Couturier souvent inspiré par l’art, Yves Saint Laurent a commis pour l’automne-hiver 1965-66 une mémorable collection en hommage à l’oeuvre de Piet Mondrian. L’artiste du Stijl a imposé une géométrie mise à carreaux avec essentiellement des couleurs primaires en aplats (la légende raconte que son aversion pour le vert, trop « naturel », l’aurait conduit à peindre en blanc la tige d’une tulipe en plastique !).
Dans la mouvance des sixties où le court est mini, Yves Saint Laurent imagine des robes courtes et droites, presque « sacs » en jersey. Le motif reprend des découpes géométriques à la façon de Mondrian ainsi une sobre Composition (N°III) de 1935 avec des plages de couleurs rouge, jaune et bleu. Plusieurs modèles furent dessinés, Charles Dantzig explique la résultante : « Dans notre imaginaire, ces dix robes se sont fondues en une seule, et on finit par parler de « la » robe Mondrian ». Mythique dans l’histoire de la mode, elle fit à l’époque de nombreuses couvertures de magazines dont Vogue. Grace Kelly, dans un portrait de famille avec Rainier et leurs trois enfants, portait un modèle identique à celui mis en vente à Drouot le 16 décembre. Françoise Giroud en aurait aussi eu un exemplaire. Aux dix modèles (différents) réalisés pour la collection, il faut ajouter les commandes des clientes couture qui seraient de 35 soit un total de 45 robes. Un nombre proche de celui des rares toiles de Vermeer qui en aurait peint 45, mais 37 conservées et certaines pas absolument authentifiées. Avec juste un détail rouge, la robe vendue à Drouot (restaurée pour des trous de mites) n’a pas suscité d’enchères épiques (les grands musées de mode ont déjà leur ou leurs robes Mondrian) mais a trouvé un heureux acquéreur pour la somme d’un peu plus de 7 000€ avec les frais. Une robe iconique, fragment d’une histoire de la mode dans ses liens les plus beaux avec l’art.
Vente pour la maison Millon sous l’expertise de Pénélope Blanckaert.