Se mettre sur son 31

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D’origine incertaine, l’expression se mettre sur son trente-et-un prend tout son sens le 31 décembre, veille d’une nouvelle année. Que le trentain, tissu luxueux oublié en route, en soit à l’origine ou la prime des soldats prussiens les mois de 31 jours, peu importe.
Pour une « journaliste beauté », bibi que parfois je porte, c’est l’occasion de jeter un oeil (et de poser un doigt) sur les produits phares et fards mis en scène par les marques pour célébrer, sans loi somptuaire à l’horizon, les fêtes.
Effet Midas garanti en cette fin d’année où, sans trop de surprise, les collections se dessinent sous le signe de l’or.
-Dans le souvenir de son superbe flacon Coque d’or, Guerlain a imaginé une poudre iridescente parfumée à vaporiser sur le corps et les cheveux, un bijou. Sous l’ombre de Stravinsky, la palette Petrouchka mène la danse avec un vernis Oiseau de feu et or oblige, un ton Coque d’or.
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-Avec son parfum J’adore, Dior est souvent habillé d’or comme l’avait remarqué Cocteau : « ce nom magique qui comporte ceux de Dieu et or ». Brillance et éclat du maquillage Golden Shock avec les vernis, Gold Equinoxe et surtout un Top Coat avec effet feuille d’or à poser en touche ultime.
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-Sous le signe de l’or, Lancôme se joue du métal précieux. Classique, une palette Hypnose Drama Eyes dans un camaïeu baptisé Or Vendôme. Hypnôse Dazzling, un petit fard tendre, Or Vendôme à nouveau. Une manucure en poussière d’or ? Un tattoo (patch) à poser facilement. Et pour compléter l’aventure sur la place des joailliers, Or Vendôme en vernis et Illuminations, pailleté.
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-Plumes précieuses pour Chanel avec une Palette 5 ombres qui passe du blanc au noir avec un pas de côté pour l’or. Le Camélia de plumes dessine la fleur sous forme de poudre illuminatrice, pour briller. Sans oublier, écho au défilé de Dubaï, Rêve d’Orient, un quatuor d’ombres qui scintillent en motifs d’étoiles avec or brillant.
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-Tout ce qui brille n’est pas d’or et le Prismissime yeux de Givenchy se compose de 9 couleurs irisées (« c’est comme une boîte de chocolats »), superbes. Pour le soir, noir smoking et vernis Noir satin ou Folie scintillante à reflets brillants.
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Avant la métamorphose des cloportes et le passage à la feuille d’or, un doux nettoyage avec Clarisonic (je suis juste fan) et goldfinger jusqu’au bout des ongles, mon pactole de fin d’année.
L’or est sur son 31.
Golden girl.

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Pour un homme

Pour un homme

Fringante composition d’Ernest Daltroff en 1934, Pour un homme de Caron a célébré sans une ride ses 80 ans.
Née en 1904, la maison Caron avait déjà de nombreux fleurons au féminin ainsi Narcisse noir (1911) dont la gloire fut ravivée par Gloria Swanson amatrice de ce parfum sur le tournage de Sunset Boulevard et qui prononce le nom de Black Narcissus. Tabac blond (1919), ode aux senteurs de tabac était très prisé et en phase avec la future vogue des garçonnes. En avion est un floral créé en 1932 pour l’aviatrice Hélène Boucher.
En 1934 Ernest Daltroff décide de composer un masculin et il choisit la lavande déjà associée à la masculinité. Ce sont les fougères qui, depuis la Fougère royale de Houbigant en 1882, ont défini la masculinité de cette plante, même si l’English Lavender de Yardley en 1913 fut féminin. À cette fraîcheur vive et « propre » fut mariée une note douce, opulente et sensuelle : la vanille, supposée très féminine. S’ajoutent en fond des notes boisées, ambre, cèdre et fève tonka. Pendant la guerre, le parfum fut débaptisé et s’appela Pour une femme. Imaginé par Félicie Wanpouille, le flacon vertical et architecturé est dans l’esprit art déco.
Dans les années 50 la légende accorde que James Dean se parfumait avec Pour un homme et dans les années 90, ce fut Richard Gere.
En 1972, Serge Gainsbourg, en couple avec Jane Birkin, chante son parfum :
Je passe pour un homme
Pas très beau garçon
Pourtant pour un homme
Plein d’séduction
Ce qui fait mon charme
Et c’est là mon arme
Secrète
Pour un homme de Caron

À ce grand masculin correspondirent des égéries, ainsi en 1988 Patrick Dupond. En 2011 Sébastien Chabal prend la balle au bond et incarne le parfum.
Pour un homme de Caron, un des plus beaux masculins de la parfumerie

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Helmut Lang Parfums

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Créateur phare des années 90, Helmut Lang fit triompher une forme de minimalisme dans des vêtements architecturés et épurés. De ses défilés à Paris, on se souvient de l’esprit « séance de travail » qui planait sur les présentations-défilés. Après avoir vendu sa société au groupe Prada en 1999, Helmut Lang signa encore quelques saisons… En 2006 Prada revendit au groupe Link Theory la marque dont Nicole et Michael Colovos furent les directeurs artistiques jusqu’en février 2014.
Superbe « vestige » de la maison Helmut Lang, les parfums avaient été créés en collaboration avec Procter & Gamble, mais sous l’impulsion artistique avisée du créateur. Pour le lancement en 2000, Helmut Lang avait collaboré avec Jenny Holzer pour le texte avec notamment la phrase : « I smell you on my skin ». Le visuel, avec de grands splash liquides, était sous la direction artistique de Marc Atlan.
Trois parfums sont aujourd’hui relancés en respectant l’esthétique minimaliste des flacons et en reprenant les compositions originelles. La nouvelle campagne en noir et blanc redessine l’idée de parfum de peau.
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Les parfums répondent parfaitement à un souvenir délicieux. L’eau de parfum est opulente, enveloppante, orientale sur un doux fond santal, ambre et patchouli.
L’eau de Cologne augurait du renouveau des Cologne, une vieille famille qui se découvrait de nouvelles lettres de noblesse mode. Fraîcheur hespéridée d’orange aromatisée de romarin.
Et autour du mot cuir, Cuiron au frais départ de bergamote, mandarine, sur épices, cannelle, poivre rose, et fond boisé et résineux. Pour la facette cuir, une note « daim ».
A (re)découvrir, absolument.
À la boutique Helmut Lang 15 rue Debelleyme.

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Robe Mondrian

Mondrian
Couturier souvent inspiré par l’art, Yves Saint Laurent a commis pour l’automne-hiver 1965-66 une mémorable collection en hommage à l’oeuvre de Piet Mondrian. L’artiste du Stijl a imposé une géométrie mise à carreaux avec essentiellement des couleurs primaires en aplats (la légende raconte que son aversion pour le vert, trop « naturel », l’aurait conduit à peindre en blanc la tige d’une tulipe en plastique !).
Dans la mouvance des sixties où le court est mini, Yves Saint Laurent imagine des robes courtes et droites, presque « sacs » en jersey. Le motif reprend des découpes géométriques à la façon de Mondrian ainsi une sobre Composition (N°III) de 1935 avec des plages de couleurs rouge, jaune et bleu. Plusieurs modèles furent dessinés, Charles Dantzig explique la résultante : « Dans notre imaginaire, ces dix robes se sont fondues en une seule, et on finit par parler de « la » robe Mondrian ». Mythique dans l’histoire de la mode, elle fit à l’époque de nombreuses couvertures de magazines dont Vogue. Grace Kelly, dans un portrait de famille avec Rainier et leurs trois enfants, portait un modèle identique à celui mis en vente à Drouot le 16 décembre. Françoise Giroud en aurait aussi eu un exemplaire. Aux dix modèles (différents) réalisés pour la collection, il faut ajouter les commandes des clientes couture qui seraient de 35 soit un total de 45 robes. Un nombre proche de celui des rares toiles de Vermeer qui en aurait peint 45, mais 37 conservées et certaines pas absolument authentifiées. Avec juste un détail rouge, la robe vendue à Drouot (restaurée pour des trous de mites) n’a pas suscité d’enchères épiques (les grands musées de mode ont déjà leur ou leurs robes Mondrian) mais a trouvé un heureux acquéreur pour la somme d’un peu plus de 7 000€ avec les frais. Une robe iconique, fragment d’une histoire de la mode dans ses liens les plus beaux avec l’art.

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Vente pour la maison Millon sous l’expertise de Pénélope Blanckaert.

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Pop Up Francis Kurkdjian

MFK-Boutique 7 rue des Blancs-Manteaux Paris (4)Pop Up pour le parfumeur Francis Kurkdjian qui réunit ses amis créateurs autour de ses propres compositions. Dans une petite rue du Marais, un carrelage ancien redécouvert et mis à nu, des étagères, des étais verticaux, des fleurs en papier (Marianne Guély), un lustre Baccarat… Du haut de quelques marches trône un piano à queue, le décor est planté, éphémère et fleurant les fêtes.
MFK-Boutique 7 rue des Blancs-Manteaux Paris (7)
Alexandre Vauthier est présent avec quelques bijoux. Sylvain Le Guen, éventailliste, a imaginé ses créations avec des touches parfumées. Pour le goût, les chocolats de Christophe Michalak, des jus de fruits naturels signés par Benoît Jardin (French Detox) et l’huile d’olive d’Alexis Munoz. Pour l’ouïe, Béatrice Ardisson (Ardisong) avec la signature musicale de la Maison Francis Kurkdjian, une remasteration de Pavane pour une infante défunte de Ravel par les soeurs Labèque.
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Et pour le nez, les créations de Francis Kurkdjian. Dans sa carrière, il a beaucoup composé pour de grandes marques ainsi son premier succès, Le Male de Jean Paul Gaultier, une somptueuse Eau noire chez Dior et le très récent My Burberry pour n’en citer que quelques uns. Après avoir relancé le parfum sur mesure, Francis Kurkdjian a plongé et a osé lancer une marque à son nom il y a quelques années. De superbes Cologne, une Aqua Universalis intemporelle, APOM (a piece of me), des Lumière noire, magnifiques et les petits derniers, Pluriel au masculin et au féminin. Pour les amateurs d’Orient une collection de Oud. Sans oublier Amyris, avec une tête en Jamaïque et un coeur à Florence, un joli duo dont l’homme est particulièrement exquis. À découvrir aussi le prochain (en mars) À la rose, une délicieuse reine des fleurs croquante et craquante.
Et pour renouer avec la pratique longtemps associée au métier de parfumeur (gantier) de petites pièces de maroquinerie parfumée, « twin sets » réalisés en peau par Brigitte Montaut (Atelier Renard). Accord ambre-bois pour le veau et ambre-vanille pour le crocodile.
Le charme du lieu, « work in progress », non finito, joue magnifiquement une pavane pour une boutique éphèmère que l’on souhaiterait à demeure.
MFK-Boutique 7 rue des Blancs-Manteaux Paris (9)

Maison Francis Kurkdjian
7 Rue des Blancs-Manteaux

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Lumières : Carte blanche à Christian Lacroix

Pudding Bloch laine

Grand couturier, mais aussi éclectique de grand talent, Christian Lacroix a eu carte blanche au musée Cognacq-Jay pour lui donner un nouvel éclairage sous l’ombre des Lumières avec des oeuvres contemporaines mises en résonance avec le XVIIIe siècle.
Lacroix dessin
Installé dans un petit hôtel particulier du Marais, le musée est dû à l’initiative d’Ernest Cognacq, fondateur de la Samaritaine. Photographies et costumes sont les deux axes forts des incursions de Christian Lacroix dans le décor XVIIIe. Au fil des pièces ornées de portraits, de sculptures s’invitent des photos de Valérie Belin et ses noirs magnifiques. Une pièce d’argenterie, une Nature morte au chaudron de cuivre de Chardin sont accompagnées d’une Nature morte aux deux citrons (2004) de Louise Bossut et d’un magnifique Pudding (1980) de Jean-Louis Bloch-Lainé dont les photos « culinaires » sont toujours un enchantement. Dégageant une chaleur gourmande, le pudding est emballé d’un tissu qui pourrait renvoyer aux coiffes des autoportraits de Chardin (mais mon imagination est peut-être galopante…).
Passé par la manufacture de Sèvres, José Lévy y a créé une assiette aux crapauds.
Dans une salle aux boiseries blanc et or où figurent un Francois Boucher et des portraits dans l’esprit de Nattier, s’impose un costume de scène de Christian Lacroix réalisé pour Adrienne Lecouvreur.
Dans des vitrines, des petites porcelaines reprennent des personnages de la Commedia dell’Arte que Christian Lacroix a rebaptisé avec humour selon ses goûts, ses amitiés… du nom de créateurs de mode contemporains : Igor Chapurin, Adeline André, Naoki Takizawa, Gustavo Lins, Ralph Rucci, Elie Saab, Dominique Sirop, Vivienne Westwood, Damiano Biella, Maurizio Galante, Gareth Pugh, Viktor & Rolf, Pascal Millet, Franck Sorbier. Une délicieuse idée de la comédie de la mode aujourd’hui.
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Au deuxième étage, rencontre entre des souliers XVIIIe et des Manolo Blahnik.
Une salle exotique se tourne vers l’ailleurs à une époque où les récits de voyages enchantent le quotidien. Une photo de Tim Walker mêle Orient et Occident dans un portrait.
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En photo, des immeubles « cages à lapin » et les curieuses petites bicoques (chalets) en bougies de couleurs de Chen Zhen.
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En mode, le tonitruant Walter van Beirendonck est présent avec son originale vision du costume masculin haut en couleurs.
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L’Antiquité demeure la référence pour les artistes du XVIIIe s. qui découvrent et s’inspirent de la Grèce, de Rome. Là, Christian Lacroix a choisi ses costumes créés pour La descente d’Orphée aux enfers, effets drapés et touches de couleurs peintes.
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Un siècle des lumières avec l’air du temps, une forme d’insouciance autour de la fête, objets précieux d’une économie artistique, évocation de sources d’inspiration, mais aussi l’émergence de l’individu dans les portraits… Un temps suspendu avant la Révolution et sa rencontre avec notre époque mise en Lumières par Christian Lacroix dans un musée à (re)découvrir.

Musée Cognacq-Jay Jusqu’au 19 avril

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Dessin de Christian Lacroix
Xiao Wen in Sherbetyellow Marilyn Wig C Tim Walker

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