Le futur du journalisme passe par la compréhension du code

Crédit photo: Flickr/CC/dmitry-baranovskiy

Le code, considéré comme la nouvelle langue vivante à afficher dans les CV, fait son apparition dans nombre de programmes scolaires. Aux Etats-Unis comme en France.

Dans l’hexagone, la programmation algorithmique est désormais enseignée dans les classes de Terminales S – il y a même eu une question au BAC 2012 sur le sujet. A l’Ecole de journalisme de Sciences Po, l’apprentissage des grands principes du code devient aussi un pilier de la formation des futurs journalistes.

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Les Terminales S et les étudiants en journalisme…

Via un enseignement intitulé «Langage et développement numérique», qui s’échelonne sur 12 semaines de cours, les étudiants vont s’attacher à comprendre – de l’intérieur – la structure des sites d’infos et des applications des éditeurs.

Car le journaliste de demain, sans lui-même créer des interfaces, doit connaître quelques rudiments de code (HTML, PHP, CSS, Javascript). Objectif: se familiariser avec le monde du développement pour imaginer des formats éditoriaux innovants. Ceci passe par un pré-requis: il doit savoir dialoguer avec les développeurs.

«”Naturellement”, les journalistes et les développeurs ne parlent pas le même langage», observe Damien Van Achter, journaliste, qui enseigne avec Pierre Romera le cours «Langage et développement numérique». «Cette distance se traduit même généralement par un éloignement physique entre la rédaction et les équipes techniques. Il y a une sorte de désamour historique entre ces deux professions, nourri par des relations hiérarchiques parfois complexes, des intérêts à court terme et des préoccupations immédiates diamétralement opposées. Or, c’est précisément par leur capacité d’itération répétée sur le code de leurs différentes plateformes, guidées par des intentions éditoriales innovantes, que des rédactions comme celle du Guardian ou du Huffington Post, par exemple, ont fait la différence ces dernières années.»

Si les étudiants en journalisme parviennent à comprendre le travail des développeurs, sinon plus, ils seront davantage à même, estime Damien Van Achter, de «transformer leurs intentions journalistiques en véritable produit à haute valeur ajoutée pour les utilisateurs». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, au Guardian, la refonte des équipes vise plus de développeurs et moins de journalistes. Pour Alan Rusbridger, le patron du  le patron du Guardian, invité à donner la leçon inaugurale de la rentrée, le futur du journalisme passe par la compréhension du code. Et il n’est pas le seul à penser cela.

Un cours pas si imaginaire

De l’autre côté de l’Atlantique, Brian Boyer, le directeur des applications de NPR, a imaginé le cours qu’il souhaiterait donner à des étudiants en journalisme, un cours qu’il juge essentiel en 2012. C’est fictif – quoique assez réaliste, mais ça vaut le coup de l’oeil. «Le but de ce cours ne serait pas de vous enseigner toutes les compétences nécessaires pour programmer dans une rédaction, mais de vous donner de solides bases pour comprendre cette culture», écrit-il en guise d’introduction, avant de rappeler quels sont les trois ressorts des développeurs:

  1. La paresse (que pourrais-je créer pour réussir à moins travailler?)
  2. L’impatience (attendre, cela me rend fou)
  3. L’hybris (je programme mon ordinateur pour qu’il fasse ce que je veux)

Preuve s’il y en avait besoin que les motivations des développeurs n’ont rien à voir avec celles des journalistes. Ni paresse, ni impatience, ni hybris ne sauraient motiver une bonne enquête. Et c’est même tout l’inverse.

Alice Antheaume

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Les 10 commandements d’Alan Rusbridger

Crédit photo: Raphaëlle Marcadal

W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Eric Scherer, directeur de la prospective à France Télévisions, et enseignant du cours de journalisme entrepreneur à l’Ecole de journalisme de Sciences Po. Il raconte la leçon inaugurale qu’a donné Alan Rusbridger, directeur de la publication du Guardian, à la nouvelle promotion d’étudiants.

Aujourd’hui, c’est comme si nous étions “deux jours après l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, tout est expérimental”, a répété plusieurs fois vendredi 7 septembre 2014, à Paris, Alan Rusbridger, le patron des rédactions des journaux du Guardian, pour décrire l’actuel bouleversement dans le travail des journalistes.

Invité à donner la leçon inaugurale de l’Ecole de journalisme de Sciences Po, il a prévenu les nouveaux étudiants: “depuis cinq ans, les changements dans le journalisme sont profonds. Au 21ème siècle tout le monde est devenu un média mais beaucoup de journalistes ne veulent pas le reconnaître”.


Les points-clés de la leçon inaugurale d'Alan… par ecoledejournalisme

The Guardian, lui, a décidé de profiter de cette nouvelle concurrence, jouant à fond la carte de l’ouverture, de la collaboration et de l’engagement avec ses lecteurs.

Même si pour l’instant les pertes du groupe de presse britannique continuent de se creuser, ses résultats sont impressionnants en terme d’audience, de production de nouveaux contenus et de participation massive du public. Avec une audience en hausse de 23% par an, le Guardian touche chaque jour 3,4 millions de personnes (pour une diffusion imprimée de 220.000 exemplaires). Chaque mois plus de 30 millions de visiteurs uniques se rendent sur ses sites (sans compter les visites sur mobile) et y restent en moyenne 8,5 minutes.

Un tiers de cette audience vient des Etats-Unis, deux tiers hors de Grande Bretagne. Si on excepte le Mail Online, très people et faits divers, le Guardian est le 2ème site de presse mondial derrière le New York Times. Au Royaume Uni, 9ème pour la diffusion papier, il est 1er en ligne.

La participation des lecteurs touche toutes les rubriques ou presque, de la musique au sport, en passant par l’environnement.

  • Musique: production doublée! En 2011, le journal a publié 1.500 critiques réalisées par ses journalistes et 1.600 par ses lecteurs.
  • Voyages, tourisme: “nous sommes devenus un réseau de sites sur les voyages, une plateforme pour les contenus des autres”.
  • TV & radio: “le frontière entre articles et commentaires est en train de s’estomper”. Idem pour la section des livres pour enfants.
  • Environnement: 6 journalistes (contre 2 au New York Times et 1 au Telegraph), plus 29 spécialistes blogueurs sur 4 continents “font que cette section bénéficie de la meilleure couverture du monde”.
  • Science: 13 blogueurs experts aident à la couverture.
  • Education: cette section regroupe une communauté de 100.000 professeurs, qui ont posté l’an dernier plus de 7.000 plans de cours et deviennent des sources pour les articles.
  • Photographie: 10.000 photographes ont posté des images sur cette partie du site.
  • Visualisation de données: 70% est réalisée par les lecteurs.
  • Cricket: 50% de la couverture ce sport pratiqué dans le Common Wealth est assuré par les lecteurs.

Au final, 70 lecteurs sont devenus des auteurs confirmés du journal, qui reçoit chaque mois 500.000 commentaires (contre 8.000 lettres adressées au courrier des lecteurs précédemment).

Toutes ces communautés (gérées par 8 community managers et une douzaine d’autres personnes) sont susceptibles d’être monétisées auprès des annonceurs, indique Rusbridger sans vouloir développer davantage les aspects business.

Crédit photo: Raphaëlle Mercadal

Les 10 commandements

La rédaction est évidemment fortement encouragée à utiliser les réseaux sociaux. “Sur les écrans des ordinateurs des journalistes, Tweetdeck est désormais aussi présent que les fils d’agences de presse”. Twitter est aussi utilisé pour des appels à témoins, par les envoyés spéciaux sur des terrains inconnus. Reditt est également un outil important des journalistes. Le live blogging, que le Guardian se targue d’avoir inventé, est systématique. Mais les formats longs continuent aussi d’être encouragés.

Grâce à l’ouverture des API, les contenus sont distribués sur un maximum d’autres plates-formes: Facebook, Google Current, etc. Quant à Flipboard, il apporte à lui seul un million de personnes en plus par mois.

“Notre état d’esprit est Digital First (le web d’abord, ndlr) (…) Nous sommes devenus un site web géant avec, à côté, une petite équipe print”.

A l’occasion de cette leçon inaugurale, Alan Rusbridger a dressé les 10 commandements de l'”open journalism”, le journalisme ouvert:
  1. Encourage le public à participer
  2. Bannis toute forme de publication qui ferait croire que l’on s’adresse du peuple de haut (de “nous” à “eux”) et ne publie jamais un contenu auquel le public ne peut pas répondre
  3. Implique des tiers dans le processus de pré-publication
  4. Cherche l’aide de communautés qui ont un intérêt commun
  5. Ouvre toi au Web: publie des liens vers l’extérieur et participe au réseau
  6. Agrège, trie et sélectionne le travail des autres
  7. Reconnais que les journalistes ne sont pas les seules voix d’autorité
  8. Tente de refléter la diversité
  9. N’oublie pas que la publication n’est que le début du processus journalistique, pas la fin
  10. Sois transparent et intègre corrections et clarifications.


Les 10 principes du journalisme ouvert, par Alan… par ecoledejournalisme

Interrogé sur les compétences recherchées aujourd’hui pour ses rédactions, le directeur du Guardian a lâché: “nous voulons des gens qui vivent et respirent ce monde numérique et que cette époque enthousiasme”. Un exemple ? “Des journalistes comprenant les données et sachant les exploiter”. Des données qui ne cessent de se multiplier…

“Et nous n’en sommes que deux jours après Gutenberg”, a encore répété Alan Rusbridger.

Eric Scherer

Cet article a été publié à l’origine sur le blog d’Eric Scherer, meta-media.fr.

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Le code, langue vivante 2 des journalistes?

Plus de développeurs et moins de journalistes. C’est ainsi que les équipes éditoriales du Guardian vont être remaniées, a annoncé le rédacteur en chef du quotidien britannique, Alan Rusbridger. Car au Guardian comme ailleurs, le futur du journalisme passe par la compréhension du code.

Pourquoi? Parce que, derrière chaque site d’informations et chaque application mobile, il y a des lignes et des lignes de signes (lettres, chiffres, ponctuation) incompréhensibles pour le quidam mais sans qui, en ligne, il n’y aurait aucun habitacle susceptible d’accueillir des contenus journalistiques.

Il serait donc temps d’apprendre à “taper” ces “lignes” de code. Ou, du moins, à en saisir la logique. D’autant que les “codeurs” incarnent la nouvelle élite, selon le Washington Post. le A l’Ecole de journalisme de Sciences Po, certains étudiants estiment que c’est LA nouvelle langue à ajouter à leurs CV. L’un d’entre eux m’a indiqué, par email, l’existence de leçons, en ligne, gratuites et en anglais, pour commencer à programmer.

Ecole de code

Un clic plus tard, me voici à la Codecademy, la Star Academy du code, un site créé en août dernier par deux compères, Zach Sims and Ryan Bubinski, issus de l’Université de la Columbia, à New York. Leur pari? Faire de l’apprentissage du code une résolution de l’année 2012.

Les journalistes, étudiants ou professionnels, ne sont pas les seuls concernés. Selon ces jeunes entrepreneurs, savoir coder sera, dans les années à venir, aussi fondamental que savoir lire ou écrire. Sims et Bubinski ont déjà convaincu plus de 280.000 “élèves” de suivre leurs cours, dont le maire de New York, Michael Bloomberg. Tous sont désormais inscrits à la Codecademy comme on s’inscrirait à une salle de sport, pour se maintenir à flot. Et les apprentis codeurs tweetent leur progression, sous le hashtag #codeyear.

Au programme, donc, des leçons pour apprendre en s’amusant des langages informatiques, à commencer par Javascript. Oui, “apprendre en s’amusant”. Car la Codecademy repose sur le même principe de “gamification” que le site de géolocalisation Foursquare: chaque exercice réussi fait gagner des points. Puis des badges, dont les participants peuvent s’enorgueillir en les affichant sur les réseaux sociaux.

Scripts, commandes, etc.

En vrai, c’est ultra simple et bien pensé. Même pour des littéraires. “Tout se fait sur Internet et c’est interactif”, décrit Zach Sims, interrogé par CNN Money. “Vous n’aurez jamais besoin de lire un livre sur la programmation puis de vous exercer sur un ordinateur, vous faites juste à ce que vous montre notre programme”.

“Comment vous appelez-vous?”, interroge le programme, en indiquant qu’au moment de taper la réponse, dans un espace ressemblant à un chat de messagerie instantanée, vous devez mettre votre prénom entre guillemets – obligatoire dans Javascript pour les mots, mais pas pour les chiffres. Puis il vous demande de retaper votre prénom entre guillemets et de compléter par .length (longueur, en français) – ce qui donne, dans mon cas, “alice”.length – puis de taper “entrée”. Le programme vous indique alors combien de lettres composent votre prénom. Vous avez ainsi réalisé votre premier “script”.

Ensuite, cela se complique pour passer en revue d’autres commandes, comme envoyer un message d’alerte qui s’afficherait en pop-up depuis un navigateur, ou définir des variables qui correspondent chacun à un jour de la semaine.

26 exercices plus tard, 230 points et 3 badges obtenus au prix d’heures d’acharnement déraisonnable, j’ai arrêté de croire que cela suffirait à me transformer en développeuse accomplie. D’après les fondateurs de Codecademy, rien n’est impossible à condition de suivre le programme pendant un an, à raison d’une leçon par semaine au minimum. Pour l’instant, s’il y a une leçon à retenir, c’est qu’en tapant du code, le seul oubli d’un point virgule à la fin d’une ligne peut ruiner toute velléité de programmation.

Je l’ai déjà écrit dans un précédent WIP intitulé “Premières leçons de code”. S’initier aux rudiments du code, ça sert, pour un journaliste, à «penser» selon deux approches: la forme ET le fond, les interfaces ET les contenus.

En effet, comment, en ligne ou sur mobile, concevoir le meilleur format éditorial possible si l’on ne sait pas ce qu’il est possible de faire ou pas, techniquement parlant? Et comment, dans les rédactions, travailler avec des robots sans comprendre comment ceux-ci sont programmés?

Avez-vous testé Codecademy? N’hésitez pas à écrire vos impressions ci-dessous.

Et merci de partager cet article sur Facebook et Twitter!

Alice Antheaume

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Premières leçons de code

«Ici, c’est un camp d’entraînement, c’est militaire, donc on ne laisse personne derrière». C’est par cette phrase qu’a commencé mon séjour à l’école de journalisme de Chapel Hill, en Caroline du Nord, aux Etats-Unis. Un séjour dénommé «multimedia bootcamp» au cours duquel une vingtaine de professionnels se sont exercés pendant une semaine intensive au «visual storytelling» à l’américaine en produisant vidéos et animations.

A priori, nul besoin de traverser l’Atlantique pour apprendre à maîtriser les logiciels Flash et Final Cut Pro. Sauf que, à Chapel Hill, considérée comme l’une des meilleures écoles du monde en matière d’animations, la méthode est, dit-on, exceptionnelle. Cette Université a formé des infographistes que s’arrachent les sites d’informations américains, dont Gabriel Dance, journaliste multimédia pour le New York Times des années durant, qui travaille désormais pour The Daily, l’application iPad de Rupert Murdoch.

A voir le programme du «bootcamp» (1 jour de reportage sur le terrain, 2 jours de Final Cut Pro, 2 jours de Flash), je me demande de prime abord comment, en cinq jours, un être normalement constitué peut emmagasiner toutes ces fonctionnalités en partant parfois de… zéro. «D’ici la fin du bootcamp, vous saurez produire des animations et serez initiés aux bases d’ActionScript pour un usage journalistique», rassure Don Wittekind, directeur du programme. «C’est garanti». ActionScript, c’est le «langage de programmation» utilisé pour Flash. C’est donc du «code», mais pas le même que le HTML.

>> Petite parenthèse pour ceux qui n’ont jamais vu un bout de code HTML >>

Pour comprendre ce que c’est, allons par exemple sur YouTube. Quand vous cliquez sous une vidéo sur le bouton «partager» puis sur «intégrer», apparaît cela:
<iframe width=”560″ height=”349″ src=”http://www.youtube.com/embed/rwoGa6LB3s0″ frameborder=”0″ allowfullscreen></iframe>

Ce code signifie, en bon français, «fais apparaître sur une page Web un cadre dans lequel on verra la vidéo de largeur 560 pixels et de hauteur 349 pixels, visible à l’adresse url http://www.youtube.com/embed/rwoGa6LB3s0 et permets à l’internaute de la voir en grand écran».

>> Vous avez pris votre première leçon de code HTML. Fin de la parenthèse >>

Faut-il vraiment que les journalistes (et les étudiants en journalisme a fortiori) apprennent à coder? Faut-il qu’ils embrasent ce qui, jusque là, était réservé aux développeurs? Le débat fait rage depuis des années, comme l’a rappelé Ryan Tate sur Gawker: «pour publier sur un blog, un professionnel sait utiliser Photoshop, enregistrer une vidéo, l’éditer, la publier, la podcaster, etc. Coder est la suite logique de cette tendance» à devenir des journalistes multi-tâches.

Une nouvelle corde à l’arc journalistique

Alors oui, il faut donner des cours sur les nouvelles écritures et les langages de programmation, répondent nombre d’écoles de journalisme américaines, dont celle de Chapel Hill et de la Columbia. «Je pense qu’il faut absolument que l’enseignement des animations fasse partie des options possibles pour les étudiants en journalisme», m’explique Scott Horner, directeur exécutif de la société Swarm Interactive et enseignant du cours d’animation pendant le «bootcamp». «Tous n’ont pas le tempérament ou le désir de développer des graphiques interactifs. De même, tous n’ont pas envie d’être des experts de bases de données. Néanmoins, que les écoles y donnent accès montre aux étudiants que ces formats sont des formes éditoriales valables pour le monde du journalisme, ce qu’il doivent — c’est bien le moindre — comprendre.»

A l’Ecole de journalisme de Sciences Po, la demande de la part des étudiants est grande: ils souhaitent avoir la main sur leur production éditoriale de A à Z, y compris quand c’est du flash, et ce, même si ce format n’est pas lisible sur certains terminaux Apple. Ils veulent – et c’est fondé – se sentir libres en maîtrisant la technique, plutôt que l’inverse.

Penser en fonction de deux casquettes

Apprendre à coder – même sans devenir un spécialiste du genre, ça sert, pour un journaliste, à «distribuer» l’information de la meilleure façon possible, lit-on dans cet article du Guardian. Et à «penser» selon deux approches: la forme ET le fond, les interfaces ET les contenus. En effet, comment, en ligne ou sur mobile, concevoir le meilleur format éditorial possible si l’on ne sait pas ce qu’il est possible de faire ou pas, techniquement parlant? Appréhender les bases du code, c’est enfin «saisir les forces et les faiblesses de toutes les méthodes pour raconter une histoire», estime Scott Horner. «Face à une information, tous les journalistes doivent être capables de dire si cette information sera plus parlante pour le lecteur en étant racontée sous la forme d’un texte, d’une vidéo, de photos, d’une carte ou d’un graphique interactif».

«Pour moi, c’est une simple question d’efficacité, explique Rebekah Monson, une ancienne étudiante en journalisme. Plus vite on peut trouver un format à un contenu, plus vite ce contenu sera disponible pour le public.»

La méthode d’apprentissage de l’animation pour journalistes, telle qu’observée à Chapel Hill, va dans le détail du langage, mais elle ne perd jamais de vue deux principes simples:

1. Considérer la technique comme un outil, pas une fin en soi.

«Le plus important, c’est le storytelling», martèlent les professeurs de Chapel Hill, «et cela ne change pas avec le multimédia». En vidéo, en flash, en texte, en photos, qu’importe, rien ne sera journalistiquement valable s’il n’y a pas une histoire forte à raconter.

Et pour avoir une bonne histoire, il faut la construire en trouvant un «héros», le personnage principal de l’histoire, qui va incarner l’information, et le «méchant», qu’il s’agisse d’un humain ou d’un élément contre qui le «héros» doit se battre. «Trop souvent, quand une information concerne une société, les journalistes montrent des plans du logo de l’entreprise, mais ils oublient de connecter l’information de ladite société à l’histoire d’un homme, or c’est cela qui donnerait de la force à l’histoire», regrettent les enseignants de Chapel Hill.

2. Veiller à l’efficacité de l’interface.

Les animations qui partent dans tous les sens, cela fait peut-être de l’effet, mais cela ne sert à rien. La priorité, c’est de concevoir une navigation simple et intuitive pour l’utilisateur. Le but: qu’il trouve ce qui l’intéresse quasi immédiatement. C’est ce que les Anglo-saxons appellent la «usability», la facilité d’utilisation en français.

Parmi les règles de base, il faut faire en sorte que ce qui est cliquable se voit à l’oeil nu, que des boutons avant et arrière soient toujours à portée de clic, que l’information soit immédiatement compréhensible, et pas noyée sous une multitude de gadgets. Et non, ce n’est pas simple comme bonjour à faire.

Désormais, il ne suffit plus de savoir utiliser les réseaux sociaux pour y trouver des informations, il faut encore savoir trouver l’angle pour une information, mais aussi le format le plus adapté à cet angle.

Pour Scott Hurner, cela correspond à un mouvement de fond. «Le journalisme côtoie la technologie depuis un bon moment, depuis l’imprimerie, déjà», rappelle-t-il. «Puis, dans les années 1980, avec l’essor des Mac, les graphistes se mettent à créer des infographies et s’affirment journalistes. Dans les années 1990, les spécialistes de bases de données portent de plus en plus le chapeau de journaliste (comme Sarah Hinman, directrice du pôle «recherche d’infos» à Times Union dont j’ai fait le portrait dans un précédent WIP). Depuis les années 1990, les journalistes sachant coder ont commencé à se servir de ces outils pour faire de l’information autrement.» Et ce n’est que le début.

Pensez-vous qu’un bon journaliste, en 2011, doit savoir utiliser du code mais aussi en connaître les bases? Seriez-vous prêt à apprendre? Et n’oubliez pas de liker cet article, merci!

Alice Antheaume

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