Michel Seydoux, 63 ans, entrepreneur de spectacle

Un petit air de Gervinho niveau implantation capillaire

Oubliez Jean-Michel Aulas, c’est tellement 2006. Le nouveau patron du foot français préside le Losc, portait la moustache il y a quelques années encore, vient du cinéma et possède un resto dans le 7ème arrondissement de Paris. Michel Seydoux est dans la place, et avec le Lille 2010-2011 qui lorgne le trophée des Champions ce mercredi contre l’OM, une nouvelle vision du foot.

Après sept titres de champion de France, on croyait la Ligue 1 définitivement passée sous la coupe de l’Olympique lyonnais, plus que jamais incarné par son président Jean-Michel Aulas. Le genre de gars qui fonde une PME d’informatique en 1983 (3615 CEGID – 2,50F la minute) pour en faire 30 ans plus tard le leader hexagonal des solutions RH pour entreprises, et qui devient l’une des plus grosses fortunes de France. Au passage, le jeune loup lyonnais a appris à connaître les Bill Gates et les Steve Jobs, en même temps qu’il a passé toutes les étapes de la petite start-up qui monte: investissements, levées de fonds, introduction en bourse, rachats de concurrents… Le parcours typique du rouleau-compresseur économique, qui se construit patiemment pour tout écraser un jour. Ca fait peut-être kiffer un lecteur des Echos, mais pas le supporter de base. Est-ce vraiment une surprise si JMA n’est pas adoré par la France du foot?

Heureusement pour le fan, l’époque est révolue. Aulas a été dépassé en 10 ans par un nouveau venu qui s’est davantage exposé ces derniers mois: Michel Seydoux, patron du Lille olympique sporting club depuis avril 2002. Neuf ans d’ascension pour un doublé génial (titre – coupe), réalisé par une équipe bouillonnante d’envie, d’offensive et de plaisir – voir les deux tridents Sow/Hazard/Gervinho et Mavuba/Cabaye/Balmont. Le beau jeu, un hasard? Loin de là. La consigne a été donnée par Seydoux à Rudi Garcia le jour où il a été embauché comme entraîneur. Caprice de président? Non, simple stratégie industrielle.

Producteur de spectacle depuis 2002

Bien qu’il porte régulièrement le combo chapeau-boléro et a seulement récemment rasé sa moustache, Michel Seydoux est un mec du showbiz. Un entrepreneur du spectacle, un producteur de ciné – il préside la société Camera One, qui a financé notamment les films d’Alain Resnais, fabuleux réalisateur de Smoking/No Smoking. Son boulot à l’origine, c’est de faire rentrer les spectateurs dans les salles obscures pour leur faire passer un bon moment. Son boulot au Losc, c’est de faire rentrer les supporters dans les stades pour leur faire passer un bon moment. Voir son interview dans L’Equipe du 8 juin dernier: «On produit du spectacle. Il y a un scénario et il faut les acteurs capables de le jouer. Il faut attirer, ratisser dans une zone d’achalandage plus large, quand votre nombre de fans –je n’aime pas le mot supporters– ne suffit pas. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. En foot, on n’attire les gens qu’avec du beau jeu.»

De là toute la politique de Lille. Au mercato, les dirigeants évitent les brutasses. Ils préfèrent enrôler Dimitri Payet (done) et Marvin Martin (to be continued), deux dribbleurs capables d’enflammer le public comme Gervinho l’a fait jusqu’ici. Côté communication, pour se forger l’image de l’équipe sympathique qu’on a envie de soutenir, le club joue sur la «gentillesse» et la «disponibilité» des Rami et Landreau, version «nous on fait notre chemin pépères» (alors que c’est le cinquième budget de Ligue 1, installé dans la troisième métropole française). Promu en amont de la livraison du grand stade de 50.000 places l’été prochain, le beau jeu doit permettre de séduire un max de fans à cette date, histoire de faire rentrer les recettes de billetterie. «Le spectacle, c’est un tout: des joueurs, mais aussi une atmosphère, un stade, précisait Seydoux en juin dans L’Equipe. (…) Moi, je préfère un ignoble match de Premier league dans un stade magnifique et plein que certains matches de Ligue 1. On y a réfléchi à l’UCPF mais impossible de dire à un club: ‘Vous ne montez pas en L1, parce que votre stade est pourri’. (…) Un grand chanteur ne passe jamais dans un petit cabaret.»

Eviter les accidents industriels type Arles-Avignon

Vous l’avez compris, Michel Seydoux ne veut pas du spectacle pour nous faire du bien, nous autres médiocres supporters à la vie de routine, mais parce que c’est la seule façon de faire du ballon rond un business rentable. Méfiez-vous de son image bonhomme, le patron de Lille est moins tendre qu’il n’y paraît. Idéalement, il ne serait pas contre une Ligue 1 fermée, sur le modèle des franchises américaines, pour professionnaliser au maximum les choses. Et éviter qu’Arles-Avignon et Grenoble viennent de temps à autres ridiculiser le script du championnat de France. Comme la proposition est inaudible chez nous, Seydoux a trouvé une voie médiane qu’il répète à qui veut l’entendre: il faut baisser le nombre de clubs à 18 et n’en faire descendre chaque saison que 2. Ainsi, on réduit les risques d’accident. Surtout, on limite le nombre d’entrées pour rendre le top niveau plus select. Faut-il le préciser? Michel Seydoux est un habitué du festival de Cannes.

Dans le futur grand stade, 15% des places seront des VIP. La moyenne européenne est à 10%. Le premier en France, le patron de Camera One a décidé d’exploiter vraiment ce levier inexploité. «Allô, M. Rombier, bonjour c’est M. Lafert. J’ai réservé une loge à Lille samedi soir pour le match contre le PSG. On discutera de notre contrat à la mi-temps.» Le même dialogue ne fonctionne pas à Auxerre. Le stade ne s’y prête pas, l’ambiance non plus, et le spectacle encore moins. Malin, le Michel. Surtout qu’il s’est implanté dans une ville à une heure de TGV de Paris, où il réside toujours.

Dans le showbiz, on n’a pas peur de dépenser. Toujours dans l’Equipe: «On devrait se féliciter du déficit du football français. En France, il n’est pas interdit de perdre de l’argent dans une affaire. Quand on investit, quand on a un vrai projet, cela peut se traduire par des pertes mais, quand ces pertes sont intelligemment pensées, cela peut faire avancer les choses. Le football français ne vit pas au-dessus de ses moyens. 130 millions d’euros de pertes, c’est rien ! En dehors des accidents industriels, ces pertes sont un investissement.» Le foot mérite bien qu’on flambe un peu, sinon on s’ennuie. Le spectacle est aussi à ce prix.

Jérôme Lefilliâtre

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Crédit photo: Reuters

2 commentaires pour “Michel Seydoux, 63 ans, entrepreneur de spectacle”

  1. Michel Seydoux est surtout un héritier. Il a hérité de sa famille, les Schlumberger. Argent, et savoir faire. Saluons sa réussite à Lille (Je suis originaire du Nord-Pas-de-Calais). Mais ne le confondons pas avec un mécène. Ceci dit, le foot a besoin de gens comme lui. Sans tomber dans une franchise style NBA. A titre d’exemple, le football allemand est prospère tout en respectant les principes sportifs et de bonne gestion.

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