Faut-il vendre LVMH? Oui, si l’on suit l’exemple de son PDG, qui vient de vendre en 4 opérations 150.000 actions pour un montant de 13,3 millions d’euros. Depuis le début de l’année, Antonio Belloni a réalisé une quinzaine d’opérations dont 3 exercices de stocks option et 12 cessions d’actions LVMH.
D’un côté et de l’autre, le montant est le même: 450.000 stocks option exercées et 450.000 actions LVMH vendues. Le solde des opérations? Antonio Belloni a dépensé 24,1 millions en transformant ses 450.000 stocks option et autant d’actions à un prix unitaire de 53,6€. Côté vente: les 450.000 actions ont été vendues à 88€. Soit une plus value de 15,3 millions d’euros.
Au-delà des chiffres qui peuvent donner le vertige, cette multiplication d’achats et de ventes d’actions d’une entreprise par ses propres dirigeants pose une question non résolue: comment peuvent-ils intervenir sur le marché sans soulever la suspicion de délit d’initié? L’Autorité des marchés financiers (AMF) réfléchit en ce moment même à la manière d’améliorer la réglementation pour encadrer les ventes d’actions d’une entreprise par ses propres dirigeants. La première phrase d’un récent communiqué de presse de l’AMF montre que ceux-ci se trouvent dans une situation intenable. «Les dirigeants de sociétés cotées qui souhaitent réaliser des transactions sur les titres des entreprises qu’ils dirigent sont soumis à de nombreuses obligations liées à la prévention des manquements d’initiés.»
Les dirigeants risquent, pour l’AMF, de se retrouver en situation de «d’initiés permanents». Pour trouver une solution, un comité de réflexion a été mis en place autour de Bernard Esambert. L’ancien président de la Compagnie financière de Edmond de Rothschild et de Bolloré, a l’expérience et la distance, puisqu’il n’apparaît plus dans les conseils du CAC 40. Un rapport devrait être publié au début de l’été prochain.
Que dit la règle actuelle? Les dirigeants et les administrateurs de sociétés cotées doivent s’abstenir d’acheter ou de vendre des actions des entreprises dont ils sont responsables quand ils détiennent des informations privilégiées. Une information privilégiée est une information qui n’a pas été rendue publique et qui est susceptible de peser sur le cours de l’action. Le dirigeant ou l’administrateur se trouvent alors dans une situation privilégiée par rapport aux autres acteurs du marché, puisqu’il parie sans risque.
L’AMF, le gendarme de la bourse, dont le rôle est de veiller à l’équité des investisseurs face aux marchés financiers toutes opérations suspectes peut donner lieu à une enquête pour «manquement d’initié». Si les éléments s’avèrent probants, elle peut saisir la Commission des sanctions qui le cas échéant peut prononcer une sanction comme dans le cas de l’OPA sur Du Pareil au Même. On parle de manquement d’initié, le délit d’initié relevant du Code pénal et des tribunaux correctionnels. La question est évidemment de savoir quand un président ou un directeur général ne dispose pas d’informations privilégiées et comment il peut intervenir sur le marché sans risque.
Un élément de réflexion consiste à comparer les opérations menées par les dirigeants de deux grandes entreprises comparables. Pour les besoins d’une enquête sur la Société Générale, nous avons reconstitué l’ensemble des exercices de stock-options, des cessions ou des acquisitions d’actions menées par les dirigeants de la banque au cours des années 2007 et 2008. La comparaison avec les opérations menées par leurs homologues de la BNP paraît édifiante.
Pourquoi 2007 et 2008? Ce sont d’abord les deux premières années au cours desquelles les dirigeants d’entreprises cotées ont été tenus de déclarer l’ensemble des opérations réalisées sur les titres des entreprises dont ils ont la responsabilité. 2007 et 2008 paraissent aussi pertinentes puisque ce sont les années au cours desquelles la crise du système bancaire se développe.
La différence de comportement est vertigineuse. Michel Pébereau, président du conseil d’administration, non exécutif, de la BNP, a déposé 5 déclarations auprès de l’AMF. Si l’on ajoute trois déclarations faites par une «personne proche», on atteint 8 déclarations. Et son bilan personnel est négatif puisqu’il a investi 4,7 millions d’euros en actions BNP et qu’il en a cédé pour 2,8 millions d’euros. Il a donc investi dans la banque alors même que l’ambiance était au désengagement. Daniel Bouton, PDG de la Société Générale à l’époque, a quant à lui déposé 24 déclarations auprès de l’AMF. Du strict point de vue de l’investisseur, il fallait à l’évidence se défaire des titres Société Générale dont la valeur chute de 140€ en mai 2007 à 35€ en décembre 2008. La dégringolade n’allait pas empêcher Daniel Bouton de réaliser une plus value de 5,2 millions d’euros.
Le calendrier est aussi instructif que les opérations elles-mêmes. Michel Pébereau acquiert des actions BNP le 15 février et le 30 novembre 2007, et cède des titres le 7 décembre de la même année. Il intervient deux fois en 2008 à dix jours d’intervalles avec une souscription de stocks-options le 20 mars et une cession 11 jours plus tard. En 2007, Daniel Bouton va intervenir à cinq reprises entre le 12 janvier et le 16 juin, pendant que la banque rachète ses propres titres sur le marché. Là encore, plaçons-nous du point de vue de l’investisseur, il s’agit d’opérations opportunes puisque le titre atteint alors son plus haut historique. En 2008, le PDG, ou son chargé d’affaires, va réaliser l’essentiel de ses opérations au cours du second semestre, entre le 3 juillet et le 6 octobre.
Il n’y a dans ces opérations rien d’illégal. L’AMF qui a pu examiner de près l’ensemble des opérations réalisées par Daniel Bouton n’a rien trouvé à redire. Elle a, en revanche, estimé que les cessions réalisées par Robert Day en janvier 2008 et celles de Jean-Pierre Mustier, huit mois plus tard, étaient entachées d’irrégularités. Pour ce dernier, le rapporteur de la Commission des sanction conclut à l’innocence de l’ancien numéro 2 de la Société Générale.
Un coup d’œil sur l’année 2009 rééquilibre quelque peu la balance, puisque Frédéric Oudéa, le successeur de Daniel Bouton à la tête de la Société Générale, n’a déposé que deux déclarations auprès de l’AMF, pour autant de souscriptions de stocks-option. A l’inverse, une certaine frénésie semble avoir saisi Michel Pébereau puisqu’il a déposé 12 déclarations et dégagé une plus value de 3,9 millions d’euros. Le champion toute catégorie des déclarations à l’AMF reste sans aucun doute possible Andreas Jacobs, administrateur d’Adecco, qui ne chôme pas puisque depuis le 1er janvier 2010, il a signé 71 déclarations!
Mais, il n’y a pas que des patrons compulsifs. Chez Danone, Franck Riboud paraît avoir opté pour des rendez-vous fixes. Le premier à la fin du mois de juin pour des opérations d’un faible montant (de 4.500 à 30.000€ l’année dernière), le second en décembre, pour les affaires sérieuses. Tout ce concentre en fait sur une journée. Le 10 décembre 2009, le patron de Danone a ainsi exercé ses stocks pour 10,3 millions et cédé pour 13,7 millions de titres, soit 3,3 millions de plus value.
PhDx
Photo: REUTERS/Laszlo Balogh
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Nougat LeChien & co, Institut_Sage, Haka Consulting, Slate.fr, eduhayon et des autres. eduhayon a dit: PhDx » Ces patrons qui confondent la Bourse et le casino http://ping.fm/hvDz7 […]
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[…] Jérôme Kerviel, trader fou ou bon petit soldat de la finance-casino? Embauché en août 2000 par la Société Générale, Jérôme K. n’a rien du golden boy. Bac […]
[…] confiées sans risqué d’être accusé de délit d’initié ? La mission confiée à Bernard Esambert (ex-Rthoschild et ex-Bolloré) par l’Autorité des marchés financiers (AMF) devrait […]
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