“Surtout, ne pas toucher le ballon”
La relégation de Lens et celle, possible, de Monaco, jadis valeurs sûres de la Ligue 1, traduisent ce que vit la société française actuelle: une paupérisation accélérée de sa classe moyenne.
Remontons un peu plus de dix ans en arrière. Lens devient champion en 1998, Nantes en 2001 et Monaco, deux fois, en 1997 et 2000. L’année prochaine, ces trois équipes joueront sûrement en Ligue 2. Pour deux d’entre elles, c’est en tout cas déjà certain. A l’inverse, qui verra-t-on en Ligue 1 l’année prochaine? Evian, Dijon, Le Mans et/ou Ajaccio. Une marque de bouteille d’eau, une de moutarde, une de rillettes et un club de vacances en bord de mer. Autant dire que l’intérêt du championnat va en prendre un coup.
On pourrait penser que cette crise est conjoncturelle. Au contraire, elle semble bien être structurelle. Lens fait des A/R depuis plusieurs années, alors que des historiques ne remontent plus (Metz, Le Havre) ou manquent de disparaître comme Strasbourg. Dans le même temps, chaque saison, des équipes improbables pour ne pas dire scandaleuses pointent le bout de leur nez, comme Istres, Grenoble et Arles-Avignon. Cette dernière aurait sans doute eu les mêmes résultats cette année si elle avait aligné une équipe de curés.
Avant la dernière journée du championnat, entre le 7ème et le 18ème, il n’y a que cinq points d’écart, même pas deux victoires, preuve de l’incroyable ventre mou qui s’est formé (voir ainsi le classement en relief très parlant de L’Equipe). Certains estiment que cela crée un suspense formidable, pour d’autres c’est le signe que notre championnat est mauvais. Ce que l’on dit pas, ou peu, c’est que c’est finalement assez représentatif de l’évolution actuelle de la société française.
Dans les deux cas, on observe un nivellement par le bas de la classe moyenne – qui était autrefois même parfois supérieure. Tout en haut les riches: ils sont toujours plus riches et ils se partagent les titres/ l’argent / le pouvoir. En-dessous: une classe moyenne qui se paupérise et qui n’a presque plus aucun espoir de succès. Quand cette classe moyenne était entre elle et que les mêmes équipes faisaient toujours l’ascenseur, cela ne la dérangeait pas. Elle avait l’impression d’être à sa place. Avoir de temps en temps un championnat ou une coupe pour se sustenter lui suffisait. Mais ce qu’elle n’avait pas prévu, c’était qu’il y aurait beaucoup plus d’équipes à vouloir/pouvoir accéder au buffet. Il faut donc aujourd’hui partager moins en plus de parts (la majorité des titres – ou, dans la société, de l’argent – étant réservés à une élite) .
Le népotisme lillois
Il y a le contre-exemple de Lille, vous me direz. Sauf que Lille est également un symbole dans son genre. Cette équipe est comme le vainqueur d’un concours de télé-réalité: il est là pour faire croire à la classe moyenne qu’accéder à la gloire est encore possible, alors, qu’en fait, dans les deux cas, ils sont tous les deux choisis par le grand capital.
Pour la télé-réalité, les candidats le sont par TF1 et M6. En foot, Lille est dirigé par Michel Seydoux, frère de Jérôme Seydoux, lui-même actionnaire de l’Olympique Lyonnais. Ils sont les patrons de Pathé. On notera d’ailleurs l’excellent storytelling de cette saison, où on arrive à faire croire qu’un “petit” a gagné alors que ce n’est finalement qu’une sorte de népotisme.
Dans la société, la classe moyenne a pris conscience de son déclin et cela se traduit par la tentation des extrêmes, surtout celui de droite. En football, cette prise de conscience ne semble pas être encore effective (pour les clubs en tout cas, puisqu’on ne va pas revenir sur l’affaire des petits blancs intelligents et des grands noirs costauds dans les centres de formation). Si elle arrivait, elle pourrait entraîner de drôles de propositions, comme la création d’une ligue fermée réservée aux clubs les plus riches ou à ceux des villes aux densités urbaines les plus importantes.
Clément Noël
Suivez-nous aussi sur Facebook et sur Twitter
Photo: Reuters
Et Sochaux? C’est un nanti Sochaux?
Non, c’est un pauvre Sochaux. C’est justement l’idée du papier, qu’il n’y plus de classe moyenne, c’est à dire des clubs qui terminaient chaque année entre la 4ème et 9ème place, mais au contraire une vaste classe paupérisée où tu peux finir 6ème ou 18ème, sans vraiment de distinction.
J’appelle ça la sclérose de la ligue 1. Un immobilisme du classement qui trouve son explication dans les gains que perçoivent les équipes suite à leur classement à la fin de la saison. Une traite délivrée par la LFP qui prend donc en compte, votre classement, vos 5 derniers classements et vos nombres de passage à la télévision. Au final, on se retrouve avec des situations ubuesques comme l’année dernière où Montpellier (5e) a reçu de la LFP autant que Lens (13e) et Saint-Etienne (17e). Comment penser alors que la logique sportive ? Ce constat à l’échelon national vaut aussi au niveau européen : un club comme MU qui arrive en quarts de finale, aura déjà plus gagné que l’OL ou CSKA Moscou qui arriveraient au même niveau.
Bref, tant que les médias traditionnels se plaindront du niveau des clubs fr. à l’échelle européenne sans prendre conscience qu’une meilleure compétitivité nuirait à l’homogénéité du championnat…
Le classement en relief est des Cahiers du football:
http://www.cahiersdufootball.net/classement-en-relief.php?id_pays=FR&division=1
L’equipe s’est contenté de pomper…
Quand toutes les équipes jouent le match nul ou le 1-0 sur coup-franc, sans préparer intensivement des combinaisons offensives, il n’y a plus de différenciation du résultat, sauf si vous avez le tireur de coup-franc qui marque invariablement le but de plus (Juninho)
Ce n’est pas une question de budget, mais de prise de risque. L’OM s’est extrait du ventre mou quand les entraineurs ont eu le droit de jouer l’offensive. Lille est salué pour sa qualité de jeu.
Bien sûr, un gros budget aide à créer un groupe de qualité, mais si vous faites jouer tout le monde derrière, le résultat reste indigeste, et sans garantie de résultat, même si c’est moins fatigant pour l’entraineur de construire du football-béton que de créer du football-champagne.
en même temps je vois pas le mal, les grandes villes sont là ou il y a en général le plus de supporters à quelques exceptions près. C’est donc logique que ces clubs gagnent plus et ont plus d’argent. Comment voulait-vous qu’un club comme marseille ou lyon ai le même budget qu’arles avignon?
Bien sûr il y a des clubs plus riches comme dans quasi tous les championnats ce qui est une bonne chose, il faudrait même qu’ils arrivent à en avoir plus pour être plus compétitifs sur le plan européen
@teo. les “classements en relief”, c’est vieux comme le monde…
Sochaux, c’est Peugeot… Comme pauvre, tu repasseras…