Von Dutch peut-être pas Nazi, mais sûrement un gros gros bourrin

Les interviews de Frédéric Beigbeder dans GQ peuvent être édifiantes (Michel Rocard), délicieuses et drôles (Jean d’Ormesson). Celle de Christian Audigier, dans le dernier numéro, est pleine de vide. Un vide d’une grande densité. L’homme se montre d’un naturel, ou d’un cynisme, c’est selon, déconcertant.

Question de GQ : “C’est qui ce Von Dutch ? C’est un Hollandais ?”
Réponse : “Non, pas du tout, c’est un nom germain, à la « ein, zwei, drei. » Et c’était un mec qui était actuellement raciste, tu vois, et qui avait des antécédents antisémites, que j’ai découvert sur le tard, très tard. Mais Von Dutch, je savais qu’il était le pape de la « custom culture. » Dans les années 50’s, c’est lui qui ravivait ses voitures. Il faisait le « pinstripe », c’est un exercice que tu fais d’une seule main et d’un seul trait. Et donc il faisait des fioritures sur les voitures. Il était le créateur de ça. Je parlais de lui et rien de plus facile que de connaître un mec pour parler de lui après et vendre des fringues avec un nom dessus. Donc je l’ai monté, encensé, en en faisant le pape de la « custom culture » alors qu’il y en a cent des mecs.”

Von Dutch, de son vrai nom Kenneth Greame Howard, également surnommé J. L. Bach, né le 7 septembre 1929, était maître de la “kustom culture” à Los Angeles, au tournant de années 50-60. Il inventait, avec d’autres, une customisation flamboyante de tout ce qui roule, camions, pick-up, voitures et motos. Avec des anges, des pin-up, ou des diables, des paillettes, du fluo, du rouge pétard, du jaune éclatant et des traits ultra-fins (pinstripe), il vous transformait un tracteur en carrosse intergalctique. Aucun historien sérieux ne s’est penché sur ce personnage dont on dira qu’il était un néo-nazi, anti-sémite et raciste. Il portait des T-shirt avec une croix gammée enflammée et trois jours avant sa mort, le 19 septembre 1992, il aurait rédigé une lettre signée: “Heil Hitler”.

En 2005, alors qu’une campagne de boycottage de la marque relancée par Christian Audigier prend forme, des copains de Von Dutch le défendent. Un pote, un certain Bob Burns assure qu’il n’était pas pro-nazi qu’il se foutait de savoir ce que l’on disait de lui préférant laisser dire. Et, insiste Von Dutch lui aurait confié qu’il était “un peu Juif”. Bref, ce type avait tout d’un gros gros bourrin pas vraiment sympathique. Cela conduit forcément à changer le regard que l’on porte sur les T-Shirt et les casquettes qui portent son nom.

Peut-être pour éviter de nouveaux déboires, Christian Audigier a trouvé la parade. Il réinvente le T-shirt uni sans rien, mais très cher. “J’ai un scoop pour toi, dit-il à Frédéric Beigbeder, je monte une marque complètement différente. Ça s’appelle « The Same Guy », le même mec. Pour que les gens disent « C’est qui ce tee shirt ? C’est The Same Guy, c’est le même mec, donc c’est lui, c’est moi. » Sans parler trop de moi, sans me mettre trop au devant, et c’est une marque de tee shirts unis. Comme American Apparel le fait, mais bien sûr, beaucoup mieux, avec une idée de marketing que tu verras éclore. Mais je monte une marque de tee-shirts unis sans rien dessus.” C’est plus prudent.

PhDx

PS : L’auteur est marié à Anne Boulay, rédactrice en chef de GQ.


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