Bonne nouvelle, les moins de 20 ans sont éliminés

“Non, pitié, pas une carrière à la Kevin Jacmot!”

Dans la nuit de mercredi à jeudi, comme ceux qui n’ont pas Canal+ et qui ne pouvaient donc pas profiter du match Barça-Real, j’ai regardé la demi-finale de la Coupe du Monde des – 20 ans, France-Portugal. Au final, une défaite 2-0 et des petits Bleus qui affronteront le Mexique samedi pour une troisième place.

Cette défaite est plutôt une bonne nouvelle. Elle évite quelques jours d’emballement médiatique et la grosse tête pour ces joueurs. Qu’aurions-nous eu si jamais ils étaient allés en finale et même, pire, s’ils avaient gagné: “Toute la France et derrière eux, “une victoire historique”, “le renouveau”, “un groupe uni qui représente l’avenir de la France” et blablabla, et blablabla. Mieux encore, c’eût été l’apologie de Francis Smerecki, l’homme qui disait non aux quotas.

Sauf que, pour l’Equipe de France comme pour les autres pays, des bons résultats dans les équipes de jeunes ne garantissent pas forcément des lendemains heureux pour les joueurs et pour l’équipe nationale A. Prenons la génération 1984. Après une impressionnante victoire en Coupe du monde des moins de 17 ans en 2001, Florent Sinama-Pongolle, Anthony Le Tallec et les autres sont mis sur un piédestal. Ils sont alors censés être l’avenir de la France et du football mondial. Et puis, finalement, rien, ou presque. Alors qu’à 27 ans, ils devraient être tous au sommet de leur carrière, certains de ces joueurs ne sont même plus professionnels. Les cousins éloignés du Havre se sont cassés les dents à Liverpool et ailleurs; ils jouent maintenant en Ligue 1 dans des clubs de milieu de tableau. Au contraire, Thierry Henry, David Trezeguet, Nicolas Anelka, William Gallas ou Mickaël Silvestre sont tous nés en 1977, ont tout foiré en jeunes, et beaucoup gagné chez les pros.

Même constat à l’étranger. Les équipes africaines ont souvent des résultats excellents dans les catégories juniors et peinent ensuite à capitaliser au plus haut niveau. Ou encore l’Argentin Javier Saviola, qui fit chavirer mon coeur en marquant onze buts lors de la Coupe du monde des – 20 ans en 2001 (6 buts pour Djibril Cissé et Adriano), et qui fit surtout au final le bonheur des joueurs de Football Manager (sa carrière n’est pas indécente loin de là, mais il n’a pas répondu à toutes les attentes, tout de même). Depuis 1995 d’ailleurs, l’Argentine a gagné cinq des huit dernières éditions de la Coupe du monde des moins de 20 ans (sans compter celle qui se déroule actuellement) et multiplie les échecs avec les A.

A cela plusieurs raisons. Comme il a souvent été expliqué pour les – 17 ans français en 2001, tous les joueurs n’étaient dans le fond pas si bons, mais ils formaient une équipe efficace, sachant jouer ensemble. Pareil pour cette année avec les – 20 ans. L’’entraîneur Francis Smerecki l’a répété plusieurs fois, on arrive au bout d’un cycle de 5 ans avec les mêmes joueurs. Une demi-décennie, c’est long et Laurent Blanc rêverait sans doute d’avoir autant de temps avec les mêmes joueurs. Dans les catégories jeunes, des collectifs bien huilés peuvent donc aller assez loin sans trop de problèmes.

Mais ce dont une sélection nationale A a besoin, c’est que deux ou trois joueurs (il y en a très rarement plus) d’une génération puissent élever suffisamment leur niveau pour passer l’échelon supérieur. Et si l’on regarde honnêtement cette équipe de – 20 ans, il n’est même pas sûr qu’un seul d’entre eux fasse une belle carrière chez les A. Fofana, peut-être, mais il joue à un poste où il y a beaucoup de concurrence et, lors du quart contre l’Equateur par exemple, il a tout raté jusqu’à son but. Lacazette, c’est pas mal; Kakuta se dirige lui pour l’instant plus vers une carrière à la Meghni plutôt qu’à la Zidane; Sunu et Négo c’est pas bon; la hype Griezmann est encore très très loin du niveau international. Grenier finira à Auxerre avec de la chance et la défense et le goal, c’est mauvais.

Après, ils sont encore jeunes et ils peuvent nous surprendre, évidemment. Mais, pour cela, il faut jouer. C’est pour ça que j’ai plutôt bon espoir dans le capitaine Fofana, qui évolue régulièrement au Havre en L2, une excellente école pour s’aguerrir (jurisprudences Alou et Lassana Diarra). Ou même Griezmann, qui connaît déjà bien la Liga. Espérons également que les Lyonnais aient du temps de jeu. Le problème est plus pour ceux qui se sont exilés dans des clubs chics, comme Kakuta (Chelsea), Sunu et Coquelin (Arsenal), Négo (Roma) ou Lejeune (Villareal). Eux, s’ils n’ont pas de temps de jeu, ne progresseront pas et rejoindront alors le cimetière des jeunes joueurs partis trop tôt à l’étranger et qui n’ont jamais éclos. Le premier, Kakuta, semble en avoir pris conscience, puisqu’après un prêt à Fulham, il devrait retourner dans le club londonien ou rejoindre Lille pour la saison. Cette défaite en demi-finale a contribué à leur rappeler que même s’ils sont déjà pour certains un peu starisés, rien n’est acquis. Il va falloir bosser dur les jeunes.

Clément Noël

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Crédit photo: Reuters