Steven Seagal n’est pas un mauvais acteur. Steven Seagal est au-delà de la notion de bon ou de mauvais. Steven Seagal est à la fiction ce que la clef de bras est à la danse classique. Steven fait désormais une série. Elle s’appelle True Justice, et elle passe déjà sur 13 Rue chez nous, et j’étais sur son tournage, cet après-midi (on est mercredi soir), à Vancouver, Canada. Une belle leçon de modestie, de philosophie bouddhiste et de pétage de bras, qui commence dans une caravane.
Le type, sur la photo, là-haut, c’est Steven Seagal. Ok, il a un peu forcé, mais il est toujours balèze, et c’est lui qui le dit le mieux : « Les mecs, j’arrive plus à les poursuivre, mais si je les attrape, je les prend tous. » On le croit sur parole. Steven est assis pénard dans son trailer. Il tripote une guitare sur ses genoux. Parce qu’on est super fan, on essaye de le flatter. « Dis, Steven, tu nous raconte une baston ? » Homme de peu de mots, Steven élude. « Le bouddhisme m’a appris qu’il ne faut jamais être fier. » Bon, alors, un mot de ta vie de flic (Steven casse du méchant dans Lawman, une télé réalité où il joue au shérif pour de vrai) ? « J’ai arrêté des centaines de milliers de criminels, parmi les pires de la planète, des pédophiles, des narcotrafiquants, des esclavagistes… » En toute modestie bien sûr.
Bref, ne soyons pas vache. Steven est sympa, il prend trente minutes pour nous causer de True Justice, et nous rappeler ses principales influences pour ce polar qu’il veut le plus réaliste possible : Les Trois jours du Condor, Serpico et Dirty Harry. En toute modestie. On lui fait remarquer, entre les lignes (parce qu’on n’a pas envie de tester la solidité de notre clavicule), qu’il nous fait bien marrer. « J’aime l’ironie, nous rassure-t-il. Mais pas trop. » Oups. On pense à notre mutuelle, à la sécu, au confort des hôpitaux canadiens. Mais non, Steven rigole. Il sourit. On voit même ses dents, instant rare. On insiste : il doit bien y avoir quelque chose dont il est fier ? « J’ai fait deux films environnementalistes, bien avant Al Gore. » (Benjamin R, mon collègue, me souffle qu’il s’agit de Terrain Miné et Menace Toxique) Perche tendue, perche saisie : « Et Obama, vous en pensez quoi ? »
Steven supporte le Tibet libre, c’est cool. Par contre, Steven est républicain conservateur pur et dur, ce qui est moins cool (ça n’engage que moi). Et c’est lui qui en parle le mieux. Florilège : « Obama a fait ce qu’il a de pire pour l’économie américaine. » « L’essence des États-Unis, c’est d’aider le capitalisme, pas de museler les businessmen. Ça, c’est la recette du désastre. » Pire, « on ne protège plus nos frontières. Aujourd’hui, tout le monde peut passer, y compris des terroristes avec des bombes nucléaires (sic.) Ce n’est pas un problème d’immigration, mais un problème de sécurité. » Ça tombe bien, Steven arrête aussi des immigrés dans Lawman. Même à bientôt 60 ans. Ou pas. « Wikipédia écrit n’importe quoi. Vous leur demandez de changer, et ils vous envoient balader. » On ne saura pas s’il a vraiment la soixantaine approchante. L’interview se clôt sur un échange informel sur ses guitares. Il se trouve que Steven a « la plus importante collection de guitares blues au monde. » Trop fort ce Steven.
Ceci étant dit, on est venu pour voir le tournage de True Justice. La scène du jour se déroule dans une chouette vieille maison, au bout de la rue. Notre chance, c’est qu’on tourne une scène de combat. Steven Seagal (son personnage s’appelle Elijah Kane) va balancer un méchant dans une cage d’escalier. Après une bonne heure d’installation, l’acteur / producteur arrive, et prend les choses en main. Il monte presque de toute pièce la scène, décide des mouvements de caméra, discute avec le réalisateur, les autres acteurs, gère. C’est le boss. Le reste se passe de commentaires, du coup j’ai canardé à bout portant Steven… avec mon appareil photo. Les photos accompagnent ce post. Pour voir la scène en entier, ce sera sur 13e Rue prochainement, dans True Justice, saison 2.
Photos @Pierre Langlais