Tom ! L’énoncé du seul prénom du créateur d’origine texane suffisait à l’identification dans les sphères de la mode, comme John, Karl, Jean Paul ou Martin. Mais le grand Tom (Ford) de l’ère Gucci et Saint Laurent a quitté la scène en 2004, dix ans après sa nomination en tant que directeur artistique de la griffe italienne. En une décennie, il avait réussi à remettre en selle la marque au mors et à en faire une référence convoitée, locomotive d’un train où le porno chic culmina avec le point G dessiné en emblème pubien.
Avec Tom Ford, la fonction de directeur artistique atteignit une forme de paroxysme conduisant presque à une fusion avec le terme de dictateur tant ses choix, ses désirs et son influence étaient puissants ces années là. Moins heureux chez Yves Saint Laurent, Tom Ford eut là à affronter l’ombre du commandeur toujours vivant.
Quand en 2004 Tom Ford quitte la scène avec le PDG Domenico de Sole, il ne part pas les mains vides. Serait-il prêt pour de nouvelles aventures ? Son « retour » n’aura pas vraiment lieu, pas de fanfare ni de pom-pom girls pour saluer ses incursions en mode et beauté. Une collection de maquillage et de parfums pour et avec Estée Lauder. Une marque de lunettes sous son nom et puis en 2007 le créateur revient avec des collections pour homme et une boutique à New York puis une à Milan. Dans le dernier James Bond, Daniel Craig porte costumes et lunettes siglés Tom Ford.
Mais Tom Ford avait toujours parlé de son désir de cinéma. S’il a pris du temps, il a réalisé un film très personnel et plutôt très réussi. Le temps va et vient, parfois suspendu, au fil d’une vie en questionnement.
A la recherche de Tom Ford dans Single man
-Architecture. Tom Ford avant la mode avait pensé à l’architecture d’intérieur. Le compagnon du héros du film est architecte et ils vivent dans une magnifique maison de verre et de bois. Une grande baie vitrée sera aussi à l’honneur dans la construction imaginée pour Tom Ford par Tadao Ando à Santa Fe.
-Costumes. Parfaitement taillées, les vestes de Colin Firth sont signées Tom Ford. Le sens du détail va jusqu’aux boutons de manchettes ou à la présence d’un valet de nuit (sens de l’organisation). Dans la préparation pour l’ultime voyage, le héros laisse une note demandant un noeud Windsor.
-Deuil. Le héros subit la perte d’un proche. ? A mettre en parallèle au deuil de la mode de Tom Ford qui en a un peu tourné la page.
-France. Une touche de France avec une chanson de Gainsbourg : Baudelaire de 1962.
-Hitchcock. Des références font penser au père Alfred. Une silhouette et coiffure façon Kim Novak dans Vertigo. En fond de parking une affiche géante où figure la peur de Janet Leigh dans Psycho tandis que le jeune homme rencontré à des allures de James Dean. Ode au cinéma.
-Homme. Les héros de Tom Ford au masculin sont beaux et élégants, presque parfaits. Les « men in black » qui participaient aux événements Gucci et YSL étaient toujours d’une plastique irréprochable.
-Homosexualité. Si les héros sont homosexuels, le film ne milite pas pour une cause gay (même s’il a reçu à Venise le Queer Lion de la mostra). Située dans les années 60, l’histoire esquisse juste, sans lourdeur et avec humour, les a priori d’une époque. Une petite fille exprime les pensées de ses parents : « Vous êtes de la jaquette ».
-Lectures. Si Aldous Huxley est le sujet de lecture pour la classe qui s’agite autour de la peur ; à la maison, le couple dialogue entre La Métamorphose et Breakfast at Tiffany’s.
-Lunettes. Une imposante monture très sixties dessine le personnage du professeur. Un modèle Tom F. (?) qui pose lui même souvent avec des lunettes.
-Maquillage. Tom Ford a imaginé pour Estée Lauder quelques références avec des packagings très glamour. Dans le film, il s’amuse avec les maquillages des années 60, multiplie les yeux de biche et le gros plan flouté du maquillage de l’oeil de Julianne Moore est magnifique.
-Mode. Située au début des années 60, l’histoire est traitée de façon historique, comme un film en « costumes ». Les filles décontractées sur les campus se baladent en corsaires, les grandes jupes corolle flamboient. Les petites filles ont des robes de princesses ou d’enfants sages.
Pour le personnage de Charley, excentrique, une longue robe bicolore noir et blanc très sixties. Charley est la quintessence des femmes qui entourent Tom Ford et son personnage s’inspire en partie de sa grand-mère, extravagante.
-Noms. Jeux de prénoms, hasards ? « Mon frère Tom ». Charley dit : « Je pense à Richard chaque jour ».
-Nu. plusieurs scènes extrêmement pudiques (l’action se situe au début des années 60) mettent en scène des corps nus (de dos). Nu était le nom du premier parfum de Tom Ford chez YSL. Le créateur avait imaginé pour le lancement un vivarium géant rassemblant une cinquantaine de corps masculins et féminins juste vêtus d’une culotte chair (à la Bourse de Paris !).
-Ordre. Dans le détail des scènes où figurent les vêtements se retrouve le sens de la perfection (rangées de chemises…), voire d’une quasi maniaquerie qui habitait un créateur qui ne laissait rien au hasard (comment prendre la parole lors d’une conférence de presse quand une porte n’a pas été fermée ; comment régler le minutage d’une interview pour ne pas dépasser le temps imparti…).
-Parfums. A son arrivée chez YSL, Tom Ford s’était penché sur les parfums, affichant une sensuelle Sophie Dahl pour Opium et lançant sous sa direction artistique des fragrances. Mais c’est surtout avec sa propre collection qu’il a su exprimer ses goûts. Dans le film, le héros est sensible aux odeurs. Est-ce symbolique de dernières réminiscences à capter, à ancrer dans sa mémoire. En s’approchant d’une femme, il suggère : « Arpège », sans doute le Lanvin mythique des années 20. Respirant et caressant un chien (il en a), le héros dit : « odeur de toast beurré ».
-Richard. Tom Ford n’a jamais fait mystère de l’existence de son compagnon, Richard Buckley (ancien rédacteur en chef du Vogue Homme) à qui est dédié le film. Il y figure assis dans une scène de salle des professeurs ( ?) où serait aussi présent le compagnon de Christopher Isherwood, l’auteur du livre à la base du scénario de Single man.
-Rodin. Dans une position intime et dans un lieu privé, le héros lit. Tel le penseur de Rodin ? Les défilés YSL selon Tom Ford avaient lieu dans une « boîte noire » au musée Rodin.
-Soudain l’été dernier. Ce film de 1959 serait-il en filigrane ? Est-ce le thème de l’homosexualité, la scène au bord de la falaise en noir et blanc, la végétation luxuriante chez Charley… Sweet memories.
Images Courtesy Mars Distribution
lire le billetLe 23 février Burberry a réussi un bel avatar avec un vrai défilé global en live à Londres et retransmis dans quelques villes en 3D : Paris, New-York, Dubai, Los Angeles, Tokyo. Chez soi, l’option pantoufle était disponible en 2D via 70 différents sites news ou blogs dont live.burberry.com, Sky news, CNN, … sans oublier facebook ou twitter. Pour renforcer l’ancrage dans le temps présent, certaines pièces de la collection automne-hiver sont disponibles sur le site de la marque jusqu’au 26 février (et livraison en 6-8 semaines).
-Paris 16h30. Ecole des Beaux-Arts. Programmés pour une séance en 3D, les invités reçoivent une paire de lunettes noires. Dans une grande salle blanche, les murs projettent des rideaux de pluie virtuelle (hommage au climat anglais ? au trench ?). Le champagne pétille.
-Ici Londres. En trench, le présentateur (Greg James, animateur de la BBC radio 1) prend parole et micro. Sa silhouette se dresse, proche, très proche, presque en volume ! Vive les 3D.
Le reportage pénètre au coeur de la préparation du défilé. Des vues de Londres posent le cadre. Dans le ciel se dresse Big Ben en volume. En 3D les oiseaux virevoltent, s’approchent vivement (ah, si Hitchcock avait eu cette technique !). Le présentateur interviewe Christopher Bailey et se propulse dans les coulisses pour y rencontrer les mannequins en phase de maquillage.
-A Paris, les boys next seat ont tous leurs lunettes noires braquées sur l’écran.
-A Londres, aux alentours du défilé, pas de vraie red carpet, mais quelques personnalités arrivent. En micro-trottoir, les invités s’expriment. Twiggy, l’ex brindille, ne porte plus son étonnant maquillage des yeux ; elle constate qu’il fait froid et oui bien sûr elle aime le style Burberry. Anna Wintour (vu le climat sur la tamise, Anna Winter) herself est là. Elle précise que la dernière collection de Christopher Bailey était un « huge success » ; elle ajoute (très star) que le show Burberry sera à Londres son seul défilé.
Twiggy
-A Paris, champagne et petits fours encore un peu circulent.
-A Londres, une material girl : Madonna. Oui, il fait froid et oui elle aime C.B. pour B, « so inspiring ». Mario Testino est aussi présent, il retraduira en photos, en campagnes de pub la collection. Kate Hudson aussi aime. Les Kooks aiment aussi ? Oui, c’est cool. C’est quoi ? Cool. Oui, cool.
The Kooks
Christopher Bailey reprend la parole, parle de l’importance des détails, des attaches, des sangles dans cette nouvelle collection.
Et le show goes on en 3D avec les détails du volume bien visibles. Des silhouettes pleines d’énergie avec un mélange d’allure militaire et d’une féminité déterminée, volontaire. Peau lainée, blousons d’aviateur, incontournables. La palette est d’un grand raffinement : ocre, kaki, chamois, grenat, moutarde, bleu … Boutons dorés sur bleu navy de la royale marine. Une collection parfaite pour l’air du temps et renouer avec des envies de mode.
-A Paris les invités tombent leurs lunettes et retournent à une vie plus plate.
PS Maintenant que j’ai les lunettes, j’irai peut-être voir Avatar.
lire le billetOksana Domnina et Maxim Shabalin
Photo Grigory Dukor/Reuters
Anti-mode, kitsch, clinquant, le costume du patinage artistique a des codes particulièrement brillants renforcés par le choix de couleurs flamboyantes. Au rayon des fêtes et attrapes virevoltent ces costumes tapageurs sous les glaces de la rampe.
Un costume
Pas simplement anecdotique, la tenue influence la perception de la performance des patineurs.Après une ère de sobriété sportive jusque dans les années 60 est arrivé ensuite le bling bling avec l’éclat des paillettes étincelant sur la glace : tenue de soirée pour carnaval de Rio.Le règlement précise, mais dans un flou artistique de subjectivité, que « le vêtement doit être modeste, digne et approprié pour une compétition… Il ne doit être ni voyant ni théâtral, mais peut refléter la musique choisie. » Un tempo disco peut ainsi impliquer une surcharge de paillettes… Demeure une certaine latitude qui incite à opter pour des tenues à caractère décoratif, mais en évitant les excès théâtraux d’il y a quelques années. Si les costumes originaux suscitent l’enthousiasme des spectateurs, ils se heurtent à la réticence du jury qui refuse de voir son attention cannibalisée par le vêtement. Le jury a d’ailleurs la possibilité de pénaliser en arguant de l’allure sportive et du bon goût (vaste programme !).
Toujours extensibles (Saint Lycra veille sur les patineurs) les tissus empêchent que le costume ne fasse des plis inélégants.
Une clause concernant les accessoires inappropriés permet aussi de défalquer un point de la note. En principe les décorations doivent être inamovibles, faire corps avec le costume, d’où la prolifération de frangouilles qui pendouillent. Les colliers semblent tolérés à Vancouver alors que la présence annoncée d’un bracelet souvenir porté par l’australienne Cheltzie Lee a suscité un embryon de polémique.
Elle
Le costume de patineuse a des codes assez définis. La longueur de la partie jupe de dos devrait couvrir les fesses tandis que la partie de devant ne devrait pas dépasser plus de la moitié de la cuisse. Mais si la silhouette au féminin est plus courte dans le programme court, elle peut être plus longue pour le libre. Si la jupette est aujourd’hui quasi incontournable, elle ne fut adoptée que dans les années 30, popularisée par la norvégienne Sonja Henie. Dans les années 60 avec Peggy Fleming, la tenue est sobre et élégante, en phase également avec la mode de l’époque qui vire au mini.
En matière de peau, les effets de tissus chair doivent être mesurés et ne doivent pas suggérer une nudité excessive. De nombreux costumes jouent beaucoup sur cette esquisse d’un corps qui se dévoile faussement et pudiquement.
Le port du pantalon est autorisé depuis la saison 2005-2006. Là, le costume de patineuse a une longueur d’avance sur la législation française toujours en vigueur qui indique que « toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la préfecture de police pour en obtenir l’autorisation… ”
Classique, la « jupe de patineuse », courte, évasée et froncée à la taille a aussi droit de cité dans les garde-robes.
Alaïa a créé une magnifique silhouette de jupes et de robes qui fait songer aux patineuses. Cette jupe de patineuse sera sans doute « tendance » l’hiver prochain.
Lui
Au masculin, le port des collants est interdit chez les hommes (ne pas mouler de façon excessive les formes du corps !) et le pantalon doit être long. Les costumes sans manches sont maintenant permis. Si le costume noir a une certaine élégance, l’option petit gilet, parfois strassé, transforme vite la silhouette en garçon de café. Dans le programme court à Vancouver la plupart des patineurs étaient en noir, mais avec des paillettes ou des broderies même rouges (le Japonais Daisuke Takahashi). L’Américain Evan Lisacek (médaille d’or) avait travaillé le noir dans un style un peu troubadour et avait ajouté des plumes à ses mains à demi gantées.
Evan Lysacek
Photo David Gray/Reuters
Eux
Les duos en couleurs se répondent avec les mêmes codes écrits au féminin et au masculin pour symboliser leur unisson (qui se retrouve dans les règles du patinage où ils ne doivent pas trop se séparer). La plupart du temps, les costumes masculins sont dans un registre de plus de sobriété et d’élégance où figure un noir majeur qui se coordonne dans les détails aux codes couleurs de la tenue de sa partenaire.
Des paillettes au costume
La plupart du temps, les paillettes sont présentes, elles signifient l’apparat, mais au final, ce décorum peut sembler excessif. De la tenue de soirée au costume, il n’y a qu’un pas qu’ont franchi de nombreux patineurs. Philippe Candeloro en est le chantre. Il s’est fait remarquer par ses choix d’avatars. Il mit en scène Le parrain aux jeux olympiques de 1994 et le style mousquetaire (D’Artagnan) en 1998. Il s’essaya aussi à Conan Le barbare, Lucky Luke ou même Napoléon. Brian Joubert, nouvelle star du patinage français, a proposé une réinterprétation de James Bond avec une main revolver. Son personnage d’espion n’a pas froid aux yeux avec ses tenues noir smoking où figure parfois un 007 brodé.
Au féminin, les tenues sont souvent plus colorées voire bariolées. Surya Bonaly a souvent privilégié des costumes haut en couleurs, n’hésitant pas à opter pour des imprimés panthère rugissants, étonnants dans la jungle du patinage.
Oksana Domnina et Maxim Shabalin, duo de patineurs russes, ont mis au point une danse tribale adaptée à un costume inspiré de la culture aborigène. Un résultat ethnique étonnant mêlant impression de tatouages et végétaux chlorophylle. Pas du goût du gouvernement australien (l’ethnique est probablement politiquement incorrect), le costume s’est néanmoins affiché à Vancouver dans une version “allégée” (moins d’éléments décoratifs, un ton plus clair) mais toujours très mal perçue. Heureusement que les sex shops n’ont pas protesté quand le duo a osé le vinyle ou encore la protection des mineurs quand, sous l’uniforme d’écolière, s’affichaient coquinement culotte blanche et socquettes.
Un poil de fourrure
Quand dans les années 30 Sonja Hennie a popularisé la jupe courte, elle la portait souvent ourlée d’une bande de fourrure (sans oublier les manches et le col). Une origine scandinave et l’appartenance à une famille de fourreurs ont ainsi joué un rôle majeur dans l’histoire du costume des patineuses au XXème siècle !
Dans les années 60 la fourrure est encore un peu présente même si Peggy Fleming opte pour la simplicité. Quand en 1968 elle obtient la médaille d’or à Grenoble, la médaille de bronze revient à Hana Maskova dont la jupe est ourlée de fourrure.
Mais aujourd’hui la fourrure, la vraie, a de nombreux détracteurs qui souvent manifestent au moment des défilés de couture. Plusieurs patineuses ont pris fait et cause pour PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) dont Surya Bonaly qui a mené une campagne façon bébé phoque : Pas de violence sur la glace.
Pour Vancouver, le patineur américain Johnny Weir a reçu des menaces et s’est senti obligé de renoncer au port de vraie fourrure sur son costume, elle sera remplacée par de la fausse. Mais il précise : « Je ne change pas pour plaire aux activistes, mais pour protéger l’intégrité des jeux olympiques » ou encore : « Je ne veux pas que quelque chose d’aussi idiot qu’un costume nuise à mes chances de médaille… ».
Johnny Weir
Photo John Gress/Reuters
Oui, le costume peut avoir quelque chose d’idiot dans ce qu’il évoque, dans ce qu’il suggère. Mais il joue un rôle capital dans la perception de ce qui est, au patinage, aussi un spectacle. Entre technique et « show », il y a deux mondes qui ne s’entendent pas parfaitement. Ainsi est née une idée qui fera peut-être son chemin : avoir deux compétitions différentes (Philippe Candeloro, commentateur à Vancouver, soutient cette voie et déplore la prépondérance de la seule technique). Cette option laisserait peut-être plus de champ à la créativité, mais on aimerait voir les costumes un peu dépoussiérés de leur bling bling démodé et caricatural et que les paillettes restent au vestiaire.
Et pourquoi pas des créations de mode au service du patinage ?
lire le billetSi le grand bazar d’Istanbul avec ses marchands est proche d’un temple de la contrefaçon, le marché égyptien a lui gardé le charme d’un souk avec ses épices, ses loukoums et ses étoffes bariolées. Mais Istanbul est, à l’écart de son folklore local, en passe de devenir une vraie ville de mode avec les grandes marques installées et des concept stores pointus qui brassent Occident et Orient.
Concept Stores
-Blender est un multimarques avec de nombreuses références d’un sportwear élégant et de beaux accessoires. Le plus amusant est le restaurant dédié au boeuf. On choisit sa côte qui sera grillée et accompagnée de pommes de terre écrasées et salades. Pour les vrais amateurs, une « bibliothèque » de pièces de boeuf aligne les morceaux par degré de vieillissement (maturation de plusieurs mois).
-Midnight Express (un peu ironique comme nom de boutique en Turquie). Tout en longueur, l’espace mixte créateurs occidentaux et la découverte de talents turcs comme Asli Filinta (voir le coup de coeur dans le sujet sur la mode en Turquie), Bora Aksu… Les bijoux de Yazbukey (deux soeurs d’origine turque mais installées à Paris). Sans oublier les Cashmere in love.
-V2K Designers. Une boutique très concept pour présenter la fine fleur de l’Occident avec aussi des expositions. Pendant la fashion week, la vénérable maison Michel (créations de chapeaux aujourd’hui Paraffection de Chanel et dont la directrice artistique est Laetitia Crahay) exposait de grands portraits en noir et blanc pour présenter ses modèles entre chapeau et accessoire de tête.
-Boutiques vintage
-Assez exceptionnelle, Ece Sukan a quelques pièces remarquables : une magnifique robe couture de Christian Dior période Yves Saint Laurent, une cotte de maille militaire très proche de Paco Rabane, de nombreuses tenues des années 60 et des robes habillées pleines de fantaisie. Parmi les accessoires, jolies fantaisies en forme de diligence, téléphone…
-Seymel, deux boutiques dont une dédiée aux accessoires. Quelques robes à paillettes, une magnifique collection de chapeaux (pas à vendre) et un manteau teddy d’Ungaro Parallèle (regrets).
-By retro. Un bric-a brac de tous les styles avec un classement relativement thématique par type d’imprimés : les tartans, les fleurs,… Une joyeuse caverne d’Ali Baba mais avec des prix très occidentaux.
Divers
– Edo Co. L’univers japonais des mangas est revisité en objets de mode avec des sacs, des getas, des tabis… Entre humour et folklore traditionnel. La plupart des objets viennent du Japon.
-Et si Beymen est le grand magasin qui rassemble les meilleurs créateurs du monde, il y a aussi à Istanbul un outlet Beymen qui propose à prix doux les invendus des collections précédentes (la bonne adresse d’Istanbul pour les amateurs de mode).
lire le billetDiplômé de l’école Saint Martin’s de Londres en 1992, Alexander Mc Queen est très vite devenu un nom majeur de la scène londonienne de la «jeune» génération. Il disparaît aujourd’hui à 40 ans à la veille de la présentation à Paris de sa collection automne-hiver 2010.
Qualifié à ses débuts de «bad boy» de la mode (comment oublier sa silhouette de dos avec son pantalon très très taille basse dégringolant sur les fesses, ce bumster qu’à ses débuts il affectionnait tant!). Son allure un peu provoc en fin de défilé, son port du kilt, ses éclats de diamants aux oreilles n’ont été qu’un jeu d’apparence qui l’a amusé et puis il s’est assagi, a reçu le titre de Commander of the British Empire et s’est même mis au costume.
C’est ce costume qui lui a donné les rudiments de son art puisqu’il a appris le métier à Savile Row, le quartier des tailleurs de Londres où le sur-mesure est encore de mise. La légende raconte qu’il cousait dans les costumes qui passaient par ses mains «Mc Queen was there», un de ces tags aurait même été posé dans un vêtement du prince Charles! Se sont succédés des apprentissages variés auprès de Roméo Gigli, Koji Tatsuno… et un diplôme à Saint Martin’s en 1992.
Dès le début ses collections ont été signées d’une maîtrise de la coupe absolue. Son univers personnel s’est créé avec fantaisie dans un style souvent baroque, exubérant voire extravagant, nouant des fils d’inspiration venant de l’histoire, de l’art (dans mes archives sommeille un merveilleux manteau vert au motif de peinture Renaissance)…
La vraie richesse d’Alexander Mc Queen (né Lee et fils de chauffeur de taxi) est un immense talent. Il a beaucoup contribué à relancer la mode en Grande-Bretagne par ses défilés souvent fantasques, mais aussi de purs moments de poésie. Le podium s’est une fois terminé par une pièce d’eau que ses mannequins entravés dans des silhouettes complexes (cadres de bois?) traversaient lentement. Un défilé magnifique s’est terminé en «action painting» avec un robot jetant des taches de peinture sur une robe virginale; un final vertigineux, époustouflant. S’il a aussi fait défiler Aimee Mullins, un mannequin aux jambes amputées portant des prothèses de bois sculptées, ce n’était pas par provocation, mais pour mieux découvrir la beauté partout sans frontières, sans a priori, loin du politiquement correct. Björk a souvent était habillée par Mc Queen (la pochette d’Homogenic) et de mémorables séances photos avec Nick Knight ont immortalisé la chanteuse en vêtements d’inspiration japonaise.
A partir de 1996, le créateur fut aussi en charge de Givenchy pendant quelques saisons (je me souviens de lui embarquant dans l’Eurostar avec des sacs remplis de livres d’art qu’il décrivait avec gourmandise comme des sources d’inspiration précieuses). Des fortunes diverses saluèrent ses collections, mais j’épinglerai une superbe couture extravagante et animalière.
Le créateur a eu aussi l’occasion d’avoir des parfums à son nom, le premier s’appelait Kingdom et le second My Queen, étoiles filantes d’un marché encombré, mais beau souvenir de la reine impériale, superbement habillée par Mc Queen.
Soutenu par l’excentrique Isabella Blow (suicidée il y a 3 ans), Alexander Mc Queen est devenu un grand nom de la mode et a pu développer sa griffe après son rachat par le groupe Gucci en 2000.
Depuis que le créateur présentait à Paris, c’était un des défilés les plus courus de la saison parce que le style était toujours intéressant et que la présentation était un vrai show (une belle façon de communiquer quand on n’est pas trop «annonceur»). Un défilé façon «On achève bien les chevaux», un travail sur les hologrammes, un autre où les mannequins se déplaçaient comme dans un jeu d’échecs sont autant de moment d’exception d’une belle carrière. Sans oublier l’hommage au style de Kim Novak, la belle héroïne hitchcockienne à qui il dédia un sac: le Novak.
Nommé quatre fois Créateur britannique de l’année en moins de dix ans, Alexander Mc Queen va manquer à la mode.
Il écrivait, paraît-il, sur twitter (très affecté par le décès de sa mère) «life must go on».
Too bad !
lire le billetArzu Kaprol
Entre deux rives, entre deux continents, la Turquie fait aujourd’hui le pari de la mode en organisant désormais une « fashion week » dont la deuxième édition s’est déroulée du 3 au 5 février à Istanbul (il faut oublier le m devant le b) avec une vingtaine de défilés de créateurs installés et l’émergence de nouveaux talents. La manifestation a été organisée sous l’égide de l’ITKIB, Istanbul Textile and Apparel Exporters Association.
La conférence de presse, devant de nombreux journalistes d’Europe mais aussi du Japon, a annoncé d’emblée la couleur et les ambitions turques : devenir en 2023 une des capitales de la mode, pas comme les nouveaux pays (Grèce, Inde…) mais à l’image de Paris, Milan, New York et Londres (Tokyo ?). Et se profile également à l’horizon 2023 l’ambition d’avoir dix grandes marques de mode turques. De l’audace, toujours de l’audace, mais aussi un vaste programme qui se construit avec l’aide du gouvernement qui soutient les créateurs turcs dans toute initiative d’exportation. Actuellement quatrième pays du textile, la Turquie veut entrer dans une nouvelle phase et ajouter à la production des compétences en conception et design. « Le soleil de la mode se lève » annonce le président de l’ITKIB en présence du ministre du commerce extérieur tandis que la neige tombe sur Istanbul. Actuellement 7ème en exportation textile, la Turquie est le troisième pays pour le prêt-à-porter après évidemment la Chine. En 2009 16 millions de $ ont été réalisés à l’export.
Inaugurés par l’actrice américaine Meg Ryan pour donner une dimension internationale, les défilés ont tous été rassemblés dans un même lieu, Santralistanbul, en périphérie de la ville (pratique pour les journalistes). Sous des tentes deux salles avec podiums abritaient les défilés en alternance tandis qu’un salon de showrooms présentait les collections aux journalistes et acheteurs. L’ancienne centrale électrique avec d’incroyables restes de machines, salle des temps modernes est utilisée pour les fêtes.
Globalement, le niveau des créateurs est correct, souvent un travail bien fait en termes de coupes, mais où peut-être manque l’émergence de vrais univers personnels. Peu ou point de trace d’un Orient que l’on imaginait (je rêvais aux couleurs raffinées des tissus ottomans). Pas de réminiscences de vêtements turcs, mais une écriture dans un esprit occidental affirmé et où le choix du noir (opposé au blanc souvent) n’ébauchait pas de prise de risques, mais une oeuvre au noir dans des codes résolument occidentaux. La mode est aussi aux silhouettes très construites avec le retour des épaules très marquées, comme dans les années 80. La plupart des défilés ont joué avec fantaisie (ce que l’on a oublié à Paris) des maquillages forts que ce soit en mosaïques de noir, en turquoise fluo pour 20.000 lieues sous les mers…
Pour certains défilés un engouement de personnalités locales était perceptible (certains avec photographe attitré) et parfois de mini émeutes par manque de place (pour Hakan Yildirim notamment).
-Gizia. Un mélange de vêtements construits et de flou avec des silhouettes aux imprimés cinétiques d’un Vasarely turc.
-Tuba-Ezra un duo de créateurs. L’inspiration coquillages et crustacés se pose sur des épaules surdimensionnées avec des détails de dentelles filet (à poissons).
-Arzu Kaprol. Oeuvre au noir, construction de nervures anthropomorphiques. Bi-matières avec association de cuir. Robe blanche « post it ». Carrure surdimensionnée.
-Hakan Yildirim. Patchworks de tissus noirs, savants découpages dans la construction des silhouettes. Application de « roses » en volumes. Robes boules.
–BNG a aussi défilé. Dans la boutique d’Istanbul, des silhouettes fluides mais bien construites, des pièces en plastique perlé, des hybrides avec cuir et des accessoires en feutre (j’ai acheté un collier et un chapeau).
-Représentante des designers, Bahar Korçan a pris la parole lors de la conférence de presse et a aussi défilé. Dans sa boutique d’Istanbul se retrouvent des patchworks où elle n’hésite pas à affirmer des influences ottomanes. Si sa griffe existe depuis une vingtaine d’années en Turquie, elle présente ses créations dans des salons en Allemagne et à Paris et vend en Europe.
-Dans le passé, c’est Rifat Ozbek qui, installé à Londres (diplômé de Saint Martin’s), porta l’étendard de la mode turque hors de ses frontières à partir de 1984. Il créa un parfum à son nom sous forme de minaret. A Istanbul on peut encore trouver ses créations dans le secteur de la décoration avec des tissus du monde entier dans sa boutique : Yastik Istanbul, le mot signifiant coussin.
-Ece Ege, née en Turquie, a lancé avec sa soeur Ayse la marque Dice Kayek en 1992. Elle a défilé souvent à Paris et présente au moment du prêt-à-porter. Sa collection printemps-été 2010 s’intitulait Istanbul Contrast pour symboliser l’intersection des deux cultures.
Coups de coeur à Istanbul
-Amusante collection d’imprimés avec des maillots de bain un peu manga de l’Ouest de Screw Love.
-Aslifilinta. Après avoir suivi (comme Alice) un petit lapin repéré sur un tee-shirt à rayures marin dans une boutique, le show-room est un bonheur. Une collection fantaisiste et ludique avec imprimé bonbons, des formes de contes de fée, de l’humour, des couleurs vives (on se souvient avec nostalgie de l’esprit de Jean-Rémy Daumas dans les années 80). Une jolie énergie. Pour l’hiver, le noir est très présent, il s’impose en gros pois sur fond blanc tandis que des touches rouges ( motifs de fraises à paillettes) l’anime. Ses foulards avec imprimés de têtes de mort (je l’ai commandé) ou plus classiques s’attachent avec des motifs brodés de paillettes de tigres, de fruits… Dans la famille humour qui n’est pas nombreuse en ce moment mais avec heureusement Bernard Willhelm ou Manish Arora, un nouveau nom à suivre.
Photo Katerina Jebb
Petite bulle incongrue et poétique au coeur de la mode, la présentation d’Olivier Saillard était exquise.
Tombé dans le chaudron de la mode, Olivier Saillard en est aujourd’hui un des conservateurs officiels (aux Arts décoratifs) et commissaire d’expositions. En assemblant des tissus brodés, perlés pour en faire des sacs customisés, il s’est aussi essayé à la création. Depuis plusieurs saisons, il explore le territoire de la mode en lui dédiant des mots, des textes qui tourbillonnent autour des chiffons. Il a commencé par des textes, posés sur l’imaginaire (j’ai encore un fax qu’il m’a envoyé, inventant en prose un vêtement qui pourrait être mien). De ces différents éléments, il a fait des recueils, a exposé des textes accrochés sur des cintres…
Depuis quelques saisons, il s’encanaille, il ose davantage. Il présente le plus souvent avec l’exquise Violeta Sanchez des « collections » événements au moment de la couture.
Le 26 janvier, ente deux défilés, il avait installé son salon (avec une assemblée de « vrais » gens de mode) au théâtre de l’Odéon pour une « Leçon de Haute couture Printemps-été 2010.
A partir d’une collection de vêtements chinés, pas « mode » pour un sou, mais émouvants, touchants, rapiécés ou en loques, a été dressé un inventaire dans un système à la fois proche de Prévert et de Pérec. Violeta et Olivier, compères et complices, ont déballé, regardé, montré leurs trouvailles. Numérotés pour le « défilé », les vêtements associent jeux de mots pour initiés (« Jacqueline Sitbon ») et descriptions exquises : « bleu de chauffe au sang bleu », « rayure tennis Lascaux », « new look des pelleteuses », « curriculum vitae d’une vie au travail », « broderie pique-asiette », « point zigzag, après pastis », « 50 ans de cocktail en milieu municipal », « dentelle aux abois par temps de chien »…
Et le N°15 :
Scène de ménage
De Coco à Rei
Trous sans date
Siècle moderne
Un moment de fantaisie exquise “jusqu’à ce que mode s’en suive”. Un « manifeste poétique contre la surproduction de la mode ».
Photo Vincent Lappartient
lire le billet