Les banques françaises ont brillamment passé l’épreuve des “stress tests” ou test de résistance. Prenez leur bilan, confrontez-les, fictivement, à une crise épouvantable et voyez ce qu’il en reste. Pas de soucis, le Crédit Agricole, la BNP Paribas, le groupe BPCE (Banque Populaire Caisse d’Epargne) et la Société Générale, ont subi le crash test et résisté, elle n’ont pas besoin d’être recapitalisée. Dès, mercredi dernier, la ministre de l’Economie et des Finances, Christine Lagarde l’avait laissé entendre : elle était “totalement confiante”, disait-elle dans Le Figaro.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Deux anecdotes, concernant la Société Générale, laisse planer une doute quand la confiance que l’on peut avoir dans ces tests de résistance aux crise.
En décembre 2007, la banque assure avoir calculé et recalculé son exposition aux risques représenté par l’effondrement du marché hypothécaire aux Etats-Unis, les fameux subprimes. Les établissements de crédits ont prêté sans se soucié des capacités de remboursement des emprunteurs en s’appuyant sur l’idée qu’en cas de défaillance ils récupéraient la maison dont le prix avait augmenté. Le prix de l’immobilier étant supposé monté sans cesse, le remboursement devenait certain.
A l’automne 2007, Daniel Bouton et Frédéric Oudéa, assurent que dans la pire des situations la Société Générale ne peut pas perdre plus de 200 millions de dollars dans la crise des subprimes. Le 7 septembre 2007, l’ancien PDG assure que “l’exposition [de la banque] au marché des subprimes est marginale”. Trois jours plus tard, celui qui n’est encore que directeur financier du groupe, fait le voyage de New York et se veut plus précis devant les analystes financiers, réunis par Lehman Brothers. Prudent, il reprend alors les mêmes termes: «L’exposition aux risques liés à l’implosion des marchés des subprimes et des produits dérivés est limitée.» Imprudent, il avance des chiffres: «Dans un scénario où le coût d’ensemble des pertes cumulées liées aux prêts hypothécaires s’élèverait à 150 milliards de dollars, les pertes estimées de la SG CIB [la filiale concernée] s’élèveraient à 100 millions de dollars et si la perte cumulée s’élevait à 200 milliards, la perte de la SG CIB serait de 200 millions de dollars.»
Le 19 décembre, Daniel Bouton répète les chiffres dans une interview aux Echos. Un mois plus tard, jour pour jour, le 19 janvier 2008, le Big boss prépare un conseil d’administration difficile pour le lendemain puisqu’il doit y annoncer une provision de 2 milliards d’euros liées aux subprime. En 30 jours exactement, l’évaluation du risque est passé de 200 millions de dollars ou 170 millions d’euros à 2 milliards! (Lire aussi : “Nous accusons la Société Générale de violation des lois fédérales 1/2)
Un autre chiffres laisse entrevoir que les comptes des banques peuvent, parfois, manquer de sincérité ou que la banque n’est pas toujours aussi carrée que son logo rouge et noir. La preuve: les pertes de la Société Générale Asset Management (SGAM) très engagée dans les années 2007, 2008 dans l’aventure américaine, s’élève à 895.860.940 €, selon son Bilan (p. 6) déposés au Tribunal de Commerce de Nanterre. Dans le Document de référence 2009 du groupe (comptes de l’année 2008) le chiffre a bigrement fondu, la perte n’est plus que de 43 millions d’euros. Comment passe-t-on de l’un à l’autre? Une petite calculette suffit. La SGAM estime que la perte de valeur de TCW, une filiale californienne spécialisée dans la gestion d’actifs et notamment l’immobilier américain, doit être affichée. Au 43 millions de pertes, il faut donc ajouter 513 millions d’euros. Même opération avec une autre filiale, la SGAM Banque et pour 321 millions d’euros.
Mais, au moment de consolider ses comptes, de faire l’énorme addition pour établir ses propres comptes, la Société Générale n’est pas tenue de prendre en compte les provisions affichées par ses filiales. Et voilà comment 834 millions de pertes certaines disparaissent en toute légalité.
De deux choses l’une soit les conmptes de la SGAM ne sont pas sincère et se trouvent artificiellement gonflés par des provisions qui permettent de réduire le bénéfice imposable, soit les comptes de la Société Générale ne rendent pas fidèlement compte de la situation financière du groupe.
Mais, tout cela est de l’histoire ancienne et les comptes des banques sont aujourd’hui d’une sincérité totale. Peut-être.
PhDx
A propos des tests de résistance ou stress tests : Pour Charles Wyplosz, les stress sont opaques et pas assez sévères Le Figaro (23.07.10), L’Express (23.07.10), Les Echos (23.07.10), Le Monde (04.07.10), Le Figaro (23.07.10),
Pour rejoindre l’exemple utilisé par l’auteur, la même Société Générale annonçait le 5 mai 2010 que son exposition au risque souverain grec s’établissait à 3 milliards d’euros sur un total de 75 milliards de $ dus aux créanciers français (source : Banque des Règlements Internationaux). Le 24 juillet, en commentaire des résultats des tests de résistance des 4 banques françaises concernées, on apprenait que la SG serait maintenant exposée à hauteur de 4 milliards d’euros! Plus un milliard en 3 mois…