Il a suffit d’un tweet d’Eric Besson pour que la «supra rédaction» se mette en ordre de bataille. Cette «supra rédaction», vue à l’œuvre pour la première fois en novembre 2009 lors de la polémique autour de l’exacte date à laquelle la photo de Nicolas Sarkozy donnant des coups de pioche sur le mur de Berlin a été prise, c’est ce corps de journalistes et experts du Web qui, au delà du titre qui les emploie – ou du site pour lequel ils produisent des contenus –, travaillent parfois de concert sur le même sujet. Et communiquent les uns avec les autres. Comme s’ils étaient dans la même rédaction.
Le sujet du jour? Un drôle de message publié sur Twitter ce mercredi 19 octobre, avant 11h du matin, par le ministre de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique: «Quand je rentre je me couche. Trop épuisé. Avec toi?». Un message rédigé depuis son iPhone et… posté par erreur.
Aussitôt, l’histoire devient le sujet le plus discuté sur Twitter France dans la matinée, d’après le classement des «trending topics» (#DMfail est le mot-clé qui signifie erreur de direct message).
Alors que les journalistes en ligne s’interrogent sur la sortie d’Eric Besson, le ministre efface le message incriminé et présente ses excuses. Il est plus de 11h.
Il n’en fallait pas plus pour qu’une mini-enquête commence. Que s’est-il passé? Le ministre s’est-il mélangé les pinceaux? Est-ce un direct message – un «DM», dans le jargon, autrement dit un message privé – qui a été transformé en «tweet» – un message public –? De quelle «liste des brouillons» parle-t-il? A qui était destiné, à l’origine, ce message?
Et les réponses aux questions tombent, sur Twitter toujours, par des journalistes et spécialistes qui donnent des bribes d’éléments sur cette petite histoire. A ceux qui se demandent combien de personnes ont vu le message d’Eric Besson, Maître Eolas répond, ce mercredi matin: 13.000 abonnés (plus de 14.000 au moment où l’on écrit cet article). Un autre journaliste publie la capture d’écran du tweet depuis supprimé – car sur le Web, rien ne s’efface, l’oubli n’existe pas.
Autre interrogation: Est-il possible d’avoir des brouillons sur Twitter? Sur le site Web Twitter.com, non, mais sur l’application Twitter pour iPhone, oui. La preuve, Cécile Dehesdin, de Slate.fr, l’a testée, et publie une capture d’écran de ses propres brouillons de messages.
Or c’est bien de cette application (Twitter for iPhone) dont Eric Besson s’est servi pour tweeter. Et cette application a en outre la particularité de rendre facile la confusion entre «message» (privé) et «tweet» (public). Tout s’explique? Pas encore tout à fait.
Reste la question: à qui était destiné le message d’Eric Besson? Tandis que Voici se lance en posant cette question sur Twitter à l’intéressé («A qui parlez-vous M. le ministre?»), celui-ci ne répond pas. D’autres journalistes tâchent de procéder par élimination en pointant vers les comptes que suit Eric Besson sur Twitter, à qui, donc il aurait pu envoyer un message privé – seuls ceux qui sont abonnés à son flux Twitter peuvent recevoir des «direct messages» de lui.
Les sites d’informations publient l’histoire. Même l’AFP en tire une dépêche, ce mercredi à 12h33.
Mais le plus rapide, c’est encore Eric Besson lui-même qui, juste après son dérapage, a enchaîné, toujours sur Twitter, en:
1. Rappelant un précédent de Pascal Terrasse, député PS, qui avait insulté sur Twitter la rédactrice en chef de L’Hebdo de l’Ardèche, confondant sans doute lui aussi «direct message» et «tweet»
2. Vaquant à des occupations plus nobles («Bon allez je vous laisse à vos délires. J’ai une audition à l’Assemblée Nationale à préparer…»)
3. Faisant de l’humour («Oserai-je vous dire? Le débat que j’organise demain portera sur “démocratie 2.0, du virtuel au politique”. Un exemple pour l’illustrer?»)
Désamorçage efficace? Pas en tant que tel, mais l’annonce de la venue du premier bébé de l’Elysée, le mercredi après-midi, est une actualité qui en chasse une autre… Et les rédactions, supra ou pas, ont de quoi s’affairer ailleurs.
Alice Antheaume
Merci à toute l’équipe de Steve Jobs pour l’ergonomie de mieux connaitre Besson et autres personalités publiques