Bernard Arnault actionnaire heureux de LVMH et malheureux de Carrefour

Pour comprendre la crise, on peut la regarder à travers un seul homme : Bernard Arnault. Le patron du groupe de LVMH a tout pour être heureux, mais le premier actionnaire de Carrefour n’a pas beaucoup de sujets de satisfaction. Il illustre donc, à lui tout seul, un aspect de la crise qui coupe le monde en deux de manière caricaturale. La planète du luxe se porte au mieux, celle de la consommation courante se traîne. Mais, il est impossible aujourd’hui impossible de faire une synthèse des bonnes et des mauvaises nouvelles puisque Bernard Arnault réduit au maximum la publication de ses comptes.

Commençons par les bonnes nouvelles. L’homme le plus riche de France, selon le dernier classement établi par Challenges, avec une fortune évaluée à 23 milliards d’euros, vient d’annoncer des résultats mirobolants (lire Les Échos 28.07.10) pour le premier semestre 2010, pour LVMH. Comme il le dit lui même cela se passe de commentaires : 16 % (9Mds €) pour le chiffre d’affaires, +33 % (2Mds €) pour un résultat opérationnel et +53 % (1Mds €) pour le résultat net. Conclusion simple pour Bernard Arnault sur BFM : « On est dans une phase de sortie de crise dans le monde, c’est incontestable la croissance est revenue aux États-Unis, elle est forte en Asie, et finalement en Europe les choses commencent à se régler… Ceci dit, je ne ferai pas de pronostique pour la seconde partie de l’année. On verra »

Les mauvaises nouvelles viennent, elles, de la grande distribution avec une hausse du chiffre d’affaires de 5,9 % (49 Mds€). Mais, attention, l’essentiel de la croissance vient de l’évolution favorable des taux de change pour le groupe qui établie sa comptabilité en euros. À taux de change constant, la croissance serait de 3 %. Pour le résultat opérationnel, qui sera connu à la fin du mois d’août, il devrait progresser de 8 % (1,1 Md€) au premier semestre et de 11 % pour l’année 2010. Il y a donc du mieux, mais assez pour retrouver les chiffres de l’année 2008 : 1,4 Md€ et 3,3Mds€. Du coup, l’action Carrefour ne parvient pas à se sortir de la zone des 35 € quand Bernard Arnault les a payés autour de 47 €.

Nous avancions, sans pouvoir le vérifier, les portes parole attitrés de Bernard Arnault refusant de répondre à nos questions, que Bernard Arnault devait accepter d’afficher une perte de 800 M€. La seule preuve existante du montant de la paume se trouvait dans le bilan de Cervinia, la holding belge spécialement créée par Bernard Arnault pour porter les actions Carrefour et qui affichait une perte de 635 M€ pour l’année 2008. Impossible de remonter plus haut puisque Groupe Arnault SAS, la holding familiale qui contrôle l’ensemble du groupe, ne publie plus ses résultats depuis deux ans. Pour renflouer Groupe Arnault SAS, Bernard Arnault avait aussi dù se résoudre à vendre sa participation dans  Château Cheval Blanc, l’un des plus beaux domaines de Saint Emilion à LVMH pour 238 M€ (p. 127 du document de référence 2010).

Les mauvaises affaires réalisées dans les rayons des hypermarchés par le roi du luxe expliquent la stratégie industrielle de Carrefour qui vise à redresser au plus vite le cours de l’action. En vain, jusqu’à présent. Bernard Arnault qui rencontre très régulièrement Lars Olofsson, le patron du groupe de distribution, souhaitait l’an dernier annoncé des désengagements massifs et rapides. Il s’agissait de se retirer du Brésil et de Chine. Deux marchés à forte croissance sans lesquels les ventes seraient aujourd’hui en recul. Lors Olofsson n’a finalement réalisé que des retraits ciblés et modestes, comme la fermeture de deux magasins en Russie. Depuis, la liste des pays dont le groupe est supposé se retirer se fait ou se défait avec pêle-mêle le Portugal, la Thaïlande, la Malaisie et Singapour.

PhDx