Regardez ce contenu sur la préparation physique des danseuses du corps de ballet de New York publié sur le site du New York Times. Ce “reportage”, dont le format ressemble à s’y méprendre à celui de Snowfall, faisant la part belle à l’écriture, aux photos, dessins et aux vidéos, n’est pas une commande de la rédaction du New York Times, mais d’une marque de chaussures, Cole Hann. Même chose pour ce long format sur l’incarcération des femmes dans les prisons, avec des témoignages d’anciennes détenues en vidéo, des chiffres mis en scène dans des graphiques: il a été payé par Netflix pour la série “Orange is the new black”.
Ces deux exemples sont ce que l’on appelle du “native advertising”, une publicité qui reprend les codes journalistiques du média qui l’héberge. Le New York Times, Buzzfeed, Forbes, The Guardian US – qui vient de remodeler son design pour y intégrer des “native advertisings” – mais aussi lemonde.fr, Le Huffington Post, Lexpress.fr… Aux Etats-Unis comme en France, ces médias accueillent ces publicités d’un nouveau genre. Pourquoi font-elles saliver les éditeurs de presse? Quels revenus promettent-elles? Comment brouillent-elles la frontière entre contenu éditorial et contenu publicitaire?
Critères
Les “native advertisings” sont protéiformes, si protéiformes qu’un oeil non aguerri peut avoir du mal à les discerner. Rubrique sponsorisée comme “Le Rendez-Vous IT” de la marque HP sur lexpress.fr, infographie réalisée par Suez sur la page d’accueil du Huffington Post, encart intégré dans le déroulé d’un article comme sur lemonde.fr… Plusieurs critères aident à les distinguer d’une publicité classique, détaille le rapport rédigé par l’IAB (International Advertising Bureau) en France.
1. les “native advertisings” entrent “en adéquation avec la ligne éditoriale du site”
2. elles n’occupent pas d’emplacement publicitaires traditionnels – comme la têtière ou la colonne de droite – mais s’invitent dans les pages du média
3. elles ne clament pas “achetez tel ou tel produit, vous vous sentirez mieux après” mais offrent un discours divertissant ou informatif sur des valeurs correspondant à l’univers de la marque.
Il faut croire que cela marche. Je l’avoue: non seulement j’ai passé de longues minutes à lire les “native advertisings” du New York Times, mais j’ai en plus appris des choses sur le sujet traité. Pourtant, je savais, pour avoir repéré dans l’URL la mention “paidpost.nytimes.com” et la signature de la marque mise en tête de gondole, que j’étais en train de consommer une publicité. Or c’est exactement ce que cherche une “native advertising”: à susciter l’engagement du lecteur, via un temps de consultation rallongé, ou des recommandations sur les réseaux sociaux.
Plus de qualité, plus d’engagement
L’année dernière déjà, 74% des sondés interrogés par une étude Ifop/Adyoulike estimaient qu’en ligne, une publicité doit d’abord être informative et 73% plaidaient pour que le contenu affiché soit de qualité.
“Les annonceurs veulent être associés à des contenus de qualité, parfois signés par des journalistes, pour qu’un lecteur puisse y trouver son compte”, m’explique Eric Mettout, directeur adjoint de la rédaction de L’Express. Sacrilège pour Le Monde, qui vient de mettre à jour sa charte publicitaire pour y préciser que les journalistes permanents ne peuvent pas écrire, directement ou indirectement, sous pseudonyme ou non, pour des marques, ni même participer à la diffusion ni la mise en ligne de publicités. “Il y a déjà une immense défiance du lectorat vis-à-vis de la presse, ce n’est pas la peine d’en rajouter” en amenuisant la frontière entre information et communication, me confie Alexandre Léchenet, journaliste et président de la société des rédacteurs du Monde.fr.
Au New York Times, c’est le T Brand studio, un pôle composé de neuf personnes, journalistes, graphistes, photographes, qui produit des “native advertisings” sur mesure pour les annonceurs. Chez Buzzfeed, c’est la “creative team”, installée au même étage que la rédaction dans les bureaux new yorkais, qui s’y colle. Quant au site américain Gawker, il a aussi son studio ad hoc. Une organisation qui fait rêver Eric Mettout, lequel aimerait que son groupe se dote d’une agence de production de publicités avec des rédacteurs et non des journalistes. Pour l’instant, il reconnaît qu’il a parfois recours à des pigistes de L’Express pour ce faire.
Identifier les publicités
Sauf que le flou provient de là. Les régies et les annonceurs plaident pour de plus en plus d’intégration, pour pallier la baisse du display, tandis que les rédactions ont le poil qui se hérissent de voir leur identité éditoriale ainsi cannibalisée. Pour Alexandre Léchenet, du Monde.fr, il est crucial de :
> préciser si le contenu est écrit par la rédaction ou “conçu et proposé” par une marque
> nommer la marque plutôt que de se contenter d’écrire “contenu de marque”
> éviter que les publicités s’installent dans des formats éditoriaux clairement identifiés comme étant ceux qui ont fait la crédibilité journalistique du média – dans le cas du Monde.fr, ce sont les portfolios, les posts de blogs, les chats
> ne pas préciser de date de publication, un code qui relève de l’information, et non des publicités
> utiliser un fond de couleur différent, voire une police différente, pour une publicité de celle usitée pour les informations
Si le changement de police rassure les rédactions, il n’est sans doute pas identifiable par les lecteurs. Mais “dans la course à la publicité, il faut que les médias se différencient des monstres (Google, Facebook, etc.) donc on leur vend plus aux annonceurs un espace publicitaire, on leur vend un environnement”, continue Eric Mettout. Mieux, “on leur vend un service”, surenchérit Christine Turk, directrice commerciale de la régie mobile Ad Moove qui alimente en publicités géo-localisées les applications du Monde, du Figaro, de l’Equipe et de 20 Minutes.
Tarifs
A savoir la production de contenus, à laquelle se greffe la facturation de frais techniques ou frais de développement – en général on facture à l’annonceur jusqu’à 10 fois le prix réel de la fabrication. Les prix circulent sous le manteau et varient d’un média à l’autre, d’un annonceur à l’autre, d’un “package à l’autre”. Mais il faut compter environ 50.000 à 100.000 euros pour avoir du native advertising pendant cinq jours sur un média généraliste en ligne. Le phénomène promet de s’étendre même s’il ne représente pour l’instant qu’une partie des revenus publicitaires des médias.
“Les annonceurs deviennent des médias à leur tour et s’inquiètent d’avoir de l’audience sur leurs contenus”, dit encore Christine Turk. La distribution et la mesure de l’impact sont désormais des éléments clés du “native advertising”. Aux Etats-Unis, Quartz utilise son système de publication pour y produire des publicités et traquer les visites, les likes, les vidéos vues, et le temps passé sur chaque contenu, des données qui sont ensuite données aux annonceurs. Dans le même esprit se prépare à L’Express une plate-forme de gestion de données (data management platform) qui “permettra de qualifier notre lectorat et savoir qui va voir quoi et quand, tant sur les publicités que sur les informations, afin de mesurer l’impact de toutes les productions”, détaille Eric Mettout.
De quoi améliorer les “performances” des contenus auprès de cibles choisies par les annonceurs. Sur Elle.fr et l’application mobile de ELLE, on peut lire “A quelle tribu mode appartenez-vous?”, écrit par la rédaction de ELLE mais sponsorisé par Peugeot pour le lancement de sa voiture Peugeot 108. Même si le taux de partage de l’article est faible (6 partages sur Facebook, 10 tweets), les équipes de Peugeot, citées par le rapport de l’IAB, se disent satisfaites d’avoir obtenu 27.600 visites sur la page article en cinq jours.
La reine distribution
“Le contenu est roi, mais la distribution est reine”, rappelle Anthony Demaio, directeur associé de Slate.com.
A Buzzfeed, par exemple, les “native advertisings” ne sont pas partagées sur le compte Twitter @buzzfeed mais sur @buzzfeedpartner. L’idée, c’est que le contenu soit suffisamment bon pour être partagé par les internautes sans que la rédaction les diffuse. Au New York Times, idem, même si rien n’est encore gravé dans le marbre. “On ne dit pas qu’on ne diffusera jamais des contenus sponsorisés via les comptes du New York Times sur les réseaux sociaux”, prévient Sebastian Tomich, co-fondateur du T Brand Studio.
Ce contenu n’est pas du native advertising. N’hésitez pas à le partager sur Twitter et Facebook.
Alice Antheaume
lire le billet«Ceci est l’un des derniers billets de ce blog. D’ici quelques jours (…), nous cesserons de l’alimenter», pouvait-on lire vendredi dernier sur Les Décodeurs, le blog de fact checking participatif du Monde.fr. Né en 2009, cet espace s’inspirait du site américain Politifact.com et son célèbre «truth-o-meter» (le véritomètre) pour jauger la crédibilité de la parole politique.
Non, cela ne signifie pas ce genre journalistique n’a plus de sens. Au contraire. Alors que la désinformation en ligne augmente, au point que des chercheurs européens travaillent à la construction d’un détecteur de mensonges sur Twitter, Les Décodeurs sortent de l’espace limité d’un blog pour renaître au Monde.fr au sein d’un service du même nom composé de neuf personnes (un éditeur dédié, deux data journalistes, deux infographistes, trois rédacteurs, et un coordinateur du projet). Lesquelles feront du fact checking – pas que politique – toute la journée. Et ce, dès lundi prochain.
Vérifications, data visualisations et décryptages
«Nous voulons être le Buzzfeed du fact checking et démonter les rumeurs que l’on voit circuler sur les réseaux sociaux en repartant des faits, en donnant du contexte, et en s’appuyant sur des données et des graphiques», m’explique Samuel Laurent, le coordinateur du projet. Il confie en avoir eu l’idée en novembre dernier, lors des Assises du journalisme de Metz, en discutant avec Cory Haik, une journaliste du Washington Post. Celle-ci venait parler du Truth-Teller, un robot dont la mission est de vérifier automatiquement les discours des politiques américains au moment même où ils les déclament.
Pour Samuel Laurent, ça a fait tilt. Il était temps de dresser le bilan de cinq années de fact checking et de passer à l’étape suivante.
Parmi les enseignements tirés, il apparaît qu’il ne suffit pas d’apposer un tampon vrai ou faux sur une déclaration d’un homme ou d’une femme politique. «La vérité est chose complexe et exige des nuances», apprend-t-on sur feu le blog Les Décodeurs. «D’autant qu’elle varie selon les tendances politiques: aux extrêmes l’outrance et le faux complet; la droite, elle, affectionne les discours chiffrés, là où la gauche s’est spécialisée dans le flou et la langue de bois…».
Autre constat, partagé à la fois aux Etats-Unis et en France: la politique ne doit pas être le seul objet des décryptages. Le Washington Post a adapté la technologie du Truth-Teller politique aux bandes annonces afin de distinguer dans les films ce qui relève de la fiction et ce qui est de l’ordre du réel – cela s’appelle le Truth-Teller pour les trailers.
De même, Les Décodeurs du Monde.fr veulent proposer du fact checking au sens large, au delà de la politique. Lorsqu’en janvier, François Hollande annonce une baisse des charges patronales, «nos lecteurs ne se disent pas “mais bon sang, quel est ce tournant libéral du président de la République?”. Ils se demandent “c’est quoi, les charges patronales?”», reprend le journaliste du Monde.fr, qui y voit là le signe qu’il faut davantage fournir des explications et des clés à l’audience.
Les discussions émanant des réseaux sociaux seront scrutées de près, et guideront en partie les choix de sujets des Décodeurs. C’est là une petite rupture par rapport à la culture journalistique traditionnelle. Lorsqu’est annoncée par erreur la mort d’une personnalité en ligne, nombreux sont les journalistes qui, d’abord, ne le voient pas, et, ensuite, estiment qu’il vaut mieux ne pas en parler, au risque de donner de l’écho à une information erronée. Or il n’y a plus d’un côté Internet et de l’autre la vie, juge Samuel Laurent. En témoigne selon lui l’intox autour du soi-disant enseignement du genre dans les écoles qui a poussé certains parents à retirer leurs enfants de l’école en janvier: «c’est notre rôle que de s’attaquer à ces fakes à condition que nous soyons capables de les démonter».
S’adresser à une audience vivant sur les réseaux sociaux
L’autre objectif affiché de ce projet, c’est de rattraper par le col de la chemise ceux qui n’ont pas pour habitude de se connecter au Monde.fr. Voire qui ne s’informent que via les réseaux sociaux. Le circuit de diffusion se voit donc modifié afin d’aller trouver l’audience là où elle se trouve, en partageant d’abord des briques d’informations sur Twitter puis sur Facebook avant de publier ensuite sur lemonde.fr un contenu chapitré et composé des briques déjà disséminées sur les réseaux sociaux. «Notre temps 1 de l’info, c’est Twitter. Notre temps 2, c’est Facebook. Notre temps 3, c’est la publication sur le site. Notre temps 4 sera la publication dans notre futur journal du soir. Notre temps 5, c’est le journal quotidien. Et notre temps 6, c’est Le Monde Magazine.»
D’après les données récoltées lors d’une enquête sur l’état des pages d’accueil des sites d’informations français, 10% du trafic du Monde.fr provenait des réseaux sociaux en novembre 2013. Pour tenter de booster ce pourcentage, Les Décodeurs ont conçu un nouveau format intitulé Nanographix, une infographie présentée sous la forme d’un carré, qui, espère l’équipe, aura un «potentiel viral» important.
>> Ci-dessous un exemple de Nanographix sur la greffe du coeur >>
A venir, donc, dès ce lundi dans le panier de ces nouveaux Décodeurs: des graphiques pour savoir à coup sûr si un sondage est sérieux ou non, des enquêtes pour, par exemple, identifier les communes les plus endettées, données à l’appui, et de quoi détecter si une ville est de droite ou de gauche.
«L’information sérieuse n’est pas forcément rasante», sourit Samuel Laurent. Au Monde.fr, les papiers pédagogiques – que l’on appelle outre Atlantique des explainers – dont le titre est bâti sur le modèle «comprendre (sujet) en (X) minutes» (JO de Sotchi: Comprendre la situation dans le Caucase en 3 minutes ou La maladie d’Alzheimer expliquée en 3 minutes) font des cartons d’audience. Parce que c’est la promesse d’une explication simple, pré-mâchée, qui permet aux lecteurs de briller ensuite en société ou en famille en ayant l’air d’avoir compris l’essentiel d’une actualité. Et c’est l’assurance que le temps passé à comprendre cette actualité n’excède pas quelques minutes, un délai raisonnable pour qui souhaite garder prise sur son temps.
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Alice Antheaume
lire le billetLes consommateurs d’informations sur mobile vont devenir plus nombreux que ceux qui utilisent leurs ordinateurs. En novembre 2013, 11,3 millions de Français ont utilisé leur mobile, tablette ou smartphone, pour consulter sites et applications d’actualité, et ce, en moyenne sur 5 jours par mois, selon Médiamétrie.
Bien sûr, cela a de l’impact sur les rédactions. En 2013, 40% du trafic de CNN provenait du mobile (tablettes et téléphones). En 2014, ce sera sans doute 50% voire plus. Ce renversement est déjà entré en vigueur pour Le Monde, qui fait davantage de pages vues depuis son application mobile que depuis son site Web, ainsi que pour The Guardian à certains moments de la journée.
Les médias ne sont pas les seuls à s’intéresser à la façon dont on pourrait distribuer et calibrer les informations sur petit écran. J’ai déjà parlé ici de News Digest, la nouvelle application de Yahoo!, développée par le jeune Nick D’Aloisio, 18 ans, millionnaire, qui résume automatiquement l’actualité deux fois par jour. Ce lundi, Facebook lance, uniquement aux Etats-Unis, une application mobile appelée “Paper” pour ses 945 millions d’utilisateurs mensuels qui se connectent au réseau social via leur smartphone ou leur tablette.
Tout cela va si vite qu’il paraît urgent de réactualiser les chiffres clés du mobile. En voici quelques uns, récupérés au cours de conférences et en surfant sur de récents rapports en ligne.
Avez-vous repéré d’autres chiffres récents? N’hésitez pas à les partager.
Alice Antheaume
lire le billetDeux ans après le rachat de Rue89 par Le Nouvel Observateur pour 7,5 millions d’euros, le torchon brûle entre le groupe et l’ancien pure-player. Lundi matin, vers 10h, la rédaction de Rue89 vote la grève pour 24 heures renouvelables, espérant obtenir des garanties sur son avenir. Conséquence: le site est gelé. L’équipe gréviste, qui a créé un compte Twitter pour l’occasion, @Rêve_89, a indiqué ses revendications dans un billet: «maintien de l’identité» de Rue89 et préservation de l’équipe pour les deux prochaines années.
Ce lundi après-midi, Claude Perdriel, président du directoire du groupe Nouvel Observateur, et Nathalie Collin, directrice générale, reçoivent des représentants de Rue89 pour entamer des discussions. Lundi soir, Claude Perdriel signe une mise au point dans laquelle il juge la réaction des journalistes de Rue89 «incompréhensible» car «assumer (notre partenariat, ndlr) ne menace en rien l’indépendance éditoriale de Rue89, au contraire». MISE A JOUR 10 décembre 2013, 11h: mardi matin, la grève à Rue89 est reconduite. MISE A JOUR 11 décembre 2013, 11h: la grève est stoppée et Rue89 reprend le travail, indiquant dans cet article avoir obtenu les garanties demandées.
Cherche nouvel actionnaire
Le moral est en berne des deux côtés. A Rue89, pour qui c’est la première grève depuis sa création en 2007. Et à l’Observateur, où, depuis septembre, les salariés proches de la retraite sont incités à partir, et leurs départs ne seront pas remplacés. L’actionnaire de toujours Claude Perdriel songe à passer la main et semble faire les yeux doux à Xavier Niel, le patron de Free et actionnaire du Monde, pour lui succéder. Dans les couloirs, on considère que les investissements réalisés sur le numérique ont saboté le vaisseau amiral. Le groupe a perdu environ 7 millions d’euros en 2013 dont 800.000 euros seraient imputables à Rue89. Claude Perdriel, ingénieur de formation, sait depuis longtemps comment fonctionne une rotative et a mis un point d’honneur à saisir aussi le fonctionnement du Web. Il ne regrette pas d’«avoir racheté Rue89 mais, financièrement, il est évident (qu’il n’a) pas fait une bonne affaire».
«Nous ne sommes pas les mauvais élèves du groupe»
A ces accusations, les grévistes de Rue89 répondent qu’ils ne sont pas «les mauvais élèves du groupe». «Nous faisons un quart de l’audience (2,4 millions de visiteurs uniques par mois, ndlr) de tout le groupe, alors que nous sommes une toute petite rédaction», m’expliquent-ils. «Nous ne sommes pas en train de négocier notre xième semaine de congés par an, nous demandons à ce que le site et son développement soient pérennisés.» Cela passerait sans doute par, entre autres, une meilleure monétisation des contenus. «Cela fait deux ans que personne ne s’occupe de la publicité sur Rue89, personne ne vend Rue89!», proteste l’équipe, pointant du doigt le dédain de la régie publicitaire, en charge de la commercialisation des espaces. Dans ces conditions, «il n’est pas étonnant qu’on ne gagne pas d’argent…».
Affichage en une
La grenade a été dégoupillée lorsque, jeudi dernier, la façade de Rue89 a changé. Sur les pages du site cohabitent désormais les logos du Nouvel Observateur, en haut, et de Rue89, précédé du mot «partenaire». En outre, l’URL de la page d’accueil – mais pas celle des pages articles – a été modifiée: à la place de Rue89.com, on trouve rue89.nouvelobs.com. Des changements qui, pour l’équipe, «rétrograd(e)nt Rue89 au rang “d’apporteur de contenus” et sacrifi(e)nt l’identité de notre Rue».
Ces modifications ne sont pas un caprice de l’Observateur. Elles correspondent au souci de se mettre en conformité avec les nouvelles directives de Médiamétrie, l’institut de mesure plébiscité par les annonceurs. Avec ce changement, c’en est fini du co-branding et des doubles marques comme par exemple Le Huffington Post et Lemonde.fr.
Les règles de Médiamétrie expliquées
Quelles sont ces nouvelles règles en vigueur? Pour qu’un Nouvel Observateur puisse agglomérer l’audience de Rue89 avec celle de son titre, il faut soit faire passer Rue89 pour une déclinaison de la marque principale, soit considérer que Rue89 est un fournisseur de contenus.
Dans le premier cas, la nouvelle règlementation de Médiamétrie impose une imbrication des deux logos avec une visibilité plus grande accordée à celui de la maison mère. Il faut aussi que les deux marques appartiennent au même groupe et que la marque principale soit l’actionnaire principale de la marque déclinée.
Dans le second cas, Rue89 est «encapsulé» comme une rubrique dans l’environnement du Nouvel Observateur. Ici, non seulement le contenu fourni doit porter l’URL de la marque mais le logo du fournisseur (Rue89) doit être en-dessous du logo de la marque principale (Le Nouvel Observateur).
MISE A JOUR 10 décembre 2013, 12h10: Si la première option, la déclinaison d’une marque (par exemple Le Figaro et Madame Le Figaro ou ELLE et ELLE Déco), nécessite le vote de la Commission d’auto-régulation de Médiamétrie, qui se tient tous les mois, la deuxième option est acceptée automatiquement lorsque les règles sont respectées. C’est ce second cas de figure, la fourniture de contenus, qui concerne Rue89.
Sans la refonte, Rue89 verrait son audience de décembre comptabilisée à part de celle du Nouvel Observateur en ligne. Les deux perdraient plusieurs places.
Or si Claude Perdriel a racheté Rue89 en décembre 2011, c’était avant tout pour grimper sur les marches du podium et espérer dépasser Lemonde.fr et Lefigaro.fr, devant NouvelObs.com dans le classement Médiamétrie que consulte les publicitaires, pour qui plus on est gros, plus on est beau. Aucune chance, vu l’intention initiale qui a présidé à l’achat de Rue89, que le directoire accepte que le trafic de Rue89 soit comptabilisé d’un côté et celui de NouvelObs.com de l’autre. L’objectif, c’est d’intégrer l’un à l’autre pour cumuler les audiences.
Le Huffington Post et Le Monde ne changent rien
Le dilemme concerne aussi le Huffington Post et lemonde.fr. Aucun changement n’est prévu (ni en termes de logo ni en termes d’URL), même si cela devrait faire perdre, selon les estimations, environ 15% de l’audience du Monde.fr en décembre. Quand bien même le souhait aurait été d’intégrer l’un à l’autre, il n’est pas certain que cela serait possible car Le Monde ne détient que 34% du Huffington Post.
En revanche, Le Lab, lui, sera toujours compté dans l’audience d’Europe1.fr en tant que déclinaison de marque car, pour se conformer aux nouvelles règles de Médiamétrie, il a installé le changement de logos (avec Europe 1 plus gros que Le Lab) depuis novembre en ligne. Même si cela n’est pas requis pour faire valoir son site comme déclinaison d’une marque, son URL, lelab.europe1.fr, comporte, depuis sa naissance en décembre 2011, le nom de la maison mère, Europe 1. «C’est la spécificité du pure-player interne qui grandit… plutôt que le pure-player (externe) mal digéré lors de son rachat», proclame Antoine Bayet, rédacteur en chef de Le Lab.
Les atouts d’un pure-player
Outre gagner des places dans les mesures d’audience, l’autre raison qui peut pousser un groupe à acheter un pure-player, c’est que la rédaction de celle-ci est plus agile avec les nouvelles pratiques journalistiques et que l’innovation y est plus facile. Imaginez, au Nouvel Observateur, la lourdeur du processus industriel pour imprimer le journal chaque semaine et la difficulté de convertir les journalistes traditionnels au travail sur plusieurs supports, l’imprimé, le site Web, le mobile, la tablette. Rue89, une structure plus légère qui ne connaît pas ces contraintes, peut tenter des nouveaux formats éditoriaux. Autrement dit, la vie d’un pure-player, c’est d’abord de se lancer, démontrer qu’il y a un potentiel en expérimentant des formats et des rythmes différents, et parfois être racheté par un plus gros qui va financer le développement de ce potentiel. A condition d’avoir les reins solides…
Alice Antheaume
lire le billetLes pages d’accueil des médias en ligne seraient-elles devenues des vitrines surannées? Chez Buzzfeed, 75% du trafic provient des réseaux sociaux, tant et si bien que “la home page de Buzzfeed, c’est en quelque sorte Twitter ou Facebook”, annonce Dao Nguyen, la directrice du développement de Buzzfeed. Toujours aux Etats-Unis, chez Quartz, le pure-player sur l’économie, c’est encore plus radical: la traditionnelle “home page” n’est plus. Et en France? Il y a quelques années déjà, feu lepost.fr avait constaté l’érosion de la home page avec 75% de ses pages vues sur des pages articles – c’est-à-dire des pages menant directement aux contenus.
Pour connaître l’impact des pages d’accueil sur le trafic des sites d’informations français en 2013, j’ai essayé de récolter, auprès de ceux-ci, des indicateurs provenant de leurs propres outils de mesure (Google Analytics ou Xiti): la part de la page d’accueil sur le trafic du site, ainsi que le trafic en provenance des réseaux sociaux et des moteurs – en l’occurrence Google News et le “search”.
Attention, les pourcentages sont proportionnels à l’audience des sites.
Ces données, déclaratives, forcément incomplètes, disponibles dans les infographies ci-dessous, montrent que la page d’accueil, si elle ne résume plus un site d’infos à elle seule, continue à compter.
Résultat: la page d’accueil compte surtout pour Liberation.fr, où elle est un carrefour primordial, avec 50% de ses pages vues. Même chose pour 20minutes.fr dont la page d’accueil, longue, aux titres bigarrés, a été, dès 2007, l’une des spécificités du site et compte pour 36% des pages vues. Sur Lemonde.fr et NouvelObs.com, la page d’accueil prime toujours, avec 35% des pages vues.
Poids lourd ou poids léger?
A l’inverse, elle ne pèse presque rien pour Le Plus (3% des pages vues), France TV Info (7% des pages vues) et Le Huffington Post (9% des pages vues). La jeunesse de ces derniers (Le Plus est né en mai 2011, France TV Info en novembre 2011, et Le Huffington Post s’est créée en janvier 2012) les aurait-elle affranchi d’un vieux modèle? Cette hypothèse n’est pas la seule explication si l’on regarde le score d’Atlantico, lancé en février 2011, dont la page d’accueil récolte 20% des pages vues. De même, Rue89, créé en 2007, voit sa “home page” générer 49% des pages vues, quand celle de Médiapart, un média né en 2008, fait 45%, et celle de Slate.fr, lancé aussi en 2008, 36%. Des scores bien supérieurs à ceux des pages d’accueil de lexpress.fr (20% des pages vues) ou du Parisien.fr (29%).
La page d’accueil incarne toujours l’image du site
“Même si ce n’est pas encore vraiment le cas sur BFMTV.com, on sait que de moins en moins de personnes passent par la page d’accueil”, anticipe Clémence Lemaistre, rédactrice en chef de BFM TV.com, dont la page d’accueil représente 34,6% des pages vues.
Tous les interrogés martèlent que la “home page”, si elle a perdu de sa superbe, demeure un élément clé de leur stratégie éditoriale. Elle “pose notre identité”, explique Celia Meriguet, rédactrice en chef de France TV Info. Elle incarne “l’image de la marque”, pour Eric Mettout, directeur adjoint de la rédaction de L’Express.
Elle est surtout le reflet de la hiérarchie journalistique pour Yann Guégan, de Rue89. C’est l’espace où l’on présente “ce que l’on a à raconter” avec des images choisies pour interpeller le lecteur et des titres ad hoc – qui ne sont pas forcément les mêmes sur la page d’accueil que dans la page article. “Tout se joue sur les titres”, longs voire très longs sur la une d’Atlantico, “et c’est là-dessus que nous mettons le paquet”, m’indique Jean-Sébastien Ferjou, directeur de la publication d’Atlantico.
Au final, toutes les pages d’accueil sont truffées de liens (près de 400 sur la seule “une” du Huffington Post) et ont tendance à s’allonger pour présenter les informations, non seulement de la journée, mais également des jours précédents.
La page d’accueil reste “statutaire”
La page d’accueil rassure les journalistes parce qu’elle met en majesté leurs choix éditoriaux. Elle rassure aussi les annonceurs pour qui c’est un espace “statutaire”. “Elle n’est pas systématiquement demandée par les internautes mais elle l’est très souvent par les annonceurs”, confirme Pierre Koetschet, rédacteur en chef adjoint de 20 Minutes.
Se détourner de la page d’accueil, c’est aussi prendre le risque de dégrader le référencement des contenus dans Google News. “On sait que Google News est sensible à la place d’un papier sur la home page quand il lui attribue des points”, détaille Eric Mettout. Une règle qui n’est écrite nulle part mais que les spécialistes du SEO (search engine optimization) connaissent bien: plus le sujet est placé en “tête de gondole” sur la page d’accueil plus il aurait de chances de remonter dans Google News.
Prime aux nouveaux sur les réseaux sociaux
La provenance du trafic des sites d’informations tend à se modifier. Si les moteurs sont toujours, et sans doute encore pour longtemps, des vrais mastodontes (50% des visites en provenance des moteurs pour Le Plus, 48% pour Lexpress.fr, 41,1% pour leparisien.fr), ils font place à une autre source de trafic: les réseaux sociaux.
Le Lab a le plus fort pourcentage de visites (41%) en provenance des réseaux sociaux, avec 23% issus de Twitter et 18% de Facebook – un pourcentage à relativiser avec l’audience totale du Lab. Puis viennent Médiapart avec 35% de visites issues des réseaux sociaux et Slate.fr avec 30%.
Sur ce créneau, les sites d’infos traditionnels, de la presse magazine ou quotidienne, tournent en majorité sous les 10% d’accès via les réseaux sociaux, pas plus. Lemonde.fr fait 10% – ce qui est déjà énorme étant donnée l’audience du Monde.fr -, lexpress.fr récolte 10% aussi de ses visites par les réseaux sociaux, NouvelObs.com 9%, Leparisien.fr 7%, quand Lequipe.fr et lepoint.fr récoltent 4%.
Les derniers nés en ligne compensent la faiblesse de leur notoriété naissante en s’appuyant sur le partage. Il y a donc bien, ici, une prime aux jeunes médias et aux pure-players sur les réseaux sociaux.
Alice Antheaume
lire le billetDerrière des messages d’insultes qui pullulent en ligne, il y a souvent une initiative journalistique. Une couverture d’hebdomadaire, une nouvelle émission de télévision, un titre d’article, un sujet d’actualité, un journaliste en particulier ou les médias en général… A peu près tout peut déclencher une poussée de réactions ulcérées sur le réseau. Il y a souvent de quoi, c’est vrai. Mais, parfois, la teneur de ces messages ne fait plus la différence entre ce que l’on pourrait se dire intérieurement et ce que l’on formule au vu et au su de tous. Pourquoi? Est-ce là le signe d’un climat de défiance généralisée? La preuve que prolifèrent les “haters“, ces gens qui ne “peuvent pas se réjouir du succès des autres” et préfèrent épingler leurs travers? Sont-ils les nouveaux chiens de garde des journalistes? Explications avec Vincent Glad, journaliste indépendant, contributeur de Slate.fr, ancien chroniqueur pour Le Grand Journal de Canal +, Antonio Grigolini, responsable de la Social TV à France Télévisions, et Michaël Szadkowski, journaliste et social media editor pour lemonde.fr.
Oui, répond Michaël Szadkowski, du Monde.fr, pour qui “on assiste à une radicalisation des commentaires liés au Monde.fr, directement sur le site, ou dans nos discussions avec nos lecteurs sur les réseaux sociaux”. Non, pour Vincent Glad et Antonio Grigolini, qui estiment que les “haters” sont vieux comme le Web – en témoigne ce mème “hater gonna hate”.
“Ce qu’on appelle aujourd’hui le hater, c’est simplement le râleur d’avant”, continue Vincent Glad. Il y a le blasé, le compulsif, le justicier, celui qui se croit drôle, mais “le hater, c’est aussi celui qui regarde sa télévision, trouve que l’animateur ou l’animatrice est nulle, le dirait simplement à sa femme sur le canapé, et, en son absence, il le tweete”, détaille Vincent Glad. Même si le tweet est emporté, voire brutal, l’intention de nuire n’est pas toujours manifeste. Pourtant, il va provoquer, effet boule de neige oblige, une cascade de réactions courroucées. Et pour cause, la colère se propagerait plus vite et plus largement en ligne que la joie, selon cette étude réalisée sur le réseau social Weibo, qui ressemble à Twittter en version chinoise.
Parce que ces messages sont plus visibles qu’autrefois. Aujourd’hui, la “sphère publique a englobé les réseaux (ou s’est étendue aux réseaux), donc cela se voit et s’entend davantage”, m’explique Antonio Grigolini, de France Télévisions. “Quand le Figaro décide de publier une revue de tweets pour le lancement de l’émission Alcaline, sur France 2, on comprend que les réactions dans les réseaux sont scrutées et analysées comme jamais”. Les messages postés en ligne sont devenus un baromètre, ils donnent à voir – en partie et en instantané – la réception qu’ont les utilisateurs de nouvelles émissions et des nouvelles formules des sites d’informations et journaux. Il y a donc un effet loupe, parfois “grotesque”, reprend Antonio Grigolini. Surtout quand, à bien compter, le nombre de tweets sur l’émission est assez réduit.
Pour Vincent Glad, des sites comme le Huffington Post ou Melty jouent un rôle clé dans la “médiatisation de cette colère”. Ils considèrent Twitter comme un “laboratoire des réactions des gens face à une émission, un nouveau clip, une petite phrase et rédigent souvent des articles titrés “Twitter dénonce…” ou “Twitter s’enflamme contre…”, agrégeant ainsi des discussions de canapé pour en faire un mouvement d’opinion. La vraie montée en puissance des haters, elle est là. Dans leur mise en lumière médiatique.”
Et si les sermons adressés aux journalistes feraient partie d’une riposte plus globale visant le pouvoir exécutif? L’hypothèse n’est pas aussi tordue qu’elle en a l’air. “L’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012 a amplifié les critiques en ligne contre les médias”, estime Michaël Szadkowski, du Monde.fr. “Les commentateurs de droite et d’extrême-droite sont particulièrement virulents, et mettent dans le même panier “médias” et “gouvernement”. Ils critiquent soit l’un, soit l’autre, soit les deux, dès qu’ils en ont l’occasion, dans chaque espace où ils auront une visibilité”, observe-t-il. C’est, en effet, le résultat des consignes données par différents partis, l’UMP, le FN, et aussi le Front de Gauche, à leurs sympathisants: il s’agit d’investir le Web pour répandre idées et messages dans toutes les interstices.
Et ils tapent fort pour se faire entendre, sachant que la blogosphère politique française se compose à 14% de partisans de l’extrême droite, à 18% de sympathisants de la droite républicaine, face à une gauche majoritaire à 46,8% selon une cartographie réalisée par l’agence Linkfluence. Ces commentaires sont “souvent extrêmement violents” contre le pouvoir en place, analyse Michaël Szadkowski, qui en a retranscrit la tonalité dans cet article. “Cela n’encourage pas les autres commentateurs moins engagés à rentrer dans la discussion et à calmer le jeu. Il n’y a souvent personne pour les contredire vraiment. D’où l’impression d’une radicalisation des haters qui ont systématisé leurs attaques. Ils ne sont peut-être pas beaucoup plus nombreux qu’avant (il est impossible d’avoir des chiffres), mais ceux qui sont là sont très actifs.”
Pour Antonio Grigolini, en plus des ressorts classiques de la haine (racisme, démagogie…), “il y a clairement un sentiment anti-élite” qui émane des commentaires les plus violents. “Il suffit de songer à la “dieudonnisation des esprits“, ou encore à l’explosion de Beppe Grillo en Italie. Tout le discours de Beppe Grillo et de ses supporters sur les réseaux est un énorme hymne à la haine contre les élites et les castes, à base d’insultes et de virulence verbale.”
La règle d’or, c’est de rester calme. Même si l’attaque fait mal. Pour digérer les attaques, tous les stratagèmes sont bons: aller faire un tour, respirer un grand coup, en parler à ses collègues – y compris ceux qui ne sont pas toujours d’un grand soutien, ils seront peut-être plus justes – pour dédramatiser…
Deuxième principe, accepter que le “traitement” prenne du temps. Il faut d’abord se demander si la critique émise nécessite une réponse ou non. Si celle-ci est légitime, porte sur le contenu de l’article, et non sur son auteur, alors oui, il vaut mieux répondre et préciser ce qui doit l’être. Si, en revanche, la critique concerne les médias en général, du genre “tous pourris”, “tous gauchos”, “tous fascistes”, elle est “manifestement guidée par des idéaux politiques et est évidemment plus compliquée à prendre en compte”, estime Vincent Glad, qui prône alors de ne pas se jeter dans l’arène.
De même, Michaël Szadkowski s’en tient, lorsqu’il répond au nom du Monde.fr sur Twitter, Facebook ou Google+, “à la règle 14 des Internets qui stipule de ne pas argumenter avec les trolls si leurs critiques ne sont pas constructives et ne sont pas en lien spécifique avec des éléments précis d’un article”. Et de citer son collègue Samuel Laurent, journaliste du Monde.fr qui se qualifie sur Twitter d'”appeau à trolls”, lequel “s’emploie à répondre fermement à toutes les personnes qui l’attaquent – il leur explique par A+B qu’elles ont tort, ou les tourne en ridicule pour prouver l’ineptie de leurs critiques”.
Autres conseils utiles: pour répondre à un détracteur, “demandez lui plus d’informations”, recommande Deanna Zandt, sur le site de Forbes. “Ecrivez-lui par exemple en réponse “d’où vous vient cet avis?”, c’est une question sûre, elle n’offre pas de jugement de valeur sur l’opinion de la personne en question, et elle créé l’espace pour qu’une conversation puisse avoir lieu.”
Il ne faut pas hésiter non plus à bloquer les utilisateurs qui sont trop acharnés et excessifs. “Les réseaux sociaux n’ont pas à être des démocraties où chaque message serait valorisé, quel qu’en soit le prix le payer. Sentez-vous libre d’être le dictateur de votre domaine de conversation”, sourit Deanne Zandt. Inutile, donc, de s’emporter. Mieux vaut marquer le pas et ne surtout pas être dans la même tonalité. Ou, mieux, regarder ces célébrités qui lisent, face caméra, les plus méchants tweets qu’elles aient reçu, face caméra. Salutaire.
Et vous, comment faites-vous pour répondre aux critiques?
Alice Antheaume
lire le billetA chaque conférence sur le journalisme, le mot «engagement» est répété à l’envi, que ce soit en français ou en anglais. Compter ses occurrences lors des tables rondes est un exercice éloquent. Dans les articles publiés sur ce blog, j’ai moi-même utilisé ce terme une bonne dizaine de fois. A l’Ecole de journalisme de Sciences Po, l’un des cours, socle de la deuxième année de master, s’intitule «engagement avec l’audience». Or que signifie exactement le terme «engagement»? Sachant qu’à l’origine, en anglais, il désigne des fiançailles, qualifie-t-il la nouvelle relation entre journalistes et lecteurs? Ou les types d’interactions de l’audience avec les contenus? Leur mesure (taux de partage d’un article, nombre de vidéo vues)? Ou un peu de tout à la fois? Pour le savoir, j’ai posé la question à des professionnels des médias, en France, en Angleterre, en Belgique, et aux Etats-Unis.
Samantha Barry, journaliste et productrice à BBC News et BBC World News (Angleterre)
«L’engagement est central pour comprendre et servir l’audience. Il ne faut pas seulement se fier à ce qui est populaire ou ne compter que sur des utilisateurs numériquement avertis. Engagez-vous avec tout le monde, n’excluez personne. A l’ère où les rédactions ont des budgets très serrés, il faut bien réfléchir à ce que le retour sur investissement d’un bon engagement pourrait être. A mon avis, il est inestimable. Audience et engagement sont la clé de tout et m’occupent à chaque moment de la journée. En plus de mon rôle de journaliste et productrice à la BBC, je forme aussi des journalistes dans des pays en voie de développement et dans des zones de conflit et participe à une start-up de partage de vidéos pour les journalistes, appelée Vizibee. Améliorer notre engagement au sein de la rédaction veut dire que notre audience est entendue. Nous réajustons les informations que nous donnons et les sujets que nous couvrons en fonction des réactions de l’audience. Lors des formations, notamment en Birmanie et au Nigeria, nous développons des liens avec des audiences locales afin de comprendre leurs besoins médiatiques. Et enfin, avec Vizibee, l’interaction avec les utilisateurs a défini et redéfini ce qu’est devenue l’application depuis un an.»
Nick Wrenn, rédacteur en chef de CNN.com/international (Etats-Unis)
«A CNN, l’engagement regroupe plusieurs ingrédients de mesure de l’audience: le nombre de pages vues, le nombre de visiteurs uniques par mois, et le temps passé par visite. L’engagement se mesure aussi au taux de complétion observé sur les vidéos. Comme ailleurs, notre objectif est de réduire notre taux de rebond (cela concerne les internautes qui n’ont vu qu’une seule page du site et n’ont pas souhaité visiter d’autres pages, ndlr).»
David Cohn, fondateur de l’application Circa, qui permet de s’informer depuis un mobile (Etats-Unis)
«Je pense qu’il s’agit moins de la mesure des interactions (comment mesurer l’engagement et qu’est-ce que cela signifie?) que du sens éditorial de l’engagement (qu’est-ce que cela veut dire d’avoir une relation avec un lecteur?). Autrefois, c’était simple: nous produisions du contenu, le lecteur le consommait. Désormais, le nombre d’actions reliant le média à son audience s’est multiplié. Le lecteur peut partager, commenter et même contribuer à redéfinir le contenu. Toutes ces actions, déterminées par l’équipe rédactionnelle d’un média, sont des actes d’engagement. Une personne désengagée ne commente pas, ne partage pas, ne contribue pas. Ceci considéré, regardez comment, à l’inverse, il est excitant de voir des utilisateurs s’engager avec un média. Cela signifie que le contenu a, pour eux, de la valeur. Faire en sorte que son audience contribue, de quelque manière que ce soit, a plus de valeur que de n’avoir aucune réaction. C’est préférable pour le journalisme en tant que tel. Cela requiert d’être honnête intellectuellement, franc et transparent avec l’audience.»
MISE A JOUR Jack Sheper, directeur éditorial de Buzzfeed (Etats-Unis)
«A Buzzfeed, quand on parle d’engagement, on parle d’abord d’engagement émotionnel. On a découvert que provoquer une forte émotion – au sens positif – à la lecture d’une publication est de loin le moyen le plus efficace de s’assurer que celle-ci va être partagée. Créer du contenu qui “engage émotionnellement” l’audience, au point qu’elle va partager ce contenu (le tweeter, le poster sur Facebook, l’envoyer par email à des amis, etc.) est une forme d’art. C’est le coeur de ce que l’on fait, et on ne peut pas faire semblant. Recueillir un haut degré d’engagement signifie surtout que l’auteur du contenu a réussi à proposer une approche empathique du sujet – par exemple en anticipant la manière dont les lecteur vont réagir, plutôt que de se contenter de diffuser l’information, ce qui est une façon obsolète de faire de la distribution de contenus à l’ère de Facebook. Cela n’a plus de sens aujourd’hui. Dans cette optique, l’engagement est crucial pour qui s’efforce d’être un éditeur accompli à l’heure des réseaux sociaux.»
Thomas Doduik, éditeur du Figaro.fr (France)
«La notion d’engagement recouvre toutes les actions réalisées par un internaute au contact d’un média, d’un réseau social, d’une marque, lorsqu’il dépasse le stade de simple consommateur d’informations pour en devenir un acteur. Concrètement au Figaro, cela se traduit par la mise en oeuvre d’une stratégie dite “d’entonnoir”. Si la majorité de notre audience se contente d’une relation “passive” (consulter nos contenus), une partie a lien plus étroit avec Le Figaro et peut réaliser un acte d’engagement plus ou moins impliquant: s’abonner à une newsletter gratuite, participer à la conversation en déposant un commentaire, acheter une édition électronique du quotidien ou bien s’abonner à l’une de nos offres digitales. Toutes ces actions nécessitent la création d’un compte “Figaro Connect”. Après trois années d’existence, nous comptons 1,3 millions de membres.
Ce système est extrêmement vertueux pour trois raisons:
1. il renforce le lien entre la rédaction et son audience (au travers notamment des commentaires sélectionnés par les journalistes);
2. il augmente significativement la consultation de nos sites. Un membre Figaro Connect consulte en moyenne six fois plus de contenus qu’un internaute non identifié et passe trois fois plus de temps sur le site;
3. il nous permet de mieux connaitre nos internautes, via les données de surf que nous collectons. Nous sommes ainsi en mesure de leur apporter des informations et services autour de leurs thématiques favorites.»
Michaël Szadkowski, social media editor au Monde.fr (France)
«L’engagement de nos lecteurs recouvre tout ce qui dépasse la simple lecture d’un contenu du Monde.fr. Cela peut se faire de manière assez basique. Un lecteur qui “aime” un article sur Facebook ou Google+, retweete Le Monde.fr ou tweete un de nos articles, s’engage, dans la mesure où il diffuse notre travail d’information. L’engagement plus construit, et plus qualitatif, peut concerner les conversations liées à l’actualité, entre les lecteurs eux-mêmes, mais aussi entre les lecteurs et les journalistes. Il s’agit, à mon sens, d’un nouveau format journalistique, et ce sont les prises de paroles de nos lecteurs qui en est la source. Le lecteur “engagé” réagit au fait d’actualité en lui-même (“Je trouve ça scandaleux”, “Je trouve ça génial”, “Je fais une blague”, etc…), mais peut aussi nous poser des questions (sur notre traitement éditorial, ou sur un point qu’il n’a pas compris), et nous donner des précisions et informations supplémentaires (liens, expertise, etc). A nous, journalistes, de cultiver ensuite cet engagement en valorisant les meilleurs prises de paroles de l’audience, et en répondant aux questions et aux commentaires. Le format, tout comme la qualité, de cet engagement dépendent de l’endroit et des cadres dans lesquelles les conversations ont lieu.
Sur notre page Facebook, il s’agit par exemple des commentaires sous un de nos posts, ou des mails échangés sur la messagerie de la “fan page”. Sur Twitter, il s’agit des gens qui nous interpellent en mentionnant “@lemondefr”, et qui discutent avec nos journalistes sur tel ou tel fait d’actualité. Sur le site, nos lecteurs prennent particulièrement la parole au moment des “lives” et des chats (avec un volume très important de commentaires et de questions postés dans nos fenêtres Cover It Live), et des appels à témoignages (où ils racontent leurs expériences avec des textes, des photos, etc). Nous réfléchissons en ce moment à de nouveaux formats pour dynamiser, et enrichir, ce type d’engagement. Et ce, dans un souci d’enrichissement éditorial, pour nous et pour l’audience. Mais il ne faut pas se leurrer: cela sert aussi à ce que les lecteurs passent plus de temps sur le site, et restent en contact avec “Le Monde.fr” sous toutes ses formes.»
Erwann Gaucher, journaliste à France Télévisions (France)
«Je ferais une distinction entre engagement et interaction. L’interaction, c’est l’audience qui discute d’un sujet traité dans un média, ou d’une émission de télévision par exemple. L’engagement, c’est l’interaction active, poussée et fidélisée, avant, pendant et après la publication ou la diffusion d’un contenu. Cela résulte des mécanismes d’animation de communauté que l’on met en place, via des fonctionnalités et des rendez-vous complémentaires et parallèles aux émissions télévisées, afin que l’audience recommande, partage et agisse concrètement avec le média. Devant l’émission Envoyé Spécial sur France 2, par exemple, l’audience peut interroger, sur Twitter, les présentatrices Françoise Joly et Guilaine Chenu pendant la diffusion des reportages à l’antenne. Celles-ci leur répondent en direct. Capter une conversation pour en publier / passer à la télévision des extraits, c’est pour moi de l’interaction. Proposer à l’audience de sélectionner elle-même l’extrait de l’émission ou de l’événement sportif via un bouton de “snapshot” (les vidéos à la volée, ndlr) et de le partager avec son propre réseau, c’est de l’engagement.»
Damien Van Achter, développeur éditorial, fondateur de Lab.Davanac (Belgique)
«De ma perspective, l’engagement est la résultante d’une processus plus ou moins long d’insertion d’individus, de marques, de médias au sein de communautés d’intérêt. L’engagement se révèle quand des utilisateurs participent de manière pro-active à des processus de co-création de valeur ajoutée, partagent leurs idées, leur énergie et leur temps afin d’entretenir des liens sociaux et affectifs forts, voire à ouvrir leur porte-monnaie pour acquérir des produits ou des services devenus légitime et signes d’appartenance à une ou plusieurs de ces communautés d’intérêt. L’engagement n’est pas une fin en soi, mais aucun projet porté par un individu, une marque ou un média, n’a de chance de récolter un retour sur investissement sans qu’il y ait engagement des communautés auxquelles ils s’adressent.»
Aude Baron, rédactrice en chef du Plus au Nouvel Observateur (France)
«L’engagement est un terme que j’entends surtout dans la bouche des services marketing, pour désigner toutes les actions de l’internaute par rapport au contenu, qu’il s’agisse de lectures, commentaires, likes, partage sur les réseaux sociaux, envoi par mail… J’emploie rarement ce mot, qui reste un peu flou. Dans les faits, je fais attention à toutes les actions des lecteurs pour évaluer le succès, et surtout, la qualité de lecture d’un article, par ordre croissant: vu / lu / liké / partagé / envoyé / commenté. Ainsi, un article qui est beaucoup “vu” peut juste avoir été pris par Google Actu, ça ne voudra pas dire pour autant qu’il a été “lu”. Etre vu, c’est bien pour les stats, mais être lu, c’est quand même ce qu’on recherche. Le nombre de shares et commentaires permet d’évaluer la qualité de lecture avec un peu plus de précision. Ainsi je préfère voir un billet affichant 10.000 vues, 120 commentaires et 1K de partages Facebook, qu’un billet avec 150.000 vus mais 20 partages Facebook et 2 commentaires: la lecture n’aura pas du tout été qualitative.»
Propos recueillis par Alice Antheaume
lire le billetL’immobilier, les régimes, la franc-maçonnerie font partie des marronniers les plus connus de la presse magazine. En ligne, un autre serpent de mer revient de façon cyclique: les blogs, et plus exactement, l’annonce de leur mort. Ces espaces d’expression personnels, popularisés dès 1999 avec Blogger, seraient condamnés aux oubliettes par la grande faucheuse du Net. Pourtant, on dénombre, en France, plus de 15 millions de blogs, et, aux Etats-Unis, près de 329 millions de personnes qui en consultent un au moins une fois par mois. Sans compter toutes les formes dérivées du blog, dont Twitter et Tumblr, qui font florès… Alors que Yahoo! s’appête à racheter Tumblr, une plate-forme à mi-chemin entre le blog et le réseau social, leur disparition n’est pas à l’ordre du jour. Mais, dans un futur proche, quel sort leur est-il réservé? Quel format et quels contenus va-t-on y voir? Quelle utilité les médias qui les hébergent y trouvent-ils encore?
Il y aura à l’avenir deux catégories de lecteurs de blogs, présume Mars Dorian, un consultant américain. D’une part, les lecteurs d’extraits, qui aiment les contenus minimalistes, écrits aussi vite qu’on en parle, pour une consommation de type fast-food dont la richesse nutritionnelle n’est pas avérée, et d’autre part, les lecteurs de dissertations, friands de contenus à haute valeur ajoutée et atemporels, de quasi e-books, qui pourraient devenir des contenus payants, proposés entre 99 centimes et 2 dollars la pièce.
Et pour explorer des nouveaux territoires, le blog devrait être le laboratoire de nouvelles expériences d’écriture, comme celle-ci. Le comédien et écrivain Baratunde Thurston, également collaborateur du site parodique The Onion, a écrit des chapitres de son livre «How to be black» en se prêtant à ce qu’il appelle du «live-writing». En ligne, il a partagé son écran (via l’outil join.me) avec ses lecteurs et a écrit sous leurs yeux, ratures comprises. Un rendez-vous inédit qui a le mérite de repousser les limites du «live» – mais qui nécessite une bonne dose de confiance en soi de la part de l’auteur. Baratunde Thurston a précisé qu’il ne cherchait pas à interagir avec l’audience sur ce qu’il devait écrire ou non, mais plutôt à créer une nouvelle expérience qui le forcerait à terminer son ouvrage.
Le blog «Media Decoder», alimenté par des journalistes du New York Times, a officiellement fermé ses portes le 26 avril 2013. Les contenus qu’on pouvait y lire sont désormais disponibles dans la section médias du nytimes.com.
Pourquoi ce rapatriement? 1. Une raison technique d’abord: le New York Times a un nouveau CMS, baptisé «scoop», dont la promesse est d’être aussi souple et simple que l’interface d’un blog 2. Une raison éditoriale ensuite: parfois, la même information a été traitée à la fois sur le blog et sur le site du média hébergeur, ce qui provoque des doublons et nuit au référencement des contenus en ligne. Selon Bruce Headlam, l’éditeur de la rubrique médias du New York Times, le problème est la «découvrabilité» des contenus sur le nytimes.com, un site immense sur lequel «trouver du matériel peut être ardu», surtout lorsqu’il y a «parfois deux versions de la même histoire, ce qui est source de confusion pour nos lecteurs (et pour les moteurs de recherche)».
Intégrer un blog au coeur du site qui l’héberge est possible lorsque le blogueur est un journaliste de la maison – car on ne donne pas accès au système de publication à des collaborateurs extérieurs -, lorsque le système de publication en question est refait de fond en comble pour proposer les mêmes fonctionnalités qu’un blog ou un micro-blog, et lorsque le blog couvre des sujets liés à l’actualité.
Sur lemonde.fr, les blogs les plus suivis sont Big Browser, un lieu de veille du Web géré de façon tournante par les membres de la rédaction, le blog du dessinateur Martin Vidberg, celui de l’éditorialiste Françoise Fressoz, et Passeur de sciences, écrit par un journaliste scientifique, Pierre Barthélémy. Volontiers en dehors de l’actualité, Passeur de sciences traite ici de la capture d’un astéroïde, là de la médecine regénératrice. Ce dernier permet au Monde.fr d’élargir son offre éditoriale à une thématique s’inscrivant dans une temporalité plus longue.
Même constat du côté de France TV Info: «avoir des blogs invités sert à donner la parole à des experts et à traiter des sujets au “long cours”», détaille Thibaud Vuitton, rédacteur en chef adjoint. «C’est particulièrement efficace quand le blog fédère une communauté et ce n’est pas un hasard si les cartons d’audiences sont les blogs de L’instit ou Mauvaise mère, des espaces identifiés, où de vraies communautés ont été fidélisées».
Enfin, l’utilité cachée des blogs dans une rédaction, c’est de faire prendre le virage du numérique aux journalistes traditionnels. «Quand ils tiennent un blog, ils font ainsi l’apprentissage du Web et de ses réflexes de manière très concrète. Ils voient leurs statistiques, comprennent qui clique sur quoi et quand, et observent les commentaires qu’ils récoltent», m’explique Nabil Wakim, rédacteur en chef du Monde.fr. Cette interaction, vécue in vivo, est plus efficace qu’un long discours.
Twitter permet de faire du micro-blogging, Tumblr de mettre en scène images et GIFS animés, WordPress des plus longs formats. Chaque plate-forme peut donc servir une ligne éditoriale. Bloguer sur WordPress sert à développer une idée en plus de 140 signes, estime Matt Mullenweg, de WordPress, où un post compte en moyenne 280 mots.
Avant, sur un blog hébergé par un média, on écrivait un billet, on le publiait, on envoyait le lien pour relecture à la rédaction, et on attendait que celle-ci le «remonte» sur sa page d’accueil pour obtenir des commentaires de l’audience. Désormais, la remontée d’un blog sur la page d’accueil du média hébergeur n’est plus une condition pour que l’audience y accède. Ce qui compte, c’est le référencement du blog dans les moteurs de recherche et sa recommandation sur les réseaux sociaux. «L’essentiel du trafic de mon blog provient de Facebook», m’informe Emmanuelle Defaud, journaliste et auteure de Mauvaise mère. Quant à ce blog, WIP, il obtient plus de 20% de son trafic via les réseaux sociaux et 50% via le référencement dans Google.
Pour Simone Smith, directrice du marketing de HubPages, c’est la preuve de la faiblesse du format blog, ringard parce que supplanté par les réseaux sociaux, plus puissants, plus actuels, et mieux référencés. Lors d’un discours de quinze minutes au festival South by South West 2013, cette dernière a tenté de prouver que le blog n’est rien sans béquille. «Qui blogue dans cette salle?», a-t-elle demandé. Les trois quarts des personnes présentes ont levé le doigt. «Qui ne publie que sur son blog et pas sur des réseaux sociaux?». Aucun doigt ne s’est levé.
Loin des carcans de leur média, les journalistes trouvent sur les blogs une liberté éditoriale plus grande. Leur écriture y est souvent emplie de verve, d’humeur, voire d’humour; le ton est plus éditorialisant sinon partial; les formats utilisés plus variés, et les angles aussi. «Il y a un plaisir à raconter des histoires, à communiquer avec des personnes qui ont les mêmes centres d’intérêt, à donner son avis quand personne ne me le demande et à exister, au-delà de ma famille et de mon travail», me confie Emmanuelle Defaud, du blog Mauvaise Mère. Bloguer ou micro-bloguer permet un «regard personnel», note encore Thibaud Vuitton, de France TV Info, et «une écriture différente de l’écriture journalistique»…
Etes-vous consommateur de blogs? Aimeriez-vous y voir des expériences de live-writing?
Alice Antheaume
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Les investissements de Jean-Jacques Augier, trésorier de la campagne présidentielle de François Hollande, dans les îles Caïmans, cela provient du projet «Offshore leaks». La révélation des noms du Crédit Agricole et de BNP Paribas, qui conseillent à leurs clients de faire de l’optimisation fiscale, idem. Ces avocats suisses qui ont aidé leurs clients à préserver leur patrimoine du fisc, c’est signé «Offshore leaks» aussi. Qu’est-ce que ce projet? Comment les journalistes enquêtent-ils sur ces fichiers secrets? Qui a donné les tuyaux? Est-ce le futur du journalisme d’investigation? Réponses ci-dessous.
C’est le nom d’une opération orchestrée par l’ICIJ, le consortium international des journalistes d’investigation, basé à Washington, qui implique 86 journalistes de 46 pays, réunis autour d’un objectif: enquêter sur les détenteurs de comptes dans des paradis fiscaux du monde entier.
«Leak» signifiant fuite, en français, le nom de l’opération rappelle bien sûr Wikileaks, l’organisation qui a publié, en 2010, des câbles diplomatiques secrets en partenariat avec des grands médias internationaux,. «Le point commun avec Wikileaks, c’est que la base du travail repose sur des fichiers secrets», m’explique Vincent Fagot, rédacteur en chef adjoint au Monde.fr. «La différence, c’est que ces fichiers ne sont pas accessibles à tous en libre accès, notamment parce qu’ils sont incompréhensibles pour 99.9% des gens».
A une somme titanesque de données: près de 2,5 millions, dont des emails, des passeports scannés, des facturations, des certificats de toutes sortes, des lettres d’avocats, des tableurs. Les télégrammes de Wikileaks, «c’était du narratif, plutôt bien écrit par des personnes travaillant dans des ambassades», reprend Serge Michel, directeur adjoint des rédactions du Monde, «tandis que là, ce sont des données fragmentées et parcellaires qui n’ont pas de sens pour un lecteur».
Cela s’est passé en plusieurs temps. En novembre 2012, le ICIJ prend contact avec Le Monde, qui avait déjà publié deux de leurs enquêtes, pour leur proposer d’être partenaires d’une «opération sur les paradis fiscaux». Le Monde signe. Fin décembre, le ICIJ transmet au Monde un tableur Excel qui réunit, pour la France, 130 noms – le Guardian, également partenaire de l’opération, reçoit, lui, un autre tableur lié à l’Angleterre. Sur cette liste apparaît entre autres le baron Elie de Rothschild, pour lequel il est fait mention de 500 documents associés, mais qui ne sont pas consultables à ce stade, quand, pour d’autres noms, ne figurent que trois pièces. Les données sont en fait tenues secrètes dans une base verrouillée, qui n’est consultable que depuis Washington, le siège du consortium, ou Madrid. En janvier, Anne Michel, la journaliste du Monde qui enquête depuis plusieurs semaines sur le listing, se rend donc à Madrid pour consulter la base de données sous la supervision de l’ICIJ. Ce n’est qu’ensuite que cette base a pu être interrogée à distance, grâce à un moteur sécurisé mis en place en deux semaines par un développeur britannique mandaté par l’ICIJ.
Non, assure l’équipe du Monde, qui a bien sûr essayé de chercher le nom de l’ex-ministre du Budget, ainsi que celui d’autres personnalités politiques, comme Nicolas Sarkozy, mais n’a trouvé trace ni de l’un ni de l’autre. Celà dit, cela ne veut pas dire grand chose, ajoute Serge Michel, car «vous avez vu la complexité du montage des opérations bancaires de Jérôme Cahuzac», qui passerait par un intermédiaire financier, Reyl & Cie, pour ouvrir un compte dit «omnibus» à l’UBS, lequel intègre les fonds de différents clients, dont les noms ne sont pas revélés.
Ils peuvent se connecter sur un forum sécurisé, également mis en place par l’ICIJ, où ils peuvent échanger sur leurs enquêtes respectives. «Une fois qu’on a réuni tous ces reporters, on avait besoin de leur donner des outils pour fonctionner comme dans une équipe», détaille Marina Walker Guevara, directrice adjointe du consortium. «Nous avons beaucoup interagi avec les journalistes grecs, suisses et allemands», assure encore Serge Michel.
C’est là que cela se complique car on ne connaît pas l’identité de la ou des personnes qui ont «volé» ces données, sans doute des ex-employés des sociétés CTL, basé aux îles vierges britanniques, et de Portcullis TrustNet, basé à Singapour. C’est Gerard Ryle, actuel directeur de l’ICIJ, qui a eu le tuyau lorsqu’il travaillait encore en Australie. En l’occurrence, un disque dur sur lequel étaient stockés ces 260 gigabytes de données. «Il est arrivé pour demander un job à l’ICIJ avec son disque dur sous le bras», raconte Marina Walker Guevara au Nieman Lab. L’idée de Gerard Ryle: profiter du réseau international de journalistes d’investigation de l’ICIJ pour passer au crible toutes ces données, un travail impossible à faire seul.
Formellement, la déclaration des droits et des devoirs de Munich, de 1971, stipule que l’on ne saurait «user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents». Or ce ne sont pas les journalistes qui ont dérobé les documents, ceux-ci les ont récupérés, comme souvent, par des sources motivées par le désir de vengeance, de règlement de compte, de dénonciation ou autre. C’est ce qu’il s’est passé, déjà, avec les enregistrements clandestins réalisés au domicile de Liliane Bettencourt par son majordome, et diffusés par Médiapart. Aux journalistes de faire en sorte que les révélations éclairent des faits plutôt que de servir les motivations de leurs sources, parfois obscures. Dans le cas d’Offshore leaks, l’enjeu est clair pour Le Monde. «Pouvoir raconter le fonctionnement des sociétés offshore nous paraît plus important que de faire la fine bouche sur l’illégalité de la source», justifie Serge Michel.
«Hasard du calendrier», répond Anne Michel, journaliste au Monde, qui explique que la date du 4 avril, jour où a été publiée l’histoire de Jean-Jacques Augier, a été fixée par l’ICIJ un mois auparavant. «Nous nous sommes rigoureusement tenus à cet embargo», reprend-t-elle, «nous travaillons sur cette affaire depuis des mois, il nous était impossible de savoir que M. Cahuzac allait passer aux aveux 48 heures avant notre première publication».
Le Monde a beau promettre de publier une dizaine de noms significatifs, il est trop tôt pour savoir quelle déflagration peuvent avoir ces publications. Des médias parlent de «pétard mouillé», d’autres rappellent que certains documents étaient déjà sortis il y a un an. Pour Vincent Fagot, du Monde.fr, les révélations ont une résonance particulière dans un contexte où, à cause de l’affaire Cahuzac, l’évasion fiscale se trouve au coeur de l’actualité et exige un repositionnement du gouvernement sur la question. En France, «c’est moins paillettes qu’en Russie, où des proches de Vladimir Poutine sont apparus dans le listing comme détenant des comptes secrets», dit-il encore. Mais «ce que l’on voit surtout, c’est qu’il y a un certain nombre de patrons de PME qui pratiquent l’évasion fiscale» et que l’on comprend mieux, à la lumière de ces données, comment ces détenteurs de comptes procèdent.
L’organisation ICIJ est financée par des mécènes privés et des dotations individuelles, comme ProPublica, aux Etats-Unis, qui a gagné un prix Pultizer en 2010, ou comme Ciper (Centro de investigation periodística), au Chili. Tous sont des organisations qui financent des productions journalistiques sans en tirer profit. Aucune dépendance, donc, aux revenus publicitaires. Pas d’abonnements non plus. Un modèle qui se développe, encouragé aux Etats-Unis par des sponsors comme les fondations Bill Gates ou Knight, résolument tourné vers l’investigation à plusieurs mains et qui se veut… sans frontière. Une supra rédaction internationale?
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Alice Antheaume
lire le billetAu rayon journalistico-numérique, les paris sont ouverts sur les mutations qui vont marquer l’année à venir. Outre le mot “moment”, en passe de devenir le terme-valise pour qualifier une actualité/un partage/une expérience médiatique, sur quoi miser?
#STRATEGIE
L’année dernière, à la même date, j’avais parié – bien sûr sans le souhaiter – sur des disparitions parmi les médias du Web. La faute à un nombre exceptionnel d’initiatives en ligne, lancées en France, qui se cannibalisent sans doute les unes et les autres et n’ont que le marché francophone comme terrain de jeu. On ne va pas faire semblant de vivre au pays des Bisounours alors que nombreux sont les médias qui, dans l’hexagone, serrent les dents. Citizenside, l’agence de photos communautaires, est en cessation de paiement. Le Monde prétend que le site Rue89 serait en «crise d’identité» un an après son rachat par Le Nouvel Observateur, en décembre 2011, alors que tout va bien, merci, rassurent les équipes. Bref, chacun attaque son concurrent, sa stratégie et ses ressources. Et cela n’est pas prêt de s’arrêter.
Ce serpent de mer n’a jamais vraiment disparu, mais en 2013, «on verra une grande quantité de producteurs de contenus passer d’un modèle économique basé sur la publicité à un modèle d’abonnements ou de paiement à la consultation», annonce le rapport «Digital and Media predictions 2013» publié par l’agence Millward Brown.
«Il ne s’agit pas tant de faire en sorte que les gens paient pour consulter des contenus. Il s’agit de faire en sorte que les plus actifs de ces gens paient», me précise Andrew Gruen, chercheur à l’Université de Cambridge, ancien journaliste pour CNet et la BBC. «Cela peut se traduire par des paywalls qui marcheraient comme des compteurs ou par des publications additionnelles calibrées pour une audience de niche comme Politico Pro».
Le Guardian a sa conférence, «The Changing Media Summit». Mashable a la sienne, intitulée «Mashable Media Summit». All Things Digital en a une série également. En France, Les Echos en organisent, et Libération, dont les ventes en kiosque ont baissé, annonce vouloir miser en 2013 sur le numérique et sur l’organisation de… 23 conférences.
A quoi cela sert-il, pour un média, d’organiser des événéments? A s’offrir, si le programme de la conférence s’avère bien conçu, une campagne d’image pour sa marque. A faire venir des interlocuteurs de renom et à avoir de quoi alimenter des articles en restant à demeure. Et à inviter d’éventuels annonceurs à l’événement.
#FORMAT
J’en ai déjà parlé beaucoup ici. La vidéo en live et/ou découpée en petite séquence pourrait devenir la nouvelle façon de raconter l’information pour l’année à venir. En témoigne la technologie Tout.com, qui permet de publier des vidéos de moins de 15 secondes de façon instantanée, et avec laquelle le Wall Street Journal s’est allié pour lancer sa plate-forme, WorldStream.
Le saut supersonique de Felix Baumgartner, le 14 octobre dernier, à 39 kilomètres de la Terre, a été vu en direct par des millions de personnes – avec un pic de 8 millions de personnes en simultané sur YouTube et une vague d’enthousiasme sur les réseaux sociaux. Derrière cet exploit, une marque de boissons énergisante, Red Bull, qui s’est offert une publicité à vie.
Quant au site américain Buzzfeed, il mélange publicité et rédactionnel – ce que les Américains surnomment «advertorial». Il s’agit de contenus créés par des marques, signalées par la mention «proposé par (nom de l’annonceur)», mais en réalité assez proches des autres productions de Buzzfeed, dont ces listes de Virgin Mobile. Des contenus qui bénéficient parfois du même taux de partage que des contenus journalistiquement “purs”.
C’est Joshua Benton, le directeur du Nieman Lab, qui a insisté sur ce point lors de la conférence sur les nouvelles pratiques du journalisme organisée à Sciences Po le 10 décembre. Fleurissent des applications qui permettent de calibrer les contenus en fonction du support depuis lesquels on les lit. Ainsi, l’application Circa pioche à droite et à gauche les informations les plus importantes du jour et les ré-édite afin qu’elles soient lisibles sur un petit écran de smartphones, avec les faits d’un côté, les photos de l’autre, les citations. Pour ne plus avoir besoin de zoomer, de dézoomer et de scroller sur son téléphone pour espérer lire une histoire. Summly, une autre application mobile, fait des résumés des sources que l’utilisateur sélectionne, en les formatant pour une lecture mobile.
Les contenus «évolutifs» ne sont pas qu’une question de supports. Il s’agit aussi des temps de lecture: si un lecteur vient pour la première fois sur un site, il ne verra pas la même chose que celui qui est déjà venu plusieurs fois, et qui veut donc repérer d’un coup d’œil ce qui est nouveau depuis sa dernière venue, ainsi que le théorise cette start-up appelée Aware.js «Et si on pouvait proposer différents éléments d’un même contenu en fonction de ce que le lecteur sait ou ne sait pas?».
Impossible d’y échapper. Lemonde.fr fait davantage de pages vues depuis son application mobile que depuis son site Web. Le Guardian estime, de son côté, que cette mutation aura lieu à l’horizon de deux ans, même si, à certains moments de la journée, notamment entre 6h et 7h le matin, l’audience mobile du titre britannique a déjà dépassé celle du site Web. L’ordinateur devenu brontosaure face au mobile superstar n’est plus une projection lointaine. Le changement arrive à la vitesse de la lumière, et notamment en France, où 23,8 millions de personnes – 46,6% des Français – sont équipées d’un smartphone, selon Médiamétrie.
#UTILISATEURS
De plus en plus de monde sur les réseaux sociaux (25,6 millions de Français inscrits sur Facebook selon Social Bakers, et plus de 7 millions sur Twitter selon Semiocast), cela finit par faire beaucoup de bruit. Le rôle de filtre du journalisme, qui fait le ménage dans ce gigantesque flux, devient crucial. Problème: les erreurs commises lorsque se déroule un événement en temps réel, comme cela a été le cas avec la publication sur les réseaux sociaux de photomontages clownesques lors de l’ouragan Sandy sur la côte Est des Etats-Unis ou avec la désignation erronée du tueur de Sandy Hook, dans le Connecticut. Des erreurs qui entachent la crédibilité des réseaux sociaux, jugent leurs détracteurs, et soulèvent des questions d’éthique journalistique.
Qu’importe, c’est ainsi que se déroule l’actualité désormais, écrit Mathew Ingram, sur le site GigaOM. «Autrefois, la fabrication de la matière journalistique faisait déjà l’objet d’un processus chaotique mais il ne se déroulait pas sous les yeux du public. Au sein des rédactions, les journalistes et rédacteurs en chef se démenaient pourtant désespérément pour recueillir des informations auprès des agences de presse et d’autres sources, pour les vérifier tant bien que mal, avant de les raconter. L’avènement de l’information en continu, par exemple sur CNN, a levé une partie du voile sur ce processus, mais les médias sociaux ont retiré tout le voile – maintenant, la publication des nouvelles se passe en temps réel, au vu et au su de l’audience.»
Le problème numéro 1 des utilisateurs de smartphones – et surtout d’iPhones: recharger leur batterie de téléphone, à plat après quelques heures d’utilisation. Les prises d’électricité, promesses d’une recharge salutaire, n’ont jamais été aussi séduisantes et les chargeurs aussi sexys. «Bientôt, on posera nos smartphones sur une table et cela les rechargera sans que l’on ait besoin de les raccorder à une prise», espèrent les optimistes. Fourmillent déjà quelques bonnes idées d’accessoires pour accompagner l’utilisation du mobile en déplacement, comme cette coque ou cette trousse dans lesquelles il suffit de glisser son téléphone pour que celui-ci se recharge.
L’idée est évoquée dans le rapport «Digital and Media predictions 2013» de l’agence Millward Brown: le mobile, avec ses capacités de stockage exceptionnelles, «devient la télécommande qui contrôle nos vies (…). Imaginez que vous entriez dans une pièce et que l’ambiance s’adapte soudain à vos préférences personnelles – lumière tamisée, musique jazz qui s’enclenche, et photos de votre plage favorite qui s’affichent sur les murs».
Bref, tout est là, à portée de doigt. Et au fond, votre mobile sait mieux que vous ce qui vous convient puisqu’il connaît tout de vous: qui vous appelez, à qui vous écrivez, quels mots vous employez, quelle musique vous écoutez, à quelle heure vous vous réveillez, quelles photos vous regardez, quels sites vous consultez…
Sur quoi misez-vous pour 2013? Dites-le dans les commentaires et sur les réseaux sociaux. En attendant, très bonnes fêtes à tous !
Alice Antheaume
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