L’année dernière, les Français étaient très actifs pour commenter les informations en ligne et répondre à des sondages portant sur l’actualité. Cette année, ils ne participent plus autant. Ils disent préférer s’informer par les médias traditionnels, tout en ne boudant pas leur plaisir lorsqu’il s’agit de suivre un “live”, ce format qui permet de raconter en ligne, au fur et à mesure, via texte, son, vidéo, image et interaction avec l’audience, un événement.
C’est ce que révèle la nouvelle étude intitulée “digital news report” publiée par le Reuters Institute for the Study of Journalism ce 20 juin 2013. En comparant les usages des consommateurs d’informations en France, en Angleterre, Allemagne, Espagne, Italie, Danemark, aux Etats-Unis, au Brésil et au Japon, elle dégage les spécificités des consommateurs d’informations en fonction de leur pays d’appartenance. Et donne à voir un portrait réactualisé du consommateur d’informations en France.
Le Français, donc, se fie volontiers aux médias traditionnels pour accéder aux actualités, et notamment à la télévision, alors que le pays bénéficie d’un taux de pénétration d’Internet important (80%) et d’un nombre de pure-players exceptionnel. Paraxodal? La France est le seul pays étudié où même les moins de 34 ans conservent une forme de “loyauté envers la télévision”, note le rapport, et ce, alors que, partout ailleurs, Internet est la principale source d’informations pour les moins de 45 ans.
L’attachement aux médias traditionnels se retrouve en Allemagne où les habitants, bien que très connectés (83% de taux de pénétration d’Internet), restent fidèles à la télévision et continuent à lire des journaux imprimés chaque semaine. Pour s’informer, les Japonais et les Américains, eux, utilisent plutôt des pure-players et des agrégateurs en ligne tandis que les Brésiliens – l’échantillon porte sur ceux qui vivent en ville – se tournent en majorité vers les réseaux sociaux.
L’engouement pour l’élection présidentielle étant passé, la verve française serait retombée alors que la France était en 2012 le pays européen “le plus engagé” en ligne, participant à la construction de l’information et répondant à qui mieux mieux à des sondages sur l’actualité. Un engagement qui, d’après l’étude, s’est effondré en 2013. Autant dire que ni l’affaire Cahuzac ni le débat sur le mariage pour tous n’ont suffi à re-mobiliser les commentaires des internautes.
Cette année, pour discuter de l’actualité, le Français en parle avec sa famille et ses amis, en envoyant l’information qu’il a repérée par email ou, encore, en la recommandant sur un réseau social. Sur le créneau de la participation, les Français se font donc distancer par les Américains et les Espagnols, les plus actifs dans le partage de liens, et par les Brésiliens, les plus gros commentateurs d’articles sur les sites d’informations.
Les Français apprécient avant tout les articles de type “liste” – vous êtes vous-même en train d’en consulter un exemple ici -, les blogs, les vidéos et les sons, et, spécificité hexagonale, les “lives” qui privilégient l’instantanéité et sont réactualisés en temps réel pour raconter un événement inopiné ou un match sportif. Sur ce point, ils talonnent les Japonais, très friands de ce type de format. A l’opposé, les Danois et les Allemands se tournent plus volontiers vers des contenus plus longs.
Le Français aime la politique, les actualités qui concernent son pays, les informations internationales, mais il aime beaucoup moins les informations locales, notamment sur sa ville, les informations people ou l’“entertainment”, ainsi que les informations sur la bourse et la finance. En outre, exception culturelle française ou pas, il ne semble pas non plus se ruer sur les informations concernant l’art et la culture.
Pour trouver des informations en ligne, les Français passent par les moteurs de recherche, un chemin d’accès majoritaire – un Français effectue en moyenne 134 recherches en ligne par mois -, bien loin devant la recommandation sociale et les agrégateurs. Au Japon, à l’inverse, ce sont en majorité les agrégateurs qui permettent d’accéder aux informations, quand, au Brésil, ce sont les réseaux sociaux qui y mènent.
Ordinateur? Tablette? Smartphone? Tout à la fois? Dans tous les pays sondés, de plus en plus d’utilisateurs s’informent via une combinaison de plusieurs outils. Un tiers des répondants utilisent au moins deux supports, et c’est le plus souvent l’ordinateur et le smartphone. Est aussi en vigueur l’alliance de l’ordinateur et la tablette, voire l’utilisation des trois (ordinateur, téléphone et tablette) en même temps. Tandis que les Danois dégainent par réflexe leur smartphone pour accéder aux informations, les Français sont toujours, pour la majorité d’entre eux, des usagers fidèles de l’ordinateur, avant le smartphone, et avant la tablette.
En 2012, seuls 8% des Français sondés avaient payé pour accéder à des informations en ligne, selon la précédente étude du Reuters Institute. En 2013, ils seraient désormais 13% à avoir franchi le cap. Fait notable, les utilisateurs les plus enclins à passer à l’acte ont entre 25 et 34 ans. Et ils le font davantage depuis une tablette, ainsi que depuis un smartphone, plutôt que via un ordinateur fixe.
En France et Allemagne, relève l’étude, il y a une corrélation entre le montant des revenus et l’acte d’achat: les foyers gagnant plus de 50.000 euros par an sont deux fois plus prêts à acheter de l’info en ligne que ceux qui gagnent moins de 30.000 euros par an. Enfin, en France, l’achat d’une application constitue l’acte de paiement le plus fréquent pour accéder à des infos en ligne, alors que s’abonner aux sites d’informations prévaut aux Etats-Unis et au Danemark.
Alice Antheaume
lire le billetLe futur du journalisme passera par les mastodontes de la technologie. C’est l’une des conclusions que tire le rapport annuel du Pew Project for Excellence in Journalism, The State of the News Media 2012.
Session de rattrapage pour ceux qui n’auraient pas encore eu le temps de parcourir cet état des lieux sur les médias aux Etats-Unis.
1. Relations unilatérales entre éditeurs et entreprises de nouvelles technologies
Ceux qui mènent la danse s’appellent Amazon, Apple, Facebook et Google. Les rédactions, elles, cavalent derrière pour suivre le rythme.
Pour attirer de l’audience et pour diffuser des contenus, les médias (se) sont soumis aux règles des géants de la technologie. Une dépendance déjà annoncée dans le rapport de l’année dernière.
En 2012, la tendance se confirme. Certes, le Financial Times et le Boston Globe ont créé des applications en HTML 5 pour pouvoir les changer à leur guise sans devoir soumettre les mises à jour à la validation d’Apple. Mais ce type d’émancipation reste limité, estiment les auteurs du rapport, Amy Mitchell et Tom Rosenstiel.
Alors que Apple, Google, Amazon et Facebook tentent d’accompagner chaque seconde de nos vies numériques (terminaux, moteurs de recherche, navigateurs, réseaux sociaux, messageries, plates-formes de jeu et de commerce en ligne), vont-ils finir par s’offrir des médias? Possible, mais à condition qu’ils y “trouvent un intérêt”, reprennent les auteurs. Et qu’ils considèrent que ces médias puissent constituer l’un des ingrédients du “tout numérique” qu’ils entendent proposer aux utilisateurs…
2. La montée du mobile et une lecture plus “immersive”
“Plus de 4 adultes américains sur 10 possèdent aujourd’hui un smartphone, et 1 sur 5 une tablette. Les nouvelles voitures que l’on fabrique intègrent de l’Internet à bord.” En tout, plus d’un quart de la population américaine, soit 27%, s’informe maintenant via mobile.
Et c’est une bonne nouvelle pour les médias. Car la consommation d’informations en mobilité s’ajoute à celle via des supports plus “traditionnels”. “8 Américains sur 10 consomment des informations depuis leur mobile et s’informent aussi sur leurs ordinateurs”, en se tournant davantage vers des marques de presse historiques et en témoignant d’une immersion plus intense, précise le rapport.
Conséquence: l’émergence de nouveaux usages avec une lecture de l’information qui permet de faire une pause, de lire en différé, de surligner des idées importantes sur l’actualité. D’où la demande pour de longs formats journalistiques, ce que les intervenants du festival South by South West, à Austin, avaient aussi martelé.
Enfin – et c’est un phénomène nouveau – la montée du mobile a fait venir au numérique – et au journalisme numérique – une catégorie de la population américaine, plutôt rurale, qui avait raté l’étape de l’ordinateur.
3. L’impact relatif des réseaux sociaux sur la consommation d’infos
La population américaine, de plus en plus présente sur les réseaux sociaux (133 millions d’Américains sont inscrits sur Facebook, 25 millions sur Twitter), y passe en moyenne 7 heures par mois. Pourtant, cela n’a pas (“encore”, tempère le rapport) l’effet escompté sur l’apport d’audience pour les médias.
En effet, moins de 10% de internautes lisent “très souvent” des informations repérées grâce à la recommandation sociale de leur communauté sur Facebook ou Twitter, quand 36% vont “très souvent” consulter les actualités directement sur une application ou un site Web, 32% passent par une recherche avant de tomber sur une information et 29% se tournent vers des agrégateurs de contenus.
Pour Amy Mitchell et Tom Rosenstiel, ce n’est qu’une question de temps, les réseaux sociaux étant appelés à générer de plus en plus de trafic sur les éditeurs de contenus.
4. Le “modèle” de l’abonnement en ligne
Et si, d’ici 5 ans, les journaux n’imprimaient plus qu’un ou deux exemplaires par semaine, l’un porté à domicile le dimanche, et le deuxième un autre jour de la semaine, plutôt propice aux revenus publicitaires sur l’imprimé? Ce scénario n’est pas si fictif, écrit ce rapport, au vu de la crise continuelle subie par les journaux imprimés.
Engluées dans la crise de la presse imprimée, un très grand nombre de publications pourraient ainsi se tourner vers le modèle par abonnement en ligne, sans doute influencées par le système payant du New York Times qui a récolté quelques 390.000 abonnés.
“Les journaux ont perdu tellement de leurs revenus publicitaires – plus de la moitié de leurs revenus depuis 2006, que, sans perfusion de revenus par abonnement en ligne, certains ne pourront pas survivre.”
5. Le retour de la télévision?
Même si la plus forte croissance se fait avant tout sur les sites d’informations, l’audience sur les chaînes de télévision qui font de l’information aurait augmenté de 4.5% en un an. Une “première depuis 10 ans” aux Etats-Unis, salue le rapport. Inattendue, cette percée profite à CNN, MSNBC, au détriment de Fox News, qui décline.
Difficile de savoir à quoi cette croissance est vraiment due. Est-ce la résultante de la Social TV, qui peut pousser à regarder des programmes télévisuels très commentés sur les réseaux sociaux? Ou le fait d’une riche actualité, faite des révolutions arabes notamment? Selon le rapport, “cette croissance peut être de courte durée et fonction d’actualités très visuelles plutôt qu’à un vrai changement d’habitudes”.
AA
lire le billetUne élection politique peut-elle se gagner sur les réseaux sociaux? La question fait l’objet d’une étude aux Etats-Unis, et suscite, en France, beaucoup d’interrogations à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, ce dimanche 22 avril.
Et pour cause, les Français sont désormais connectés. 75% des Français sont des internautes, et 25 millions sont inscrits sur Facebook sur une population globale de 66 millions, dont 43 millions sont électeurs.
Problème: personne ne sait encore comment transformer un “like” sur Facebook en vote dans l’urne, a déclaré Fleur Pellerin, la responsable de l’économie numérique pour François Hollande, lors d’une conférence organisée à l’Ecole de journalisme de Sciences Po (1).
>> Ce WIP a été publié en anglais sur CNN, lisez-le ici >>
Pourtant, cette campagne 2012 marque un tournant dans l’histoire politique française. Car c’est la première fois que les candidats – de Nicolas Sarkozy (UMP) à François Hollande (PS), en passant par Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche), Marine Le Pen (Front national) et Eva Joly (Europe Ecologie Les Verts) – ont intégré le Web et les réseaux sociaux à leur stratégie de campagne.
Des stratégies de campagne en ligne
Nicolas Sarkozy, le président sortant, mise sur Facebook, le réseau social le plus “populaire” en France, et a sorti en février une timeline remarquée pour conter, façon storytelling politique, sa stature de chef de l’Etat. Ses équipes de campagne ont aussi lancé une application sur smartphone reposant sur de l’open data pour proposer aux électeurs de découvrir le bilan du mandat de Nicolas Sarkozy, département par département.
Quant à François Hollande, favori des sondages, il possède le compte politique le plus suivi sur Twitter (224.000 abonnés au moment de rédiger cet article, 157.000 pour Nicolas Sarkozy).
L’humour en politique existe… sur le Web
Autre nouveauté de cette campagne: la production de Web séries et de sites, parfois drôles, pour tacler l’adversaire. C’est le cas du “kikadiquoi”, une série vidéo satirique réalisée par l’UMP qui tourne en dérision les mots de François Hollande et des socialistes. En guise de riposte, le PS a lancé un site, le Sarkolol, qui se présente comme le jeu Memory, pour rappeler, à chaque carte, les “affaires” de Nicolas Sarkozy.
Si ces candidats et leurs équipes de campagne se démènent pour être présents en ligne, c’est pour 1. y être visibles 2. mobiliser des sympathisants 3. court-circuiter les médias traditionnels.
“Chacun devient un média à part entière”, a dit Nicolas Sarkozy lors de ses voeux à la presse, le 1er février 2012. Façon de dire que chaque politique est désormais, à l’ère numérique, un média qui peut diffuser sur les réseaux sociaux un message sans passer par le filtre des rédactions. Et d’ajouter: “L’année 2012 verront les réseaux sociaux s’emparer de la sphère médiatique, c’est une modification profonde des relations entre les médias, la politique et le citoyen”.
Le numérique et la télévision
Modification profonde, oui, mais encore en cours. La majorité des Français (74%) s’informent sur l’élection présidentielle d’abord via la télévision, tandis qu’Internet constitue la 2e source d’information pour 40% d’entre eux, selon une enquête réalisée par l’Institut CSA pour Orange et Terrafemina.
Alors que la “Social TV” s’installe dans les usages, télévision et réseaux sociaux sont désormais complémentaires. Depuis la primaire socialiste, les émissions politiques à la télévision font l’objet de commentaires en très grand nombre sur Twitter, les téléspectateurs étant réunis sur un canapé virtuel géant pour disséquer les propos des politiques. La télévision diffuse les paroles des candidats, les réseaux sociaux hébergent les conversations autour de ces paroles de candidats. Et c’est là, sur les réseaux sociaux, qu’est jugée la crédibilité des candidats. Car leurs promesses et leurs chiffres sont “fact checkées” en live par des journalistes et des experts, faisant office de sous-titres éclairés lorsque les politiques déroulent leur discours.
Pour quel impact? Les candidats, se sachant scrutés, font davantage attention à ce qu’ils disent. “Mes propositions ont été commentées, chiffrées et diffusées par vous”, a confirmé François Hollande, lors de son meeting à Vincennes, le 15 avril 2012.
Mais rien ne permet de dire que les réseaux sociaux feraient changer d’avis les électeurs. Ceux-ci peuvent assister ou se livrer à des batailles d’arguments, mais restent le plus souvent confortés dans leur adoration ou leur détestation d’un candidat, dans une Webosphère où les militants sont avant tout à gauche, un peu à l’extrême droite, et moins nombreux à droite.
Le nom du prochain président sera d’abord écrit sur les réseaux sociaux
La réponse à la question initiale de cet article, “Une élection politique peut-elle se gagner sur les réseaux sociaux?”, est sans doute non en 2012, du moins en France. Mais la question “les réseaux sociaux peuvent-ils prédire le nom du prochain président de la République française?” appelle une réponse positive. Car la loi interdit aux médias de l’hexagone de donner les premières estimations de résultats avant 20h, heure à laquelle les derniers bureaux de vote des grandes villes ferment le jour du scrutin.
Sauf que, sur le Web, sur les réseaux sociaux, sur les médias non français mais francophones – et accessibles en un clic, donc, ces estimations vont fuiter dès 18h30, heure à laquelle les plus informés obtiennent les premières simulations issues des 100 premiers bulletins dépouillés dans des bureaux de vote ayant fermé à 18h. Loi oblige, les médias français vont donc s’empêcher de parler avant 20h du nom du prochain président de la République, alors que celui-ci sera déjà écrit depuis plus d’une heure sur les réseaux sociaux.
Alice Antheaume
(1) Conférence sur les enjeux de la campagne numérique, le 22 mars dernier, avec Fleur Pellerin, Nicolas Princen, responsable de la campagne Web et du programme numérique pour Nicolas Sarkozy, et Thierry Vedel, chercheur au CEVIPOF – conférence que j’ai animée.
(2) Enquête réalisée en ligne auprès de 1006 personnes âgées de 18 ans ou plus du 27 au 29 mars 2012.
lire le billetCan an election be won on social media? That question is being increasingly asked in France, before the first round of the presidential election.
The French are very much online now: 75% of people surf the web while 25 million have Facebook accounts, out of a total population of 66 million, of whom 43 million are voters.
“The truth is that nobody has yet worked out how to change a ‘like’ on Facebook into a real vote,” declared Fleur Pellerin, digital economy adviser for socialist candidate Francois Hollande.
>> Read the piece on CNN.com >>
>> Lire cet article en français >>
lire le billetAu rayon journalistico-numérique, les paris sont ouverts sur les mutations qui vont marquer l’année à venir. Sur quoi miser?
>> Read this article in english >>
En France, le nombre de pure players – ces sites qui existent sans support imprimé – par habitant est plus élevé qu’ailleurs. C’est même une «exception française» dans le paysage médiatique européen. Depuis le début de l’année 2011 sont en effet apparus Atlantico, Le Plus, Newsring, Quoi.info, et bientôt, le Huffington Post français… Un rythme soutenu d’initiatives en ligne que précipite l’orée de la campagne présidentielle – mieux vaut se lancer dans une période d’actualité intense.
«Ce dynamisme français se voit sur trois niveaux», m’explique Nicola Bruno, journaliste qui co-rédige actuellement un travail de recherche sur les pure-players en France, Allemagne et Italie qui sera publié l’année prochaine par le Reuters Institute for the Study of Journalism. «Par 1. le nombre de pure-players en activité en France (j’en ai compté plus de 12 issus d’initiatives indépendantes), 2. leur maturité (la France est le pays où sont nés les premiers pure-players en Europe avec Agoravox dès 2005, puis Rue89, Médiapart et Slate.fr) 3. leur diversité, tant dans les choix éditoriaux (journalisme de données, journalisme d’investigation, marché de niche, site communautaire, etc.) que leurs modèles économiques (abonnements, gratuit, etc.)».
Trop d’acteurs sur un trop petit marché? Pour Julien Jacob, président de Newsring, «il va y avoir des morts». Selon Nicola Bruno, «il n’y a pas de réponse définitive à cette question. Actuellement, aucun pure-player en Europe ne semble en mesure d’atteindre un seuil de profitabilité, comme c’est le cas aux Etats-Unis avec le Huffington Post et Politico. Et ce, pour une raison simple: ni la France ni aucun autre pays européen n’a une audience aussi grande que les Etats-Unis. Pas plus qu’un marché publicitaire mature capable de soutenir des projets uniquement sur le Web.»
Peine perdue, alors? Pas tout à fait, reprend Nicola Bruno, «l’histoire a montré qu’être profitable n’est pas toujours le but de ces projets journalistiques». L’histoire a aussi montré que les petits se font parfois racheter par des plus gros, comme le Huffington Post par AOL, le Daily Beast par Newsweek, et… Rue 89 par Le Nouvel Observateur.
Quel contenu lit-on tout de suite? Lequel poste-t-on sur Twitter? Lequel partage-t-on sur Facebook? Lequel glisse-t-on dans ses favoris? Et lequel sauvegarde-t-on pour le lire plus tard via des outils comme Instapaper ou Read It Later? Les utilisateurs, devenus des algorithmes humains, passent leur temps à trier les contenus et les ranger dans des cases. Selon quels critères? Difficile à dire.
Lit-on «plus tard» des contenus longs, comme le suppose cette présentation? Pas forcément. Selon le classement établi par Read It Later et mentionné dans la Monday Note de Frédéric Filloux, la majorité des articles sauvegardés – éditos ou des contenus liés aux nouvelles technologies avant tout – font moins de 500 mots (environ 2.700 signes). «Preuve est faite que les gens trouvent ces outils utiles indépendamment de la longueur de l’article», reprend le Nieman Lab. Un usage qui peut changer la façon dont les journalistes produisent des informations, dans la mesure où un même article peut avoir deux vies. La première pour «consommer tout de suite», en temps réel. Et la seconde pour «déguster plus tard», lorsque le lecteur le peut.
«Vous pouvez parler A votre téléphone plutôt que de parler DANS votre téléphone», a lancé Nikesh Arora, de Google, au Monaco Media Forum. Et pour Pete Cashmore, de Mashable, le contrôle des contenus par la voix devrait devenir incontournable en 2012.
C’est déjà le cas avec l’application Dragon Dictation, qui permet de dicter des SMS à votre portable, ou de prononcer un mot-clé dont votre téléphone comprend qu’il faut en tirer une requête sur Google. Siri, sur l’iPhone 4S, c’est aussi une sorte d’assistant qui obéit à vos ordres passés à l’oral. La suite? La voix humaine devrait bientôt servir de télécommande, sur la télévision d’Apple notamment.
Les téléphones portables sont la nouvelle malbouffe des ados, a titré le New York Times sur son blog consacré aux technologies. Aux Etats-Unis, ceux-ci passent de moins en moins de temps à parler au téléphone (en moyenne 572 minutes de voix par mois contre 685 minutes l’année précédente), et de plus en plus à envoyer des messages, SMS et MMS (les Américains de 13-17 ans reçoivent et envoient chaque mois 3.417 messages, environ 7 messages par heure en journée).
Même tendance en France, selon une étude du Pew Research, qui donne à voir les usages des utilisateurs de téléphone pays par pays. Vu la situation – encombrée sur le Web, et très prometteuse sur les téléphones – pour les éditeurs d’information, autant calibrer les contenus pour une consommation sur mobile.
Le volume de données digitales dans le monde devrait atteindre, en 2012, 2.7 zettabits. Pour ceux qui ne s’y repèrent pas entre les bits, les terabits, et les zettabits donc, c’est beaucoup, à en voir les ordres de grandeur ici.
La France n’est pas en reste dans la production de cette masse de données, avec le lancement par le gouvernement, début décembre 2011, du site de données publiques data.gouv.fr. Y figurent des tonnes d’informations chiffrées dont la lecture est indigeste, pour ne pas dire incompréhensible, pour le commun des mortels. Or le travail du journaliste de données, c’est de donner du sens à ces chiffres en les sortant de leur fichier Excel pour que «l’information vous saute aux yeux», comme écrit dans un précédent WIP. Tous les sujets journalistiques ne se racontent pas en chiffres, mais pour, par exemple, le budget de l’Etat en 2012 et la répartition des ressources en fonction des postes budgétaires, c’est efficace. La preuve, voici la «tête» du fichier téléchargé depuis data.gouv.fr.
Et voilà la visualisation de ce budget réalisée par Elsa Fayner, sur son blog intitulé «Et voilà le travail».
Mort de Mouammar Kadhafi, G20 à Cannes, matchs de foot, débats politiques… Le «live», ce format éditorial qui permet de raconter en temps réel un événement en mixant textes, photos, vidéos, contenus issus des réseaux sociaux et interactions avec l’audience, est un appât à lecteurs. La preuve par (au moins) deux: 1. selon les estimations, il récolte minimum 30% du trafic général d’un site d’infos généralistes 2. Le «live» est un facteur d’engagement de l’audience, les internautes restant plus longtemps, beaucoup plus longtemps, sur ce type de format.
>> Lire ou relire ce WIP sur le live >>
Election présidentielle oblige, la plupart des rédactions françaises se mettent en ordre de bataille pour faire du «fact checking» en quasi temps réel, cette technique journalistique anglo-saxonne qui permet de jauger la crédibilité de la parole politique. L’un des modèles du genre, le site américain Politifact.com, qui a mis en place un outil appelé «truth-o-meter» (le véritomètre), et a été récompensé dès 2009 par le prix Pulitzer, le graal journalistique.
>> Lire ou relire ce WIP sur le fact checking >>
C’est le site journalism.co.uk qui le prédit dans sa liste des 10 choses qu’un journaliste devrait savoir en 2012: après la fermeture de News of the World et le scandale des écoutes illégales en Angleterre, l’heure serait à l’honnêteté intellectuelle. «Les journalistes doivent être certains que la fin justifie les moyens (légaux)», peut-on lire. «Ils doivent être plus transparents sur les sources, à condition que celles-ci ne soient pas compromises. Si un article naît d’un communiqué de presse, il faut le dire».
>> Lire ou relire ce WIP sur l’utilisation de sources anonymes >>
Et aussi:
Et vous, sur quoi misez-vous pour 2012? En attendant, bonnes fêtes à tous!
Alice Antheaume
lire le billet