Le code, considéré comme la nouvelle langue vivante à afficher dans les CV, fait son apparition dans nombre de programmes scolaires. Aux Etats-Unis comme en France.
Dans l’hexagone, la programmation algorithmique est désormais enseignée dans les classes de Terminales S – il y a même eu une question au BAC 2012 sur le sujet. A l’Ecole de journalisme de Sciences Po, l’apprentissage des grands principes du code devient aussi un pilier de la formation des futurs journalistes.
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Les Terminales S et les étudiants en journalisme…
Via un enseignement intitulé «Langage et développement numérique», qui s’échelonne sur 12 semaines de cours, les étudiants vont s’attacher à comprendre – de l’intérieur – la structure des sites d’infos et des applications des éditeurs.
Car le journaliste de demain, sans lui-même créer des interfaces, doit connaître quelques rudiments de code (HTML, PHP, CSS, Javascript). Objectif: se familiariser avec le monde du développement pour imaginer des formats éditoriaux innovants. Ceci passe par un pré-requis: il doit savoir dialoguer avec les développeurs.
«”Naturellement”, les journalistes et les développeurs ne parlent pas le même langage», observe Damien Van Achter, journaliste, qui enseigne avec Pierre Romera le cours «Langage et développement numérique». «Cette distance se traduit même généralement par un éloignement physique entre la rédaction et les équipes techniques. Il y a une sorte de désamour historique entre ces deux professions, nourri par des relations hiérarchiques parfois complexes, des intérêts à court terme et des préoccupations immédiates diamétralement opposées. Or, c’est précisément par leur capacité d’itération répétée sur le code de leurs différentes plateformes, guidées par des intentions éditoriales innovantes, que des rédactions comme celle du Guardian ou du Huffington Post, par exemple, ont fait la différence ces dernières années.»
Si les étudiants en journalisme parviennent à comprendre le travail des développeurs, sinon plus, ils seront davantage à même, estime Damien Van Achter, de «transformer leurs intentions journalistiques en véritable produit à haute valeur ajoutée pour les utilisateurs». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, au Guardian, la refonte des équipes vise plus de développeurs et moins de journalistes. Pour Alan Rusbridger, le patron du le patron du Guardian, invité à donner la leçon inaugurale de la rentrée, le futur du journalisme passe par la compréhension du code. Et il n’est pas le seul à penser cela.
Un cours pas si imaginaire
De l’autre côté de l’Atlantique, Brian Boyer, le directeur des applications de NPR, a imaginé le cours qu’il souhaiterait donner à des étudiants en journalisme, un cours qu’il juge essentiel en 2012. C’est fictif – quoique assez réaliste, mais ça vaut le coup de l’oeil. «Le but de ce cours ne serait pas de vous enseigner toutes les compétences nécessaires pour programmer dans une rédaction, mais de vous donner de solides bases pour comprendre cette culture», écrit-il en guise d’introduction, avant de rappeler quels sont les trois ressorts des développeurs:
Preuve s’il y en avait besoin que les motivations des développeurs n’ont rien à voir avec celles des journalistes. Ni paresse, ni impatience, ni hybris ne sauraient motiver une bonne enquête. Et c’est même tout l’inverse.
Alice Antheaume
[…] du Guardian ou du Huffington Post, par exemple, ont fait la différence ces dernières années. Le futur du journalisme passe par la compréhension du codeLe code, considéré comme la nouvelle langue vivante à afficher dans les CV, fait son apparition […]
Alice, merci pour cet article. Autant cette évolution peut être une aubaine pour ceux qui y trouvent un intérêt, autant c’est une petite catastrophe pour les excellents journalistes qui seront pénalisés par leur manque de “compétence Web” alors que ceux disposant en interne de ces compétences pourraient être à leur service.
C’est d’ailleurs la même chose en entreprise, où de nombreuses initiatives de relations publics ou de marketing sont freinées ou rendues impossibles par des contraintes purement techniques de publication.
Il est grand temps que les dirigeants de médias et d’entreprises se rendent compte que l’informatique doit être un outil à leur service, plutôt qu’un frein à leur développement. Ce n’est qu’une question de politique interne et c’est leur responsabilité de prendre cette décision. Et il est certain que comprendre la culture du côté opposé est essentiel.
Une fois de plus, détruisons nos silos !
Merci pour cet article : bien sûr, les journalistes doivent apprendre à communiquer avec les codeurs (sinon en devenir eux-mêmes). Et d’ailleurs, d’une manière générale, l'”honnête homme” du XXIe siècle gagnerait à comprendre la logique de la programmation.
C’était le sens de cette petite chronique, cet été dans l’émission Antibuzz (France Inter) :
http://soundcloud.com/franceinter/la-chronique-de-florent-maurin
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Je suis développeur ET journaliste (depuis environ 35 et 30ans respectivement).
Je plussoie évidemment aux motivations premières du développeur, que je partage intégralement. Mais dans la partie journalistique de mon activité, je bénéficie grandement des outils de flemmards, qui permettent de se concentrer à 99% sur les interviews, enquètes, documentation et rédaction.
Le fait d’être le flemmard qui développe (ou au pire définit ou simplement choisit, beaucoup de choses existent déjà) ses outils les rend parfaitement adaptés à mes activités du moment et aux prospectives.
Bon d’accord…mais qu’est-ce qu’on fait des générations de journalistes qui n’ont pas été confrontées au code ? On n’apprend aux développeurs les bases du journalisme…dans ce cas plus la peine de former des journalistes, si ? Les trentes prochaines années vont être intéressantes !
Informaticien depuis plus de 15 ans, je me “reconvertis” pour devenir journaliste. Je ne vais pas faire un roman des raisons qui m’ont amené à prendre cette décision mais une chose est certaine : Ce n’est pas parce que je n’aimais plus coder. cependant je comprends la nécessité de comprendre la logique des codeurs pour optimiser le travail et surtout maitriser une nouvelle forme d’expression. Car en fait l’information passe autant dans la forme que dans la manière de construire cette forme. Autrement dit, aujourd’hui nous avons la forme, le fond et la manière. Sémantiquement cela correspond à un besoin du lecteur, à une tendance qui en révélant la manière accède à la volonté de donner du sens dans l’écriture journalistique. Pour être plus clair, en accédant à cette troisième dimension de l’écriture on donne encore plus de sens au fait. La datavisualisation en est un bon exemple, On attend pas de cet objet graphique qu’il soit une image mais que le curseur passé sur des points nous donne plus d’information. Transformant le lecteur en enquêteur. Dans votre travail de reconstruction du journalisme ou pour être plus doux, dans la compréhension de ce nouveaux acteur-lecteur que la presse découvre, vous arriverez à la scénarisation de l’information, et même à une forme de “gamification” dans sa production.
C’est à mon avis la direction que prend cette compréhension de la logique du développeur. Elle ne se limite pas à des types de caractère, mais à une logique de coopération, à une logique de progression et à une culture du “réapprentissage” permanent.
Peut-être parce qu’avant de vouloir de jeter des ponts, il faut savoir si on a envie de le traverser. En effet le journaliste n’étant pas hors de la société, il a, lui aussi, besoin de donner du sens à son travail.
e vois quelques articles qui parlent de ce retour du code dans divers domaines.
Y’a du boulot.
Car il y a une tendance depuis le début des années 2000 à plutôt repousser le code et la technique.
1) chez les consommateurs : On est passé du PC à l’IPAD avec un rapport très consommateur à la technologie.
2) du côté des décideurs qui considèrent par culture et/ou intérêt que le code est une affaire secondaire à donner à une bande de geek que l’on peut sous estimer/sous payer/sous-traiter.