Giuly, concierge de luxe pour footballeurs

Imaginez une boîte qui s’occupe de votre vie privée mieux que vous ne le feriez vous-même. Qui vous réserve vos luxueuses vacances et vous dégote un accès VIP pour un concert complet depuis des mois. Un rêve fou? Pour vous et moi, oui. Pour les footballeurs les plus cotés, non. La société Ultimate Player, lancée par Ludovic Giuly en janvier, offre aux sportifs de haut niveau ce service dit “conciergerie de luxe”. L’attaquant du PSG explique à PDPS son fonctionnement.

“Surtout avec ce qui se passe en ce moment”. La phrase revient plusieurs fois dans la bouche de Ludovic Giuly. L’ombre de Zahia plane sur le déjeuner, qui se tient dans un resto people du 16e arrondissement de Paris, fréquenté ce midi-là par Franck Dubosc et Alain Cayzac. Epaulé par Benjamin Guiborel, son associé, le numéro 7 du PSG veut dissiper tout malentendu. Ultimate Player n’a rien à voir avec le foot-bling-bling qu’on fait mine de découvrir ces dernières semaines. Non, sa société a pour but d’assurer “la tranquillité dans le corps et la tête” des joueurs qui profitent de ses services.

Lancée au début de l’année, Ultimate Player (UP) est une conciergerie de luxe, détenue à 50/50 par le lutin parisien et le groupe international UUU, une des grosses boîtes du marché. UP ne s’adresse qu’à des sportifs de haut niveau, à la différence de UUU, qui cible plutôt des hommes d’affaires, diplomates, traders, oligarques et autres émirs. Elle propose aux footballeurs des services privés à la carte, qui vont de la réservation d’un hôtel pour le week-end à la privatisation d’une île pour les vacances, de l’engagement d’une baby-sitter pour la soirée à la réservation d’une table dans un restaurant huppé, etc.

“Je vous donne un exemple, détaille Benjamin Guiborel, directeur commercial d’UUU et directeur associé d’UP. Lundi, je reçois un coup de fil d’un footballeur très connu qui voulait aller au concert des Black Eyed Peas à Londres le mercredi soir. Évidemment, c’était complet. Eh bien, je lui ai trouvé 4 entrées VIP.” Le jeune patron s’appuie sur le réseau d’UUU (“15.000 prestataires dans le monde!”) pour satisfaire les demandes de ses clients.

“Quand t’es footballeur, tu ne peux rien prévoir, justifie Ludovic Giuly. Tu as ta disponibilité juste après le match. L’entraîneur te donne 24 ou 48h de repos sans te prévenir avant. Donc, si tu veux en profiter, il faut pouvoir réagir très vite.” D’où le besoin d’un bon concierge de luxe, capable de vous monter un séjour de rêve en trois coups de fil. Et sans faire la queue à l’aéroport. “Une heure, c’est important pour nous dans une journée. S’il faut commencer par appeler Air France pour trouver le vol, puis attendre aux bagages et à la douane, ça vaut plus le coup.”

Pas seulement des caprices

L’essentiel des services proposés par UP concerne le transport-location d’avions privés pour traverser l’Europe- et les vacances. “Mais on peut répondre à n’importe quelle demande, concernant les visas ou des loisirs ponctuels, se vante Benjamin Guiborel. La seule limite, c’est la légalité. J’ai des traders de Londres qui m’ont souvent demandé de la drogue ou des prostituées pour se taper un délire, mais j’ai toujours refusé. L’argent ne peut pas tout acheter.”

De là à imaginer les footballeurs en stars de cinéma, baignant dans un univers de luxe et de débauche, il n’y a qu’un pas. Qu’on est tenté de franchir à la lecture du dossier de presse d’UP, où sont évoqués les “lieux tendance et incontournables de New-York”, “les guest-lists aux défilés de mode à Milan” et la possibilité de “se faire livrer le dernier téléphone portable à l’autre bout du monde…“

“Attention, rectifie le jeune directeur d’UP, c’est loin de n’être que des caprices. Il y en a, évidemment, mais il n’y a pas que ça. Ce sont aussi des choses utiles.” Et Benjamin Guiborel de citer l’exemple d’un joueur d’origine africaine, qui voulait faire rapatrier en Europe le corps de son père décédé. Ludovic Giuly insiste de son côté sur les joueurs évoluant à l’étranger qui veulent retrouver le temps d’une journée la famille et les amis restés en France. “Pour ça, on a besoin d’un jet privé”, affirme-t-il.

Kezman client?

L’idée de cette société -la première conciergerie réservée aux sportifs en Europe- vient du directeur commercial d’UUU, ancien joueur de niveau national à Créteil, chez les jeunes. Elle a séduit Ludovic Giuly. “Parce que j’utilisais les services d’UUU quand je jouais à l’étranger. C’est comme ça que je les ai connus. Beaucoup de joueurs me demandaient de les mettre en contact avec eux. A la fin, j’étais quasiment la secrétaire d’UUU.”

La société possède pour l’instant 300 clients, dont 70% de footballeurs. Les autres viennent du monde du tennis, du rallye et de la natation notamment. Impossible de connaître le nom des clients: UP garantit la discrétion. Parce que les services rendus relèvent de la “vie privée”.

Parmi les clients, beaucoup de joueurs étrangers, qui viennent de s’installer en France. Plusieurs fois, Ludo Giuly cite le nom de Mateja Kezman sans préciser si l’avant-centre parisien est effectivement membre du cercle. “En France, tu signes ton contrat et après tu dois te démerder pour trouver un appart et tout. Moi, ça a été comme ça quand j’ai signé au PSG. Alors, t’imagines pour les étrangers? Ils ne parlent pas la langue et doivent s’occuper de toutes les formalités, l’inscription à l’école pour les enfants, etc. Avec Ultimate Player, on peut les aider pour tout ça.”

Le créneau est donc d’autant plus porteur que les clubs français n’assurent pas ce rôle, contrairement aux clubs étrangers, qui gèrent les footballeurs de A à Z. “A Barcelone, un jour j’ai eu un dégât des eaux. Je ne parlais pas encore très bien l’espagnol, alors j’ai appelé l’intendant du club. En 10 minutes, les pompiers étaient là.”

Mais dîtes, ça ne risque pas de transformer (un peu plus encore) les footballeurs en grands enfants? Réponse imparable de Benjamin Guiborel, passé au tutoiement depuis: “T’en connais beaucoup, des gens, qui ont envie de se confronter au plombier ou à Air France?” Manière de dire que Ultimate Player offre un service que M. Tout-le-Monde rêverait de se payer s’il en avait les moyens.

On en est ou on n’en est pas

Ultimate Player s’adresse de fait à “une population ciblée”, euphémise Benjamin Guiborel. Une élite, que la société choisit de façon drastique. La sélectivité est d’ailleurs l’un des principes de fonctionnement. Un numerus clausus limite à 1000 le nombre de membres de ce cercle. Le site internet nécessite dès la home page des codes d’accès pour continuer la visite. Les candidats doivent remplir un dossier d’informations personnelles pour être admis. “Plus c’est rare, plus on a envie d’y aller”, commente Benjamin Guiborel, rompu aux principes économiques de base. “Ca crée une hiérarchie et une émulation. Nous, les joueurs, on aime bien ça. Il y a ceux qui sont ici et ceux qui sont là”, explique Giuly en positionnant les deux mains l’une au-dessus de l’autre.

La réussite sportive prime, mais l’argent compte aussi. UP propose plusieurs packs à ses clients, qui vont de 3000 à 30.000€ l’année -le pack le plus onéreux étant destiné aux clubs qui sous-traitent la prise en charge privée de leurs joueurs à la conciergerie de luxe. La société ne fait aucune marge sur les transactions ponctuelles (elle ne facture pas un vol 12.000€ à un joueur, alors qu’il coûte 10.000€, pour se faire 2000€ de bénéf), mais se rémunère avec les commissions touchées sur les accords annuels passés avec ses prestataires (compagnies aériennes, hôtels, restaurants, salles de spectacles, etc.). Ces derniers ont tout à gagner à accueillir le maximum de footballeurs à (très) fort pouvoir d’achat, sans parler de l’image de marque…

Le monde du foot divisé

300 membres recrutés en quatre mois. Le succès est là. “Depuis janvier, on enchaîne rendez-vous sur rendez-vous”, se félicite Benjamin Guiborel. Le week-end, sur les terrains de Ligue 1, beaucoup de joueurs viennent aux nouvelles, confirme Ludo Giuly. Les présidents de club soutiennent eux aussi le projet, d’après les deux associés. “Après Lyon-PSG en janvier, Jean-Michel Aulas est venu me voir pour me dire bravo, sourit l’ancien Gone. Au final, tout le monde est gagnant. C’est dans l’intérêt du joueur, du président et de l’entraîneur.” Même si les entraîneurs sont un peu moins réceptifs. Sans doute craignent-ils que les allers-retours à Londres et New York ne dispersent un peu leurs poulains… “Ca dépend du caractère de chacun, nuance Giuly. Didier Deschamps et Laurent Blanc comprennent l’intérêt de la structure, parce qu’ils connaissent, parce qu’ils ont joué à l’étranger. Quelqu’un comme Claude Puel ne connaît pas…” Les autres déçus du système sont les agents de joueurs, en tout cas ceux qui se voient plus comme des gestionnaires de joueurs que de carrières. “Certains essaient de gratter partout où ils peuvent, sur un billet d’avion par exemple, reconnaît le numéro 10 du PSG. Il y en a qui ne pensent qu’à l’argent.”

Dans le milieu du foot, plein de méfiance et d’envie, le nom “Ludovic Giuly” rassure. “Un footballeur ne marche que par réseau et ne répond qu’aux footballeurs, raconte Benjamin Guiborel. Ludo nous apporte une crédibilité immense. Ca nous ouvre des portes. Nos clients savent qu’ils peuvent lui faire confiance, parce qu’il n’a aucun intérêt à se griller.” Ultimate Player assure donc une vie privée sur mesure aux footballeurs les plus en vue, et dans le plus grand secret. Ca n’a pas de prix. “Surtout avec ce qui se passe en ce moment”.

Suivez-nous aussi sur Facebook et sur Twitter

Jérôme Lefilliâtre

Crédit photo: psgmag sur Flickr