Ces patrons qui confondent la Bourse et le casino

HUNGARY-POKER/

Faut-il vendre LVMH? Oui, si l’on suit l’exemple de son PDG, qui vient de vendre en 4 opérations 150.000 actions pour un montant de 13,3 millions d’euros. Depuis le début de l’année, Antonio Belloni a réalisé une quinzaine d’opérations dont 3 exercices de stocks option et 12 cessions d’actions LVMH.

D’un côté et de l’autre, le montant est le même: 450.000 stocks option exercées et 450.000 actions LVMH vendues. Le solde des opérations? Antonio Belloni a dépensé 24,1 millions en transformant ses 450.000 stocks option et autant d’actions à un prix unitaire de 53,6€. Côté vente: les 450.000 actions ont été vendues à 88€. Soit une plus value de 15,3 millions d’euros.

Au-delà des chiffres qui peuvent donner le vertige, cette multiplication d’achats et de ventes d’actions d’une entreprise par ses propres dirigeants pose une question non résolue: comment peuvent-ils intervenir sur le marché sans soulever la suspicion de délit d’initié? L’Autorité des marchés financiers (AMF) réfléchit en ce moment même à la manière d’améliorer la réglementation pour encadrer les ventes d’actions d’une entreprise par ses propres dirigeants. La première phrase d’un récent communiqué de presse de l’AMF montre que ceux-ci se trouvent dans une situation intenable. «Les dirigeants de sociétés cotées qui souhaitent réaliser des transactions sur les titres des entreprises qu’ils dirigent sont soumis à de nombreuses obligations liées à la prévention des manquements d’initiés.»

Parier sans risque

Les  dirigeants risquent, pour l’AMF, de se retrouver en situation de «d’initiés permanents». Pour trouver une solution, un comité de réflexion a été mis en place autour de Bernard Esambert. L’ancien président de la Compagnie financière de Edmond de Rothschild et de Bolloré, a l’expérience et la distance, puisqu’il n’apparaît plus dans les conseils du CAC 40. Un rapport devrait être publié au début de l’été prochain.

Que dit la règle actuelle? Les dirigeants et les administrateurs de sociétés cotées doivent s’abstenir d’acheter ou de vendre des actions des entreprises dont ils sont responsables quand ils détiennent des informations privilégiées. Une information privilégiée est une information qui n’a pas été rendue publique et qui est susceptible de peser sur le cours de l’action. Le dirigeant ou l’administrateur se trouvent alors dans une situation privilégiée par rapport aux autres acteurs du marché, puisqu’il parie sans risque.

L’AMF, le gendarme de la bourse, dont le rôle est de veiller à l’équité des investisseurs face aux marchés financiers toutes opérations suspectes peut donner lieu à une enquête pour «manquement d’initié». Si les éléments s’avèrent probants, elle peut saisir la Commission des sanctions qui le cas échéant peut prononcer une sanction comme dans le cas de l’OPA sur Du Pareil au Même. On parle de manquement d’initié, le délit d’initié relevant du Code pénal et des tribunaux correctionnels. La question est évidemment de savoir quand un président ou un directeur général ne dispose pas d’informations privilégiées et comment il peut intervenir sur le marché sans risque.

Un élément de réflexion consiste à comparer les opérations menées par les dirigeants de deux grandes entreprises comparables. Pour les besoins d’une enquête sur la Société Générale, nous avons reconstitué l’ensemble des exercices de stock-options, des cessions ou des acquisitions d’actions menées par les dirigeants de la banque au cours des années 2007 et 2008. La comparaison avec les opérations menées par leurs homologues de la BNP paraît édifiante.

Le cas de 2007-2008

Pourquoi 2007 et 2008? Ce sont d’abord les deux premières années au cours desquelles les dirigeants d’entreprises cotées ont été tenus de déclarer l’ensemble des opérations réalisées sur les titres des entreprises dont ils ont la responsabilité. 2007 et 2008 paraissent aussi pertinentes puisque ce sont les années au cours desquelles la crise du système bancaire se développe.

La différence de comportement est vertigineuse. Michel Pébereau, président du conseil d’administration, non exécutif, de la BNP, a déposé 5 déclarations auprès de l’AMF. Si l’on ajoute trois déclarations faites par une «personne proche», on atteint 8 déclarations. Et son bilan personnel est négatif puisqu’il a investi 4,7 millions d’euros en actions BNP et qu’il en a cédé pour 2,8 millions d’euros. Il a donc investi dans la banque alors même que l’ambiance était au désengagement. Daniel Bouton, PDG de la Société Générale à l’époque, a quant à lui déposé 24 déclarations auprès de l’AMF. Du strict point de vue de l’investisseur, il fallait à l’évidence se défaire des titres Société Générale dont la valeur chute de 140€ en mai 2007 à 35€ en décembre 2008. La dégringolade n’allait pas empêcher Daniel  Bouton de réaliser une plus value de 5,2 millions d’euros.

Le calendrier est aussi instructif que les opérations elles-mêmes. Michel Pébereau acquiert des actions BNP le 15 février et le 30 novembre 2007, et cède des titres le 7 décembre de la même année. Il intervient deux fois en 2008 à dix jours d’intervalles avec une souscription de stocks-options le 20 mars et une cession 11 jours plus tard. En 2007, Daniel Bouton va intervenir à cinq reprises entre le 12 janvier et le 16 juin, pendant que la banque rachète ses propres titres sur le marché. Là encore, plaçons-nous du point de vue de l’investisseur, il s’agit d’opérations opportunes puisque le titre atteint alors son plus haut historique. En 2008, le PDG, ou son chargé d’affaires, va réaliser l’essentiel de ses opérations au cours du second semestre, entre le 3 juillet et le 6 octobre.

Il n’y a dans ces opérations rien d’illégal. L’AMF qui a pu examiner de près l’ensemble des opérations réalisées par Daniel Bouton n’a rien trouvé à redire. Elle a, en revanche, estimé que les cessions réalisées par Robert Day en janvier 2008 et celles de Jean-Pierre Mustier, huit mois plus tard, étaient entachées d’irrégularités. Pour ce dernier, le rapporteur de la Commission des sanction conclut à l’innocence de l’ancien numéro 2 de la Société Générale.

Un coup d’œil sur l’année 2009 rééquilibre quelque peu la balance, puisque Frédéric Oudéa, le successeur de Daniel Bouton à la tête de la Société Générale, n’a déposé que deux déclarations auprès de l’AMF, pour autant de souscriptions de stocks-option. A l’inverse, une certaine frénésie semble avoir saisi Michel Pébereau puisqu’il a déposé 12 déclarations et dégagé une plus value de 3,9 millions d’euros. Le champion toute catégorie des déclarations à l’AMF reste sans aucun doute possible Andreas Jacobs, administrateur d’Adecco, qui ne chôme pas puisque depuis le 1er janvier 2010, il a signé 71 déclarations!

Mais, il n’y a pas que des patrons compulsifs. Chez Danone, Franck Riboud paraît avoir opté pour des rendez-vous fixes. Le premier à la fin du mois de juin pour des opérations d’un faible montant (de 4.500 à 30.000€ l’année dernière), le second en décembre, pour les affaires sérieuses. Tout ce concentre en fait sur une journée. Le 10 décembre 2009, le patron de Danone a ainsi exercé ses stocks pour 10,3 millions et cédé pour 13,7 millions de titres, soit 3,3 millions de plus value.

PhDx

Photo: REUTERS/Laszlo Balogh

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“We accuse Société Générale…” of letting Kerviel off the hook (2/2)

While the Kerviel trial is about to open in Paris a new case is opening in New York for the Société Générale. The class action brought in January having been deemed acceptable, the bank has to transmit its answers to the charges  before April 15th. The plaintiffs consider that the Société Générale concealed the impact of the subprime mortgage crisis on its financial results (1/2) and turned a blind eye on or even condoned Jérôme Kerviel’s actions (2/2). Translation of french by VCK. Read it in french.

Jérôme Kerviel will be very much alone in the dock next June. A little too alone to the taste of the American shareholders who launched into a class action by filing a complaint at the New York Court (Southern District) on January 10th. How can a bank possibly let a trader broker 50 billion euros on his own and lose 5 billion? How can phoney transactions and fake e-mails escape its scrutiny? How could the specific alarms raised by the appointed watchdogs have been overlooked? How likely is it that the Internal Audit Department really was so ineffective? To put it in a nutshell shareholders do not buy the story of the lone trader acting on his own. Establishing the responsibility of the executives and administrators was quite an easy job for the lawyers representing the American shareholders’ class action group: they swept up the dirt from under the couch by building a clever medley of various unequivocal, sometimes even surrealist – or Dadaistic – reports. You name it.

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Du Pareil au Même dans la cour de la justice financière

Il faut savoir rendre hommage à l’Autorité des Marchés Financiers. L’AMF, que nous avons parfois envie de rebaptiser l’Autiste des Marchés Financiers, vient en effet de publier une sanction claire et transparente à propos d’un manquement (délit est réservé à la justice pénale) d’initié dans l’affaire Du Pareil au Même. En général, quand on entre chez DPAM, c’est pour acheter des robes à fleurs, des pantalons pour des monstres de 12 ans max, ou des écharpes dont la durée de vie de deux à trois récrées.

Une fortune à investir
Quand Olivier Halley s’intéresse à DPAM, c’est pour de toutes autres raisons que la taille ou les couleurs des duffle coats pour petits et moyens. La famille Halley de Caen a fait  fortune dans la grande distribution avec, entre autre, Continent. Le groupe cédé à Carrefour, en 1999, Olivier Halley a pris le chemin d’une Belgique fiscalement plus accueillante que la France. Il reconstitue là-bas un mini groupe familial avec la société holding Halley Family Office et plusieurs sociétés d’investissement, dont H Partners Distribution.

A l’automne 2007, la Société Générale Corporate & Investments Banking, la banque d’affaire de l’enseigne rouge et noire, lui apporte un dossier parfait: Du Pareil au Même. L’enseigne de vêtements pour enfants, créée en 1986, tourne bien: 6 millions de bénéfices pour 130 millions de chiffre d’affaires à l’époque des faits. La situation financière n’est pas mirobolante, mais la clientèle est jeune et se renouvelle puisque DPAM promet d’habiller les enfants de 0 à 14 ans. Enfin, n’essayez pas de traîner un garçon ou une fille de 14 ans dans un magasins DPAM. «Maiiiis çaaaaaaaa vaaaaaa paaaaaaas noooooon», sera à peu prêt la réponse de l’ado en formation.

La cible
Le 17 janvier 2008, la Société Générale CIB présente la cible idéale à Olivier Halley: DPAM. Le lendemain, celui-ci demande à un collaborateur de monter le dossier. Frédéric Gaspoz, conseiller et administrateur de Halley Family Office, a sa confiance et connaît la distribution. L’homme ne chôme pas, puisque le 31 janvier une réunion met en place l’intendance de l’OPA, le 1er février l’analyse de l’opération est approfondie, le 4 février on dessine le financement, le 12 février le rôle de la Société Générale CIB est défini, un contrat est signé le 21 février et le 10 mars, H Partners Distribution dépose un projet d’OPA amicale sur les titres DPAM.

En passant par le Liechtenstein
Le problème, c’est que pendant ce temps, Frédéric Gaspoz ne fait pas que de travailler sur le dossier. Il achète des actions DPAM. Entre le 24 janvier et 6 mars 2008, il ramasse sur le marché 18.286 actions pour lui-même qui lui permettront de faire une plus value de 284.313 euros. Il n’oublie pas sa famille pour laquelle il acquiert entre le 8 février et le 5 mars 24.598 actions pour une plus value de 373.480 euros. En opérant notamment à partir de comptes numérotés localisés au Liechtenstein, l’homme pense échapper aux enquêteurs de l’AFM. Raté, le 10 juin le gendarme de la Bourse ouvre une enquête qui vient d’aboutir à la publication sur le site de l’AMF d’une décision de la Commission des sanctions à l’encontre de Frédéric Gaspoz. L’homme de confiance, qui a reconnu les faits ayant «conscience d’avoir commis une  erreur déontologique en opérant sur l’action DPAM à titre personnel» a été condamné à une sanction de 300.000€ et à une publication des faits.

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# Sans commentaire # La crise est finie ou presque…

La croissance aux Etats-Unis s’est établie à 5,7% en rythme annuel au 4° trimestre 2009. Le Département du Commerce souligne que cela représente la plus forte croissance depuis le 3° trimestre de 2003. Il s’agit du signe le plus fort qui montre que la plus importante période de récession enregistrée depuis les années 30 est terminée, selon de Département du Commerce. Nokia, Kodak, Yahoo annoncent un retour ou une forte croissance de leurs profits.

Moscou projetait de tuer Fanny Mae et Freddie Mac. La Russie aurait proposé à la Chine de vendre simultanément les participations qu’ils détenaient dans Fannie Mae et Freddie Mac, les deux organismes publics de crédits hypothécaires, au coeur de la crise des subprimes.C’est ce que révèle Hank Paulson, l’ancien secrétaire d’Etat au Trésor, dans un livre dont le Financlial Times publie des extraits. La tractation se serait déroulée à Pékin, durant les Jeux Olympiques, en août 2008. L’idée étant d’accélérer la crise qui allait emporter Lehman Brothers en septembre 2009 et provoquer un risque d’effondrement du système financier américain avec la faillite d’AIG, évité par une nationalisation de l’assureur en novembre 2009. Pékin devait finalement rejeter la proposition de Moscou.

15 banques ont été mises en failites aux Etats-Unis, au cours du mois de janvier. En 2009, 140 ont disparu. Deux ans et demi après les débuts de la crise financière aux Etats-Unis, l’agence fédérale de garantie des dépôts bancaires ( FDIC) estime que le nombre de banques en difficulté financière continue de grimper, étant à 552 au 30 septembre, contre 416 trois mois auparavant. AFP

Pour la Banque de France, le crédit redémarre . En baisse continue depuis décembre 2007, les crédits au secteur privé sont repartis à la hausse en décembre 2009: +0,2%, +2,4% en croissance annualisée sur 3 mois (CVS). Les crédit aux sociétés non financières sont également redevenus positifs: +1,7% en décembre 2009, en croissance annualisée sur trois mois. Les crédits destinés aux investissements (+5,7%) et les crédits accordés aux ménages (+6,8%) font un bond.

BMW annonce un chiffre d’affaires en baisse pour 2009 (-4,7% à 50,68 milliards d’euros), mais fera des bénéfices et voit la croissance revenir en 2010.  Les Echos.fr (29/01/10)

Jean-Pierre Jouyet et le conflit d’intérêts.
Interview aux Echos : “Henri Proglio est un grand dirigeant d’entreprise. Sa nomination est une chance pour EDF. Reste que la question du cumul de ses mandats à la tête de deux entreprises cotées peut soulever un conflit d’intérêts, notamment s’il devait y avoir rapprochement.” Les Echos (29/01/10)

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# Sans (trop de) commentaires # En 2009, les sanctions publiées par l’AMF tombent… de 61%

L’Autorité des marchés financiers (AMF) devrait publier très prochainement son bilan en matière de sanctions prononcées.

En 2009, l’AMF a examiné 33 affaires, dont 23 (33 en 2008) ont donné lieu à la publication d’une sanction. 16 ont été transmises au Parquet (20 en 2008).

Elles visaient 40 personnes (72 en 2008) dont 17 personnes physiques et 23 personnes morales.

-9 sanctions (55 en 2008)ont été prononcées au titre de manquement d’initié (l’étape avant le délit d’initié qui relève du droit pénal).
-15 sanctions (5 en 2008) pour manquement à la bonne information du public.
-1 sanction (5 en 2008) pour manipulation de cours.
-7 sanctions (2 en 2008) pour manquement aux obligations spécifiques d’information (informations à diffuser lors des rachats, d’opération réalisés par des dirigeants…)
-10 (42 en 2008) au titre d’un manquement aux obligations d’un prestataire de service d’investissement (PSI).

42 sanctions ont été prononcées en 2009, contre 109 en 2008, soit une baisse de 61%.

Les acteurs des marchés financiers ont donc été plus vertueux en 2009. Ou plus discrets.

Il ne faut pas sanctionner l’AMF, puisque si elle a le pouvoir d’enquêter elle n’a pas celui de sanctionner. Celui-ci appartient à la Commission des Sanctions dont la majorité des membres est désignée par le ministère des Finances.

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# Sans (trop de) Commentaires # Vendez, ils vendent… (2)

On attend parfois la dernière minute pour se faire un cadeau. L’Autorité des marchés financiers (AMF) vient de publier des opérations réalisées dans les derniers jours de 2009.

Henri de Castries, président du directoire d’AXA a procédé à un remboursement de 27.796 parts du FCPE de Groupe AXA investi en actions AXA pour un montant de 446.422,29€, le 23 décembre avant d’exercer, le 28 décembre, des stocks option pour un montant de 418.800€.

François Cornelis, numéro deux de Total, a quant à lui attendu le 30 décembre pour exercer des stocks option pour 786.000€, avant de les revendre dans la même journée pour 900.326€. Plus value immédiate de 114.326€. Pourquoi le vice-président du Comité exécutif de Total, directeur générale de la Chimie, vend-t-il des actions Total? L’avenir du groupe est-il incertain?

Les stocks option accordés par l’entreprise à ses dirigeants font partie de sa rémunération à cinq ans. Si au bout de cinq années le cours de l’action est supérieur au prix auquel ils doivent les payer c’est la jack-pot. Il y a une plus value parce qu’il y a eu un enrichissement des actionnaires. Il n’empêche cela a toujours quelque-chose de surprenant de voir un dirigeant se défaire de titres de l’entreprise qu’il dirige. Cela ressemble à un acte de défiance. L’AMF pourrait peut-être demander aux dirigeants des grands groupes, tenus de déclarer tout mouvements sur des titres des entreprises qu’ils pilotent, de justifier leur décision.

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L’Autorité des marchés financiers est une Autorité sans autorité

De deux choses l’une. Ou bien les acteurs du monde des affaires ont été beaucoup sages ou ils ont été beaucoup plus discrets. Ou l’Autorité des marchés financiers (AMF) a découragé les acteurs de commettre des infractions, ou elle est décourageante et n’a rien vu. En 2009, l’AMF a publié 17 sanctions (16 dossiers ont été transmis au Parquet dont la moitiés concerne des délits d’initiés). Un an plus tôt 33 décisions avait sanctionné 72 personnes physiques ou morales (20 dossiers transmis au Parquet, dont 14 délits d’initiés). Pour connaître les noms des sanctionnés l’AMF n’en tient aucun compte et renvoie à la compilation de ses décisions. Cela nous prendra un peu de temps, mais nous devrions y arriver.

La bonne question est donc : l’Autorité des marchés financiers a-t-elle de l’autorité? Pour le dire brutalement, elle n’en a aucune. L’autorité suppose d’exercer la surveillance des marchés et de pouvoir sanctionner les acteurs financiers. L’AMF surveille mais ne sanctionne pas. Montrée du doigt, ici même, après la non-sanction des dirigeants d’EADS qui avaient vendu leurs actions au plus haut juste après avoir appris que des retards importants allaient affecter la sortie de l’A380, n’était en rien fautive.

Le législateur a même mis en place une drôle de mécanique qui débouche sur la mise à l’écart de l’AMF quand il s’agit de prendre des sanctions. Le secrétaire général de l’AMF, Jean-Pierre Jouyet aujourd’hui, peut ouvrir des enquêtes, mais pas les refermer. Les enquêteurs désignés par l’AMF se mettent au travail et rendent un rapport écrit au Collège de l’AMF. Si le gendarme de la bourse décide que des poursuites doivent être engagées elle adresse des “notifications de griefs” aux personnes concernées et transmet le rapport d’enquête à la Commission des sanctions.

A partir de ce moment l’AMF ne va plus jouer qu’un rôle de télégraphiste. Elle publiera des décisions qui lui échappent. En effet, la Commission des sanctions (Faits et chiffres 2008, p.15) est composée de douze membres. Quatre, dont l’actuel président Daniel Labetoulle, sont désignés par le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation. Six sont installés par le ministre de l’Economie et des Finances. Deux représentent les salariés des sociétés gestionnaires, des entreprises de marché, mais sont désignés par Bercy. Enfin, un représentant du Trésor, qui fait office de Commissaire du gouvernement, est présent sans avoir de voix délibérative. Il peut tout de même demander une seconde délibération. Le pouvoir de sanctionner appartient donc à Bercy et pas à l’AMF.

La Commission des sanctions va ensuite désigner un rapporteur, Antoine Courteault, représentant le ministère de l’Economie, dans l’affaire EADS, chargé de lui faire des recommandations après avoir entendu tous les intéressés. Enfin, au cours d’une séance tenue à huis clos, les parties prenantes sont entendues et la décision arrêtée. Depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, la Commission peut prononcer des sanctions pécuniaires dont le montant ne peut excéder 10 millions d’euros.

Bon, dans l’affaire EADS la Commission des sanctions, rejetant la recommandation de son rapporteur, estimait qu’aucune sanction ne devait être prononcée. Personne n’a fait appel et le Commissaire du gouvernement a indiqué “ne pas avoir d’observations à formuler”. Ni pendant la séance tenue entre le 23 et le 27 novembre 2009 ni après. C’était donc fortuitement que Noël Forgeard, alors co-président d’EADS, réalisait “une plus-value de 4,34 millions d’euros, en cédant un paquet de 360 000 actions entre le 8 et le 24 mars 2006, soit juste après le Conseil d’administration d’EADS du 7 mars annonçant que les résultats ne seraient pas atteints… Le cours d’EADS venait alors atteint son plus haut historique de 35 euros.” comme le remarquait le Nouvel Obs.

La Commission des sanctions blanchissait donc tout le monde et l’AMF se devait de publier la décision. Elle l’agrémentait tout de même d’un commentaire plein d’amertume : “L’AMF, en tant qu’autorité de poursuite, souhaiterait également que la loi lui donne la possibilité de former un recours à l’encontre des décisions de la Commission des sanctions. Possibilité qui, pour l’heure, n’est réservée qu’aux personnes sanctionnées.” Il s’agirait de donner de l’autorité à l’Autorité…

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L’Autorité des marchés financiers est une Autorité sans autorité

De deux choses l’une. Ou bien les acteurs du monde des affaires ont été beaucoup sages ou ils ont été beaucoup plus discrets. Ou l’Autorité des marchés financiers (AMF) a découragé les acteurs de commettre des infractions, ou elle est décourageante et n’a rien vu. En 2009, l’AMF a publié 23 sanctions concernant 17 personnes physiques et 23 personnes morales (16 dossiers ont été transmis au Parquet dont la moitiés concerne des délits d’initiés). Un an plus tôt 34 décisions avait sanctionné 72 personnes physiques ou morales (20 dossiers transmis au Parquet, dont 14 délits d’initiés). Pour connaître les noms des sanctionnés l’AMF n’en tient aucun compte et renvoie à la compilation de ses décisions. Cela nous prendra un peu de temps, mais nous devrions y arriver.

La bonne question est donc : l’Autorité des marchés financiers a-t-elle de l’autorité? Pour le dire brutalement, elle n’en a aucune. L’autorité suppose d’exercer la surveillance des marchés et de pouvoir sanctionner les acteurs financiers. L’AMF surveille mais ne sanctionne pas. Montrée du doigt, ici même, après la non-sanction des dirigeants d’EADS qui avaient vendu leurs actions au plus haut juste après avoir appris que des retards importants allaient affecter la sortie de l’A380, n’était en rien fautive.

Le législateur a même mis en place une drôle de mécanique qui débouche sur la mise à l’écart de l’AMF quand il s’agit de prendre des sanctions. Le secrétaire général de l’AMF, Jean-Pierre Jouyet aujourd’hui, peut ouvrir des enquêtes, mais pas les refermer. Les enquêteurs désignés par l’AMF se mettent au travail et rendent un rapport écrit au Collège de l’AMF. Si le gendarme de la bourse décide que des poursuites doivent être engagées elle adresse des “notifications de griefs” aux personnes concernées et transmet le rapport d’enquête à la Commission des sanctions.

A partir de ce moment l’AMF ne va plus jouer qu’un rôle de télégraphiste. Elle publiera des décisions qui lui échappent. En effet, la Commission des sanctions (Faits et chiffres 2008, p.15) est composée de douze membres. Quatre, dont l’actuel président Daniel Labetoulle, sont désignés par le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation. Six sont installés par le ministre de l’Economie et des Finances. Deux représentent les salariés des sociétés gestionnaires, des entreprises de marché, mais sont désignés par Bercy. Enfin, un représentant du Trésor, qui fait office de Commissaire du gouvernement, est présent sans avoir de voix délibérative. Il peut tout de même demander une seconde délibération. Le pouvoir de sanctionner appartient donc à Bercy et pas à l’AMF.

La Commission des sanctions va ensuite désigner un rapporteur, Antoine Courteault, représentant le ministère de l’Economie, dans l’affaire EADS, chargé de lui faire des recommandations après avoir entendu tous les intéressés. Enfin, au cours d’une séance tenue à huis clos, les parties prenantes sont entendues et la décision arrêtée. Depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, la Commission peut prononcer des sanctions pécuniaires dont le montant ne peut excéder 10 millions d’euros.

Bon, dans l’affaire EADS la Commission des sanctions, rejetant la recommandation de son rapporteur, estimait qu’aucune sanction ne devait être prononcée. Personne n’a fait appel et le Commissaire du gouvernement a indiqué “ne pas avoir d’observations à formuler”. Ni pendant la séance tenue entre le 23 et le 27 novembre 2009 ni après. C’était donc fortuitement que Noël Forgeard, alors co-président d’EADS, réalisait “une plus-value de 4,34 millions d’euros, en cédant un paquet de 360 000 actions entre le 8 et le 24 mars 2006, soit juste après le Conseil d’administration d’EADS du 7 mars annonçant que les résultats ne seraient pas atteints… Le cours d’EADS venait alors atteint son plus haut historique de 35 euros.” comme le remarquait le Nouvel Obs.

La Commission des sanctions blanchissait donc tout le monde et l’AMF se devait de publier la décision. Elle l’agrémentait tout de même d’un commentaire plein d’amertume : “L’AMF, en tant qu’autorité de poursuite, souhaiterait également que la loi lui donne la possibilité de former un recours à l’encontre des décisions de la Commission des sanctions. Possibilité qui, pour l’heure, n’est réservée qu’aux personnes sanctionnées.” Il s’agirait de donner de l’autorité à l’Autorité…

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# Sans (trop de) commentaires # Albert Frère reclasse 3,4 milliards d’euros de titres GDF Suez

3 436 701 210,30 €
Le Groupe Bruxelles Lambert (GBL), contrôlé par Albert Frère, s’est défait le 22 décembre de 3 436 701 210,30 € d’actions GDF Suez au prix unitaire de 29,35. Pas de panique, GBL cède des titres mais les titres restent dans le groupe. Ils sont en fait récupérés par une filiale à 100% de GBL, domiciliée au Luxembourg. Une filiale qui disposait de cash depuis la cession des titres Bertelsman, explique-t’on à Bruxelles, au siège de GBL. Il s’agit donc d’une “optimisation” financière.

Cette cession ne change donc rien à la position du financier belge au sein du capital de GDF Suez. Il détient 5,3% du capital et demeure le premier actionnaire, derrière l’Etat (36%), mais devant les salariés (3%), la Caisse des dépôts (2%), Areva (1%). Albert Frère est devenu un point d’équilbre entre deux groupes français lancés dans une méga-fusion. Il a d’ailleurs obtenu la vice-présidence du conseil d’administration.

L’opération a été notifiée à l’Autorité des marchés financiers par précaution, dit-on encore à Bruxelles.

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# Sans (trop de) commentaires # Les dirigeants d’Airbus blanchis…

C’est par hasard que les dirigeants d’EADS, la maison-mère d’Airbus, ont vendu des paquets d’actions entre le 8 et le 21 mars 2006 avant que le titre ne s’effondre en juin. C’est en tout cas la conclusion de l’Autorité des marché financiers dont la décision a été publiée le 17 décembre.

S’écartant des recommandations de son rapporteur, l’AMF précise : “En troisième lieu -en se séparant, cette fois, de son rapporteur – la Commission écarte le grief formulé à l’encontre de 7 cadres du groupe auxquels il était fait reproche d’avoir, entre le 8 et le 21 mars 2006, procédé à des ventes de stock options en utilisant une information privilégiée. L’information ainsi invoquée était relative non à une donnée financière (connaissance de résultats ou de l’imminence d’une opération sur le capital…), mais à une donnée de type industriel : la connaissance de retards de fabrication du gros porteur A-380 qui avaient été évoqués lors de la réunion de deux instances d’Airbus, les 17 février et 1er mars 2006.”

Sous entendu, l’industrie aéronautique en rencontre régulièrement des difficultés comme celles auxquelles Airbus devait faire face en mars 2006. Donc les dirigeants d’Airbus ont eu tort du point de vue industriel, mais raison du point de vue financier puisqu’ils ont réalisé des plus valus indues en tant que responsables d’un fiasco industriel.

Rappel avec le Nouvelobs.com :
Noël Forgeard, l’ancien co-président d’EADS, a réalisé une plue-value de 4,34 millions d’euros, en cédant un paquet de 360 000 actions entre le 8 et le 24 mars 2006, soit juste après le Conseil d’administration d’EADS du 7 mars annonçant que les résultats ne seraient pas atteints…Le cours d’EADS avait alors atteint son plus haut historique de 35 euros.

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La décision de la Commission des sanctions de l’AMF : lien.
La réaction de l’AMF à la décision de la Commission des sactions : lien.
Pour un point complet sur les plus values : Reuters du 17 décembre 2009

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