tient à la facilité pour les internautes d’y participer, rappelle Reuters. Donc «résistez à la tentation de répondre par la colère» à ceux dont vous pensez qu’ils se sont trompés. Reuters insiste auprès de ses journalistes: «n’oubliez pas que, lorsque vous commentez quelque chose en ligne, votre commentaire peut être cité par un journal ou un blog comme une déclaration officielle venant de Reuters.» Enfin, «gardez votre distance critique, conseille l’agence. Il est très simple de partager un lien sur Twitter ou Facebook, mais si ce lien se révèle être un canular, vous engagez votre crédibilité et celle de Reuters.»

  • Ne pas montrer ses préférences

Très facile, sur les réseaux sociaux, de repérer les goûts de quelqu’un, le genre d’amis qu’il a, les sujets qu’il aime, et une foule d’autres indicateurs. Reuters le sait bien et conseille à ses employés de ne pas afficher leur bord politique sur leur profil Facebook et de rester neutre lorsqu’ils sont sur le point d’adhérer à tel ou tel groupe sur le réseau social. Car l’affichage de préférences entache la couverture – supposée neutre – de certains sujets politiques ou controversés. De la même façon, le New York Times a demandé à ses journalistes, lors de l’élection présidentielle américaine, de ne pas rejoindre la page fan d’Obama. A moins de s’inscrire, dans le même temps, à la page fan de John Mc Cain.

  • Etre transparent

Pendant les «chats» ou autres discussions par messageries instantanées, les journalistes de Reuters doivent afficher qui ils sont. Et ne pas se faire passer pour quelqu’un d’autre, même par écran interposé. De la même façon, ils doivent indiquer qu’ils sont journalistes à Reuters lorsqu’ils se créent un profil sur les réseaux sociaux, ou lorsqu’ils tiennent un blog, ou lorsqu’ils écrivent un commentaire en ligne.

  • Deux comptes, un pro et un perso

Pour différencier les statuts et tweets qui relèvent du privé d’un côté et du professionnel de l’autre, Reuters préconise que ses journalistes se créent deux comptes distincts. L’un à usage professionnel, «pour agréger de l’information et construire un réseau», l’autre à usage personnel, où les journalistes doivent indiquer qu’ils travaillent à Reuters, mais que leurs messages ne reflètent pas l’avis de leur employeur et où ils n’écrivent rien qui puisse être dommageable à leur employeur.

  • Demander la permission à son chef avant d’avoir un compte professionnel sur les réseaux sociaux

Twitter ou Facebooker de façon professionnelle nécessite du temps, peut-on lire dans la charte, et cette répartition des horaires «doit être discutée avec votre supérieur». En outre, continue Reuters, puisque vous devrez y mettre des liens et des contenus, «assurez-vous que ce que vous mettrez en ligne sur votre compte professionnel ne sera pas contraire à nos objectifs commerciaux. Pour le savoir, discutez en avec votre chef.» Enfin, «prenez garde à ne pas mettre vos sources dans vos “followings” (ceux que vous suivez, ndlr) sur Twitter ou parmi vos amis sur Facebook, car elles pourraient être repérées par nos concurrents».

  • Ne pas publier de «breaking news» sur Twitter

Le scoop doit avant tout être publié sur le fil Reuters, à destination des clients de l’agence. Pas question de tweeter, donc, dans ce cas. Le règlement stipule néanmoins que, lorsqu’un scoop paraît sur Twitter, et qu’il n’est pas signé Reuters, les journalistes de l’agence ont le droit de le retweeter, c’est-à-dire citer le tweet de l’auteur en question.

Pour Reuters, il y a trois usages journalistiques possibles sur Twitter:

  1. partager des articles et construire une communauté, l’apanage de journalistes spécialisés (comme Ben Hirschler, journaliste scientifique pour Reuters)

  2. solliciter des réactions des lecteurs, le cas pour les les éditorialistes et les blogueurs de Reuters

  3. faire des live-tweets de certains événements, comme lors du forum économique mondial, réuni à Davos

Et vous, qu’en pensez-vous? Aimeriez-vous que les médias dictent des comportements à leurs journalistes quand ils sont présents sur les réseaux sociaux?

AA

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