Pour Renault, l’Etat exige un Comité stratégique qui existe déjà!

On devrait toujours se replonger dans les textes. Ils permettent de se rafraîchir les idées. Prenons le cas de Renault. Il y a quinze jours, Christian Estrosi soulevait la question du site de fabrication de la Clio. Il devait être et demeurer en France. L’Etat allait montrer de quel bois il se chauffait et réclamait six sièges au conseil d’administration, quand il n’en compte aujourd’hui que deux. Samedi dernier, Nicolas Sarkozy recevait Carlos Ghosn, le président de Renault pour lui signifier la volonté de l’actionnaire. Depuis, rien ou presque. Pas de sièges supplémentaires et une vague promesse de construire des Clio IV, en 2012, à Flins.  L’Etat a quand même obtenu la création d’un comité stratégique… qui existe déjà.

Bien. En fait tout cela était tout à fait inutile. Un coup d’œil au Rapport annuel 2008 et au Document de référence 2008 de Renault, comme le montre une note du cabinet OFG Recherche, aurait remis les choses à leur place. Renault SA fait partie d’un groupe mondial qui s’appelle Renault-Nissan, baptisé l’Alliance. Cela fait un peu ésotérique, un peu science fiction, mais nous sommes bien dans la réalité du pouvoir. Que dit le Rapport annuel 2008, à la page 13 :  “l’Alliance a créé une société de management stratégique détenue conjointement et à parité par Nissan et Renault dans le dessein d’élaborer une stratégie commun et de gérer l’ensemble des synergies. Cette société de droit néerlandais, Renault-Nissan b.v., abrite le Directoire de l’Alliance. Sous la présidence de Carlos Ghosn, le Directoire de l’Alliance comprend trois directeurs de Renault et trois directeurs de Nissan.” C’est donc l’Alliance via Renaul-Nissan BV qui prend les décisions stratégiques Renault SA et Nissan appliquent, développent mettent en place. Cette instance de direction se réunit au moins dix fois par an et n’a pas de comptes à rendre devant un conseil d’administration. Il n’y en a tout simplement pas.

En signe de victoire des pouvoirs publics, Renault indiquait tout de même à l’AFP :  “qu’il allait mettre en place un comité stratégique au sein du conseil d’administration, auquel participera l’un des administrateurs de l’Etat”. Cette fois c’est le Document de référence 2008 qu’il faut ouvrir à la page 145. De deux choses l’une, soit le Document de référence raconte n’importe quoi, soit le Comité en question existe déjà. Il s’appelle “Comité de stratégie internationale”, il compte six membres. Sa composition est très inéressante puisque y siège déjà un administrateur représentant l’Etat: Catherine Bréchignac. Pour mémoire, Jean-Claude Paye, le préside, Yves Audvard (administrateur représentant les salariés) y assiste au côté de Patrick Biau (administrateur représentant les salariés) , de Jean-Pierre Garnier (administrateur indépendant) et de Georges Stcherbatcheff (administrateur).

Bref, le pouvoir n’est pas à Boulogne-Billancourt, mais au Pays-Bas, il est donc inutile de réclamer des postes d’administrateurs supplémentaires au conseil de Renault SA et le Comité stratégique existe déjà! Quoi d’autre? Selon un porte-parole de Renault, si le Comité de stratégie internationale existe bel et bien, l’entreprise étudit la mise en place d’un Comité de stratégie industrielle. Quant aux entreprises Renault et Nissan, elles disposent d’une autonomie de décisions, même si le board de l’Alliance Renault-Nissan BV qui détermine la stratégie de l’ensemble.

PhDx

Le schéma de l’organisation de l’Alliance Renault-Nissan peut laisser perplexe. En effet, Renault-Nissan BV est détenu par les deux groupes industriels, mais les décisions stratégique sont prises par la holding comme le montre le Document de référence 2008 (p. 32).

2 commentaires pour “Pour Renault, l’Etat exige un Comité stratégique qui existe déjà!”

  1. Bonjour,
    Renault-Nissan bv a été créée en droit néérlandais pour ne pas être o.p.able: un concurrent hostile souhaitant racheter les actions de Nissan ou Renault n’achéterait que les murs et les contrats de travail, mais pas sa stratégie: il serait donc obligé d’éxécuter les directives du conseil stratégique de R-N bv => donc personne n’est tenté par ce genre d’achat……

    Excellente analyse par ailleurs sur la gesticulation gouvernementale visant à faire croire qu’ils ont découvert dans la presse ce qui fuitait depuis des mois et devait être depuis longtemps évoqué devant les administrateurs de l’Etat en conseil d’administration…….

  2. Merci. Quand un industriel loge sa holding aux Pays-Bas, il y a aussi, me semble-t-il, des raisons qui tiennent à la confidentialité, à la discrétion…

« »