Journalists, welcome to Robotland!

Crédit: Flickr/CC/Brett Jordan

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Algorithms, smart robots which sort loads of information and arrange it according to users’ requests, are entering the newsroom. This automated-manual coexistence already occurs when journalists try to make content “facebookable” or Google-friendly. To do so, they rely on algorithms roughly based on the same principle as those used for displaying “most sent/commented/blogged articles”. Robots took over human for such tasks.


What is the next step? Will such robots become standalone content creators working like online news Trojans? A piece from The Week wonders: “Are computers the cheap, new journalists?” Behind these questions, a software program designed by Narrative Science, a Chicago-based startup, can write articles made up of … comprehensible sentences.

How does it work? An algorithm agreggates data and converts it into articles. Until now, this technology has been effective only for sports pieces. But Narrative Science says that this technology can apply for finance (by scanning companies’ financial accounts) and politics (through opinion polls and election results).

Beware, Journalists… Artificial intelligence researcher Kris Hammond, who has been quoted by The New York Times, predicted that “within five years, a computer will win a Pulitzer Prize”. “For very simple, brief information, automated writing can do the trick”, says Frédéric Filloux, editor or the Monday Note and a professor at Sciences Po School of Journalism. “But for everything else, you have to look at the pole vaulting theory: Everyone can jump 5.9 feet (Editor’s note: with at least a bit of practice), but not many can jump 7.5 feet. That’s the difference between very good and great.”

Not human, no journalistic soul

Alexandre Malsch, a 26-year-old engineer who heads Melty Network, agrees with this view. “A robot will never be able to make a play on words, unless you record all existing wordplays in a huge database… In any case, a robot will never be able to write an article with soul.” And Malsch knows a lot about robots. About thirty algorithms permanently scan his Melty.fr website aimed at teenagers (four million unique visitors). Its goal is to “help” writers produce content in the right format, on the right subject, and at the right time. (Needless to say, there is no point in posting a story about Lady Gaga when the target audience is at school.)

Heading towards all-automated journalism?

In order to be highly visible on internet search engines, the young developer designed a publishing tool called CMS (Content Management System) that has been providing journalists since 2008 with a “practically all-automated” system. What length does the headline have to be to appear among Google’s top hits? “No writer can calculate the optimal length; only a robot can”, says Malsch.

Indeed, in CMS, the robot turns a title to green when it has the right length and to red when it is too long or too short. Same goes for key words used in a title. The writer can suggest three different titles for each content, and the robot gives each one a success rating, so the writer just has to select the title which gets 90 or 95%. In Melty’s CMS, another parameter outsourced to robots is the number of links that a specific article should contain. Robots go further than that: they also say at what time the article should appear online by analyzing a huge amount of data to figure out when the article will be the most visible on Google – something that is totally impossible for a journalist.

This hit-boosting tool is just one example of the automation being applied to publishing systems. It does not touch or change the text (except for the links and titles). “It’s just like a new Word—a tool that helps journalists but doesn’t replace their jobs, interviews, or analysis.”

Putting a human touch into the work of machines

Is this all impressive? Absolutely. Is there any cause for concern? Maybe, but all-automated journalism is certainly not around the corner. “When you see how difficult it is for translation tools to produce relevant results in real time, you realize that it is not going to happen tomorrow,” explains Filloux. All the more so since before a journalist actually starts to write a piece, he or she must collect source material that is far more important than what he or she finally uses… The original volume should be 5-10 times greater than the actual published content.”

As a (paradoxical) result, Malsch and his development team are injecting manual work back into the machines, especially for editing and selecting content, and for forcing the publication of content in real time rather than waiting for the robot to get it out. “As the world is moving forward, human choice becomes increasingly important,” concludes Malsch. “Manual work is regaining currency.”

Note: This article was written by a human being.

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Alice Antheaume (translated by Micha Cziffra)

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Journalistes au pays des robots

Crédit: Flickr/CC/Brett Jordan

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Les algorithmes, ces robots intelligents qui trient des tonnes d’informations pour les classer selon la demande des utilisateurs, sont – déjà – les collègues des journalistes. La cohabitation automatique/manuel a déjà lieu lorsque les journalistes tentent de rendre un contenu “facebookable” (visible sur le fil d’actualités de Facebook) ou “Google friendly” (visible sur Google) en utilisant les paramètres des algorithmes. Ou lorsque les éditeurs sous-traitent une partie de la page d’accueil de leurs sites d’infos – de fait, les boîtes avec les articles les plus envoyés, les plus commentés, les plus populaires sont gérées par des robots, non par la main humaine.

Quelle est la prochaine étape? Ces robots vont-ils pouvoir produire du contenu de façon autonome, façon forçats de l’information en ligne? Telle est la question posée par cet article, “les ordinateurs sont les nouveaux journalistes pas chers?“, publié sur The Week. Derrière ces interrogations, un logiciel inventé par Narrative Science, une start-up basée à Chicago, aux Etats-Unis, capable de rédiger des articles en faisant des phrases… compréhensibles.

Comment ça marche? L’algorithme compile des données pour les transformer en articles. Jusqu’à présent, cette technologie n’était opérante que pour le sport. Désormais, Narrative Science assure que le travail peut être fait pour l’économie (en scannant des comptes financiers d’entreprises) et la politique (à l’aide des résultats de sondages, et d’élections). Tremblez, journalistes, “d’ici 5 ans, un programme informatique gagnera le prix Pultizer”, croit Kris Hammond, chercheur en intelligence artificielle, cité par le New York Times.

“Pour certaines informations très brèves, très simples, une rédaction robotisée peut fonctionner”, estime Frédéric Filloux, auteur de la Monday Note et professeur à l’Ecole de journalisme de Sciences Po. “Mais pour le reste? C’est la théorie du saut en hauteur. Sauter 1,80 m, tout le monde peut y arriver (à condition de s’entraîner, ndlr). Mais 2,30 m, qui peut le faire? Voilà toute la différence entre du très bon et de l’excellent.”

Pas d’humain, pas d’âme journalistique

Même avis du côté d’Alexandre Malsch, 26 ans, ingénieur et directeur général de Melty Network. “Un robot ne saura jamais faire un jeu de mots, à moins peut-être de renseigner tous les jeux de mots de la Terre dans une base de données… Dans tous les cas, un robot ne saura pas écrire un article en y mettant une âme”.

Pourtant, les robots, Alexandre Malsch connaît. Une trentaine d’algorithmes scannent en permanence son site aux 4 millions de visiteurs uniques, destiné aux ados (Alexandre Malsch préfère le terme “jeunes”), Melty.fr. Objectif: “aider” les rédacteurs à produire du contenu au bon format, sur le bon sujet, au bon moment – en clair, pas la peine de mettre en ligne un contenu sur Lady Gaga si le public cible de la chanteuse est à l’école au moment où l’article est publié.

Vers le tout automatique?

Afin, donc, d’être le plus visible possible sur les moteurs de recherche, le jeune développeur a imaginé, dès 2008, un outil de publication (CMS, content management system) qui offre du “presque tout automatique” pour les journalistes. Quelle longueur doit faire le titre de l’article pour arriver en premier dans les résultats de Google? “Aucun rédacteur ne peut en calculer la longueur optimale”, reprend Alexandre Malsch, “seul un robot en est capable”. En effet, dans le CMS, le robot met le titre que tape le rédacteur en “vert” quand il fait la bonne longueur, et en rouge quand il est trop long ou trop court. Idem pour les mots-clés utilisés dans un titre. Le rédacteur peut en proposer trois différents pour chaque contenu produit, le robot donne pour chacun un pourcentage de réussite, le rédacteur n’ayant plus qu’à opter pour le titre ayant obtenu 90% ou 95%.

Autre paramètre sous-traité aux robots dans le CMS de Melty: le nombre de liens que doit contenir tel ou tel article. Et, plus poussé encore, l’heure de la mise en ligne de l’article. A quel moment l’article sera-t-il le plus visible sur Google? Le robot peut le savoir, en analysant de multiples données en un instant, pas le journaliste.

Cette machine à booster le référencement est un exemple de robotisation du système de publication. Le texte, pas touche – à part les liens qu’il contient et le titre. “C’est juste un nouveau Word, un outil pour aider les journalistes, mais cela ne remplace en rien leur travail, leurs interviews, leurs analyses.”

Remettre de l’humain dans les machines

Impressionnant? Aucun doute. Inquiétant? Peut-être. Mais le tout automatique n’est pas encore au programme. “Quand on voit la difficulté qu’ont les outils de traduction à donner des résultats pertinents en temps réel, on comprend que ce n’est pas tout à fait pour demain”, dit encore Frédéric Filloux. D’autant que, rappelle-t-il, avant d’écrire un article, un journaliste doit recueillir une matière première beaucoup plus importante que ce dont il se sert au final… Il faut un volume initial au moins 5 à 10 fois supérieur à la publication.”

Résultat – et c’est paradoxal: Alexandre Malsch et ses développeurs remettent du manuel dans leur machine, par exemple dans l’édition et la sélection des contenus, et dans le fait de pouvoir “forcer” la publication d’un contenu en temps réel, plutôt que d’attendre que le robot le pousse. “Plus le monde avance, plus la sélection humaine a l’importance”, conclut-il. “Le fait à la main redevient une valeur.”

NB: Cet article a été écrit par une humaine.

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Alice Antheaume

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La supra rédaction décortique le tweet d’Eric Besson… et puis s’en va

Il a suffit d’un tweet d’Eric Besson pour que la «supra rédaction» se mette en ordre de bataille. Cette «supra rédaction», vue à l’œuvre pour la première fois en novembre 2009 lors de la polémique autour de l’exacte date à laquelle la photo de Nicolas Sarkozy donnant des coups de pioche sur le mur de Berlin a été prise, c’est ce corps de journalistes et experts du Web qui, au delà du titre qui les emploie – ou du site pour lequel ils produisent des contenus –, travaillent parfois de concert sur le même sujet. Et communiquent les uns avec les autres. Comme s’ils étaient dans la même rédaction.

Le sujet du jour? Un drôle de message publié sur Twitter ce mercredi 19 octobre, avant 11h du matin, par le ministre de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique: «Quand je rentre je me couche. Trop épuisé. Avec toi?». Un message rédigé depuis son iPhone et… posté par erreur.
Aussitôt, l’histoire devient le sujet le plus discuté sur Twitter France dans la matinée, d’après le classement des «trending topics» (#DMfail est le mot-clé qui signifie erreur de direct message).

Alors que les journalistes en ligne s’interrogent sur la sortie d’Eric Besson, le ministre efface le message incriminé et présente ses excuses. Il est plus de 11h.

Il n’en fallait pas plus pour qu’une mini-enquête commence. Que s’est-il passé? Le ministre s’est-il mélangé les pinceaux? Est-ce un direct message – un «DM», dans le jargon, autrement dit un message privé – qui a été transformé en «tweet» – un message public –? De quelle «liste des brouillons» parle-t-il? A qui était destiné, à l’origine, ce message?

Et les réponses aux questions tombent, sur Twitter toujours, par des journalistes et spécialistes qui donnent des bribes d’éléments sur cette petite histoire. A ceux qui se demandent combien de personnes ont vu le message d’Eric Besson, Maître Eolas répond, ce mercredi matin: 13.000 abonnés  (plus de 14.000 au moment où l’on écrit cet article). Un autre journaliste publie la capture d’écran du tweet depuis supprimé – car sur le Web, rien ne s’efface, l’oubli n’existe pas.

Autre interrogation: Est-il possible d’avoir des brouillons sur Twitter? Sur le site Web Twitter.com, non, mais sur l’application Twitter pour iPhone, oui. La preuve, Cécile Dehesdin, de Slate.fr, l’a testée, et publie une capture d’écran de ses propres brouillons de messages.

Or c’est bien de cette application (Twitter for iPhone) dont Eric Besson s’est servi pour tweeter. Et cette application a en outre la particularité de rendre facile la confusion entre «message» (privé) et «tweet» (public). Tout s’explique? Pas encore tout à fait.

Reste la question: à qui était destiné le message d’Eric Besson? Tandis que Voici se lance en posant cette question sur Twitter à l’intéressé («A qui parlez-vous M. le ministre?»), celui-ci ne répond pas. D’autres journalistes tâchent de procéder par élimination en pointant vers les comptes que suit Eric Besson sur Twitter, à qui, donc il aurait pu envoyer un message privé – seuls ceux qui sont abonnés à son flux Twitter peuvent recevoir des «direct messages» de lui.

Les sites d’informations publient l’histoire. Même l’AFP en tire une dépêche, ce mercredi à 12h33.

Mais le plus rapide, c’est encore Eric Besson lui-même qui, juste après son dérapage, a enchaîné, toujours sur Twitter, en:

1. Rappelant un précédent de Pascal Terrasse, député PS, qui avait insulté sur Twitter la rédactrice en chef de L’Hebdo de l’Ardèche, confondant sans doute lui aussi «direct message» et «tweet»

2. Vaquant à des occupations plus nobles («Bon allez je vous laisse à vos délires. J’ai une audition à l’Assemblée Nationale à préparer…»)

3. Faisant de l’humour («Oserai-je vous dire? Le débat que j’organise demain portera sur “démocratie 2.0, du virtuel au politique”. Un exemple pour l’illustrer?»)

Désamorçage efficace? Pas en tant que tel, mais l’annonce de la venue du premier bébé de l’Elysée, le mercredi après-midi, est une actualité qui en chasse une autre… Et les rédactions, supra ou pas, ont de quoi s’affairer ailleurs.

Alice Antheaume

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Etude Orange et Terra fémina: comment les réseaux sociaux bousculent l’info

Le temps où l’info sur le Web était réservé aux happy few est loin. Plus de 7 Français sur 10 consultent des informations sur Internet, via les portails d’actualité (Google Actualités, Yahoo! Actualités, etc.) ou les sites des grands médias (lemonde.fr, nouvelobs.com, lefigaro.fr,…), révèle une étude réalisée sur 1.005 personnes âgées de 18 ans et plus par l’Observatoire Orange et Terra Femina et intitulée de «20h à Twitter: les réseaux sociaux bousculent l’info».

Dans ce cadre, l’affaire DSK a été un cas d’école pour les médias, partant d’un tweet d’un étudiant amateur en mai et aboutissant à l’interview de l’ex-patron du FMI dans le JT de Claire Chazal en septembre.

Résumé des chiffres tirés de cette étude (pour laquelle j’ai été témoin, ce mardi 11 octobre 2011, lorsque ses résultats ont été dévoilés).

Crédit: Orange et Terra Femina

  • Le besoin de temps réel

La première des raisons invoquées pour consulter un site d’infos? «Accéder à l’information le plus vite possible» pour 32% des interrogés. Avoir toutes les informations disponibles au moment où l’on se connecte est une nécessité pour les utilisateurs, habitués à réactualiser leurs pages des centaines et des centaines de fois par jour.

  • Les accélérateurs de temps réel

Deux facteurs accélèrent la consultation en temps réel, insiste l’étude de l’Observatoire Orange et Terra Femina :

1. l’inscription aux réseaux sociaux – selon l’étude, le fait de se connecter plusieurs fois par jour sur Internet est corrélé à la possession de comptes sur Facebook et /ou Twitter…

2. la possession d’un téléphone mobile. Avec qui l’on dort, que l’on consulte avant de se coucher, et au moment du lever. Sur lequel on veut consulter, donc, des contenus adaptés à cette consommation. Pour rappel, selon une étude réalisée par Ericsson en mai 2011, 35 % des possesseurs de smartphones aux Etats-Unis se connectent sur une application de leur mobile, avant même d’être sortis de leur lit.

  • Le besoin de contexte

Quel est le reproche fait aux médias numériques? Qu’ils offrent le «risque de diffuser des informations non vérifiées» pour 59% des sondés et qu’ils «manquent d’analyse de l’information» pour 30% d’entre eux. Une bonne raison pour les journalistes d’offrir du fact checking en temps réel?

  • La poussée des réseaux sociaux

Toujours selon l’enquête «20h à Twitter: les réseaux sociaux bousculent l’info», 53% des Français interrogés possèdent un compte sur Facebook, le réseau social aux 800 millions d’inscrits dans le monde qui vient de sortir sa nouvelle mouture. Quant à Twitter, il est peu moins populaire: seuls 8% des internautes français y sont inscrits. Néanmoins, pas besoin d’y avoir un compte pour suivre ce qu’il s’y passe, comme en témoigne ce chiffre: 15% des internautes déclarent «suivre le compte Twitter d’un proche ou d’une personnalité».

  • Le besoin de partage

D’après l’étude, 37% de personnes diffusent, souvent ou de temps en temps, un lien vers un article, une vidéo ou une image sur un réseau social. Et si les réseaux sociaux les intéressent, c’est parce qu’ils leur permettent de «partager des informations» pour 66% d’entre eux. Reste à savoir quel type d’informations et à quelle fréquence

AA

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Que change le nouveau Facebook au journalisme?

Crédit: DR

Révolutionnaire pour les uns, inutile pour les autres, la mue opérée par Facebook, que l’on voit arriver cette semaine en France, a et aura de l’impact sur la vie des rédactions. Après l’apparition du bouton «like», voici venu le temps du réseau dans le réseau, d’un Facebook qui veut devenir l’Internet. Un lieu de vie, donc, où l’on partagerait tout, on discuterait avec ses amis, posterait des photos, écouterait de la musique, lirait des informations, commenterait les publications des autres, etc. Revue des nouveaux éléments de Facebook qui pourraient (encore) changer la donne pour les éditeurs et les journalistes.

  • Journalistes RSS

«Sur Facebook, nous sommes tous des objets», avaient prévenu Justin Osofsky, directeur de la division média de Facebook, et Julien Codorniou, directeur des partenariats pour la France, lors de la première formation donnée en France par Facebook aux journalistes, en juin, à Sciences Po. Par «objets», ils entendaient des éléments avec lesquels les inscrits de Facebook peuvent interagir (en cliquant dessus, en commentant dessous, en likant l’objet, en le partageant, etc.).

Désormais, n’importe quel profil peut devenir un flux RSS auquel les membres peut s’abonner. Ainsi, «vous pouvez suivre directement des personnes – comme des journalistes, des artistes ou des personnalités politiques – qui vous intéressent mais que vous ne connaissez pas personnellement (et avec qui vous n’êtes pas amis, ndlr)», explique Zach Rait, ingénieur de Facebook. A la condition, bien sûr, que le journaliste, l’artiste, le politique (ou n’importe qui d’autre) ait accepté de transformer son profil en flux RSS en donnant son accord ici (cliquer sur «allow subscribers»). Une fois cela fait, le propriétaire du flux RSS n’aura plus la main sur qui s’abonne à lui – mais il pourra toujours déterminer ce qu’il rend public (donc envoyé, via le flux RSS, à ses abonnés) ou non. Une nouvelle fonctionnalité très proche du système d’abonnements de Twitter et qui permet aux profils Facebook, jusque là limités à 5.000 amis, d’avoir un nombre infini d’abonnés.

Le tout devrait se faire au détriment des «pages» (qui ne sont pas des profils, si vous avez bien suivi), dont celles des médias. Lexpress.fr a pris les devants, en publiant jeudi matin sur Facebook le message suivant:

Crédit: DR

De quoi tenter de mieux cibler la demande des lecteurs qui, selon un chiffre rendu public début septembre, n’étaient que 7.5% à voir chaque jour un post publié par la page dont ils étaient fans. Est-ce que le nouveau Facebook fera mieux? C’est encore à voir.

  • De la visibilité dans le flux d’actualités

Le newsfeed – ou fil d’actualités –, l’entrée numéro 1 pour accéder aux contenus, est désormais composé de deux parties. Dans la partie inférieure, on a accès aux informations les plus récentes (recent stories). Dans la partie supérieure, on observe un tri des informations et éléments qui devraient être les «plus importants» pour l’utilisateur (top stories), un choix opéré par l’algorithme de Facebook, le edge rank, dont j’ai déjà parlé ici. En clair, plus un élément (statut, photo, lien, etc.) est commenté et «liké», plus il a de chances d’apparaître dans le fil d’actualités. De même, s’il provient d’un utilisateur avec qui on est souvent en contact, il peut figurer en tête de file.

Pour un journaliste, cela va être la lutte pour être visible dans le newsfeed. Deux options s’offrent à lui 1. comme avant, poster des contenus qui puissent être appréciés (selon des critères sur lesquels le journaliste n’a pas la main) par l’algorithme du réseau social, afin qu’ils remontent dans la partie haute (top stories). Vous l’aurez compris, mieux vaut le faire avec son profil personnel plutôt qu’avec la page de son média. 2. publier des infos de dernière minute, pour apparaître dans le newsfeed, rayon «recent stories», mais pas que (voir point suivant)…

  • Une boîte à temps réel

Là aussi, les équipes de Facebook avaient annoncé la couleur depuis des mois: ils souhaitaient que les journalistes publient davantage de «breaking news», d’informations de dernière minute, sur le réseau social. Jusque là, il n’était pas sûr que cela soit très visible, et donc payant. Faille comblée? Non seulement un «urgent» peut être vu dans la partie inférieure du newsfeed, mais surtout dans une nouvelle boîte appelée «ticker», en colonne de droite, à côté du newsfeed. Cette nouvelle fonctionnalité montre les dernières informations publiées, et, en passant le pointeur dessus, cela ouvre une pop-up à gauche pour découvrir l’histoire en plus grand, et pouvoir la commenter et la partager. «Parce que le ticker est en temps réel, les rédactions devraient sans doute reconsidérer la fréquence de leur publication» sur Facebook, veut rassurer Vadim Lavrusik.

Pour l’instant, l’impact du ticker sur le trafic des contenus n’a pas encore été mesuré, et selon les premières impressions, il est surtout perçu comme quelque chose de distrayant, dont on ne peut se débarrasser. En outre, cela pose des questions éditoriales. «Qu’est-ce qui fait qu’une info est nouvelle?, s’interroge Emily Bell, de l’école de journalisme de la Columbia. Le fait qu’elle soit dans une boîte tout en haut à droite? Ou autre chose?».

A terme, Facebook a d’autre tours dans son chapeau pour l’exploitation de ce ticker, notamment y glisser des «histoires sponsorisées». Dont les revenus reviendraient à Facebook, pas aux médias.

  • Plus de temps sur Facebook

Sur les 800 millions d’inscrits à Facebook, 1 sur 2 s’y connecte tous les jours, selon les statistiques fournies par le réseau social. Aux Etats-Unis, le réseau de Mark Zuckerberg aspire même 16% du temps passé en ligne. Autant dire que l’activité facebookienne est intense. La question, pour un média, c’est: que faire pour attirer les lecteurs alors qu’ils passent de plus en plus de temps sur Facebook? A priori, le temps n’étant pas incompressible, rien ne permet de penser qu’un utilisateur sacrifiera ses minutes de Facebook pour aller sur un site d’informations généralistes à la place.

Pour le Wall Street Journal, la solution est «simple»: «il faut rendre nos contenus disponibles là où les gens se trouvent», estime Alisa Bowen, du WSJ Digital Network. Sur Facebook, donc. Dans cette optique, ils ont lancé une application spéciale pour Facebook, qui permet aux utilisateurs, en restant sur le réseau de Zuckerberg, de consommer des informations du Wall Street Journal, recommandées par leurs amis, et… de voir des publicités dont les revenus reviennent au Wall Street Journal – et non pas à Facebook.

Du gagnant-gagnant? C’est ce que veut croire Jeff Bercovici, de Forbes: d’un côté, les utilisateurs consomment des informations à l’intérieur de Facebook, et de l’autre, Facebook permet au Wall Street Journal de vendre ses propres pubs à l’intérieur de l’application. Malgré tout, ce sont et cela restera les règles de Facebook, quand bien même l’éditeur y développera sa propre application.

  • Des applications pour remplacer les sites Web d’infos?

Mark Zuckerberg l’a dit lors de la dernière conférence F8: l’avenir est aux applications. Et si les médias devenaient uniquement des applications sur Facebook, sans site Web associé? Pour Jeff Sonderman, du Poynter Institute, ce n’est pas de la science fiction, c’est juste «une question de temps». Son argument tient à l’évolution de Facebook: «Si le médium est le message, que se passe-t-il lorsque Facebook devient le médium? Le message (le contenu) va commencer à devenir un peu différent.»

Le Wall Street Journal, le Guardian et le Washington Post ont tous développé des applications qui permettent aux inscrits de Facebook de consommer des informations de ces médias sans quitter Facebook, et d’y voir l’activité (ce qu’ils lisent, ce qu’ils recommandent, ce qu’ils commentent) de leurs amis. A terme, cela sera-t-il la routine? L’avantage des applications, c’est qu’elles peuvent être sponsorisées par des marques, rappelle Emily Bell, qui cite l’exemple de l’application sur iPad du Guardian, EyesWitness, une sélection quotidienne de photos légendées, montée en quelques jours, grâce au soutien financier de Canon.

  • Timeline, l’identité numérique dévoilée

Avec la refonte du réseau social, les profils Facebook se présentent maintenant sous la forme d’une frise chronologique plongeant dans le passé. Pour Vadim Lavrusik, qui travaille pour le réseau social, c’est un outil de «contextualisation» pour les journalistes. La chronologie permet, écrit-il, de voir comment l’empreinte numérique d’un utilisateur a été «moulée dans le temps, grâce à des expériences de vie, des intérêts personnels, des gens avec qui nous partageons notre vie, et avec lesquels nous n’avons pas peur de révéler notre vraie identité».

Sauf que, à y regarder de plus près, l’utilisateur peut éditer chaque élément présent sur sa timeline: soit en le «featurant» (en le mettant en valeur), soit en supprimant, soit… en modifiant sa date – cette dernière option n’est plus visible au moment où j’écris cet article. Cela rend l’exercice journalistique particulier: certes la timeline d’un homme politique est intéressante, elle peut dévoiler des particularités d’un parcours que l’on n’aurait pas repérées sans cela, mais ces éléments sont à prendre avec des pincettes, dans la mesure où l’élément peut être «manipulé». Du fact checking d’empreinte numérique en perspective…

Au final, s’il est encore difficile d’apprécier l’impact du nouveau Facebook sur l’activité des éditeurs d’infos, il y a au moins trois questions auxquelles les rédactions peuvent d’ores et déjà réfléchir:

1. Quelles sont les informations ayant vocation à être partagées sur Facebook et qui auraient de la visibilité dans le newsfeed?

2. Les journalistes professionnels doivent-ils faire vivre les productions de leur média sur leur profil Facebook, éventuellement transformé en flux RSS?

3. Cela vaut-il vraiment la peine de développer des applications dédiées, sur le modèle du Wall Street Journal, pour trouver un public déjà présent sur Facebook et monétiser les contenus par ce biais?

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Alice Antheaume

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