La chasse aux trolls s’organise

Les commentaires les plus fréquents, sur un site d’informations généraliste à fort trafic? «Adieu l’artiste» (si une personnalité vient de mourir), «pauvre France» (pour les sujets de la rubrique société, également en politique), «OSEF», l’acronyme de «On S’En Fout» (pour tout type d’article). Sans compter les multiples «les journalistes devraient un peu plus chercher la petite bête avant de véhiculer au mieux des informations imprécises, au pire des manipulations….» et autres «pourquoi traiter de ce sujet stupide alors que des gens meurent en Indonésie/Somalie/Chine».

Ceux-ci côtoient, heureusement, d’excellentes réactions qui apportent un supplément d’information, voire pointent ce que le journaliste aurait pu rater.

A les lire, et, pire, à les modérer, je me demande, au fond, à quoi servent ces commentaires (1.300 sont soumis chaque jour sur lemonde.fr; plus de 2.000 commentaires sur Rue89; et près de 4.000 sur 20minutes.fr). D’où le dilemme: faut-il privilégier le volume, et laisser en ligne les commentaires cités ci-dessus, suivant l’idée que ces commentaires sont le reflet de ce que pensent les lecteurs, idiots ou pas? Ou faut-il supprimer les commentaires dont la rédaction juge qu’ils n’apportent ni fond, ni débat au sujet, voire qu’ils n’ont rien à voir avec le sujet du tout?

Crédit: Flickr/CC/zzathras777

Crédit: Flickr/CC/zzathras777

>> MISE EN GARDE Attention, loin de moi l’idée de retirer toute possibilité de commenter les productions journalistiques. Du journalisme sur le Web sans interaction avec l’audience, ce serait comme une profiterole sans chocolat fondu. Cela n’aurait aucun intérêt. La question, c’est comment organiser l’interaction entre journalistes et internautes pour que l’échange ne soit pas «plombé» par des commentaires incongrus, sur les réseaux sociaux comme sur les fils de commentaires internes des sites d’infos? >>

Cohabitation entre rédactions et trolls

Selon Antonio A. Casilli, auteur de Les Liaisons numériques (éd. du Seuil), les commentaires parasites ne sont pas l’exception, ils sont la règle. «Nous vivons avec les trolls», lâche-t-il, en plein milieu d’un débat organisé par le Spiil, le syndicat de la presse professionnelle en ligne. Un troll, c’est quelqu’un qui va poster des commentaires sans intérêt, sinon celui de casser la discussion de l’audience et de tuer le débat. Il le fait souvent exprès. Et c’est très irritant.

Yann Guégan, community manager de Rue89, veut être positif: «l’intérêt de cohabiter avec les trolls, c’est qu’il y a un côté difficulté intellectuelle, façon “L’Art de la guerre”, pour trouver comment les contrer.» «Les trolls font partie du jeu, confirme Michel Lévy-Provencal, ex-directeur du studio multimédia de France 24, et organisateur des conférences TEDx à Paris. Quand les journalistes s’exposent sur le Net, les “trolleurs” les prennent comme objets de discussion. C’est un grand classique.»

En effet, ajoute Thibaud Vuitton, journaliste au Monde.fr: «On connaît les papiers qui vont susciter des réactions: généralement il suffit qu’il y ait “Sarkozy” dans le titre pour que ça se déchaîne. On remarque aussi que les critiques sur les papiers sont plus acerbes à partir du moment où un article est signé par un journaliste. Les commentaires sont plus neutres quand c’est signé “lemonde.fr”.»

Thermomètre

Le phénomène est tel que les trolls servent au fond de baromètre de visibilité. Car au fond, il serait inquiétant qu’un site d’infos d’envergure ne soit pas «trollé». Cela signifierait que ses contenus ne suscitent pas – assez – de réactions et qu’ils ne sont pas assez populaires. Lemonde.fr est, à ce titre, un cas à part car seuls les abonnés peuvent commenter. «Du coup, ça limite – un peu – les trolls, juge Thibaud Vuitton. Mais ça favorise un autre type de réactions de lecteurs qui, parce qu’ils sont abonnés, parce qu’ils payent pour pouvoir commenter, sont en droit d’exiger quelque chose. Les commentaires du type “Le Monde n’est plus ce qu’il était” ou “Beuve-Mery se retourne dans sa tombe” sont les plus énervants. On peut parler de trolls car ils n’apportent pas grand chose au sujet traité.»

Exportation des trolls sur les réseaux sociaux

Or il n’y a pas que sur les sites Web d’infos que cela se passe. «Sur les réseaux sociaux aussi, il y a des trolls», reprend Michel Lévy-Provencal. Sur la page Facebook d’un site d’infos, et aussi sur Twitter, en réaction à un tweet par exemple. C’est d’autant plus compliqué à vivre, pour les rédactions, que cela signifie que l’interaction et «la modération doivent aussi s’effectuer en dehors du site d’origine.» C”est-à-dire sur tous les espaces où les communautés des sites d’infos s’exportent.

A dire vrai, les rédactions en ont assez des trolls. Surtout les trolls d’extrême droite, plus offensifs sur les sites d’infos, notent les journalistes en ligne, que ceux de l’extrême gauche. Ils ont été à la fête cet été lors des polémiques sur la sécurité, la déchéance de la nationalité et les Roms. Sur les sites d’infos, nombreux sont les articles qui ont été fermés aux commentaires «quelques minutes après qu’ils ont été mis en ligne, voire avant la mise en ligne», me raconte Mélissa Bounoua, l’une des community managers de 20minutes.fr. «Nous avons même pensé faire une journée sans commentaire (sur aucun article).»

«Comme partout, il y a des millions d’abrutis qui polluent les fils de discussion, reconnaît Duy Linh Tu, professeur de journalisme à l’école de la Columbia, à New York (1). Mais si vous prenez le temps de mettre en valeur les commentaires pertinents de ceux qui réfléchissent, vous connaîtrez mieux vos lecteurs, mieux aussi les sujets sur lesquels vous travaillez, et au final, vous améliorerez la valeur de la marque de votre site d’infos aux yeux de votre audience».

Explications: à chaque fois que quelqu’un commente, lit un commentaire ou réagit à un commentaire, l’article et la page de cet article fait un clic de plus. Si les commentaires sont bien modérés et que la rédaction répond elle-même, dans les commentaires, dans le fil Facebook, aux remarques des internautes, l’audience va développer un attachement plus grand pour le site en général. Si tout va pour le mieux, le public va alors davantage s’inscrire aux newsletters, s’abonner aux flux RSS, et se sentir partie prenante de l’information, estime Duy Linh Tu. Bonus non négligeables: les clics sur les commentaires font de la page vue, et aident au référencement du site dans les moteurs de recherche.

Des éloges? Rarement. Des colères? Tout le temps

Sauf que ce serait trop simple. «Les internautes ne commentent pas pour dire que telle ou telle info est chouette. S’ils trouvent l’article bien, soit ils se taisent, soit ils cliquent sur le bouton «I like», rappelle Charles Dufresne, community manager sur les sites d’infos depuis… 2005. Les seules fois où l’on note de l’empathie de la part de l’internaute dans les commentaires, c’est lorsqu’une personnalité meurt, et/ou lors d’un exploit sportif.»

Dans le même temps, les rédactions et les internautes ont commencé à distribuer des mauvais points aux trolls. L’un s’appelle le point Godwin, c’est le pire des mauvais points. Il repose sur le principe que «plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler» devient forte. En France, un autre mauvais point est apparu, et ce, dès le 14 janvier 2007, au congrès de l’UMP porte de Versailles, lorsque Nicolas Sarkozy annonce qu’il sera candidat à la présidence de la République.

«C’est à partir de cette date que l’on note l’apparition du point Sarkozy reprenant le principe du point Godwin», se souvient Charles Dufresne. Cette fois, «plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant Sarkozy et L’UMP» devient forte. Illustration par l’exemple via ce commentaire sous un article sur la menace terroriste de Ben Laden: «Ben Laden/Sarko, même combat». Heureusement, cela reste un phénomène «infinitésimal, reprend Yann Guégan, même si «l’on a de vrais cas psychiatriques, des trolls acharnés qui nous traitent de “bande de BIP de gauchistes” et font du harcèlement numérique. Ils changent de comptes, t’embrouillent la tête et montent les internautes les uns contre les autres. Jusqu’à ce que tu comprennes que c’est la même personne qui fait les questions et les réponses sous différentes identités.»

L’insulte par mimétisme

Autre phénomène récent: le mimétisme entre le ton relevé dans les propos de personnalités publiques et celui des commentaires des internautes. Avec les dérapages langagiers de Brice Hortefeux, de Jean-Paul Guerlain au JT, «l’internaute se dit qu’il peut faire pareil, et se met à paraphraser l’insulte, dans les commentaires», sur le site d’infos comme sur les réseaux sociaux.

L’insulte, la diffamation, le racisme, la xénophobie, l’homophobie, etc… tout cela doit être supprimé sans délai sur les sites d’info, qui sont, en tant qu’éditeurs, responsables devant la loi de la bonne tenue des débats.

Les trolls le savent bien, et, même s’ils accusent les modérateurs d’être des «censeurs», ils s’adaptent à la marge. Ainsi, ils se sont mis à faire du LOL, qui n’est pas modérable, note Charles Dufresne. Lors du chat avec Benjamin Lancar, porte-parole des jeunes populaires, l’un des 10 articles les plus commentés de toute l’histoire de 20minutes.fr, ont ainsi surgi des commentaires qui passent par l’humour plutôt que par l’insulte: «Hey Benji! Petite question indiscrète… Es-tu inscrit sur DroiteRencontre?»; «Benji, étais-tu celui qui, dans la classe, recevait les boulettes de papier dans la tête?»; «Pensez-vous adopter un lolcat pour améliorer votre popularité sur la toile du web 2.0?».

Pour Yann Guégan, il n’y a pas que les trolls qui ont mûri, les rédactions aussi. «Au fil de l’eau, on a appris une chose: ceux qui commentent le plus souvent ne sont pas les plus pertinents. Alors que quelqu’un qui n’aura rédigé qu’un seul commentaire peut s’avérer très brillant.»

Quatre organisations à la loupe

Face aux trolls et autres commentaires désarmants, voici quatre tentatives d’organisation des réactions de l’audience qui valent le coup d’oeil:

1.     Le tagage des commentaires, façon Gawker

Gawker, qui voit son flux de commentaires augmenter et cherche à ce que ceux-ci soient de qualité, a institué un nouveau système. Selon les explications données le 14 septembre dernier, les commentaires ineptes peuvent désormais être tagués individuellement, par les modérateurs, de mots-clés pas très charitables, tels que #horssujet ou #bancal. Ils sont alors sortis de l’article où ils ont été postés à l’origine, et deviennent visibles dans des pages taguées selon les catégories suivantes: «patrouille de trolls» (#trollpatroll); «fans de» (#fanboys) pour les «gens qui ont perdu tout sens critique au profit d’une marque ou d’une idée, et qui sont fermés à toute discussion»; «suspension de séance» (#timeout) pour ceux qui méritent d’être bannis; «zone fantôme» (#phantomzone) pour ceux qui ne savent pas écrire correctement deux phrases et font des remarques stupides; et «bruit» (#whitenoise) pour «ceux qui parlent de rideaux alors que l’article porte sur tout autre chose». En clair, cela revient à envoyer le troll au piquet, visible de tous, sur une page dédiée à sa bêtise. La correction par l’exposition publique au ridicule, donc, plutôt que par l’éviction.

2.     Le statut de commentateur VIP, façon Huffington Post et Reuters

Comme sur le Huffington Post, Reuters a institué un système selon lequel les commentateurs passent des niveaux, et obtiennent des «pouvoirs» au fur et à mesure de leur progression, comme dans un jeu vidéo. Au début, ils sont simples «nouveaux utilisateurs», leurs commentaires sont modérés a priori par la rédaction de Reuters. A chaque fois que l’un de leurs commentaires est validé, ils gagnent des points. Au bout d’un certain nombre de points, ils deviennent «utilisateurs reconnus», et là, leurs commentaires sont validés a priori – c’est-à-dire qu’ils sont publiés aussitôt qu’ils sont écrits, sans devoir attendre la validation du modérateur.

Cependant, met en garde Dean Wright, de Reuters, la rédaction regarde a posteriori les commentaires ainsi publiés. Si le commentaire est pertinent, l’utilisateur gagne d’autres points. En revanche, si le commentaire est malvenu, que la rédaction doit le supprimer après publication, l’utilisateur reperd des points. A l’issue de ce comptage, l’utilisateur reconnu peut accéder, au bout d’un certain nombre de points, au statut d’utilisateur VIP, expert, etc. «Ce système n’est pas parfait, glisse Dean Wright, mais nous pensons que c’est un début qui facilitera les échanges civiques et récompensera une discussion ouverte à toutes les franges de la société.» «La notion de badge, de réputation, fonctionne très bien, analyse Michel Lévy-Provencal. Car cela fait émerger des personnages clés issus du public, qui vont permettre l’auto-régulation des débats».

3.     Le classement des commentaires, façon The Daily Mail et Rue89

Le Daily Mail a organisé son flux de commentaires en quatre catégories: les plus récents, les plus vieux, les mieux notés, et les moins bien notés. Façon de gérer le flux et laisser les autres utilisateurs décider, en votant, de  la qualité des réactions. Rue89 le fait aussi, dans une moindre mesure: la rédaction sélectionne les commentaires les plus enrichissants sur un article, lesquels s’affichent par défaut sous le contenu, alors que les autres sont moins visibles, et les internautes peuvent voter pour un commentaire – mais une bonne évaluation ne provoque pas la remontée en tête du fil du dit commentaire, précise Yann Guégan.

4.     L’identification des commentateurs, façon Slate.com

A ceux qui s’arrachent les cheveux devant les commentaires anonymes de «lombric118», qui peut être banni puis revenir en s’inscrivant sous le pseudo «lombric128», Slate.com a choisi de ne pas publier de commentaires non identifiés. Or pour y parvenir en un clic, Slate.com demande à ses internautes de s’identifier via leur compte de leur choix (compte Facebook, Twitter, Google, Yahoo!, Friend Feed, etc.). Les identifiants et mots de passe sont donc ceux que l’internaute utilise déjà sur l’un de ces comptes. En outre, cela permet au débat de se faire avec des commentateurs plus engagés dans la mesure où ils sont définis par la page profil de leur réseau social. Avec leur photo, leur métier parfois, et leur vrai nom le plus souvent.

«Le jeu en vaut la chandelle, conclut Thibaud Vuitton. C’est quand même une des plus belles choses que le Web a apporté au journalisme: nous sommes en prise directe avec notre audience.»

(1) propos recueillis par chat

Et vous, comment faites-vous pour lutter contre les trolls et gérer le flux de commentaires?

Alice Antheaume

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Où sont passées les communautés des sites d’infos?

Crédit: Flickr/CC/Gerlos

Crédit: Flickr/CC/Gerlos

Une heure après la diffusion de l’émission Les Effroyables Imposteurs, mardi 9 février sur Arte, on trouvait seulement 9 commentaires d’internautes sur le site de la chaîne. Sur Twitter et Facebook, au même moment, une centaine de messages parlant de l’émission affluaient.

En ligne, il n’y a plus, figée dans un seul et même endroit, ce que l’on appelait autrefois une «communauté». Celle-ci, éparse, se dilue ailleurs, sur les réseaux sociaux et sur d’autres sites que le seul site émetteur de l’information / émission commentée. Le phénomène n’est pourtant pas nouveau. Quand, en mai 2009, est publié l’article «Les forçats de l’info», sur la condition des journalistes Web, il fait l’objet d’une pluie de réactions de la part des intéressés. Mais pas dans l’espace prévu à cet effet sous l’article publié sur lemonde.fr — neuf mois après, il n’y a que 23 commentaires. Non, ce sont sur les blogs, sur Twitter, sur Facebook, que le débat s’est créé. Et même sur des médias concurrents, qui ont voulu donner à leur tour leur version du sujet.

Dilemme

La question en turlupine plus d’un: comment faire du participatif sur son site si celui-ci ne détient plus de communauté circonscrite? Comment pister les réactions des internautes si celles-ci sont délocalisées sur le réseau?

C’est tout l’enjeu de l’initiative menée par Europe 1. Alors que Jean-Pierre Elkabbach interviewe François Fillon à l’antenne, mercredi 4 février, une petite vingtaine d’internautes triés sur le volet commentent l’interview en simultané sur Twitter. «J’avais suivi l’émission Paroles de Français, sur TF1, avec Nicolas Sarkozy, à la fois devant ma télé et devant Twitter, me raconte Patrice Thomas, chef du service reportages à Europe 1. C’était une expérience très riche, comme si j’avais des copains sur mon canapé qui commentaient en temps réel ce que je voyais. Quasiment une télé en 3D dans l’esprit». «On a voulu tenter l’expérience sur Europe1.fr, faire naître une grande conversation que l’on suit en ligne si l’on veut. Une autre antenne, en quelque sorte. Mais si certains préfèrent, ils peuvent écouter seulement la radio.»

Sauf qu’Europe 1 n’est pas allé chercher ses copains parmi ses auditeurs: «Le but du jeu, c’est d’enrichir l’interview qui se déroule en faisant appel à des experts», reprend Patrice Thomas. Le rôle de ce panel – une vingtaine de personnes repérés sur le Net et gros utilisateurs des réseaux sociaux, dont Thomas Bronnec, rédacteur en chef adjoint de lexpansion.com, Maître Eolas, blogueur spécialiste du judiciaire, Emile Josselin, responsable des contenus Web du PS, Vinvin, blogueur et auteur de contenus vidéos en ligne: faire du «fact checking» en temps réel, c’est-à-dire de la vérification d’informations. «Un journaliste qui interviewe un membre du gouvernement en quelques minutes en direct est en speed total. Difficile pour lui de percuter immédiatement quand son invité lâche une énormité», m’explique Emile Josselin, l’un des participants. «Du coup, avoir des personnes qui questionnent le discours en temps réel, cela peut être d’un certain secours.»

Des commentaires de faits plutôt que des faits

Les contributions des «experts», ainsi triés sur le volet et sélectionnés à l’extérieur, sonnent-elles le glas de celles apportées par les lecteurs du site? Les internautes d’Europe 1 ne sont-ils pas à même de faire ce «fact checking»? La difficulté, répondent les éditeurs, est double: dans l’idéal, il faudrait que les internautes soient à la fois très réactifs ET capables de produire du contenu de qualité. Ce qui, pour l’instant, n’est pas le cas en France, même si, aux Etats-Unis, le Washington Post vient de lancer Story Lab, pour que journalistes et internautes travaillent ensemble à trouver des sujets, et se partagent des sources.

Coïncidence ou pas, tandis qu’Europe 1 se déplace vers un réseau social, en l’occurrence Twitter, pour sélectionner des «experts», quelques jours plus tard, lemonde.fr et lefigaro.fr – les deux plus gros sites d’infos français – mettaient en place un système inverse. A savoir créer une sorte de réseau social à l’intérieur de leur site. Ils ne sont pas les premiers à avoir eu l’idée: avant eux, le New York Times et le Guardian ont installé un «mini Facebook» dans leurs pages.

Labyrinthe d’identifiants

Avoir un réseau intégré permet de booster le temps passé par les internautes sur ledit site, une donnée qui peut avoir de l’importance pour les annonceurs. Le problème, c’est la masse de commentaires à modérer. Chaque mois, environ 100.000 commentaires sont postés sur 20minutes.fr, et près de 300.000 sur lefigaro.fr. «Avec notre nouveau système, il faut désormais être obligatoirement inscrit pour pouvoir commenter», détaille Luc de Barochez, le directeur de la rédaction du figaro.fr. «Le but? Avoir peut-être moins de commentaires mais de meilleure qualité pour animer ce que l’on appelle la «une plus» (la page d’accueil participative) du site». Que les internautes puissent relater des faits, Luc de Barochez n’y croit pas trop. «On ne compte pas remplacer les journalistes par les internautes. On est davantage dans l’idée d’avoir, de la part des contributeurs, des discussions autour de l’information, des témoignages, des réactions qui viennent des tripes, voire des analyses.» «Les gens adorent commenter l’actualité, alors autant qu’ils le fassent sur lefigaro.fr», ajoute Antoine Daccord, responsable du participatif sur le site.

Mais ce n’est pas si simple. Surtout pour l’internaute, avec ses identifiants multiples — et autant de mots de passe à gérer. Les internautes, dont on sait que la lecture est fragmentée, lisant ici un blog, là Slate.fr, plus loin nouvelobs.com et Liberation.fr, jonglent entre leurs inscriptions sur ces différents sites s’ils veulent commenter. Ce qui explique en partie pourquoi les réactions à l’actualité se font sur les réseaux sociaux, là où ils passent de plus en plus de temps, filtrent leurs lectures, et où ils possèdent déjà un profil avec un mot de passe dont ils se souviennent.

La solution serait de pouvoir réunir tous les commentaires, sur quelque site d’info qu’ils soient, dans un seul endroit. Google y a déjà pensé. Et lancé, en septembre 2009, Sidewiki, un plugin intégré à sa barre de navigateur, qui permet de laisser des commentaires sur n’importe quel site, le tout étant agrégé de façon universelle. De quoi faire définitivement voler en éclat la notion de communauté d’un site d’info? «Le community management externe, c’est indéniablement le prochain travail à faire en 2010», sourit Antoine Daccord.

Alice Antheaume

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Liens du jour #9

Comment détruire votre communauté en dix leçons? (Framablog)

Une école de journalisme, pourquoi faire? Le témoignage de Cécile qui a suivi les cours de… DEUX écoles de journalisme, l’une à Sciences Po, Paris, et l’autre à la Columbia, New York (Le Médialab de Cécile)

Le “Twitter killer” de Google, une réponse aux erreurs du passé sur les réseaux sociaux (Scobleizer)

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Liens du jour #2

– Facebook met en place son propre RT (ReTweet), comme sur Twitter (Mashable)

– La mesure de l’audience, une donnée qui ne veut pas dire la même chose pour les annonceurs et pour les éditeurs (Poynter)

– L’acteur Ricky Gervais trouve que Twitter est un outil pour ados, pas pour adultes (Ecrans)

– Un projet rédactionnel, web et print: une rédaction avec des reporters, des “curators”, et des chroniqueurs d’un côté, des secrétaires de rédaction et des “community managers” de l’autre (Demain tous journalistes?)

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