Les analyses autour du championnat de France sont affligeantes. Pour préserver un suspens factice, journalistes et consultants font monter la sauce de manière artificielle et un tantinet pénible. L’arrivée du Qatar au PSG n’arrange rien.
Comment bien commenter le sport ? Je ne parle pas ici des commentaires pendant les matchs mais des émissions et des articles avant et après match. La Ligue 1 est à peine à sa 4ème journée sur 38 que Montpellier vient déjà de négocier son premier virage, qu’André-Pierre Gignac est un grand attaquant, que le PSG sort d’une mini-crise et qu’il est victime d’une Ibra-dépendance.
A croire qu’il n’est jamais arrivé à aucun club d’être champion malgré 3 matchs nuls consécutifs à un moment ou un autre dans la saison. Les journalistes sportifs se retrouvent trop souvent à analyser au jour-le-jour des performances de clubs et d’équipes qu’ils suivent depuis des dizaines d’années. L’Equipe a touché le fond du ridicule en titrant après deux matchs “Le bel été de Gourcuff” le jour même où celui-ci se blessait.
Le football ne se comprend pas sur le court terme. La victoire des Bleus en 1998 se construit en 1996 quand Jacquet décide d’installer le duo Zidane-Djorkaeff au détriment de Cantona. Le titre de Montpellier l’an dernier est le fruit de 3 ans de travail avec un effectif stable. Un joueur, même Messi, peut avoir un ou deux matchs – voire un ou deux mois – de moins bien sans que cela n’entache sa saison. Djibril Cissé explique, dans l’épisode d’Interieur Sport qui lui est consacré, qu’il connaît une baisse de régime systématique chaque année quand arrive l’hiver avant de retrouver le chemin des filets au printemps. Pourtant, à chaque fois, les articles ou les émissions “Cissé est-il fini ?” fleurissent.
Foot et HIMYM, même combat ?
De même, on s’interroge sur la résurrection de Gignac au bout de 4 matchs. Un débat complètement futile et sans aucun intérêt puisque seul le temps tranchera. Si Dédé continue à bien jouer on pourra parler de résurrection, s’il retombe dans ses travers, on parlera d’embellie passagère. Mais aujourd’hui, le débat est inintéressant car impossible à trancher.
Malheureusement, les émissions de foot sont programmées tous les jours, l’Equipe est un quotidien. Il faut bien trouver de quoi parler. Résultat, on traite la Ligue 1, une compétition de longue haleine, comme une sitcom avec ses rebondissements – exagérés –, ses suspens – inventés –, et ses émotions – factices la plupart du temps. Le foot, c’est comme How I Met Your Mother. Cela ne nous fait plus vraiment vibrer, on devine vite ce qui va se passer à chaque épisode, mais on aime retrouver les acteurs. Un ressort sur lequel la LFP a d’ailleurs joué pour la reprise de la saison 2006/2007 (merci @PierreGodon).
LFP Reprise Championat 2006-2007 par pubzagogo
Victimes consentantes
Au final, les lecteurs/téléspectateurs/supporters ne sont pas dupes. Ils sont des victimes consentantes du système. Au bout d’une ou deux saisons, ils savent reconnaître un débat factice d’une question de fond. Les vraies victimes sont ailleurs. Les quelques footeux mal entourés et les jeunes sont les premières. Ils se voient vite en haut de l’affiche et s’effondrent avant d’avoir confirmé. Les Le Tallec, Dalmat et autres Alliadère portés aux nues, qui prennent la grosse tête et vont s’enterrer loin de leur niveau. L’équipe de France de ces quatre dernières années peut aussi rentrer dans cette catégorie. L’attitude des joueurs sur la pelouse est sans commune mesure avec leur palmarès. La faute à une starification et une médiatisation importante sans rapport avec leur palmarès international, vide.
Autre problème, le foot a du mal à attirer de nouveaux fans. Imaginez un mec un peu éveillé intellectuellement qui essaie de se mettre au foot. Il doit se taper des questions stupides, du genre “Alors, après deux défaites, la crise couve ?”. Et des réponses tout aussi intéressantes que “Je pense qu’il faut qu’on se concentre sur nous et sur le travail, prendre les matchs les uns après les autres.” Merci pour l’analyse.
Personne ne s’écoute
L’arrivée de QSI au PSG n’a pas arrangé les choses. La plupart des entraîneurs avaient beau dire que cela prendrait du temps de construire l’équipe avec tous les changements (5 arrivées majeures au mercato), les commentateurs principaux se sont tout de même interrogés sur le début de championnat poussif du club qatari. A quoi cela sert-il d’inviter des experts si on ne les écoute pas ?
Ce rythme médiatique très court qui entoure le foot explique la réussite et l’attente autour de la Ligue des Champions. Une fois la phase de poule passée, les matchs couperets en format aller-retour proposent un réel enjeu sportif à court terme (les deux manches sont espacées de deux semaines en général). Le public et les médias sont donc à l’unisson pour commenter une dramaturgie sportive réelle (sans parler du niveau de jeu).
D’ailleurs, les sports US, conçus pour le business, proposent des longues phases de play-offs avec matchs couperets à gogo, un produit télévisuel beaucoup plus intéressant.
Olivier Monod
Euh oui enfin il semble que vous tombiez vous-même dans les travers que vous dénoncez avec votre précédent billet “Deschamps fait mieux que Blanc”, après seulement 3 matches à la tête de l’EDF…
En effet, bonne remarque.
Ceci peut s’expliquer de plusieurs manières:
– Les sélections nationales ont très peu de temps pour se construire. Dans un mini-championnat à 5, la victoire est obligatoire dès le début, pas dans un championnat à 20 équipes.
– Deschamps a eu le mérite en trois matchs d’essayer des formules que Blanc n’a jamais tenté en deux ans.
– Blanc n’a jamais gagné contre la Biélorussie
– PDPS fait preuve de mauvaise foi et l’assume
– PDPS dénonce un système auquel il appartient
Je vous laisse piocher dans ces explications celle(s) qui vous convien(nen)t
L’Equipe a touché le fond du ridicule?
Ca alors!