L’identité nationale… des séries

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Puisque le Gouvernement veut qu’on parle de notre identité nationale, parlons de celle des séries. Ça tombe bien, ces dernières semaines, les deux extrêmes de ce qui fait notre fiction s’opposent. D’un côté, les séries et téléfilms de TF1, « fédérateurs », grand public, soi-disant si chers à la fameuse ménagère. Exemples : Camping Paradis ou Père et maire. De l’autre côté, Canal+ et ses séries novatrices, complexes, exigeantes, mais qui, ô bonne surprise, marchent. En l’occurrence, Braquo et Pigalle, la nuit. Entre les deux camps, un fossé, un gouffre, un canyon, que dis-je un océan. Et pourtant…

Les séries de TF1, houspillées par la critique – à juste titre, selon moi – visent le consensus mou, l’amusement sans effort, la caresse dans le sens du poil du téléspectateur « moyen », tristement catalogué sans ambitions. Leurs personnages sont des gens simples, proches du peuple, ou, plus efficace, des flics, des docteurs ou des enseignants – voire les trois à la fois quand les scénaristes sont en forme. A force de se voir servir la même soupe, ce téléspectateur-là s’en contente. Joséphine ange gardien cartonne. Soit. Les œuvres de Canal+, (presque) pas tenues de faire de l’audimat, visent elles un public de niche, celui des exigeants, de ceux qui en ont ras le bol qu’on leur serve la fameuse soupe de TF1. Les héros de Pigalle, la nuit sont des camés, des alcoolos, des proprios de sex-shops ou des danseuses adeptes de la partouze. Ceux de Braquo sont flics, certes, mais aussi camés, alcoolos, etc. Pas exactement le reflet du bon peuple. Deux genres, deux tons que tout semble opposer. Et pourtant…

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Esthétiquement aussi, ce sont deux mondes qui se font face : chez TF1, on cherche la sobriété, la neutralité. L’histoire prime. Pas de cadrages tordus, ou alors juste quelques vilains effets dans les polars. Avec Olivier Marchal (Braquo) ou Hervé Hadmar (Pigalle, la nuit), Canal laisse ses réalisateurs s’exprimer. Ce sera caméra nerveuse et image grise déprime chez le premier, reflets rouge nuit, 35 mm et longue focale pour le second. Visuellement, c’est le jour et la nuit. Parlons enfin de casting : les Laurent Ournac, Ingrid Chauvin, Mimi Mathy et Bruno Madinier, spécialistes du petits écrans, couvrent la moitié des rôles de TF1. Côté Canal, Marchal est allé chercher Jean-Hugues Anglade et Nicolas Duvauchelle, acteurs de cinéma avant tout. Hadmar et Herpoux, son collègue créateur de Pigalle, ont débauché Simon Abkarian et Jalil Lespert. La classe quatre étoiles. Soldats de la télé contre figure du cinéma, là encore, on ne voit pas le rapport. Et pourtant…

Pourtant, ces deux mondes des séries françaises, si différents, incarnent tous deux l’identité nationale de notre petit écran. A l’heure où trop de programme tentent de singer leurs cousins américains, Pigalle, Braquo, Joséphine, Père et maire et les autres, glorieux, foireux, novateurs ou pas, ont le mérite de « faire français. » En ce sens, ces séries façonnent notre paysage audiovisuel, définissent ce qu’est une « série française. » Elles plaisent à deux publics bien distincts, celui de TF1 et celui de Canal. Reste à souhaiter que la Une puisse un jour s’inspirer du succès créatif de Canal et, lentement, élève le degré d’exigence de ses téléspectateurs. Alors on pourra dire que les séries françaises se portent vraiment mieux. En attendant, cessons tout angélisme, et revenons sur Terre : Pigalle, la nuit, voilà à quoi pourrait ressembler les séries françaises. Joséphine, ange gardien, voilà à quoi elles ressemblent encore trop souvent.

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5 commentaires pour “L’identité nationale… des séries”

  1. La roue de mon vélo est faussée, je suis tombé dans un fossé !!
    Ah, l’orthographe !
    A part ça, continuez, j’aime beaucoup vos chroniques
    Philippe

  2. Faussé ???
    C’est un fossé qui sépare les séries.
    Cordialement

    D. Layet

  3. Raah, vous avez bien raison. Et dire que j’ai une maîtrise de lettres… que voulez vous, passer trop de temps devant les séries, voilà à quoi ça mène 😉

    Merci pour vos lectures. Et soyez sûrs que je ferai d’autres fautes à l’avenir, donc lisez-moi souvent 😀
    Et n’hésitez pas aussi à réagir sur le fond, bien sûr…

    Cordialement

  4. Respect! Comment tu fais pour te taper des trucs pareils?

  5. Conscience professionnelle, mon (ma) cher (chère) 0* 😀 Bon, si ça peut vous rassurer, je regarde tous les épisodes de Pigalle la nuit ou Braquo, et juste une poignée d’épisodes des séries de TF1…

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